L\'enseignement de l\'acoustique

October 30, 2017 | Author: Anonymous | Category: N/A
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Alan D. Wallis point de méthodes acoustiques d'étude des propriétés des sols. secrets dans ......

Description

Le son et le bruit Phénomènes acoustiques et dangers pour l'ouïe 87 Présentation Keith Attenborough 93 Enregistrement et reproduction des sons Maurice Jessel 113 Curiosités musicales des temples de l'Inde d u Sud

H. V. Modak 123 Problèmes acoustiques des salles polyvalentes Tamas Tarnóczy 139 L'enseignement de l'acoustique G. L. Fuchs 155 L e son dans l'océan, l'atmosphère et les parties solides de la Terre : théorie et applications Guan Dinghua 167 L'écho-acoustique ou l'exploration par le son A. J. Berkhout 175 Quelques applications industrielles de l'acoustique Ignacy Malecki 185 Les lasers en acoustique Leonid M . Lyamshev 197 L e bruit, une nuisance dont on sous-estime le danger Akhtar Mahmud Faruqui 209 Bruit et baisses d'audition : quelle est la limite tolerable ? Karl D. Kryter 219 L e bruit des activités de loisir Alan D. Wallis 231 Coopération internationale en matière d'acoustique Fritz Ingerslev 241 Tribune des lecteurs

© Unesco 1985 ISSN 0304-2944 I S S F A F 35 (2/3) 85-244 (1985)

Avis aux lecteurs impact : science et société est publié régulièrement par l'Unesco non seulement en anglais et en français, mais également en chinois, en russe et en coréen. Pour obtenir des informations concernant ces trois dernières éditions, prière de s'adresser à : Chinois. T h e Association for the Journal of Dialectics of Nature, c/o Academia Sínica, 20th Building, Friendship Hotel, Box 300, Beijing (République populaire de Chine). Russe. T h e U S S R State Committee for Publishing, c/o T h e U S S R National Commission for Unesco, 9 Prospekt Kalinina, Moskva G - 1 9 ( U R S S ) : Coréen. Commission nationale de la République de Corée, P . O . Box Central 84, Séoul (République de Corée). Les auteurs sont responsables du choix et de la présentation des faitsfigurantdans leurs articles ainsi que des opinions qui y sont exprimées, lesquelles ne sont pas nécessairement celles de VUnesco et n'engagent pas l'Organisation. Les références supplémentaires de la rubrique intitulée • Pour approfondir le sujet », qui apparaît à la fin de certains articles, sont normalement choisies par la rédaction de la revue. Les textes publiés peuvent être librement reproduits et traduits (sauf lorsque le droit de reproduction o u de traduction est réservé) à condition qu'il soit fait mention d e l'auteur et d e la source.

Presentation L'editorial qui suit a été rédigé par Keith Attenborough, qui est anglo-indien et travaille au Royaume-Uni à l'Université libre, où il est maître de conférences en mécanique appliquée. Physicien deformation, Attenborough est membre de VInstitute of Acoustics (Royaume-Uni) ; il a donné des cours et mené des recherches dans le domaine de l'acoustique et de la lutte contre le bruit dans plusieurs universités et instituts de recherche d'Europe, des États-Unis et de l'Inde. Actuellement, il étudie certains aspects de la propagation du son en plein air et de la pénétration du son dans les sols. Ces derniers travaux comportent la mise au point de méthodes acoustiques d'étude des propriétés des sols. Co-auteur de Noise assessment and control, édité chez Longmans, c'est un musicien amateur passionné. Son adresse est la suivante : Faculty of Technology, The Open University, Milton Keynes, MKj 6AA (Royaume-Uni).

O n peut considérer que l'ouïe est le plus important de nos sens. N'est-ce pas grâce à nos oreilles que nous percevons des avertissements sonores c o m m e la sonnerie d'un réveil m ê m e lorsque notre sens de la vue est au repos et que nous avons les yeux fermés ? N o u s ne pouvons fermer nos oreilles. N o u s vivons dans u n m o n d e de bruits extraordinairement variés en intensité et en nature, qui vont d u grondement d u volcan en éruption au frémissement des feuilles dans la plus légère brise, d u fracas des vagues déferlant sur le rivage par gros temps à la susuration des moustiques. A cette panoplie de sons naturels, qui ont été u n e source de fascination et u n sujet d'étude pour l ' h o m m e au cours des siècles, le développement de la mécanisation et de l'industrialisation ajoute une pléthore de bruits artificiels. D e s mesures effectuées entre 1972 et 1980 par les étudiants d u cours de technologie de base de l'Université libre ont montré que, partout au R o y a u m e - U n i , le niveau d u bruit de fond s'élève régulièrement et inexorablement d'année en année. Par sa contribution au présent n u m é r o spécial, Akhtar M a h m u d Faruqui illustre l'universalité de cette tendance, liée au développement industriel. Les loisirs aussi deviennent de plus en plus bruyants ; cette autre tendance est examinée par Dudley Wallis, qui a conçu de n o m b r e u x

systèmes de mesure, de surveillance et de contrôle des niveaux de bruit. Karl Kryter décrit la nature d u danger que présente une exposition croissante au bruit dans la vie quotidienne et sur le lieu de travail et il formule également d'importantes observations sur les limites auxquelles cette exposition au bruit devrait être soumise. U n e prise de conscience accrue des effets de l'exposition au bruit a incité de nombreux pays à agir, isolément ou de concert, au niveau de la législation et à entreprendre des recherches dans les domaines de l'acoustique et de la lutte contre le bruit. Fritz Ingerslev rend compte d'un certain nombre de ces actions et de ces recherches ainsi que de la création connexe d'organismes professionnels, lui-même ayant joué u n grand rôle dans la fondation et dans le développement de l'Institut international de la technologie d u contrôle du bruit. L'étude de l'acuité auditive et de sa relation avec les mécanismes de l'oreille ainsi que des aspects psycho-physiologiques de l'audition constitue u n préalable à celle de la gêne et des perturbations causées par le bruit et des risques de d o m m a g e auditif. Beaucoup de musiciens de talent ont, dit-on, l'oreille absolue. Avoir de l'oreille, c'est être capable de reconnaître la caractéristique des sons qu'on appelle la fréquence. L a fréquence d'un son est liée à la rapidité des vibrations de la source qui le produit et se mesure en hertz. Celui qui a l'oreille absolue est capable d'identifier et/ou de reproduire les fréquences tonales avec une précision remarquable. M ê m e les gens qui ne sont pas du tout musiciens discernent des différences de fréquence très faibles. L a plus petite variation de fréquence qui permette de distinguer deux sons par leur hauteur est d'environ 0,3 % dans le cas des sons relativement aigus (1 000 à 5 000 hertz). Pour les basses fréquences, la discrimination n'est pas aussi précise : à 100 hertz, par exemple, elle n'est que de 3 %. La g a m m e des fréquences audibles va normalement de 16 hertz à 15 000 hertz chez le jeune adulte. Les enfants perçoivent des fréquences atteignant 20 000 hertz o u davantage, tandis que beaucoup de personnes âgées, surtout si elles ont été exposées au bruit pendant toute leur vie professionnelle, ne perçoivent pas les vibrations sonores dont la fréquence dépasse 3 000 hertz. L'aptitude à percevoir les fréquences élevées à l'intérieur d'un m ê m e groupe d'âge varie considérablement d'un individu à l'autre, mais diminue en général avec l'âge. A tous les âges de la vie, la sensibilité auditive est variable selon la fréquence sonore. U n son nous paraît aussi plus o u moins fort selon sa fréquence. Des sons purs d'égale intensité mais de hauteur différente ne sont pas perçus c o m m e également forts. Ces différences de sonorie dépendent non seulement de la fréquence mais aussi de l'intensité du son à l'émission. Elles sont beaucoup moins sensibles pour les intensités élevées que pour les faibles intensités. L'aptitude à percevoir de faibles différences de sonorie joue u n rôle important dans la communication. L'intonation et l'accentuation sont des éléments essentiels de la langue parlée et de la musique. Elles sont

en grande partie liées à des variations de sonorie. L a détection de ces nuances devient plus difficile lorsque l'environnement est bruyant, par exemple dans une réunion nombreuse où tout le m o n d e parle à la fois, du type « cocktail ». M ê m e u n niveau de bruit très bas peut avoir cet effet, appelé effet de masque. Néanmoins, chacun sait par expérience que des sons assez faibles sont facilement audibles, m ê m e en présence de sons forts, si les fréquences de ces différents sons sont distinctes. La voix d'un unique soliste se détache nettement sur le fond des voix plus graves d'une chorale de cent personnes chantant avec lui, de m ê m e que le sifflet de l'arbitre est perceptible par-dessus le bruit des acclamations de milliers de spectateurs au cours d'un match de football. Lorsque l'intervalle qui sépare les fréquences de deux sons atteint u n octave ou davantage, le bruit de fond est sans effet sur notre aptitude à distinguer les variations de la force ou d'autres caractéristiques de ces sons. Autrement dit, nous possédons la remarquable faculté d'opérer une sélection entre les fréquences. Il est en fait démontré que l'information correspondant à chaque bande étroite de fréquences sonores est acheminée séparément jusqu'au cerveau. N o u s s o m m e s capables de déterminer à l'oreille de quelle direction vient u n son dont nous ne voyons pas la source en traitant l'information qui nous parvient sur les hautes fréquences. Cela tient, en partie sinon entièrement, à ce que la tête fait écran entre la source sonore et l'oreille qui en est la plus éloignée, de sorte que les différences qui en résultent entre les sons reçus par les deux oreilles donnent une indication sur la direction du son. C o m m e pour beaucoup d'animaux, cette aptitude à localiser les sources sonores est capitale pour notre survie, et il est significatif que beaucoup de sons naturels, vocaux ou autres, contiennent des composants de haute fréquence pouvant donner des indications auditives sur la direction de leur source. Après avoir étudié l'audition d u point de vue psychologique, il nous faut aussi examiner les éléments et le fonctionnement de l'appareil auditif, c'est-à-dire la physiologie de l'audition. O n peut le faire simplement en distinguant les trois parties de l'oreille. L a partie visible, ou oreille externe, sert à modifier les sons entrants, fonction qui explique en partie d u moins, que la sensibilité auditive soit plus grande aux fréquences importantes pour la perception de la parole. Cette fonction permet à l'oreille externe de fournir des informations importantes. Les fréquences correspondant à la sensibilité maximale augmentent, selon les espèces, lorsque la taille des oreilles diminue. L a relation générale existant entre les fréquences de sensibilité auditive maximale des différentes espèces animales, leurs modes de communication auditive et les caractéristiques de propagation sonore de leurs habitats est une question qui présente u n grand intérêt actuel en écologie. Après l'oreille externe, le son qui pénètre dans l'oreille rencontre le tympan et u n système de transmission mécanique par lequel les vibrations d u tympan se communiquent aux liquides de l'oreille interne. C e système de l'oreille moyenne amplifie le son recueilli à la surface

du tympan et le concentre sur une surface beaucoup plus petite à l'autre extrémité de la chaîne de transmission. L'exposition à des sons extrêmement intenses, c o m m e le bruit d'une explosion, e n d o m m a g e le mécanisme de l'oreille moyenne, en provoquant par exemple la rupture d u tympan, et peut être à l'origine d'une grave baisse de l'ouïe. Plusieurs techniques chirurgicales, notamment la pose de prothèses, permettent de remédier à de telles lésions. O n ne peut pas faire grand-chose, en revanche, pour réparer les détériorations subies par les éléments les plus sensibles de l'oreille interne. L'oreille interne n'a pas seulement pour fonction la réception des ondes sonores, elle contient aussi les organes de l'équilibration et d u sens de l'accélération. Ces organes sont logés à l'intérieur d'un système de cavités crâniennes remplies de liquide qui correspondent entre elles. C h e z l ' h o m m e et les autres primates, ce labyrinthe est enfoui profondément dans l'os et il est impossible de distinguer quoi que ce soit de sa forme en inspectant les surfaces internes ou externes d u crâne. L'organe m ê m e de l'audition est contenu à l'intérieur d'un petit conduit enroulé en spirale appelé cochlée ou limaçon. Chez l ' h o m m e , le volume total de cette structure est inférieur à u n demi-centimètre cube. Les récepteurs de l'organe de l'audition sont des cellules ciliées. Les fibres nerveuses qui partent de ces cellules sont reliées en permanence, par le nerf cochléaire et d'autres relais, aux aires auditives du cerveau. O n sait qu'une exposition prolongée à u n bruit intense produit des d o m m a g e s localisés à l'intérieur d u système de cellules ciliées. Il en résulte u n vide tonal : l'audition est normale excepté pour une bande de fréquences se situant généralement autour de 4 k H z . Cette baisse d'audition provoquée par le bruit est définitive. U n e exposition de courte durée à des niveaux de bruit élevés peut entraîner une baisse d'audition temporaire. L e fonctionnement d u mécanisme de l'audition demeure en grande partie mal connu. Par exemple, personne n'a encore observé la façon dont les cellules ciliées répondent naturellement aux ondes sonores. O n ne sait pas avec précision quel est le principe à l'œuvre dans l'appréciation de la hauteur des sons, encore qu'il y ait lieu de penser que des fréquences différentes excitent des zones différentes des cellules ciliées. O n sait que des régions particulières d u cerveau traitent l'information transmise depuis l'oreille, mais on est loin de comprendre exactement c o m m e n t cela se passe. C'est pourquoi l'étude de l'audition est une branche de la physiologie et de la psychologie d'un intérêt aussi actuel. Il ne fait aucun doute que l'aptitude à apprécier la hauteur des sons est le principal agrément associé au sens de l'audition. C'est en effet cette faculté qui nous permet de goûter la musique. Celle-ci a joué u n rôle important dans les civilisations au cours des âges. Les techniques utilisées pour faire de la musique et pour construire des lieux propices à son écoute figurent parmi les plus anciennes d u m o n d e . L'article que H . V . M o d a k consacre dans le présent numéro à l'étude des colonnes et escaliers musicaux de l'Inde ancienne illustre à la fois

l'ancienneté de ces techniques et l'ingéniosité dont l ' h o m m e a constamment témoigné dans ce domaine. Cette ingéniosité nous est présentée dans u n contexte moderne avec les articles de T a m a s Tarnóczy et de Maurice Jessel sur l'enregistrement et la reproduction des sons. Si nous entendons les sons qui se propagent dans l'air, le son se propage aussi dans n'importe quel gaz liquide ou solide. Souvent il pénètre là où la lumière ne peut entrer. C'est pourquoi on utilise largement la transmission sonore par l'eau et par les solides dans les sciences de la Terre, tant pour l'exploration des zones sous-marines proches du fond des océans qu'en sismologie. Les articles de G u a n Dinghua et A . J. Berkhout passent en revue ces utilisations des ultrasons en médecine et dans les essais non destructifs de matériaux. L a médecine fait de plus en plus appel aux ultrasons échographiques pour l'examen d u fœtus et pour l'étude du fonctionnement d u cœur, tandis que la chirurgie ophtalmique utilise des faisceaux de vibrations ultrasonores de haute intensité. C o m m e le fait observer Ignacy Maleéki dans l'article qui suit, l'exploration non destructive des matériaux n'est qu'une des nombreuses applications industrielles de l'acoustique. Bien que, de nos jours, la plupart des physiciens et des départements de physique aient pris l'habitude de considérer l'acoustique c o m m e le domaine des ingénieurs et des départements de technologie, la science de l'acoustique joue u n rôle important dans la physique moderne, ainsi qu'en témoignent tout particulièrement le microscope acoustique et le microscope acoustique à balayage. Leonid M . Lyamshev, eminent scientifique soviétique, décrit à cet égard l'exemple de l'effet photo-acoustique, dont la découverte a été associée à la fois au développement de la microscopie acoustique et aux formidables progrès accomplis dans la physique d u laser. L a multiplicité des domaines dans lesquels le son peut être étudié et utilisé signifie que l'enseignement de l'acoustique à l'école et à l'université acquiert de plus en plus d'importance. G . L . Fuchs développe cette idée dans son article. Bien souvent, l'acoustique est absente des programmes de physique ou de sciences de l'ingénieur conduisant à un grade universitaire, de sorte que les employeurs d'industries de haute technologie sont obligés de donner au personnel qu'ils recrutent, déjà diplômé ou expérimenté, une formation de base en acoustique sous forme de recyclage professionnel. Il faut espérer que les pays industriels c o m m e les pays en développement prendront conscience de la nécessité d'inclure l'étude d u son dans leurs formations scientifiques et technologiques — une nécessité que démontre en partie le présent numéro — et qu'éducateurs et employeurs réagiront par u n effort systématique dans ce sens. •

Keith ATTENBOROUGH

La médaille Dirac Le Centre international de physique théorique, dont le siège est à Trieste, annonce que, pour honorer l'un des plus grands physiciens de ce siècle et l'un des plusfidèlesamis du centre,

U n e médaille d'or Paul-Adrien-Maurice-Dirac

sera décernée chaque année à l'auteur de la contribution la plus importante en matière de physique théorique; le n o m du lauréat sera annoncé le 8 août, date anniversaire de la naissance du professeur Dirac.

Le comité de sélection pour 1985 se compose de : Stig Lundqvist, Université de Göteborg Robert Marshak, Virginia Polytechnic Abdus Salam, CIPT, Trieste Julian Schwinger, Université de Californie, Los Angeles Leon V a n Hove, C E R N , Genève Steven Weinberg, Université du Texas, Austin N . B . Le 11 novembre 1985, le centre commémorera la vie et l'œuvre d'un autre prix Nobel de physique, Alfred Kastler (1902-1984), qui a présidé le Conseil scientifique du C I P T de 1970 à 1982.

En 1877 l'un des plus vieux rêves de l'humanité devenait réalité : Thomas Edison et son mécanicien John Kruesli expérimentaient le premier phonographe, instrument qui assurait à la fois l'enregistrement, la conservation et la reproduction de la voix humaine. Depuis cette date, de nouvelles inventions et d'innombrables perfectionnements sont encore intervenus. On sait maintenant capter, conserver et reproduire les sons complexes des musiques les plus raffinées et des paysages sonores les plus variés. L'impact social (culturel, économique et même politique) de toutes ces techniques est fort imposant.

Enregistrement et reproduction des sons Maurice Jessel

L'auteur est maître de recherche au Laboratoire de mécanique et d'acoustique du Centre national de la recherche scientifique. A la suite de travaux originaux en matière de propagation des ondes, il a relancé un projet ancien d'absorption du bruit par « ondes compensatrices » et il a également proposé une théorie de Vholophonie. Il étudie actuellement les implications très générales que les notions d'holophonie et d'absorption active peuvent entraîner en cybernétique et en systémique. M . Jessel est l'auteur de nombreux articles et communications, ainsi que d'un ouvrage d'acoustique théorique. Il est Fellow de I'Acoustical Society of America. Son adresse est : C N R S - L M A , boîte postale 71,1327J Marseille Cedex 9 (France).

1> S, y § 5

Est-il raisonnable de penser que la phonographie (entendez par ce terme la science et la technique de l'enregistrement, de la conservation et de la reproduction de tous messages audibles) a dit son dernier mot et qu'il n'y a rien de plus à en attendre ? Je ne le crois pas et je m e propose m ê m e de montrer dans ce qui suit qu'on peut prévoir pour elle u n avenir digne de son passé et de son présent. Le phénomàne sonore et sa subtilité

Cherchons à cerner dans les grandes lignes le phénomène à domestiquer. C o m m e n çons par en définir les grandeurs essentielles et chiffrons-les sommairement. Les grandeurs Il était bien connu depuis longtemps que le son est une agitation vibratoire de l'air. O n peut caractériser cette vibration par u n vecteur décrivant l'excursion d'une infime particule d'air autour de la position qu'elle aurait gardée en l'absence du phénomène sonore considéré, c'est-à-dire dans le silence. Souvent, au lieu du vecteur déplacement, on préfère utiliser sa dérivée temporelle, c'est-à-dire, concrètement, sa variation pendant un laps de temps très court etfixe,par exemple une microseconde ou moins*. O n appelle ce vecteur « vitesse particulaire », à ne pas confondre avec la vitesse ou la célérité d u son : la première ne dépasse que rarement le centimètre par seconde et dépend essentiellement de l'intensité du phénomène sonore tandis que la seconde est presque une constante et que son ordre de grandeur est 330-350 m/sec ou, si l'on veut, 1 k m en 3 secondes. L'agitation de l'air se traduit aussi par unefluctuationde la pression atmosphérique autour de sa valeur de référence pendant u n instant de silence. Cette fluctuation est n o m m é e « pression acoustique ». C o m m e la vitesse particulaire, c'est une grandeur qui varie non seulement en fonction d u temps mais aussi en fonction du point d'observation, fournissant ainsi u n exemple de ce qu'on peut appeler u n « c h a m p physique ». L e « c h a m p géométrique », c'est simplement

* Rappelons que le préfixe « micro » divise par 1 million l'unité qu'il précède, le préfixe « nano » par 1 000 millions et le préfixe « pico » par 1 million de millions.

Dates importantes pour l'évolution de la phonographie Date

Inventeur

Catégorie

1857 1876 1877 1877

E . Scott de Martinville Alexander Graham Bell E. Wermer Charles Cros (lettre cachetée)

P1 G G P

1877 1878 1881 1886 1887

Thomas A . Edison (brevet) C . Cros (brevet) T . A . Edison A . Graham Bell Emil Berliner

P P P P P

Sujet « Phonautographe » Microphone, téléphone Ancêtre d u haut-parleur Paléophone (type de phonographe) Phonographe à feuilles d'étain Phonogramme Phonographe à cylindre de cire Graphophone G r a m o p h o n e à disques

Catégorie

Date

Inventeur

1888 1893 1894

Oberlin Smith Deutsche G r a m m o p h o n Gesellschaft Dussaud

P

1898 1898 1906 1913

O . Lodge Valdemar Poulsen Lee DeForest E . A . Lauste

G M G F

1923 1924 1926

Schottky & Gerbach C . W . Rice, E . W . Kellogg P. M . Rainer

G G G

1926 1928

Victor Talking Machine C o . K . Stille

P M

1928

Pedersen & Poulsen

F

1930-35

AEG

M

1933 1939

E M I (Blumlein) Walt Disney Productions, Inc.

P F

1943

AEG

M

1944

Decca, Ltd.

P

1947 1948

C B S (Goldenmark) J. Bardeen, W . Shockley, W . Brattain

P G

S. Klein

M P

1952 1963 1967

Philips, Grundig R . Dolby

G M G

1976

T . G . Stockham

P

1979/80 1979/80 1979/80

Philips, Sony A E G , Telefunken

P P P

1979/80

Digital Recording Corp.

1982 1983

Henri Bondar Tsang, Olsson & Logan

1984

Ifukube, Asakura & Kawashima

JVC

G G

Sujet Idée d u magnétophone Duplication des disques par pressage Microphonographe électrique, ancêtre d u walkman (le baladeur) Haut-parleur Télégraphone (àfilmagnétique) L a m p e à trois électrodes (triode) Enregistrement photographique du son Haut-parleur à ruban Amplificateur Radiola 104 Modulation par impulsion codée ( M I C ou P C M ) Gravure électrique Magnétophone à ruban métallique Film à piste sonore photographique Magnétophone à ruban plastique à oxyde de fer Disque stéréophonique Stéréophonie au cinéma Magnétophone K - 7 à ruban vinylique Full-frequency range recording (FFRR) Disque microsillon Effet transistor des semiconducteurs Haut-parleur à plasma chaud Magnétophones à cassettes Réduction de bruit de fond des phonogrammes Repiquage des enregistrements anciens Compact Disc Minidisc Disque A H D {audio high density) Audiophile carte format2 (enregistrement d u son sur fiches) Haut-parleur à plasma froid Laser C 3 {cleaved coupled cavity) Repiquage laser de p h o n o g r a m m e s anciens

1. P = phonographie mécanique ou électromécanique ; G = sujet général ; M = magnétophonie ; F = filmophonie. 2. Enregistrement et lecture numériques sur cartes rectangulaires.

!» £ g §

l'étendue d'espace où le p h é n o m è n e physique considéré exerce son action. D'autre parts en multipliant la vitesse particulaire par la pression acoustique, on obtient l'intensité acoustique, qui représente le flux de l'énergie transportée par l'onde acoustique considérée et qui se mesure en watts par mètre carré.

es

Les ordres de grandeur Partons d'un niveau sonore assurant u n o p t i m u m de confort : 60 décibels. A ce niveau, l'intensité acoustique vaut déjà u n million de fois sa valeur au seuil d'audition, qui correspond, par définition, au niveau zéro de l'échelle des décibels (voir encadré). O r , à 60 d B , l'intensité acoustique n'est que d'un microwatt par m 2 , ce qui est vraiment peu. A u seuil de perception (o d B ) elle serait donc d'un picowatt par m a , valeur dont il est difficile de se faire une idée, tant elle approche de l'infiniment petit. Quant à la pression acoustique, toujours à o d B , elle est de 20 micropascals. L e pascal, unité de pression d u système international, ne vaut lui-même que la cent millième partie de la pression atmosphérique (ancienne unité, le « bar » ou « atmosphère »). Lorsque, pour sa première expérimentation du tin foil phonograph, Edison cria dans le cornet acoustique la fameuse ritour-

Qu'est-ce qu'un décibel ? L e décibel (dB) est le premier sous-multiple d u bel. L e bel n'est pas une unité mais le logarithme d u rapport de deux grandeurs, dont l'une sert de référence. E n acoustique il s'agit d'un rapport d'intensités, la référence étant le seuil de perception des sensations auditives. Soixante décibels (ou 6 bels) signifient que le rapport est de 1 million, puisque le logarithme décimal de 1 000 000 est 6. Règle pratique : ajouter 10 d B revient à multiplier par 10 l'intensité acoustique.

nelle « M a r y had a little lamb, its fleece was white as snow », il pouvait dépasser sans doute les 90 d B en produisant une pression acoustique de l'ordre d u pascal, grandeur dont o n peut très facilement se faire une idée : il suffit de découper u n carré de papier ordinaire d ' u n centimètre de côté et de le placer dans le creux de sa main. L e poids de ce morceau de papier est d'environ u n centigramme et il exerce sur la peau une pression d'environ u n pascal. Par ces ordres de grandeur, o n peut avoir une idée de la difficulté à laquelle s'étaient trouvés confrontés les pionniers qui se sont proposés de capter les sons aériens et de les graver directement dans u n support solide. Histoire de la phonographie

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L'histoire des sciences et des techniques est pleine d'enseignements. Ceux-ci seront d'autant plus importants que les sociétés humaines changent de plus en plus vite et d'une manière qui revêt maintenant u n caractère global. L a phonographie, par la variété et l'extension de ses applications, a été u n facteur non négligeable de cette évolution. A u x curieux de détails, il faut recommander des ouvrages spécialisés, c o m m e La passionnante histoire du phonographe, par Horace H u r m (1943), ou les Mémoires de l'ombre et du son, de Jacques Perriault (1981), ou encore la notice consacrée

au phonographe par Louis Figuier dans le deuxième volume du supplément à ses Merveilles de la science, publié vers 1892. N o u s ne les suivrons pas. Mais un survol rapide nous aidera à comprendre le stade actuel de la technique et à imaginer une évolution possible. (L'essentiel de la chronologie est résumé sous la rubrique « Pour approfondir le sujet », à la fin de cet article.) La préhistoire : avant 1877 L a première façon d'enregistrer, de conserver et de restituer la parole a été l'écriture, par l'artifice de pictogrammes, d'idéogrammes, de caractères syllabiques puis d'alphabets. D e s notations spéciales furent aussi inventées pour la musique. Pour les sons autres que la parole et la musique il fallut se contenter d'onomatopées. Mais le caractère arbitraire de tous ces systèmes fut reconnu très tôt. D'autres précurseurs de la phonographie furent les automates musicaux, les boîtes à musique, les serinettes ou les machines imitant la voix humaine, tous appareils visant à la reproduction des sons, mais pas à leur enregistrement. Pour l'enregistrement, on parle dès 1827 d'un « piano phonographe », puis, en 1863, d'un « phonographe électromagnétique », appareils asservis à des instruments à clavier afin de garder trace de la musique jouée sur eux. D'autre part on rêvait de sténographie phonétique naturelle et l'on pensait en trouver les secrets dans l'enregistrement graphique de la voix humaine. Pour ce faire, E . Scott de Martinville (1802-1879) inventa son « phonautographe » en prenant modèle sur l'oreille humaine. U n pavillon pyramidal fermé par une m e m b r a n e de parchemin simule le conduit auditif et le tympan ; un système de leviers imite la chaîne des osselets et met en mouvement u n stylet dont la pointe inscrit sa trajectoire sur u n cylindre portant une feuille de papier enduite de noir de fumée. Il suffira de rendre réversible le phonautographe de Scott de Martinville pour inventer le paléophone et le phonographe. L'idée m ê m e en était ouvertement discutée depuis une vingtaine d'années. « A quand le daguerréotype du son ? » demandait vers i860 le photographe Nadar, en précisant qu'il entendait par là, non seulement la capture, mais aussi la réémission des sons. L a photographie, la galvanoplastie et le télégraphe ( n o m m é par les Indiens d'Amérique « le fil qui chante ») remontent tous trois à 1840 ou avant. Ils forment le contexte historico-technologique où germera le phonographe. Ajoutons-y le téléphone, qui date de 1876.

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Les temps héroïques : 1877-1935 Cette période recouvre les inventions essentielles et leurs indispensables mises au point ; elle commence par le premier phonographe et se termine par la mise en pratique d u magnétophone. L e phonographe date effectivement de 1877, qu'il s'agisse de sa conception véritablement prophétique (sous l'appellation de « paléophone ») par Charles Cros (1842-1888) ou de sa réalisation pour ainsi dire « minimale » par T h o m a s Alva Edison (1847-1931) aidé de John Kruesli. Pourquoi Charles Cros n'a-t-il pas trouvé les appuis et les fonds nécessaires à la fabrication d'un prototype de son paléophone ? Cette question reste ouverte et comporte sans doute plusieurs réponses complémentaires. D ' u n e part il semble bien établi que l'inventeur français trouva son chemin barré par u n adversaire inattendu et fatal : u n certain Théodose D u Moncel (1821-1884), académicien, à qui d'autres inventions antérieures de Charles Cros avaient probablement porté ombrage. D e telles

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animosités sont choses classiques à toutes les époques. Mais d'autre part la construction d u paléophone eût sans doute coûté dans l'immédiat beaucoup plus cher que celle d u projet américain. Or souvent, c o m m e on le sait, le mieux est l'ennemi du bien. Quoi qu'il en soit, le phonographe d'Edison parla dès décembre 1877 mais dut ensuite subir de profondes modifications avant de fournir des performances acceptables (vers 1889/90). A ce m o m e n t , précisément, Edison fut rejoint par Emil Berliner (1851-1921), qui démontra la supériorité du disque sur le cyclindre et fonda la Deutsche G r a m m o p h o n Gesellschaft, n o m encore illustre de nos jours parmi les discophiles. O r Berliner ne faisait en s o m m e qui suivre la voie préconisée par Léon Scott et Charles Cros. Et, de fait, le cyclindre se trouva éliminé vers 1910 au profit du disque. E n m ê m e temps il avait fallu renoncer à la réversibilité, qui permettait d'utiliser certains phonographes à cylindres de cire c o m m e dictaphones. Mais déjà tout à la fin du xrxe siècle (1898-1900) s'annonçait u n important concurrent du phonographe, le magnétophone, inventé et expérimenté par le Danois Valdemar Poulsen (1869-1942) sous le n o m de « télégraphone ». L e m ê m e Poulsen fut aussi un peu plus tard u n des promoteurs de l'enregistrement optique des sons en bordure des films, ouvrant ainsi la voie au cinéma parlant (1925). L'enregistrement magnétique resta longtemps en réserve, jusqu'à ce que le fil ou le ruban d'acier soit enfin remplacé par des pâtes ferromagnétiques incorporées à des rubans de matière plastique. Ces nouveaux supports permirent des vitesses de défilement plus lentes, donnant ainsi, à partir de 1935, son essor au magnétophone moderne. L'apogée de la monophonie : 1935-19SS Après la période des tâtonnements et des inventions fondamentales vient une période d'exploitation des résultats acquis. Mais, à cause de l'accélération d u progrès, cette période devient fort brève : face à la compétition internationale, à la concurrence industrielle et à l'ingéniosité des inventeurs, les rentes de situations deviennent éphémères. (La « rente de situation » est la situation acquise grâce à une certaine innovation mais se prolongeant ensuite sans apport d'innovations nouvelles.) E n 1935, avec le pick-up électrique suivi de circuits amplificateurs et de hautparleurs électromagnétiques ou électrodynamiques, la reproduction sonore avait atteint u n certain palier d'achèvement qui rendit l'électrophone populaire. Les ventes de disques et d'appareils augmentaient de 50 % ou plus chaque année. Cependant le disque 78 tours (par minute) avait deux défauts importants qu'on acceptait aux temps héroïques du phonographe mécanique à diaphragme mais qui devenaient inadmissibles quand l'écoute se fit plus exigeante : sa fragilité et la brièveté de son fonctionnement (3 ou 4 minutes par face). Aussi a-t-on cherché à mettre plus de sillons (ou plutôt u n sillon plus serré, puisque pour les puristes il n'y a qu'un sillon !) sur u n disque moins fragile et à ralentir son mouvement pour obtenir des disques de longue durée. Ces recherches aboutirent durant la décennie 1945-1955, ce quifitdisparaître le disque 78 tours au profit du microsillon 33 tours au diamètre de 25 à 30 c m et du disque 45 tours au diamètre de 17 c m . Vers 1955 la substitution était chose faite. La phonographie stéréophonique : depuis 1955 Dès 1933 on s'était aperçu qu'on pouvait inscrire sur u n sillon deux informations au lieu d'une, tout simplement en combinant la gravure en profondeur

(celle du système Edison, obsolète depuis 1905) avec la gravure latérale. E n sculptant différemment les deux côtés d'un sillon en V , on pouvait alimenter séparément deux haut-parleurs et ainsi envoyer sur l'oreille gauche et sur l'oreille droite deux messages différents donnant une sensation nouvelle : celle de la stéréophonie. A partir de 1958, la transition fut facilitée par la gravure universelle, qui permet l'écoute d'un disque microsillon en monophonie c o m m e en stéréophonie. L e succès de la phonographie de haute qualité (dite hi-fi) a été remarquable, c o m m e en ont témoigné les ventes de matériel (electrophones, chaînes hi-fi, magnétophones) et de phonogrammes (disques et cassettes enregistrées) jusqu'en 1978. Après cela il y eut saturation et déclin, en partie au profit de l'enregistrement ou de la copie par les particuliers au moyen de cassettes vierges, surtout à partir de 1981. D'autre part, vers 1972, on vit apparaître divers systèmes à trois ou quatre canaux destinés à surclasser la stéréophonie. Mais leur impact fut faible, du moins en ce qui concerne la phonographie pour amateurs. L a sonorisation des locaux publics d'écoute est u n problème particulier traité au coup par coup. Tous ces problèmes peuvent être examinés et situés par rapport à une théorie générale de la reproduction spatiale du champ sonore que nous avons appelée holophonie et dont nous dirons u n mot plus loin. L a décennie 1965-1975 marque le zénith de la phonographie « analogique ». O n avait réussi à trouver des palliatifs à presque tous les (nombreux) défauts qui affectaient les différents appareils d'enregistrement et de reproduction du son ainsi que les supports de stockage. Rappelons les défauts les plus flagrants du phonographe primitif : manque de dynamique, étroitesse de la bande passante, faiblesse du rapport signal/bruit. Pour réduire le premier défaut, les fabricants se livrèrent à une véritable course aux puissances de sortie des amplificateurs, ce qui a eu pour résultat d'exposer les clients des discothèques à des intentisés sonores nettement traumatisantes. O n avait remédié au second défaut en introduisant l'amplificateur negative feedback et en éliminant l'aiguille d'acier guidée par u n sillon grossier au profit d'une fine pointe de saphir ou de diamant guidée par u n microsillon. Quant à l'important bruit de fond des phonographes mécaniques et des premiers electrophones, on l'avait d'abord éliminé partiellement au m o y e n defiltres.Puis, avec le microsillon et les magnétophones de qualité, sont apparues des techniques plus élaborées, c o m m e les procédés Dolby, qui comportent, à l'enregistrement et aussi nécessairement à la lecture, des traitements différentiels du signal selon le niveau et la fréquence, le bruit étant caractérisé par u n niveau plus faible et une fréquence moyenne plus élevée que le signal utile, ce qui permet de le supprimer au moins en partie. Des égalisateurs permettent m ê m e , comble de raffinement, d'adapter le système de reproduction aux propriétés acoustiques d'un local d'écoute donné et à l'oreille d'un auditeur particulier. Grâce à de tels perfectionnements et à bien d'autres, on a p u assister, durant ces vingt dernières années, à une extraordinaire floraison de systèmes hi-fi, tous prétendument meilleurs les uns que les autres et trouvant souvent des partisans inconditionnels en dépit de performances objectives qui n'émergent guère de celles de la masse de leurs concurrents. L e choix n'est souvent qu'une affaire de goût ou de snobisme, voire de naïveté ou de jobardise. Cependant l'intolérance à l'égard de toute imperfection reste un des moteurs principaux d'un progrès qui va s'accélérant.

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L'aurore de la phonographie numérique : depuis 1980 L'idée d'un traitement numérique d u signal est fort ancienne. L ' u n des premiers pas dans cette direction est sans doute la modulation par impulsions codées, qui date d'une soixantaine d'années (brevet américain de P. M . Rainey, 1926). L'information optique fut stockée point par point sur disque 78 tours dès 1927 par J. L . Baird, pionnier de la télévision. Cependant les vidéodisques à lecture électrique ou optique ne furent expérimentés vraiment à l'échelle préindustrielle qu'à partir de 1971. Transposée à l'acoustique, cette technique aboutit en partie à des disques phonographiques numériques à lecture piézo-électrique qui restèrent au stade expérimental. Seul le disque thermoplastique à gravure et lecture par laser put franchir tous les obstacles et fut commercialisé, sous le label Compact Disc à partir de 1982, avec u n succès qui semble se confirmer actuellement. A noter aussi que le traitement numérique était apparu u n peu auparavant au stade de l'enregistrement de disques microsillon du type classique, ce qui leur permit d'atteindre une qualité exceptionnelle pour la gravure analogique. L e magnétophone aussi est en passe de bénéficier maintenant des techniques numériques et la compétition promet d'être chaude. E n m ê m e temps, les chaînes hi-fi se miniaturisent et leur osmose avec les microcalculatrices semble ouvrir à la phonographie numérique des horizons insoupçonnés. Abondance de techniques, lacunes de technologie D ' u n certain point de vue, Edison était u n technicien parmi les plus efficaces, maie Charles Cros fut autre chose : le théoricien d'une science en devenir, la technologie. Car la technologie ne doit pas, à m o n sens, se borner à décrire et à classer des techniques, ni m ê m e à les rattacher après coup à des connaissances scientifiques. Si elle veut réellement prétendre à un statut de science à part entière, elle doit se donner une vocation originale, celle de lafinalité: guider l'ingénieur avec u n m i n i m u m de tâtonnements vers les objectifs assignés et donc savoir remonter d'un but désigné à l'avance jusqu'aux moyens les plus propres à l'atteindre. Énumérer et décrire les techniques ponctuelles utilisées successivement en phonographie serait fastidieux. N o u s les avons survolées au cours de notre historique et l'on en trouve facilement des descriptions détaillées dans de n o m breux ouvrages encyclopédiques ou spécialisés. D e plus, la plupart de nos lecteurs en ont une connaissance pratique c o m m e utilisateurs de magnétophones et de chaînes hi-fi. N o u s ne nous arrêterons qu'aux deux extrémités de l'évolution : les procédés purement mécaniques d'Edison et de Berliner — à cause de leur simplicité — puis le procédé numérique à lecture laser, à cause de sa nouveauté. Ensuite nous ferons quelques remarques sur la technique actuelle de la prise de son stéréophonique et « ambiophonique », ce qui nous fournira l'occasion de présenter une théoriefinaliste(dans le sens indiqué plus haut) s'appliquant à la restitution d'un c h a m p acoustique tridimensionnel et que nous nommerons « holophonie ». Gravure longitudinale et gravure latérale

N o u s avons vu plus haut l'ordre de grandeur, ou plutôt l'ordre de petitesse, des forces acoustiques. Les figures 1 et 2 schématisent les systèmes mécaniques utilisés par Edison et par Berliner pour transmettre à u n stylet graveur les vibrations de l'air et les inscrire dans une couche de cire déposée sur u n cylindre

Gravure en profondeur

Couche de cire ou feuille d'étain tí O

Pavillon

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F I G . i. Principe de la gravure en profondeur dans le phonographe à cylindre (Edison).

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Rotation d u disque

F I G . 2. Principe de la gravure latérale dans le gramophone (Berliner).

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o u sur u n disque, suivant u n sillon d e profondeur o u d'élongation variables. Pour expliquer leur fonctionnement, on peut penser au principe de la punaise (ce clou à large tête et à pointe acérée qu'on enfonce avec le pouce). Lorsqu'on enfonce une punaise dans un bloc de bois, c'est la force qui se conserve : la force exercée par le pouce correspond à une pression assez modérée sur la tête de la punaise, tandis que la m ê m e force, divisée par la section minuscule de la pointe, fournit à cet endroit une pression assez forte pour pénétrer dans le bois. D e m ê m e la faible pression exercée par l'onde sonore sur la membrane (fig. i et 2) est multipliée par un facteur 1 000 ou 10 000 au niveau de la pointe du stylet, qui peut ainsi pénétrer la couche de cire pour y creuser le sillon. Dans ce raisonnement on suppose que la membrane se déplace en bloc c o m m e un piston solide ou c o m m e la tête de la punaise, ce qui est vrai au moins pour les sons graves.

Les grandes périodes passées et présentes de la phonographie Avant 1877 Avant 1877 1877-1881 1881-1905 1887-1926 1893-1900 1926-1955 1926-1955 1928 1948 1948 1957 1968 1970-1973 1979 1982

Enregistrement sans reproduction (phonautographe) Reproduction sans enregistrement (boîte à musique) Phonographe à feuille d'étain Phonographe à cylindre de cire Gramophone à disque (gravure latérale et lecture mécanique) Mise en place de l'industrie phonographique Gravure électrique des disques Règne de l'électrophone (pick-up + ampli) avec disque 78 tours/minute Film à piste sonore photographique Usage du magnétophone pour l'enregistrement des disques Disque microsillon monophonique Disque microsillon stéréophonique Magnétophone à cassette Tétraphonie Walkman (magnétophone « baladeur ») Compact Disc (disque compact)

La différence entre la gravure en profondeur (dite aussi verticale) et la gravure latérale (dite aussi tangentielle ou horizontale) consiste seulement en une articulation et un levier supplémentaires. Sur ce point, la figure 2 est schématique. L e système de leviers, utilisé déjà par Scott en 1857, était plus compliqué et s'inspirait de l'articulation des osselets dans l'oreille moyenne. Phonographie numérique et action laser

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U n signal analogique est celui qui est porté par une grandeur physique (pression sonore, mouvement d'un index, courant électrique, champ magnétique) qui varie d'une manière continue, selon l'adage antique Natura non fach saltas (la nature ne fait pas de sauts). U n signal numérique est celui qui varie par nombres entiers et donc d'une manière discontinue, le saut étant au m i n i m u m d'une unité. Si l'on écrit ces nombres dans un système à base 2 les sauts seront toujours d'une

A (intensité ou amplitude) Valeurs analogiques échantillonnées Valeurs de l'intensité échantillonnées et quantifiées (en 3 bits)

m T

Quantification plus fine

-t«

(avec échantillonnage plus serré)

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(signal numérique)

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Valeurs décimales

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3. Conversion d'un signal analogique (SA) en signal numérique à base 2 (SN).

seule unité, sur un rang ou un autre, puisque le nombre ne s'écrira qu'avec des 0 et des 1. À partir de l'analogique, on passe au numérique par un échantillonnage suivi d'un rajustement de chaque échantillon au nombre entier inférieur le plus proche. L e processus est illustré par la figure 3 pour u n signal d'allure acoustique dont les amplitudes échantillonnées sont notées de o à 7 (soit de 000 à n i en écriture à base 2). D u message représenté en M I C (modulation par impulsions codées) à huit valeurs par une suite de n impulsions allant de zéro à 7, on passe par changement de base à 3 « impulsions aux seules valeurs 0 ou 1. C'est u n tel message qui est inscrit au laser sur le Compact Disc. Mais chaque échantillon devient, en code à base 2, une suite, non de 3 — c o m m e sur notre graphique — mais de 16 impulsions élémentaires (ou bits) ; autrement dit, chaque tranche de l'échantillonnage peut prendre 2 1 9 , soit environ 60 000 valeurs différentes, finesse d'estimation qui dépasse largement celle de l'oreille la plus délicate. L'échantillonnage est effectué environ 44 000 fois par seconde, ce qui est aussi très largement suffisant puisque correspondant, d'après u n fameux théorème de la théorie de l'information, à une limite de 22 000 hertz, hauteur que peu de personnes sont en état de percevoir. Ordre de grandeur intéressant à retenir : sur le disque compact, c o m m e aussi dans la bande magnétique numérique qui s'apprête à le concurrencer, tous les détails fins sont à l'échelle du micromètre (ou micron), c'est-à-dire d u millième de millimètre. Les lasers (de gravure c o m m e de lecture) opèrent en infrarouge, à une longueur d'onde voisine d u micron. L a piste numérique se compose d'une alternance de « plats » brillants, qui correspondent à la surface du disque restée vierge, et de « trous » mats, qui correspondent aux parties impressionnées par le laser de gravure (voir à gauche et à droite de la figure 3 et en bas de la figure 4.) Ces « trous » ont une largeur d'un demi-micron et une longueur variable de 1 à 3 microns. D e u x pistes contiguës sont distantes de 1,6 micron. L a lecture se fait à une vitesse de rotation variable de 500 à 200 tours/minute à partir d u centre du disque, la vitesse linéaire restant

Cellule photo-électrique

"Trous"

F I G . 4. Lecture laser d'un disque numérique. Les deuxflèchesindiquent le chemin suivi par la lumière : du laser au disque et du disque à la cellule photo-électrique.

de l'ordre de 130 cm/seconde. D e nombreuses précautions ont été prises pour éviter que le pinceau de lumière laser, très délié lui aussi, ne quitte la trace suivie pour tomber sur sa voisine. Cette lecture repose sur la différence de pouvoir réfléchissant des « trous » par rapport aux « plats ». Ces derniers renvoient le faisceau laser, par l'intermédiaire d'un prisme semi-transparent, vers une cellule photoélectrique. Les « trous », au contraire, ne renvoient guère et sont lus par la cellule c o m m e des « noirs », de sorte que la cellule transforme fidèlement en « tops » électriques le message numérique binaire inscrit sur la liste d u disque. Les différentes voies de la stéréophonie (gauche et droite) ou éventuellement de la quadriphonie et de l'ambiophonie (avant gauche, avant droite, arrière gauche, arrière droite) sont ou peuvent être inscrites dans un message unique par le procédé multiplex qui fait alterner, en temps partagé, ce qui doit aller vers chacune des voies. Il faut reconnaître que l'écoute d'un disque compact donne une impression de perfection inégalée à ce jour. Mais c'était déjà ce qu'on avait p u ressentir au m o m e n t où le microsillon a remplacé le disque 78 tours ou quand la m o d u lation de fréquence est venue concurrencer la modulation d'amplitude en radiophonie. Mais cette perfection restera-t-elle insurpassable dans l'avenir ? Il semble évident que non. Car il reste encore des maillons fragiles ou perfectibles dans la chaîne complexe qui relie le phénomène sonore original à capter (le champ sonore primaire) au phénomène sonore à restituer (le c h a m p sonore secondaire), m ê m e si entre les deux on a p u insérer des maillons numériques qui éliminent presque totalement les bruits de transfert, de copie, de conservation et de relecture. Les haut-parleurs semblent encore perfectibles et également les principes m ê m e s de la prise de son. C'est de ce dernier point que nous allons discuter maintenant.

La prise de son et ses problèmes

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o Avec les phonographes à rouleaux, la prise de son était simple : crier, chanter ou jouer fortissimo le plus près possible d u cornet acoustique au fond duquel se trouvait la m e m b r a n e actionnant le stylet de gravure. Q u a n d lafinessede réception du dispositif d'enregistrement est devenue suffisante, le jeu naturel est devenu possible, mais l'inégalité de sensibilité des microphones, ainsi que d'autres difficultés techniques ont imposé la prise de son multiple par différents micros disposés au mieux. L e mixage, au m o y e n d'un pupitre spécial, devint une nécessité pour équilibrer et fondre entre eux les divers apports de chaque micro. L'ingénieur du son devint progressivement un personnage et, disons-le, un artiste aussi important que le concertiste, le chanteur ou l'instrumentiste. L'enregistrement est devenu une œuvre d'art et de technique et il l'est resté, pratiquement et m ê m e théoriquement. E n effet, c o m m e l'art et une certaine technique sont affaire d'expérience, et d'expérience personnelle, on s'explique mieux ainsi l'abondance, la variété, voire la divergence des points de vue et des théories actuellement en cours en matière de prise de son. A ce compte, les aspects subjectifs devaient nécessairement émerger. D'après Roland Condamines, la prise de son est l'ensemble des techniques visant à créer chez les spectateurs u n ensemble de perceptions qui correspondent à u n ensemble de désirs, d'idées élaborées par les compositeurs. Et la « bonne » prise de son est celle dans laquelle on peut retrouver les caractéristiques d'équilibre, de novation, de sincérité, d'ardeur, d'enthousiasme et de connaissance des h o m m e s qui existent dans toute œuvre d'art valable (voir R . Condamines, Stéréophonie, p. 94). Il faut, de toute évidence, respecter de tels critères. Mais il est permis aussi de prendre des distances avec eux, en proposant à contrario u n point de vue strictement objectif, celui de l'holophonie, beaucoup plus difficile à mettre en œuvre, mais qui aura l'avantage de s'accorder parfaitement avec la notion de « paysage sonore », préconisée récemment par R . M . Schäfer. Il y a paysage sonore partout où s'étend une atmosphère ou u n milieu ambiant capable de véhiculer des ondes acoustiques audibles. Il y a paysage sonore évid e m m e n t dans une salle de concert ou de spectacle, mais également dans u n hall de gare ou d'usine, dans une forêt des Carpathes ou de l'Amazonie, dans u n souk de Tunis, une rue de Paris, de Tokyo ou d'Istanbul, voire en plongée sous la surface d'un lac ou de la mer. Reproduire avec une exactitude absolue n'importe quel paysage sonore sera l'objet essentiel de l'holophonie, mais avec la restriction que cette reproduction n'aura lieu que dans un local et un volume restreints et bien définis. Visant u n objectif idéal, l'holophonie ne sera pourtant pas une utopie, précisément grâce au fait que cette restitution n'aura lieu qu'en espace restreint.

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Stéréophonie, quadriphonie et ambiophonie (voir fig. 5) L e sens de l'audition ne consiste pas seulement à enregistrer u n message transporté par onde sonore, mais il identifie également, bien que d'une manière imparfaite, la source sonore qui a lancé le message. L e message, pris isolément, n'a qu'une dimension, celle d u temps. Quant à la localisation spatiale elle peut se faire dans une, deux ou trois dimensions, selon qu'elle détermine la direction de la source sonore par u n seul angle sur le plan horizontal, par deux angles (l'un horizontal, l'autre vertical) ou, exceptionnellement, par deux angles et une distance (rayon vecteur). A u total on pourra parler de perception i - D , 2 - D , 3 - D et 4 - D , en ajoutant à la dimension temporelle une, deux ou trois dimensions spatiales. L'expérience a déjà démontré la réalité de la perception 3 - D . Pourtant les techniques actuellement

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a. Diphonie

b. Tétraphonie

c. Ambiophonie

F I G . 5. Quelques exemples de prise de son et de restitution : a) diphonie et, en tirets, pseudo-tétraphonie ou pseudo-ambiophonie ; b) tétraphonie (ou quadriphonie) ; c) ambiophonie. M = microphone ; G = haut-parleur avant gauche ; D = haut-parleur avant droit ; R G = haut-parleur arrière gauche ; R D = haut-parleur arrière droit.

en usage visent seulement à la perception 2 - D . (Voir, de nouveau, la figure 3.) Par convention plus ou moins tacite, le mot « stéréophonie » est synonyme d u mot « diphonie » qui désigne la phonographie à deux voies, au m o y e n de deux haut-parleurs disposés l'un à droite, l'autre à gauche, dans la partie avant du local de restitution. Elle a évidemment constitué u n progrès très sensible par rapport à la monophonie, en permettant de distinguer dans u n orchestre les instruments placés à droite des instruments placés à gauche. Si les deux ondes venant de droite et de gauche sont identiques, l'auditeur placé au centre d u local en déduit que la source primaire occupait le milieu de la scène. Quant aux systèmes à plus de deux voies, ils ne visent en général qu'à surajouter à la diphonie les ondes renvoyées par le fond de la salle. Tout à fait exceptionnellement, des compositeurs modernes ont utilisé ces systèmes pour donner l'illusion d'une troupe de musiciens qui fait le tour de la salle tout en jouant. L a quadriphonie (appelée aussi tétraphonie, quadraphonie ou quadrophonie) utilise quatre voies et quatre sources de restitution, situées aux quatre coins d'un local rectangulaire. Les deux sources situées à l'arrière sont surtout chargées de rendre l'effet d'écho ou de réverbération qu'on perçoit dans les salles assez grandes. O n obtient les signaux qui leur correspondent soit par enregistrement direct, soit par des traitements spéciaux appliqués aux signaux avant. Dans ce dernier cas, on parle parfois de pseudo-tétraphonie. Selon les cas, les phonogrammes sont quadruples (quatre pistes de magnétophone ou defilm)ou font appel à des modulations spéciales (fréquences porteuses sur bandes à deux pistes ou polarisations circulaires droite et gauche pour les disques microsillon). Parmi diverses variantes de prise de son, il en est qui sont axées sur l'idée d'un effet panoramique : les micros entourent l'orchestre, une disposition curieuse mais discutable. Ensuite l'ambiophonie a cherché à remplacer la quadriphonie, dont le succès commercial avait été assez limité. Elle peut utiliser le m ê m e matériel de reproduction, bien qu'on puisse concevoir des ambiophonies à trois voies ou à plus de quatre voies. C e qui caractérise l'ambiophonie, c'est l'orientation des sources

Questions de terminologie N o u s aurions besoin d ' u n m o t désignant l'ensemble des techniques de l'enregistrement, de la conservation et de la reproduction des sons audibles de toute nature. A cet effet o n c o m m e n c e à utiliser le m o t phonographie, d'où dérive le m o t « p h o n o g r a m m e » pour désigner tout support contenant d u son enregistré : disque, bande de magnétophone, piste sonore d ' u n film, etc. Cet usage, qui tend à se répandre, mérite d'être encouragé, en dépit d u rapprochement avec l'appareil maintenant périmé qu'est le phonographe. Toutefois, le couple « phonographie-phonogramme » ne m e paraît pas répondre à tous les besoins. E n effet il serait pratique de disposer d ' u n autre couple de mots pour désigner l'enregistrement monophonique pur, c o m m e il était pratiqué avant l'introduction de la stéréophonie. Je propose le couple « sonographie-sonogramme ». L e rapprochement avec l'appareil dont le n o m (déposé) est Sonagraph et qui fabrique des diagrammes fréquence-temps n o m m é s « sonagrammes » ne m e paraît pas gênant, car il s'agit aussi d u traitement d ' u n message unique et donc monophonique. L e m o t latin dont dérivent ces deux couples est le substantif sonus, le son. O n peut penser aussi au verbe grec akouô (j'écoute ou j'entends), qui fournirait « acou(sto)graphie-acou(sto)gramme », termes qu'on peut garder en réserve pour désigner des enregistrements s'étendant aux domaines inaudibles : infrasons ou ultrasons. Plus loin seront définis les néologismes « holophonie » et « holochorie », forgés par analogie avec le m o t « holographie » créé par Dennis G a b o r vers 1945.

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arrière, qu'on tourne vers le m u r . O n m e t ainsi à profit la réflexion des ondes sur le fond d u local de restitution. O n peut en quelque sorte ranger Pambiophonie parmi les effets spéciaux, parfois très heureux et parfois moins. C o m m e pour la quadriphonie, il existe aussi de nombreuses variantes dans la prise de son. Certaines, qui sont peut-être à l'origine d'une supériorité de Pambiophonie sur la tétraphonie, semblent en b o n accord avec la théorie holophonique. L'holophonie, une stéréophonie quadridimensionnelle idéale

L'holophonie doit être à l'acoustique ce que l'holographie est à l'optique. D e m ê m e que cette dernière se veut le trompe-l'œil idéal, de m ê m e la première se voudra le trompe-l'oreille parfait. Mais toutes deux se conçoivent c o m m e de simples cas particuliers d'un principe général dont la théorie a pu être édifiée par analogie avec le procédé utilisé avec succès en mathématiques par le groupe dit Nicolas Bourbaki. Il s'agit de P « holochorie » (du grec holos = entier ; et chorion, chôra ou choros = champ) qui traite de la reconstruction totale d'un champ de nature physique arbitraire. Autrement dit, la méthode proposée pour reconstruire un champ ne dépendra pas de la nature physique du champ considéré, elle vaudra et pourra s'énoncer pour des relations quelconques existant entre les diverses composantes du champ. Étant donné la nouveauté de cette approche, on voudra bien nous permettre d'en parler avec quelques détails, encore que qualitativement.

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U approche « à la Bourbaki » O n sait que Nicolas Bourbaki est le pseudonyme collectif d'un groupe de mathématiciens français qui fut fondé en 1934 et qui a publié à partir de 1939 des Éléments de mathématiques réputés pour leur rigueur, leur abstraction et leur polyvalence. L'originalité première de l'approche « bourbachique » a été de considérer les mathématiques d'un point de vue encore beaucoup plus général qu'auparavant. Ses axiomes de base s'appliquent non à des objets bien spécifiés à priori, mais à des structures mathématiques, c'est-à-dire à des ensembles d'entités non spécifiées au départ — sauf en ce qu'il existe entre elles certaines relations. E n augmentant le nombre des axiomes auxquels devront obéir les éléments d'une structure, ou en en précisant la teneur, on retrouve, c o m m e cas particuliers, les différents problèmes qu'on traitait autrefois directement et séparément. L'avantage le plus important de cette approche est que tout théorème démontré pour une structure générale fournit, par simple « particularisation » (application à u n cas particulier contenu dans le cas général), toute une famille de théorèmes valables individuellement dans une branche dont la théorie satisfait aux m ê m e s axiomes que la structure générale de départ. Remodelage, holochorie et holophonie C e que Bourbaki avait réussi en mathématiques, il ne m e semblait pas interdit de le tenter dans le domaine des sciences de la nature : mécanique, physique, chimie, biologie, etc. L e phénomène des ondes (ou des champs se répandant dans u n certain espace à partir de régions singulières n o m m é e s sources) peut parfaitement être considéré c o m m e une structure abstraite si l'on n'en spécifie pas à priori la nature et le support. O n supposera seulement qu'il existe entre le champ C et ses sources 5 une certaine relation d'un type très général, c o m m e par exemple (PC = S, formule qui signifie qu'une certaine séquence d'opérations symbolisée par l'opérateur (P peut être effectuée sur les composantes du champ C et permet de remonter aux sources 5 du phénomène étudié. A partir de prémisses si simples on peut démontrer des théorèmes structurels tout à fait fondamentaux. L ' u n des plus immédiats est celui du « remodelage » (reshaping). Remodeler un champ C , c'est le remplacer par un champ M C , M étant un opérateur de modification. Cette opération peut se faire en ayant recours à des sources secondaires S" dont le théorème de remodelage donne la formule :

S" = ((PM — MŒ)C. D u remodelage d'un champ de nature quelconque C, on passe facilement à la notion d'holochorie. Il s'agit de reconstruire dans u n espace VR (espace de reproduction) u n champ C supposé réalisé auparavant dans u n espace VP (espace de projection ou de propagation). L e théorème du remodelage nous indique les moyens pour procéder à cette reconstruction : il faut fabriquer des sources secondaires S" conformément à la formule générale indiquée plus haut et les alimenter convenablement. Dans le cas particulier de l'acoustique, l'holochorie devient Vholophonie L'espace VP sera, par exemple, une salle de spectacle (fig. 6) munie d'une scène et d'une fosse d'orchestre, où se trouvent les sources sonores 5 produisant le champ acoustique C. O n se propose de reconstruire dans u n auditorium VA (qui peut être la salle de séjour d'un simple amateur) le champ C qui existait dans u n empla-

F I G . 6. Principe de l'holophonie : a) salle de projection (VP) ; b) local de reproduction (VA). S = sources primaires vraies ; S' = sources primaires auxiliaires rendant compte des échos francs ou difieres ; S" : sources secondaires de restitution ; A = auditeur dans son auditorium (VA) ; A' = auditeur assistant au concert à enregistrer (dans VP) ; VR = volume de restitution exacte ; Z = zone supportant les sources secondaires de restitution S" ; C — c h a m p acoustique produit par les sources S et 5'.

cement choisi de VP pendant la représentation. Pour cela, d'après notre théorie, on devra disposer dans VA u n certain nombre de sources sonores convenables (des assemblages de haut-parleurs) qui remplaceront, pour les auditeurs A assis dans VR (qui est une partie centrale de VÄ)y les sources S qu'ils écouteraient s'ils étaient assis aux places A' dans le théâtre VP. E n principe ces sources secondaires S" devraient remplir tout u n volume Z , en forme de halo entourant VB, et chacune d'elles devrait être pilotée par des valeurs d u c h a m p C captées par des microphones placés dans VP en des points homologues des points S", si l'on replace par la pensée l'espace de reproduction à sa place dans l'espace de projection. Ces conditions sont idéales, mais elles peuvent fournir une orientation et un programme de recherche pour une amélioration éventuelle d u relief sonore 3 - D et 4 - D dans u n avenir proche. E n tout cas elles mettent en évidence plusieurs carences de la technologie actuelle en matière de relief sonore, que ce soit pour la sonorisation en temps réel ou pour la reproduction en temps différé. Holophonie et prise de son Apparemment l'holophonie demande une infinité de sources ponctuelles remplissant tout un volume compris entre les parois d u local à sonoriser et la partie de ce local où la restitution sonore sera rigoureuse. Mais de nombreux arguments nous font penser qu'un nombre assez restreint de sources secondaires suffira pour réaliser u n « trompe-l'oreille » fort présentable. O n se souviendra notamment d u

109

fait que le seuil de perception des différences d'intensités acoustiques n'est guère inférieur au décibel, c'est-à-dire environ 10 %. Si l'on voulait raffiner davantage, pour voir jusqu'où on pourrait aller en matière de recopiagefidèled'un champ acoustique, il faudrait utiliser le principe d'opposition (ou méthode d u zéro) bien connu en électricité par l'exemple du pont de Wheatstone : inverser le champ des sources secondaires, le superposer au champ primaire et vérifier à quelle approximation on trouve une résultante nulle*, dans l'espace de restitution. L'expérience serait difficile, mais mériterait d'être tentée. U n e autre démarche consiste à comparer les différentes recettes ou théories de prise de son avec ce que préconise l'holophonie dans des configurations analogues. O n observe alors que certaines ambiophonies sont très proches de l'holophonie, avec toutefois une petite différence qui semble paradoxale : les haut-parleurs arrière doivent être tournés vers l'auditoire bien que les microphones homologues restent tournés à l'opposé. L e principe de la continuité dans la propagation explique très bien cela. Les impacts culturels, sociaux et économiques de la phonographie

L'usage des appareils de reproduction de phonogrammes préenregistrés est encore le plus répandu. E n France, par exemple, chaque foyer en possède un en moyenne. Mais les matériels permettant l'enregistrement (magnétophones et radio-cassettes) sont en train de les rattraper et sans doute de les dépasser, ce qui explique en partie la mévente actuelle d u disque et des cassettes préenregistrées. L'usage privé le plus répandu est sans doute l'écoute de la musique, mais il en existe bien d'autres c o m m e , par exemple, l'archivage de souvenirs familiaux, vocaux, l'apprentissage des langues et de la musique instrumentale. Toutefois l'usage industriel et public ne le cède en rien pour l'importance. L a radiodiffusion transmet bien plus de messages enregistrés que d'émissions en direct. Il faut aussi tenir compte de la place occupée par la partie « audio » dans les activités mixtes, dites audio-visuelles. O n se convainc facilement de son caractère vital : il n'est que de couper le son du téléviseur ! D u point de vuefiscal,le disque est frappé en France d'une T V A de 33 % (comme denrée de luxe), ce qui en fait un pactole pour l'État, mais donne une idée curieuse du prix qu'on attache au développement de la culture et de ses supports. Si l'on recherche le nombre de personnes employées dans l'industrie du phonog r a m m e et de ses instruments, on est surpris de leur petit nombre (10 000 en ordre de grandeur). Avec celles qui en assurent la vente, on peut sans doute atteindre u n total de 50 000 (estimation en nombre de personnes occupées à plein temps). C e total est à rapporter à l'influence exercée sur l'ensemble de la population d u pays, qui dépasse les cinquante millions. Il semble curieux qu'un si petit nombre de personnes exercent une influence aussi considérable sur u n si grand nombre. E n monnaie, l'ordre de grandeur est de 5 milliards de francs (3 pour les matériels et 2 pour les phonogrammes). Enjeux et perspectives d'avenir

L'histoire de la phonographie est exemplaire à plus d'un titre. L a science, ses lois et ses théories n'y ont joué qu'un rôle restreint et des inventions de pionniers * C e principe est aussi celui d'une nouvelle méthode de lutte contre le bruit : l'absorption acoustique active.

o m m e Poulsen ont d û attendre plus de trente ans avant d'être mises en pratique. Mais avec l'accélération d u progrès, une stratégie plus scientifique et plus efficace est à prévoir. Les recherches en cours peuvent donner une idée de l'avenir. O n parvient maintenant à lire par laser les phonogrammes les plus anciens (cylindres de cire) et on peut donc les transcrire en code numérique sur des supports modernes. O n peut prévoir qu'on pourra u n jour appeler chez soi, par pupitre télématique, les trésors des phonothèques nationales de divers pays : écouter la voix de Gustave Eiffel o u de l'empereur François-Joseph, de Pasteur o u d'Einstein, pouvoir comparer divers chefs d'orchestre dans tel passage de telle symphonie sans être obligé d'acheter, s'ils sont en vente, tous les phonogrammes nécessaires. E n ce qui concerne la phonographie numérique, on sait que le magnétophone va concurrencer le disque compact ; mais de leur côté les promoteurs d u disque numérique en étudient une version effaçable, à couche sensible magnéto-optique. D'autres spécialistes perfectionnent la finesse de définition des raies laser qui deviennent capables de transporter u n débit d'information de l'ordre d u milliard de bits par seconde. Enfin, il n'est pas interdit d'espérer u n certain renouveau de l'industrie des haut-parleurs. Les microphones ont bénéficié récemment de progrès dus à l'introduction des électrets, qui sont l'équivalent électrostatique des aimants permanents. Des haut-parleurs à électrets sont à l'étude, mais d'autres espoirs reposent sur les haut-parleurs à plasma froid (brevet de H . Bondar), qui seraient dépourvus d'inertie et capables de fonctionner m ê m e aux fréquences infrasonores et ultrasonores. Les haut-parleurs semblent en effet le maillon actuellement le plus faible de la chaîne qui relie u n paysage sonore à sa reproduction différée en « trompel'oreille ». U n e autre direction de recherche est celle de transducteurs qui seraient en m ê m e temps des convertisseurs analogiques-numériques ou vice versa : des microphones fournissant directement des signaux électriques en code binaire ou des hautparleurs c o m m a n d é s directement par de tels signaux. O n peut également prévoir une synthèse ou une symbiose des divers axes de recherche dont nous venons de citer les plus évidents. Et pour conclure D a n s le couple audio-visuel, l'élément « visuel » a constamment eu le pas sur l'élément « audio » et l'on peut se demander si cette domination va s'étendre ou régresser. Déjà, sur le plan scientifique, l'optique a une bonne réputation de rigueur et d'ouverture sur l'avenir, alors que l'acoustique passe pour une science de second ordre. Il semble permis d'espérer que l'avenir fera justice d'une pareille erreur et qu'il rétablira l'acoustique au rang d'une science ouverte, fiable et utile. •

Bibliographie B O N D A R , H . Procédé et dispositif pour transformer une tension électrique périodique B . F . en ondes acoustiques ou inversement. Brevet européen n° o 065 911 (Ai) d u 11 mai 1982. C O N D A M I N E S , R . Stéréophonie. Cours de relief sonore théorique et appliqué. Paris, Masson, 1978. D O L B Y , R . M . A n audio noise reduction system. Journal of the Audio Engineering Society, vol. 15, 1967, p. 383-388.

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Les bâtisseurs des grands monuments de l'Inde entre le VIe et le XIVe siècle tiraient leur inspiration de leur foi religieuse. Les sculptures de ces temples figurent souvent les arts de la musique et de la danse. Outre ces représentationsfixéesdans la pierre, on trouve des colonnes, des escaliers, des cloches, des tuyaux et des statues spécialement sculptés ou assemblés de façon à produire des sons musicaux. C'est cet héritage vieux de mille ans qu'on redécouvre aujourd'hui grâce aux techniques scientifiques.

Curiosités musicales des temples de l'Inde du Sud H . V. Modak

M . Modak travaille comme chercheur au Centre national des arts du spectacle de Nariman Point à Bombay et dirige les travaux de recherche électro-acoustique de troisième cycle à l'Université de Poona. Auteur, entre autres, d'un article remarqué en Inde et à l'étranger intitulé « Justification de la division d'une octave en vingt-deux sruti », il a mis au point une technique d'accompagnement musical automatique des voix par amplification électronique des résonances harmoniques qui lui a valu une distinction nationale. On peut également contacter M . Modak au Laboratoire de recherches électro-acoustiques, N . Wadia College, Poona i (Inde), où il travaille comme professeur honoraire.

•« o . > _ X

O n appelle souvent l'Inde du Sud le pays des temples, et les gopurams, ces tours pyramidales à plusieurs étages qui surmontent l'entrée des sanctuaires, dominent partout le paysage des villes et des villages. Ces temples offrent certains des exemples les plus remarquables de l'architecture, de la sculpture et de la technique des âges révolus — architecture et sculpture inspirées, c o m m e les autres arts de l'Inde, par la ferveur religieuse. L a musique et la danse figurent en bonne place parmi les thèmes qui ont inspiré les bâtisseurs de ces temples, dont les murs, piliers et consoles (ou encorbellements) sont décorés d'images sculptées de dieux et de déesses, de lions stylisés, d'éléphants gracieux, de chevaux, de guerriers, de musiciens, de danseuses et de bien d'autres sujets. Ces sanctuaires jouent u n rôle important dans la vie socio-économique et spirituelle de la population, à telle enseigne que des villages et des agglomérations entières se sont développés autour de certains d'entre eux. C'est aux rois de la dynastie pallava, qui régnèrent sur l'Inde du Sud entre le VI e et le IXe siècle, qu'on doit la construction des premiers temples. Avec ses temples troglodytiques monolithes et ses bas-reliefs, l'ensemble architectural de Mahabalipuram, à 60 k m au sud de Madras, constitue le plus ancien musée d'art et d'histoire du pays. Cette architecture religieuse atteignit son point culminant avec l'hégémonie des Chola, entre le X e et le xive siècle. L'art des sculpteurs sur bronze atteignit également la perfection au cours de cette période — leur sujet de prédilection étant la danse cosmique de Shiva Nataraja (roi de la danse). Les dynasties successives des Pallava, des Chola, des Pandya et des Nayak n'ont cessé d'enrichir cette terre de temples et de monuments. L e sanctuaire mondialement connu de Shiva Nataraja (roi de la danse) à Chidambaram, à 240 k m de Madras, abrite une série de sculptures qui représentent les 108 poses différentes de la danse sacrée décrites dans le bréviaire du sage Bharata. C e n'est pas seulement de danse, mais de musique m ê m e que les sculpteurs de l'ancien temps ont tenté d'imprégner les pierres utilisées pour la construction des temples. N o n contents d'employer leur art à représenter musiciens et instruments, ils ont également ciselé dans la pierre d'admirables objets capables de produire des sons musicaux. O n trouve ainsi dans divers temples de l'Inde du Sud des colonnes musicales, des escaliers musicaux, des statues musicales de bronze et de pierre, des cloches musicales et des tuyaux sonores sculptés dans la pierre. Colonnes musicales

114

Les sculpteurs de l'Inde du Sud utilisèrent leur stupéfiante habileté pour ciseler et sculpter dans le roc des colonnes musicales, véritables « harpes de pierre ». Cet art atteignit son point culminant sous l'empire Vijayanagar, du xive au xvie siècle. O n en trouve des exemples dans les temples de H a m p i , Tadpatri, Lepakshi, Thadikombu, Madurai, Alagarkoil, Kurtallam, Tenkashi, Tirunelveli, Alwar Tirunagarai, Suchindram et Trivandrum, dont l'emplacement est indiqué sur la carte de la figure 1. Hampi, ville aujourd'hui abandonnée des environs de Hospet (dans l'État de Karnataka), était la capitale de l'empire Vijayanagar. L e temple de Vitthala, bien qu'inachevé, est le plus grandiose m o n u m e n t de cette période. Sa salle de musique est étayée de 56 piliers à colonnettes musicales de conception variée. Tadpatri est situé près de Guntakal et Lepakshi près d'Hindupur. Ces humbles villages de l'Andhra Pradesh abritent des temples magnifiques dans le style de Vijayanagar. L e petit village de Thadikombu, situé non loin de Dindigul dans l'État de Tamilnadu (Madras), abrite u n temple aux colonnes délicatement sculptées.

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1. Hampi 2. Tadpatri 3. Lepakshi 4. Thadikombu 5. Madurai 6. Alagarkoil 7. Kurtallam 8. Tenkashi 9. Tirunelveli 10. Alwar Tirunagarai n.Suchindram 12. Trivandrum 13. Kunbakonam (Darasuram) -' 14. Tanjore 15. Shanbagaramanallur 16. Kanchipuram

3

u

F I G . i. Sites abritant des curiosités musicales.

Madurai, deuxième ville du Tamilnadu après Madras, abrite le fameux temple de Minakshi, chef-d'œuvre de l'architecture et de la sculpture dravidiennes. ( O n distingue dans l'art hindou trois grands styles : le style dravidien, le style septentrional et le style chalukyan.) L a caractéristique la plus frappante de ce temple est son vestibule aux mille colonnes, toutes frappées du m ê m e motif de dragon stylisé, dont la construction remonte au XVI e siècle. L'entrée du vestibule comporte deux groupes de colonnes musicales et il en existe également d'autres dans le corridor extérieur. Alagarkoil est situé à i8 k m de Madurai. L e vestibule qui fait face au sanctuaire comporte de belles sculptures et des colonnes musicales très bien conservées. Kurtallam, Tenkashi, Tirunelveli et Alwar Tirunagarai sont situés dans le district de Tirunelveli. Les deux derniers sanctuaires mentionnés comportent deux importants groupes de 50 colonnes. Le temple de Suchindram, dans le district de Kanya Kumari, à l'extrême sud de l'Inde, est réputé pour ses colonnes musicales. A Trivandrum, capitale du Kerala, le fameux temple d'Ananta Padmanabha consacré à Vishnu abrite des colonnes musicales particulièrement bien conservées. Mais qu'appelle-t-on colonnes musicales ? Il s'agit de colonnes de pierre groupées autour d'un énorme pilier de soutènement. L afigure2 montre la coupe d'un tel groupe, celui du temple de Tirunelveli. Q u a n d on frappe ces colonnes avec u n petit maillet de bois, elles produisent des sons de fréquences inégales qui

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35

Pilier central de soutènement

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12

0 0 O 0 0 0 O 0 F I G . 2. V u e en coupe d'un groupe de cinquante colonnes dans le temple de Sri Nelliapar, à Tirunelveli.

font u n peu penser à ceux d'un xylophone. Ces colonnes, hautes de i à 2 mètres selon les temples, sont de section circulaire, carrée ou octogonale. Celles qui font partie d'un m ê m e groupe ont toutes la m ê m e hauteur, mais elles diffèrent par leur forme et leur section. Chaque groupe de colonnes, socle et chapiteau compris, est taillé dans u n seul bloc de granit. Il s'agit donc de structures très rigides, prises dans la masse aux deux extrémités et plus denses qu'on ne pourrait le penser. Chaque pilier comporte de trois (Lepakshi) à cinquante colonnes (Tirunelveli et Alwar Tirunagarai). Le secret des colonnes musicales

lió

L'étude systématique de ces colonnes musicales a été entreprise par l'auteur avec l'aide de S. R . Chandorkar, S. Parameswaram et K . V . Desa dans le cadre d'un projet subventionné par le gouvernement du Maharashtra. L ' u n des objectifs de notre travail était de mesurer les fréquences des notes émises par les colonnes pour voir si elles correspondaient à des échelles musicales. A u début, nous nous contentions d'enregistrer au magnétophone les signaux sonores puis d'en analyser les fréquences au Laboratoire de recherche électroacoustique de Poona. Par la suite, nous utilisâmes le phénomène de résonance pour calculer de façon précise les fréquences émises par les colonnes auxquelles u n dispositif électromécanique expérimental (voir fig. 3) permettait de communiquer des vibrations

VWN

t*/A

¡A

Pointe

Oscillateur à fréquence acoustique

Fréquence

Vibrateur à anche Amplificateur

0

0

1 2

3

Fréquencemètre à affichage numérique

Vumetre

Microphone-ventouse

F I G . 3. Dispositif expérimental permettant de mesurer avec précision les fréquences des vibrations sonores des colonnes musicales

117

d'intensité modifiable à volonté. L e vibrateur à anche relié à un oscillateur à fréquence acoustique communique ses vibrations à la colonne. O n modifie la fréquence de l'oscillateur jusqu'au m o m e n t où la colonne émet par résonance un son audible, dont la fréquence est celle qu'indique l'appareil au m ê m e m o m e n t . Pour plus de précision, on utilise u n fréquencemètre à affichage numérique. Pour déterminer le point exact de résonance, onfixeà la base d u pilier u n microphoneventouse dont le signal amplifié est transmis à u n appareil de mesure ainsi qu'à un haut-parleur. L e point de résonance est atteint lorsque l'aiguille d u compteur est bloquée et que le volume sonore d u haut-parleur est à son m a x i m u m . L a colonne se met à vibrer quand la fréquence de l'oscillateur coïncide avec la fréquence fondamentale d u son qu'elle produit ou l'une de ses harmoniques. O n peut donc également par ce moyen déterminer les harmoniques émises par les colonnes. C'est cette méthode de la résonance qui a servi à déterminer les fréquences des sons émis par les colonnes du temple de Nelliappar à Tirunelveli. L a figure 4 montre la disposition générale des colonnes musicales d u vestibule faisant face au sanctuaire principal du temple. Pour mémoire, la figure 2 représente une vue en coupe du groupe de 50 colonnes situé sur la gauche. Pour la clarté de la démonstration les colonnes musicales peuvent être considérées c o m m e des barres rigides solidement fixées aux deux extrémités. Pour une telle barre de section uniforme, les fréquences relatives de la fondamentale et des harmoniques 1 ' 2 correspondent à 2,756/u 5,404/u 8,933/1, etc., la fréquence fondamentale fx étant donnée par la formule suivante : 1*133* /1

/2

/ désignant la longueur de la barre, p sa densité, Q le module de Young (une constante élastique) du matériau de la barre et k le rayon de giration. L e groupe de 50 colonnes de lafigure2 comporte peu de colonnes dont la section soit à peu près uniforme. Ces colonnes se caractérisent par une surface rugueuse et une absence quasi totale d'ornementation. U n e comparaison entre les fréquences

Groupe de 6

Groupe de 4

Groupe de 4

Groupe de 12

Groupe de 11

Groupe de 50

Groupe de 6

Groupe de 10

Groupe de 9

Groupe de 50

FlG. 4. Plan d'ensemble des groupes de colonnes musicales du vestibule qui fait face au sanctuaire du temple de Sri Nelliappar, à Tirunelveli.

relatives expérimentales et théoriques de deux de ces colonnes (tableau i) fait apparaître u n degré élevé de concordance des résultats. L e léger écart constaté par rapport aux valeurs théoriques est imputable aux aspérités des surfaces ainsi qu'à des variations infimes de la section des colonnes. T A B L E A U I. Tableau comparatif des fréquences relatives mesurées et théoriques des colonnes Fréquences mesurées en H z

Numéro

des colonnes* 28 (section ronde)

/1 =

Fréquences relatives mesurées

149

fi = 388 h = 780 35 (section carrée)

/1 =

170

ft = 468 /s = 910

Fréquences relatives thé oriques

1,000

1,000

2,604

2,756

5.235

5.404

1,000

1,000

2,753 5.353

2,756 5*404

* Les colonnes ont été numérotées arbitrairement pour plus de commodité.

Un peu d'acoustique musicale

Les sections des colonnes ne sont pas uniformes sur toute leur longueur, d'où u n écart des fréquences relatives observées par rapport aux valeurs théoriques. Il est intéressant toutefois de constater que, pour certaines colonnes, les différences de ton ainsi produites sont harmoniques, produisant des sons agréables quand on les frappe d'un maillet. O n trouvera au tableau 2 , à titre d'exemple, les fréquences mesurées de trois colonnes de ce type. T A B L E A U 2. Fréquences harmoniques de certaines colonnes Numéro des colonnes

2

33 22

Fondamentale en H z

Première harmonique

Deuxième harmonique

(Si)

(/3)

150 118 132

396 306 396 (3/1)

750 (5/1) 612 (2/ 2 ) 660 (5/i)

Si l'on compare les intensités relatives de la fondamentale et des harmoniques (d'après l'analyse d'un enregistrement de notes), nous constatons que la fondamentale est faible. L e son perçu est surtout celui de la première harmonique et des harmoniques supérieures. L e groupe examiné compte 50 colonnes, mais les notes émises par ces sculptures verticales ne correspondent (approximativement) qu'à une ou deux échelles musicales, d u fait que les fréquences ne sont pas réparties de manière satisfaisante. Voici, avec leurs numéros, les colonnes correspondant à l'échelle musicale indienne multani : Les six premières notes correspondent respectivement à la première harmonique de chacune des colonnes dont il s'agit et les deux dernières à la deuxième harmonique des colonnes correspondantes.

do



mi

fa

sol

la

si

do

Degrés (svara) de la notation indienne

sa

ri

ga

ma

pa

dha

ni

sa

Numéros des colonnes

49

43

47

19

30

31

33

10

Les colonnes dont les vibrations correspondent aux notes de la g a m m e ne sont pas situées c o m m o d é m e n t au sein d u groupe. Par ailleurs, il est difficile d'atteindre les colonnes des rangées intérieures, ce qui fait qu'un seul musicien serait bien en peine de « jouer » de cet instrument. D e toute façon, ces colonnes ne sont pas conçues pour des musiques modernes utilisant l'ensemble des sept notes ou des douze tons c o m m e la musique classique occidentale mais plutôt pour accompagner des airs formés de combinaisons de trois à cinq notes, c o m m e les hymnes religieux. Dès lors, il est possible d'isoler des colonnes voisines les unes des autres produisant les notes des échelles correspondantes. L'auteur a enregistré u n chant religieux dont l'interprète s'accompagnait luim ê m e en frappant les colonnes. L a musique rythmée utilisée pour le chant et la danse comportant peu de notes, il est possible de la « jouer » sur ces colonnes. N o u s avons également enregistré de la musique rythmique « jouée » par u n musicien qui frappait les colonnes de ses doigts garnis d'anneaux de métal. L'analyse des fréquences caractérisant les colonnes musicales des autres temples rejoint les conclusions exposées ci-dessus. Une

musique née

de la sculpture et de l'architecture

Avec u n microphone-ventouse branché sur u n haut-parleur amplificateur, il est possible de transformer u n ensemble de colonnes musicales en un instrument électromécanique, analogue à une guitare électrique. Les vestibules où se trouvent ces colonnes musicales sont des espaces ouverts sur les côtés : les sons émis ne sont donc pas affectés par un phénomène de réverbération acoustique. Dans certains groupes de colonnes, nous avons constaté que deux ou trois colonnes pouvaient avoir la m ê m e fréquence. Il suffit alors parfois de frapper une colonne pour faire vibrer par résonance les autres colonnes ayant la m ê m e fréquence. E n raison de la différence d'impédance entre l'air ambiant et la pierre, u n chanteur placé à proximité des colonnes et qui émet à voix suffisamment forte des sons en harmonie avec elles obtient par résonance des vibrations, très faibles il est vrai, qu'il est possible de rendre audibles par amplification électronique. U n enregistrement d'hymnes religieux chantés a été réalisé à proximité de ces colonnes. Les moyens d'amplification électronique ont permis de réaliser u n accompagnement automatique des voix par les vibrations de l'air se transmettant aux piliers. O n redécouvre actuellement cet art ancien de la sculpture de colonnes musicales et des artistes de Mahabalipuram ont entrepris d'en construire de nouvelles. Cette forme d'architecture musicale ouvre de nouvelles perspectives dans le domaine de l'acoustique musicale et de l'art de la sculpture. Je suis persuadé pour m a part que les moyens et méthodes scientifiques modernes peuvent nous aider à concilier une double exigence de qualité musicale et de beauté plastique. Certaines colonnes musicales ont été endommagées par les coups trop brutaux

de visiteurs. Pour éviter que cela ne se reproduise, on pourrait utiliser pendant les visites u n dispositif comprenant u n microphone-ventousefixéà la base de chaque colonne et branché sur u n amplificateur et sur u n système de haut-parleur. Il suffirait alors de frapper légèrement la pierre pour obtenir u n volume sonore très important. Un escalier musical K u n b a k o n a m (district de Tanjore), ancienne capitale des rois chola, et la région environnante comptent de nombreux sanctuaires. L e temple de Darasuram, à proximité de la ville, comporte u n escalier de pierre délicatement ouvragé dont chacune des sept marches, qui ne sont pas en contact avec le sol a la particularité d'émettre u n son différent lorsqu'on y pose le pied. Statues musicales en pierre D e magnifiques sculptures ont été taillées dans la m ê m e « pierre de granit » qui servit à construire les colonnes musicales, c o m m e celles du dieu éléphant Ganesh et de Garuda dans le temple de Brihadishvara à Tanjore. O n pourrait citer aussi les statues de Rati et de M a n m a t h a d u temple de Vishnu à Shanbagaramanallur et certaines sculptures du temple de Krishnapuram dans le district de Tirunelveli. La caractéristique de ces statues est qu'on obtient une note musicale différente lorsqu'on fait vibrer leurs multiples bras. Statues et cloches musicales en bronze Il existe aussi des statues en bronze conçues selon le m ê m e principe. C'est le cas d'une statue d u temple de Tirumangai près de Kanchipuram dite M a h a Vishnu aux sept notes, parce qu'en frappant les sept bras de la statue du dieu on obtient les sept notes de l'octave. Il existe également des cloches musicales en bronze et notamment u n ensemble de sept cloches conservé au Musée Raja Kelkar de Poona et dont chacune donne une note différente. Tuyaux sonores en pierre L ' u n des piliers de soutènement du temple shivaïte de Shanbagaramanallur (déjà mentionné), est percé d'un orifice conique. Selon qu'on souffle par l'une ou l'autre des extrémités, on obtient un son qui évoque celui d'une conque ou celui d'une trompe en cuivre. Des trompes Nagaswaram en bois dur sont utilisées les jours de fête, pour le culte quotidien, les mariages et en d'autres occasions. A u temple de Shiva Kumbeswara à Kunbakonam, se trouvent deux trompes Nagaswaram en steatite. Chaque instrument, long de 55 c m , comporte u n embout de 17 c m en laiton. L e corps de l'instrument long et étroit s'élargit pour atteindre un diamètre de 2,5 c m à son extrémité. Il est constitué de trois pièces assemblées par des anneaux de métal. D e u x trompes en pierre du m ê m e type sont conservées dans les collections d'instruments musicaux d u Musée Raja Kelkar de Poona. Enfin il faut mentionner l'instrument dit M u k h a Veena, sculpté dans un bloc de pierre et qu'on utilise encore aujourd'hui au temple de Sri Adi-Nath d'Alwar Tirunagarai (district de Tirunelveli). L e corps de l'instrument (à l'exclusion de l'embout) est long de 20 c m et comporte une extrémité évasée. Il aurait été donné au temple par u n roi nayak pour accompagner les récitals de danse sacrée.

Conclusion Ces colonnes musicales et autres objets en pierre ayant la m ê m e vocation constituent une véritable mine de renseignements sur la musique et l'art des anciens temples, qu'il nous est désormais possible d'explorer et d'étudier d'une manière scientifique. •

Références P. M . M O R S E , Vibration and sound, 2 e éd., p. 123, N e w York, McGraw-Hill Books, 1948. H . F. O L S O N , Physics, Music and engineering, 2e éd., p. 77, N e w York, Dover, 1967.

Répertoire des centres de technologie appropriée (volume II) par Nicolas Jéquier et Gérard Blanc

C e volume est le second de la série concernant les technologies qui sont moins coûteuses, qui opèrent sur une échelle plus petite, demandent plus de main-d'œuvre et sont moins complexes o u mieux adaptées aux conditions locales que les technologies conventionnelles. L e nouveau volume décrit 318 organisations situées dans 90 pays, s'ajoutant aux 277 centres figurant dans le premier répertoire. 395 pages, I S B N 92-64-22643-5. Prix : 120 francs; 12 livres sterling; 24 dollars des États-Unis; 53 marks. Ce répertoire est en vente au Bureau des publications de l ' O C D E , 2, rue André-Pascal, 75775 Paris Cedex 16 (France).

L'auteur évoque quelques-uns des nombreux problèmes acoustiques que pose l'utilisation des auditoriums à des fins multiples au moyen d'exemples empruntés à des salles existantes. En dernière analyse peut-être n'y a-t-il pas de solution idéale lorsqu'il s'agit de concevoir un modèle de salle qui doive servir à des usages aussi disparates que des concerts, la représentation d'opéras ou de pièces de théâtre et des réunions et conférences.

Problèmes acoustiques des salles polyvalentes Tamas Tarnóczy

Physicien, l'auteur s'occupe d'acoustique depuis une cinquantaine d'années. Directeur du laboratoire d'acoustique de l'Académie hongroise des sciences de 1975 à 1981, il a passé son doctorat en 1943 sous la direction du professeur Georg von Békésy, futur prix Nobel de médecine pour ses découvertes relatives à l'appareil auditif. M . Tarnóczy a enseigné dans trois universités hongroises ; il est l'auteur de huit ouvrages et de plus de 250 articles scientifiques. Membre de FAcoustical Society of America, membre honoraire de trois autres sociétés d'acoustique et président de la Commission d'acoustique de Hongrie, il fait partie depuis douze ans de la Commission internationale d'acoustique de F Union internationale de physique pure et appliquée. Son adresse est la suivante : Aux bons soins des Laboratoires scientifiques de l'Académie hongroise des sciences. Budaörsi ut 45, H-1112, Budapest (Hongrie).

Introduction

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Il est difficile de concevoir une salle polyvalente à l'acoustique uniformément satisfaisante ; pourtant il n'existe pratiquement pas de salle qui ne soit utilisée à une autrefinque sa destination d'origine. Par exemple, on organise fréquemment des rassemblements de foule dans des salles de conférences, de cinéma ou de théâtre et, inversement, des concerts dans des amphithéâtres universitaires, des théâtres ou des églises. D e s exemples d'utilisation aussi accidentelle ne sauraient toutefois être considérés c o m m e répondant vraiment à la définition d'une double utilisation. U n e salle ayant une vocation précise n'est généralement utilisée à d'autresfinsque pendant environ 15 % d u temps total d'utilisation. Et m ê m e une salle à double vocation doit parfois servir à d'autres usages. Il faudrait d'abord s'entendre sur les différentes formes d'utilisation, car il est bien évident que si une salle est utilisée de dix manières différentes, aucune d'elles ne représentera 15 % d u temps total d'utilisation. N o u s regrouperons donc ces différentes formes d'utilisation en six grandes

Définitions et symboles D ' u n e manière générale, le temps qui s'écoule (en secondes) entre l'émission d u son et u n affaiblissement de 60 d B de son intensité. Temps de résonance moyen (T) E n l'occurrence, temps de réverbération des fréquences moyennes (de 500 à 1 000 H z ) dans une salle occupée. Restitution des graves (B) Chiffre obtenu en divisant la moyenne des temps de réverbération aux fréquences de 125 H z et 250 H z par le temps de résonance moyen, selon la formule : Temps de réverbération

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Résonance assistée

Décibel compensé (dBA)

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L a partie de l'énergie sonore qui atteint directement l'oreille de l'auditeur. L a partie de l'énergie sonore constituée d'ondes sonores réfléchies. Allongement d u temps de résonance naturel d'une salle par des méthodes électro-acoustiques. Méthode spéciale — par émission en retour d u son au m o y e n d'un procédé électro-acoustique mettant en œuvre de nombreux résonateurs — pour créer une réverbération artificielle, en particulier pour les basses fréquences. Unité de niveau sonore mesurée par u n amplificateur dont les caractéristiques de transmission ont pour effet de supprimer les basses fréquences.

catégories : i. Concerts de musique symphonique et de musique de chambre, chœurs et récitals de solistes ; 2. Représentations d'opéras, d'opérettes, de ballets et de comédies musicales ; 3. Musique de danse, musique légère, pop music, rock, jazz, etc. ; 4. Récitals de prose ou de poésie et représentations théâtrales ; 5. Projections cinématographiques ; 6. Réunions, conférences, cours et discours. Les salles expressément construites pour les types d'utilisation 1, 2 ou 6 ne servent généralement qu'à cette fin. Par contre, il n'est pas rare que certaines salles soient utilisées indifféremment à des fins voisines, par exemple 1 et 2. Les salles destinées aux activités 4 et 5 peuvent servir occasionnellement à d'autres usages. Quant aux salles construites spécialement pour les activités de la catégorie 3, il n'en existe pratiquement pas d'exemple. E n effet, u n tel bâtiment devrait obéir aux m ê m e s critères que ceux qui ont été conçus pour d'autres représentations musicales, avec cette contrainte supplémentaire que la musique populaire exige des enceintes très vastes ; il n'est d'ailleurs pas impossible que ce type de considération ait pesé dans la décision de construire de vastes salles polyvalentes.

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Les musiciens de rock : une « horde d'envahisseurs »

L'acoustique des salles de concert les rend tout à fait inadaptées à d'autres utilisations. C'est pourquoi de nombreux spécialistes répugnent à utiliser pour la communication parlée des salles dont la forte réverbération a été calculée en fonction de l'écoute musicale. D e m ê m e , il est très difficile de concilier dans une m ê m e salle les exigences acoustiques d u concert et de l'opéra, m ê m e si ces deux utilisations sont les plus fréquemment associées. E n tout cas, tous les spécialistes sont unanimes à rejeter l'idée d'utiliser les salles de concert classique pour les concerts de rock et assimilés. Évoquant le problème, V . L . Jordan 1 va jusqu'à comparer ces orchestres à une « horde d'envahisseurs ». L'acoustique des salles de concert est incompatible avec le volume sonore des instruments électriques, qu'il s'agisse d u temps de réverbération ou de l'énergie sonore ainsi libérée. U n élément important de l'acoustique d'une salle est la perception de la réflexion latérale immédiate, et de ce point de vue les salles trop vastes présentent des inconvénients. U n autre facteur important d'appréciation est le délai nécessaire pour permettre à une onde sonore de se développer et de mourir, m ê m e si l'observateur ne perçoit pas le temps physique de réverbération mais simplement la partie audible. Les bruits d'ambiance augmentent avec l'importance de l'auditoire et contribuent également à influencer le jugement ; du fait de la réverbération, ils sont particulièrement néfastes à une bonne acoustique des salles très spacieuses. Les salles bivalentes

Les salles bivalentes se répartissent sous leur forme la plus courante en deux catégories. U n premier type de salle combine les avantages d'une salle de concert et d'une salle d'opéra. D a n s son livre, L . L . Beranek 2 en cite plusieurs exemples, sans donner malheureusement de pourcentages d'utilisation concert/opéra. U n e autre combinaison très répandue consiste à utiliser la m ê m e salle pour les activités 1 et 6 (musique symphonique ou vocale et conférences ou discours). Tel est fréquemment le cas des auditoriums des universités américaines, qui servent à la fois d'amphithéâtres et de salles de concert ou d'opéra. Les salles de congrès, qui se multiplient actuellement, constituent la dernière variante en date de cette formule. Il est généralement possible de se faire une idée de la destination initiale d'une

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salle en examinant sa conception architecturale et son acoustique. L e grand théâtre lyrique de Baltimore, construit en 1894, présente les caractéristiques d'une salle de concert traditionnelle, avec notamment une scène très vaste. O r la salle n'est utilisée qu'à 35 % pour des concerts et, bien que la scène soit en fait trop petite pour les spectacles d'art lyrique, 10 % du temps d'utilisation est consacré à l'opéra ou au ballet. Les représentations théâtrales absorbent également 25 % du temps d'utilisation et les autres manifestations (dont certaines de caractère musical), les 30 % restants. Les auditoriums construits en 1957 à Edmonton et Calgary (Canada) pour le Jubilee de la province d'Alberta ne sont pas sans évoquer le Théâtre municipal (aujourd'hui Théâtre Erkel) de Budapest, construit entre 1909 et 1913 s . L a taille, le plan et m ê m e la décoration intérieure de ces salles indiquent qu'elles ont été conçues essentiellement, c o m m e le Théâtre Erkel, pour la musique populaire (utilisation 3). Malheureusement, la bonne disposition de la fosse d'orchestre n'arrive pas à compenser le niveau beaucoup trop faible de restitution des graves (B = 0,95 !). E n outre, le temps de résonance moyen est trop court pour les concerts de musique classique. Ces salles abritent d'ailleurs des manifestations de tout genre. La meilleure salle d'Amérique du Sud (selon Leonard Bernstein)

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Avec l'Aula M a g n a de Caracas nous nous trouvons devant une salle véritablement bivalente (1 et 6). Après la construction de cet auditorium d'une forme inhabituelle, il a fallu faire appel à un acousticien qui n'a pu améliorer l'acoustique de la salle qu'en disposant u n peu partout des écrans (appelés nuages). Pour l'auditoire, il en résulte une acoustique très « sèche », qui ne restitue guère l'impression d'espace. Leonard Bernstein n'en considère pas moins l'Aula M a g n a c o m m e la meilleure salle de concert d'Amérique du Sud, ce qui prouve qu'il ne faut pas toujours se fier aux appréciations d'un chef d'orchestre dans ce domaine. Par ailleurs, cette salle est équipée d'installations électro-acoustiques qui permettent de l'utiliser c o m m e salle de conférences. Enfin, il convient de mentionner une autre salle canadienne à double vocation : le Queen Elizabeth Theatre de Vancouver, qui date de 1959. Les dimensions de la salle sont celles que l'on considère c o m m e normales pour une salle de concert (16 750 m 3 ) ou de théâtre (14 870 m 3 ) . Il est rare qu'on y représente des opéras et les utilisations « parlées » l'emportent sur les événements musicaux dans la proportion de 2 contre 1. La décoration intérieure est agréable, mais l'acoustique est relativement sèche, ce qui est dû sans doute au rapport entre les ondes directes et les ondes réfléchies. Ce défaut nous paraît imputable à la conception de la fosse d'orchestre, que l'on a construite sans prendre l'avis d'un acousticien. Elle a été réaménagée par la suite pour pallier cet inconvénient, mais les résultats ne sont pas encore connus. A u lendemain de la représentation inaugurale, on pouvait lire dans le New York times : « A l'heure actuelle, la recherche d'une acoustique polyvalente ne nous semble pas constituer une solution idéale d'un point de vue exclusivement musical. » D ' u n autre côté, Herbert von Karajan, qui débuta c o m m e pianiste avant de devenir chef d'orchestre, affiche une prédilection marquée pour les salles ayant une acoustique sèche et juge donc celle-ci excellente. Tel n'était pas l'avis de sir T h o m a s Beecham et d'Isaac Stern, qui la trouvaient trop sèche pour leur goût. Selon Isaac Stern, l'acoustique idéale serait celle du Théâtre Colón de Buenos Aires, autre salle à double usage où le temps de réverbération est beaucoup plus long, ce qui donne une sonorité beaucoup plus spacieuse.

Une salle à triple vocation L e nouveau Festspielhaus de Salzbourg, construit en i9604, est une salle à triple vocation, puisqu'on y joue les opéras et la musique de Mozart, mais aussi des pièces de théâtre. Pour tenir compte de l'espace disponible, la salle se présente quasiment c o m m e u n carré de plus de 35 mètres de côté. Les problèmes acoustiques se compliquent encore du fait de la conception très particulière de la scène, prévue pour occuper en cas de nécessité un pan entier de la salle. U n jeu de parois mobiles permet en effet de dégager un espace scénique de 21 à 30 mètres de large sur 9 mètres de haut. L e volume ainsi occupé par la scène est le double de celui de la salle. L e dessin de la figure 1 représente le bâtiment en coupe ; le plan au sol permet de deviner certaines interférences latérales malencontreuses, que m ê m e l'importance d u proscenium ne peut complètement supprimer. E n outre, le dispositif adapté compromet l'équilibre entre l'orchestre et les chanteurs, puisque le bord supérieur de la scène rabat la voix des chanteurs directement vers le balcon, alors que la musique de l'orchestre est essentiellement dirigée vers les derniers fauteuils de parterre.

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L e volume utile de la salle est de 13 000 m 3 pour les représentations théâtrales et de 14000 m 3 pour les concerts utilisant la fosse d'orchestre. L e théâtre peut accueillir 2 160 spectateurs assis pour les concerts et l'opéra et 2 340 pour les représentations de théâtre parlé. Cela permet de modifier quelque peu le temps de réverbération, ce qui prouve qu'en jouant sur les dimensions et la capacité d'une salle il est possible d'apporter une solution satisfaisante au problème des salles polyvalentes. L e nouveau Festspielhaus a ses partisans et ses détracteurs. Les spectateurs, eux, sont plutôt satisfaits, car la technique dite de « résonance assistée »6, mise au point pour adoucir l'acoustique du Royal Festival Hall de Londres, a été appliquée ici avec succès grâce à des haut-parleurs dissimulés dans les murs et le plafond. O n utilise également u n système d'amplification électro-acoustique pour la musique d'orgue.

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F I G . I. Coupe longitudinale et plan du nouveau Festspielhaus de Salzbourg (Autriche).

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Japon : l'acoustique « sèche » est la norme

A u Japon, presque tous les auditoriums sont des salles polyvalentes équipées d'un système d'amplification électro-acoustique. Bizarrement, toutes ces salles ont des temps de réverbération très courts6, malgré u n volume par personne généralement satisfaisant (de l'ordre de 6 à 10 m 3 par spectateur). Il est vrai que ce calcul comptabilise uniquement les places assises, alors que les salles de spectacle japonaises sont généralement prévues pour accueillir un grand nombre de spectateurs debout. Ainsi la salle de musique Tökagoku-dö de Tokyo n'offre que 150 places assises pour u n volume de 5 110 m 3 . Malgré les nombreux déflecteurs suspendus destinés à régler le temps de réverbération, celui-ci diminue de 40 % pour u n auditoire de 500 personnes. La situation est la m ê m e dans deux des plus grandes salles d u Japon (respectivement 43 600 m 3 et 40 180 m 3 ) , qui sont équipées d'un système de réverbération artificielle. U n e trentaine de salles destinées au m ê m e usage et avec une acoustique similaire ont été construites au Japon entre i960 et 1970; leur volume oscille entre 10 000 et 20 000 m 3 . Les statistiques d'utilisation de plusieurs de ces auditoriums ont donné les résultats suivants : utilisation 1,16 % ; 3, 37,5 % ; 6 , 2 9 %. Les 17,5 % restants correspondent à des usages mixtes. A titre de comparaison, voici les chiffres correspondants pour le Théâtre lyrique de Baltimore : 1, 35 % ; 2, 10 % ; 6, 25 % ; autres usages, 30 %. L'expérience a montré que le temps de réverbération idéal est de T = 1,8 seconde pour une salle pleine. Or, dans certains grands auditoriums de Tokyo, Kyoto et Osaka, on a pu mesurer des valeurs de 1,2 à 1,6 seconde, et cela pour les salles vides. Par contre, dans les salles de concert d'Europe et dans celles qui ont été construites récemment en Amérique, les valeurs pour des salles pleines oscillent entre T = 1,8 et 2,2 secondes. Quant à la Salle de concert D e Doelan, de Rotterdam, qui reste jusqu'à plus ample informé la plus vaste d'Europe, elle dispose d'un volume de 27 000 m 3 avec un temps m o y e n de réverbération de 2,15 secondes. Le gigantisme ne vaut rien pour la qualité du son

A u x États-Unis, on a construit avant i960 plusieurs énormes auditoriums « polyvalents », par exemple à Chicago (37 500 m 3 ) , à Lenox, Mass. (42 450 m 3 ) ou encore à Lafayette, Ind. (37 500 m 3 ) . Il s'agit moins en vérité d'auditoriums que d'enceintes couvertes capables d'accueillir de 5 000 à 6 000 personnes et dont les murs latéraux sont distants de 55 à 65 mètres. C'est pourquoi, à notre avis, ces salles sont inutilisables en raison de leur acoustique déplorable. U n e étude de Beranek 2 paraît suggérer le contraire, mais son m o d e de calcul tient uniquement compte de la vitesse de propagation du son et les résultats obtenus en réalité seraient beaucoup plus mauvais que ne le laissent prévoir ses calculs théoriques. U n autre facteur important dont Beranek2 a négligé de tenir compte est l'effet déterminant des réflexions latérales initiales par opposition à celles du plafond. C'est pourquoi les salles tout en largeur sont moins bonnes acoustiquement que celles qui sont construites en longueur. Mais il n'est pas possible non plus de prolonger indéfiniment la longueur d'une salle pour de simples raisons de dynamique sonore, la portée des sons dépendant de l'énergie d'émission. Il existe donc u n seuil volumétrique au-delà duquel on ne peut garantir une bonne acoustique ; aussi devrait-on renoncer à construire, quelle qu'en soit la destination, des auditoriums prévus pour 5 000 à 6 000 personnes, dont on voit d'ailleurs mal l'intérêt pratique. A ce point de la discussion, il paraît opportun d'examiner brièvement l'acous-

tique d'une des salles polyvalentes les plus controversées du m o n d e , le Northrop Memorial Auditorium de Minneapolis. Cet amphithéâtre universitaire a été construit en 1928, en pensant explicitement à l'utilisation théâtrale. L e volume de la salle de concert est de 32 500 m 3 (30 000 m 3 avec le rideau de sécurité baissé) et l'espace scénique est également très vaste : 15 700 m 3 . Les derniers fauteuils du parterre, en pente légèrement inclinée, sont surplombés d'un balcon en pente très raide (28o). Le parterre est plus large que long (44 mètres) et le balcon à lui seul a une profondeur de 31 mètres. Bien que la salle ait été conçue pour accueillir l'orchestre symphonique de Minneapolis, son temps de réverbération n'est que de 0,9 seconde. Il n'est pas étonnant que les nombreux travaux d'aménagement de la salle entrepris depuis sa construction pour tenter d'en a m é liorer l'acoustique n'aient guère donné de résultats. Enfin, en 1970, Ramakrishna et Smith 7 se sont livrés à une étude approfondie d u bâtiment. Ils ont constaté qu'outre le temps de réverbération trop court, la salle souffrait également d'un bruit de fond trop élevé, de l'ordre de 42 d B A à 62 d B A , dans une salle pleine, avec un auditoire « silencieux ». Ramakrishna et Smith ont alors suggéré d'installer des déflecteurs sonores et de remplacer en m ê m e temps l'équipement électroacoustique. Après réglage des installations, ils sont parvenus à obtenir u n taux d'intelligibilité syllabique de 80-85 % dans tous les points de la salle. Malheureusement, cela n'a aucune incidence sur la musicalité puisqu'il s'agit de sons amplifiés et retransmis par haut-parleurs. Il faut donc chercher la solution ailleurs. Modifier Vacoustique en fonction de l'utilisation Les grandes salles doivent être dotées d'un dispositif d'assistance électro-acoustique et ne sont donc pas conformes aux normes acoustiques habituelles. A Lafayette, par exemple, on utilise u n système central d'amplification stéréophonique mais ce n'est pas la meilleure des solutions. U n e idée déjà ancienne pourrait permettre de résoudre ce problème d'acoustique : celle des salles à architecture modulable. L a première tentative dans ce sens remonte à 1941 et elle est due à l'acousticien allemand K . F . Darmer 8 , qui proposait l'installation de colonnes téléorientables recouvertes de matériaux absorbants. L ' « espace de projection »9 présenté en 1982 au Centre Pompidou de Paris semble apporter une solution très satisfaisante aux besoins d'un espace acoustique m o d u lable à des fins expérimentales (fig. 2). Toutefois, c'est aux États-Unis qu'on a reconnu pour la première fois qu'il était décidément impossible d'améliorer de façon satisfaisante l'acoustique des salles de trop grandes dimensions. Depuis une quinzaine d'années, on s'efforce de mettre au point une solution technique pour les salles à capacité variable. D è s lors, le nombre de spectateurs devient une variable qu'il est possible de concilier avec les exigences acoustiques. U n « concert » qui attire des milliers de jeunes, mais pose u n m i n i m u m de problèmes acoustiques peut remplir les plus vastes enceintes sportives. Par contre, il serait absurde de jouer une pièce d u répertoire classique dans des salles de 3 000 places, puisque ce genre de spectacle n'a guère de chances d'attirer autant de m o n d e , m ê m e dans une très grande ville. Il apparaît donc souhaitable de pouvoir modifier non seulement l'acoustique, mais également les dimensions de la salle en fonction de chaque manifestation. Si l'on refuse d'envisager des salles distinctes pour les différents spectacles, la seule solution consiste à disposer de salles à espace modulable. Prenons à titre d'exemple l'Auditorium Edwin T h o m a s de l'Université d'Akron (Ohio) 10 . Avec u n volume de 18 200 m 3 , ce théâtre, presque aussi vaste que le

F I G . 2. Croquis d'une salle à acoustique variable : « Espace de projection », Paris (France).

S y m p h o n y Hall de Boston (fig. 3 à), fait penser au grand amphithéâtre de bien des universités. Il peut accueillir au total 3 008 spectateurs assis. L e balcon suspendu peut accueillir 687 personnes. Les rangées de sièges du balcon sont disposées à u n angle de 2 7 o par rapport à l'horizontale et les sièges les plus éloignés sont situés à une quarantaine de mètres du centre de la scène. L e temps moyen de réverbération est relativement court {T = 1,8 seconde) et le pourcentage de restitution des graves est de B = 1,11. Pour les représentations d'art lyrique, on peut supprimer le balcon suspendu en abaissant la partie arrière du plafond et en resserrant en m ê m e temps l'espace latéral. L'inclinaison des premiers rangs de la partie supérieure est alors de 18 0 , le nombre total de sièges est ramené à 2 321 et le taux de réverbération passe à T = 1,6 seconde. U n système de télécommande permet d'amener la fosse d'orchestre — normalement située sur la scène — devant le plateau et de modifier quelque peu l'inclinaison d u proscenium. Tous les ouvrages lyriques sonnent bien dans cette salle, malgré u n temps de réverbération typiquement « wagnérien ». Enfin, une troisième formule permet également de ramener la salle aux dimensions d'un petit théâtre grâce aux modifications indiquées à la figure 3 c, ce qui donne une salle de 3 920 m 3 comportant 894 places assises disposées en plan incliné à 7 0 . L a longueur de la salle ainsi transformée n'est plus que de 22 mètres et, c o m m e les sièges sont disposés en éventail, la largeur oUminue aussi en proportion. Cette nouvelle disposition donne u n temps de réverbération qui n'est pas particulièrement court : T = 1,4 seconde. L a solution mécanique qui consiste à déplacer les éléments du plafond n'est pas l'exclusivité de la salle Edwin T h o m a s . O n pourrait citer une demi-douzaine de bâtiments similaires et plusieurs autres sont actuellement en cours de réalisation. Les éléments suspendus par câble sont maintenus en équilibre par des contrepoids. Dans le cas de l'auditorium Edwin T h o m a s , il s'agit de panneaux absorbants

^r*" F I G . 3. Coupe longitudinale schématique de l'Edwin Thomas Perfonning Arts Hall de Akron, Ohio (États-Unis d'Amérique), dans trois utilisations différentes : a) salle de concert ; b) opéra ; c) théâtre. (Daprès G . C . Izenour.)

formés de 3 600 plaques d'acier qui occupent toute la surface d u plafond et sont divisés en neuf éléments amovibles séparés. U n système de télécommande informatisé permet n o n seulement de déplacer ces éléments, mais également de m o d i fier leur capacité d'absorption dans certaines limites. Autrement dit, pour qu'une salle soit vraiment polyvalente, il faut pouvoir en modifier à la fois le volume intérieur et la capacité d'absorption des matériaux. L a sonorisation de la salle E d w i n T h o m a s aura été la dernière réalisation importante d u grand acousticien V . O . K n u d s e n , qui la termina en 1973, u n an avant sa mort. L'architecte d u théâtre était George C . Isenour 10 .

133

La solution d'avenir : salles polyvalentes ou centres culturels?

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D e nos jours, l'organisation prend de plus en plus d'importance dans tous les aspects de notre vie. Les spectacles s'adressent à des audiences de masse. Les événements artistiques et culturels doivent être plus étroitement liés. Les problèmes de circulation dans les grandes villes obligent les spécialistes à s'interroger de manière plus approfondie sur l'emplacement et la conception des équipements culturels. A u lieu de les disperser u n peu au hasard, il semble préférable, du moins en milieu urbain, de chercher à rassembler dans u n m ê m e lieu les institutions ayant la m ê m e vocation. O n peut envisager deux solutions à ce problème. L a première consiste à construire une salle unique et véritablement polyvalente, la seconde étant de construire plusieurs salles répondant chacune à u n besoin différent. Ces deux solutions présentent des avantages et des inconvénients, mais il existe aussi des formules intermédiaires. Examinons d'abord la solution de la salle unique. O n a longtemps cru que le gigantisme constituait la bonne solution. A u Radio City Music Hall de N e w York, par exemple, les représentations durent tous les jours de midi à minuit : projections de films, spectacles de music-hall, ballets, musique, numéros d'acrobates et spectacles de variétés ou de danse se succèdent sans interruption. L a salle, dont le volume est estimé à 50 000 m 3 (T — 1,5 seconde), peut accueillir 6 200 personnes. Elle se présente sous l'aspect d'un amphithéâtre dont les recoins les plus éloignés se trouvent à plus de 50 mètres de la scène. Il est donc naturel de recourir à un système d'amplification sonore électronique pour retransmettre les sons. C o m m e le public n'est pas très exigeant musicalement, la plupart des spectateurs ne remarquent m ê m e pas qu'ils n'entendent pratiquement aucun son qui ne soit artificiel. Toutefois, aucun système de transmission électro-acoustique n'est utilisé pour les sources sonores importantes, c o m m e les grands orchestres par exemple. Un théâtre en rond Essayons d'éclairer par u n exemple plus récent la nature m ê m e d u problème, expérience et analyse acoustiques à l'appui. Il s'agit de la Festhalle de Hoechst A G , construite en 1963 à Francfort-sur-le-Main (plan et coupe,fig.4) 11 . Ce vaste espace circulaire est équipé de déflecteurs sonores placés au plafond. E n outre, l'estrade et les sièges sont disposés de manière à dormer l'impression d'une salle de dimensions moyennes. L'impression est trompeuse puisque la scène a une superficie de 250 m 2 et que le siège le plus éloigné est situé à 54 mètres du centre d u bâtiment. L e sol est horizontal, ce qui permet d'organiser également des réceptions et des bals. L'espace intérieur ainsi défini s'ouvre sur u n côté pour permettre à une partie de l'énergie sonore de se dissiper par absorption, exactement c o m m e dans le cas d'un espace ouvert. Pour compenser cette énergie perdue, des haut-parleurs placés du côté ouvert retransmettent le son initial avec u n décalage approprié. Cette reconstitution d'une acoustique « naturelle » exige u n énorme matériel. L'effet de réverbération du son est obtenu au m o y e n de 90 hautparleurs et 25 diffuseurs pour les graves avec deux valeurs différentes de décalage, ce qui permet également de corriger la courbe des fréquences. L e temps m o y e n de réverbération, m ê m e sans manipulation, est de T = 1,1 seconde pour une salle vide et de T = 2,3 secondes avec réverbération artificielle. L e remplissage de la salle (2 300 personnes) modifie à peine le temps de réverbération naturelle (T = 1,0 seconde), étant donné que la masse physique des spectateurs représente

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génie civil tels les barrages. Il sert couramment à l'étude des « cognements » qui se font entendre en sous-sol dans les mines, auxfinsd'alerte avancée. Aujourd'hui, les applications industrielles de l'émission acoustique comprennent le contrôle des matériaux cassants et semi-cassants en vue a) de l'obtention de signaux avertisseurs d'un début de microfissuration, b) de restimation de la durée de vie d'un matériau sous des charges spécifiées, c) de la détermination de la résistance mécanique d'un matériau. L a surveillance de l'émission acoustique est la seule méthode efficace de détection précoce et de localisation desfissuresse produisant dans les réservoirs de gaz sous pression et les enveloppes des réacteurs nucléaires. Cette méthode se révèle de plus en plus compétitive car o n a découvert q u e les défauts des soudures et inclusions de laitier résiduel résultant d u soudage produisaient u n e émission acoustique aisément décelable. L a technique de l'émission acoustique est également appliquée à la vérification de l'état des câbles de téléphérique et d'ascenseur de mines, aussi bien lors de l'installation que pendant l'exploitation. L'apparition de signaux d'émission acoustique annonce la rupture defilsmétalliques dans les torons des câbles. Cette méthode a trouvé récemment des applications prometteuses dans les essais de contrôle de la couche de surface des pièces mécaniques et l'évaluation de la « corrosion sous tension ». L a recherche de nouvelles applications de l'émission acoustique dans divers domaines industriels ou techniques se poursuit. Quelques autres applications des ultrasons

182

D e m ê m e qu'en médecine les rayons X sont utilisés à la fois en diagnose et en thérapeutique, o n se sert des ondes ultrasonores non seulement pour essayer les matériaux mais aussi pour en modifier la structure o u la forme. Cet emploi actif des ultrasons intervient surtout dans le traitement des liquides. U n c h a m p acoustique suffisamment intense détruit la continuité de la structure d ' u n liquide, suscitant la formation et l'effondrement brutaux de cavités ou petites bulles de vapeur o u de gaz. Les effets chimiques et mécaniques de la cavitation sont les suivants : Réduction de l'oxydation de solutions aqueuses ; Accélération de réactions chimiques ; Rupture de la chaîne moléculaire de composés organiques, dépolymérisation ; Modification des phénomènes électrochimiques de l'électrolyse ; Désintégration et coagulation de bactéries et de virus ;

Modification de la surface de solides immergés dans des liquides ; Élévation de la température d u milieu ; Émulsification de liquides (huile, eau) sous l'action d u c h a m p ultrasonore ; Dispersion de solides dans des liquides ; Interpénétration des structures de solides. Si l'on considère l'ampleur de ce domaine d'action des ultrasons, on peut s'attendre à leur découvrir encore de multiples applications industrielles. Dans u n ouvrage maintenant classique écrit vers le milieu des années 50, Bergmann recensait plus de trente domaines techniques où les ultrasons semblaient devoir trouver des applications intéressantes. Beaucoup de ces applications se sont toutefois révélées impraticables, pour diverses raisons : absence de générateurs suffisamment puissants pour produire u n c h a m p acoustique homogène, coût relativement élevé de l'exploitation d u matériel ultrasonore, résultats plutôt médiocres des méthodes ultrasoniques comparées à d'autres... O n énumérera donc ici seulement quelques autres techniques bien établies. Nettoyage des surfaces L a cavitation produite par u n c h a m p ultrasonore rend moins compacte la couche de jonction entre solides et liquides, éliminant ainsi certaines impuretés. D ' u n e grande précision, cette méthode de nettoyage des surfaces trouve toute une g a m m e d'application, allant du nettoyage de grosses pièces mécaniques c o m m e les éléments de construction de fusées et véhicules spatiaux à celui des surfaces de contact de pièces à souder, des boîtiers de micro-circuits électroniques intégrés, etc. L e matériel de nettoyage par les ultrasons fonctionne à des fréquences relativement basses (environ 30 k H z ) . Soudage par points des métaux et plastiques U n c h a m p ultrasonore suffisamment puissant provoque l'interpénétration des structures atomiques de deux pièces soudées, constituant ainsi une liaison très résistante. Cette méthode est particulièrement indiquée pour le soudage d'éléments en plastique impossibles à assembler par d'autres techniques. Perçage de matériaux fragiles Les concentrateurs d u type de celui représenté sur l'illustration 4 produisent des vibrations locales d'une grande intensité capables de désintégrer u n matériau. L'emploi de cette méthode permet de pratiquer des trous de la forme voulue dans des matériaux extrêmement durs (les carbures frittes par exemple), dans des cas où les techniques courantes d'usinage sont inutilisables. Electrolyse L'action catalytique et émulsionnante d'un c h a m p ultrasonore améliore l'adhérence et l'homogénéité des couches de métal déposées par electrolyse. L e c h a m p induit également une modification de la répartition d u potentiel électrique dans l'électrolyte, qui abaisse la consommation d'énergie pendant toute la durée de l'électrolyse.

Opérations de génie chimique L'action émulsionnante d'un c h a m p ultrasonore est également utilisée dans les industries chimique et pharmaceutique pour obtenir des mélanges homogènes stables des extraits présentant les caractéristiques voulues — des essences aromatiques à partir defleurs,par exemple. Cette méthode est employée avec succès dans la production à petite échelle car il est assez difficile de créer des champs ultrasonores puissants dans d'importants volumes liquides. Dans l'industrie textile, on se sert des champs ultrasonores pour obtenir une relative uniformité dans la teinture des tissus. Biotechnologie D a n s le domaine de la biologie, les champs ultrasonores ont été utilisés tout d'abord dans le vieillissement des vins. L'ouverture des cellules bactériennes sous l'effet des ultrasons permet au microbiologiste de les traiter rapidement et efficacement ; les ultrasons offrent aussi de nouvelles possibilités au génie génétique. L a g a m m e des fréquences ultrasonores utilisables dans ce domaine est très étendue, allant jusqu'à 200 k H z . Ailleurs, on a tenté récemment avec succès de se servir des ultrasons pour atomiser les mélanges d'essence et d'air destinés à alimenter les moteurs à combustion interne. Outre qu'elle permet d'économiser jusqu'à 20 % de carburant, cette méthode réduit la quantité de constituants toxiques contenue dans les gaz d'échappement. Une

remarque finale

Depuis dix ans, les méthodes de production de champs ultrasonores ont fait d'immenses progrès quitiennenten grande partie à l'emploi de nouveaux matériaux dans la fabrication des transducteurs électro-acoustiques et à l'introduction des techniques numériques. Ces progrès laissent entrevoir de nouvelles applications des ultrasons, tant en électronique que dans d'autres branches de l'industrie. •

Pour approfondir le sujet A G R E N A N T , B . A . Ultrasvukovaya teknologiya. Moscou, Nauka, 1974. B E R G M A N N , L . Der Ultraschall und seine Anwendung in Wissenschaft und Technik. Stuttgart, 1957. K R A U T K R A M E R , J. ; K R A U T K R A M E R , H . Ultrasonic materials testing. Berlin-Ouest, Éditions Springer, 1977. M A L E £ K I , I. Physical foundations of technical acoustics. Oxford, Fergamon, 1968. M A S O N , W . P . (dir. publ.). Physical acoustics, Principles and methods. N e w York, Academic Press. (Plusieurs volumes publiés de 1962 à 1983.) S H A R F E , R . S. Research techniques in non-destructive testing. Londres, 1973. S T E P H E N S , W . B . ; L E V E N T H A L L , H . G . (dir. publ.). Acoustic and vibration progress. Londres, C h a p m a n & Hall, 1974-1982. T R U E I X , R . ; E L B A U M , C . Ultrasonic methods in solid state physics. N e w York, Academic Press, 1969. Voir également : Acústica, J. Acoustical Soc. America, J. Acoustical Soc. Japon, Ultrasonics, Arch. Acoustics (Varsovie), Revue d'acoustique, Akusticheskiy Zhurnal et Revista di acústica.

Les lasers et lesfibresoptiques offrent de larges possibilités dans le domaine de l'acoustique. En utilisant un effet qu'Alexander Graham Bell (connu pour son invention du téléphone) a découvert le premier, les lasers ont rendu possible la production de son en imprimant des pulsations variables d'ondes lumineuses sur la surface d'un liquide ou d'un corps solide. Lesfibresoptiques peuvent être utilisées comme détecteurs sonores et offrent certains avantages par rapport aux détecteurs classiques tels que les détecteurs acoustiques piézo-électriques.

Les lasers en acoustique Leonid M . Lyamshev

Docteur es sciences physiques et mathématiques, professeur, directeur adjoint de VInstitut d'acoustique de l'Académie des sciences de l'URSS, Leonid Mikhaîlovitch Lyamshev a terminé en 1954 ses études supérieures à l'Institut de physique de l'Académie des sciences de l'URSS et a obtenu le grade de docteur es sciences en 1964. Il est l'auteur de plus de 200 ouvrages scientifiques, en particulier dans les domaines de la diffraction et de la propagation des ondes, de la physique des bruits aérohydrodynamiques et dans d'autres applications de l'acoustique. Il a souvent présenté des communications à des conférences ou congrès internationaux d'acoustique. Il est le président du Conseil unifié de l'Académie des sciences de l'URSS chargé des questions touchant « l'acoustique physique et technique », et il a fait partie de la Commission internationale d'acoustique de 1965 à 1981. Son adresse est la suivante : c\o Commission de l'URSS pour ¡'Unesco, Ministère des affaires étrangères de l'URSS, 9, Prospekt Kalinina, Moskva G-19 (URSS).

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II s'est écoulé u n p e u plus de deux décennies depuis la création d u premier générateur quantique optique. Les applications des lasers dans les sciences et les techniques, dans l'industrie, en médecine et dans pratiquement toutes les sphères de l'activité humaine sont désormais très nombreuses. Les recherches effectuées pendant ces dernières années ont ouvert de vastes perspectives en ce qui concerne leurs applications en acoustique. C e s applications comprennent de nouveaux émetteurs et détecteurs de son aux caractéristiques uniques, toute u n e nouvelle technologie laséro-acoustique et l'utilisation de l'optique cohérente pour le traitement des signaux dans des systèmes d'information acoustiques à canaux multiples. Les résultats de recherches relevant à la fois de l'électronique quantique et physique, de l'optique defibres,de l'optique intégrée et de l'acoustique, ouvrent, dans le domaine de la recherche physique et de la technologie, des perspectives que les m o y e n s dont on disposait jusqu'ici ne permettaient pas d'envisager. Les

sources sonores optico-acoustiques

L'effet optico-acoustique (les pulsations de la pression qui s'exerce dans u n gaz en milieu clos lorsqu'il est irradié par u n faisceau m o d u l é de rayons infrarouges) a été relevé pour la première fois par G r a h a m Bell en 1880 1 . Depuis le début des années 4 0 , cet effet a trouvé de nombreuses applications dans l'analyse qualitative et quantitative des mélanges gazeux et ensuite dans la spectroscopic photoacoustique de la matière. M a i s , compte tenu d u faible rendement de la transformation de l'énergie optique en énergie sonore, l'effet optico-acoustique n'a pris d'importance pratique pour la production de sons qu'avec l'apparition des générateurs quantiques optiques. A . M . Prokhorov et ses collaborateurs ont été les premiers à observer la formation d'ondes de choc lors de l'interaction d'un rayon laser avec l'eau2. A u cours de ces dernières années, des recherches sur la production optique d u son ont été menées sur une large échelle, tant en U n i o n soviétique qu'à l'étranger. O n a publié de n o m b r e u x ouvrages sur la production d u son par les lasers. O n peut désormais parler de sources sonores optiques o u , plus correctement, optico-acoustiques3. Les sources sonores optico-acoustiques présentent u n e série d'avantages par rapport aux émetteurs acoustiques classiques : téléguidage ; absence de contact direct (au sens courant d u terme) avec le milieu dans lequel l'onde sonore est émise ; possibilité d e modifier facilement les paramètres géométriques d e F « antenne » optico-acoustique et la g a m m e des fréquences émises ; possibilité de créer des sources sonores se mouvant pratiquement à volonté à des vitesses subsoniques, transsoniques o u supersoniques sans qu'il y ait déflexion par le milieu d u corps de l'émetteur ; possibilité de production optique de son dans une g a m m e de fréquences très large, depuis les très basses fréquences jusqu'aux ultrasons. Caractéristiques

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Examinons u n p e u plus en détail les caractéristiques des sources sonores opticoacoustiques. Imaginons q u ' u n rayon laser frappe la surface d'un liquide o u d'un corps solide. L'action d u rayonnement optique provoque u n e agitation d u milieu qui s'accompagne d'une émission d'ondes sonores. Les mécanismes qui peuvent déclencher cet effet sont divers et dépendent avant tout de la densité de l'énergie dégagée par le corps et d u m o d e de dégagement de cette énergie. Parmi ces m é c a nismes, o n peut citer : la dilatation thermique, l'électrostriction (variation des

dimensions d'un diélectrique sous l'influence d'un champ électrique), la vaporisation superficielle, l'ébullition explosive et le claquage optique. Dans les milieux absorbant les ondes optiques avec u n dégagement d'énergie de faible densité, c'est le mécanisme thermique de génération du son qui joue le rôle principal. E n ce cas, il n'y a pas de modification de l'état général du corps en ce qui concerne l'absorption de la lumière, mais les ondes sonores sont produites par la dilatation thermique de certaines parties du milieu échauffées par le rayonnement optique (c'est précisément en cela que consiste l'essence de l'effet ópticoacoustique découvert par Bell). Lorsque la densité de l'énergie dégagée par le corps augmente, les effets produits par l'augmentation de la vitesse de dilatation des parties du milieu soumises à l'action de la chaleur ainsi que par la modification des caractéristiques thermodynamiques de la substance sous l'action du rayonnement laser deviennent sensibles. Puis apparaissent des processus plus complexes de production d u son liés à la modulation des phases et au claquage optique. Imaginons maintenant que l'intensité de la lumière émise par le laser se modifie périodiquement (soit modulée) en fonction d'une fréquence sonore. Il se forme alors dans la couche sous-jacente à la surface de la substance liquide (pour plus de commodité, nous parlerons d'un liquide, bien que tout cela puisse aussi s'appliquer aux corps solides) une zone de pulsations qui émet des sons. Nous avons là une source sonore optico-acoustique. Ses dimensions, qui dépendent de la grandeur de la tache focale sur la surface, de la longueur du trajet de la lumière dans le liquide et de la fréquence sonore, peuvent être petites, comparables ou grandes par rapport à la longueur de l'onde sonore. Si les dimensions de la zone de dégagement d'énergie thermique ou, en d'autres termes, de la source optico-acoustique ou de l'antenne optico-acoustique émettrice, sont petites par rapport à la longueur de l'onde sonore dans le liquide, il y a émission dipolaire de son, c'est-à-dire qu'il se forme à la surface du liquide une source sonore émettant dans les petites ondes, dont le champ électrique est u n dipôle à cause de l'influence de la surface (fig. la).

F I G . I. Caractéristiques de la directivité d'une source de rayonnement optico-acoustique dans quelques cas limites.

Si les dimensions de la tache focale sont petites et si la longueur du trajet de la lumière est grande par rapport à la longueur de l'onde sonore, il se forme alors une sorte d'antenne optico-acoustique verticale et le son se propage surtout le long de la surface du liquide (fig. i£>). Enfin, si le diamètre de la tache focale est grand mais le trajet de la lumière dans le liquide petit par rapport à la longueur de l'onde sonore, il se forme une antenne discoïde et le son se propage surtout vers le bas, c'est-à-dire dans la m ê m e direction que le rayon laser dans le liquide (fig. ic).

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Un réglage à distance

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L a longueur d u trajet de la lumière émise par le laser dans le liquide (dans la substance) dépend de sa fréquence de rayonnement (longueur de l'onde lumineuse). Ainsi, dans l'eau, elle est de l'ordre de io"6 m dans l'infrarouge (laser à gaz carbonique) et de 10 m dans le bleu-vert (laser aux vapeurs de cuivre). E n modifiant la fréquence du rayonnement du laser et en focalisant ou en défocalisant le pinceau sur la surface du liquide et en changeant la fréquence de la modulation de l'intensité de la lumière dans le rayon laser, on peut régler à distance les caractéristiques du champ sonore dans le liquide. Il faut ajouter qu'en déplaçant le rayon laser à la surface du liquide on peut obtenir une source sonore optico-acoustique mobile dont la vitesse peut être subsonique, transsonique ou supersonique. Le rendement de la transformation de la lumière en son par suite d'un effet thermique est très réduit et ne représente dans le meilleur des cas que des dixièmes de i %. E n d'autres termes, la puissance des vibrations acoustiques dans u n liquide ne représente qu'un millième de la puissance d u rayonnement optique. C'est pourquoi il peut être préférable d'utiliser le phénomène de la vaporisation pour créer une source sonore optico-acoustique. Le son par vaporisation

La production de son déclenchée par la vaporisation de la substance devient appréciable lorsque la température du corps soumis à l'action du rayonnement laser (par exemple, d'un laser agissant par impulsions) se rapproche d u point d'ébullition. Si ce phénomène se produit en fin d'impulsion, le signal acoustique déclenché par la vaporisation de la substance se manifeste sous la forme d'une crête supplémentaire de pression qui survient dans la « queue » du signal produit par la dilatation thermique d u milieu. Si la densité de l'énergie dégagée augmente, cette crête prend davantage d'ampleur, etfinitpar se maintenir pendant toute la durée du signal acoustique. Par ailleurs, l'augmentation de l'intensité du rayonnement laser agissant sur la surface du liquide s'accompagne d'une ebullition tumultueuse de la couche sous-jacente à la surface, d'où un jet de vapeur s'échappe en direction du pinceau. C e jet de vapeur, qui pénètre à grande vitesse dans l'air, y crée une onde de choc de forte intensité et l'impulsion en retour qui affecte la surface du liquide y crée une onde de compression. E n fin d'impulsion, le rejet de l'onde de compression par la surface dégagée du liquide y produit une onde de dépression. Cette dernière entraîne sous la surface du liquide un phénomène de cavitation qui se manifeste par l'apparition de bulles facilement observables. Cette réaction dure tant que la densité de l'énergie optique introduite dans la substance n'atteint pas u n point critique qui déclenche un claquage optique dans la vapeur de la substance en evaporation. Cette réaction s'observe notamment lorsqu'on dirige le faisceau d'un laser à gaz carbonique à une intensité de io8 W / c m 2 (watts par centimètre carré) sur la surface d'un liquide non conducteur, ou encore u n rayon optique à une intensité de 10 e à io7 W / c m 2 sur la surface d'un métal. L e claquage optique dans la vapeur de la substance en evaporation entraîne la formation de plasma qui absorbe en partie le rayonnement optique et fait écran à la substance, à la suite de quoi l'amplitude de l'onde acoustique de compression cesse de croître en m ê m e temps que l'intensité de la lumière dans le rayon laser.

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Trois types de production de son

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O n peut donc distinguer trois types de production de son par vaporisation d'une substance soumise à l'action d'un faisceau laser en fonction de l'accroissement de l'intensité de la lumière : a) la vaporisation est faible lorsque la densité dégagée dans la substance est proche du degré de chaleur nécessaire à la formation de vapeur ; b) elle est intensive (ebullition tumultueuse) lorsque la densité de l'énergie dégagée dépasse sensiblement le degré de chaleur nécessaire à la formation de vapeur sans qu'il y ait de claquage optique ; c) il y a formation de plasma lorsque l'intensité de la lumière est si grande qu'il se produit des claquages dans la vapeur dégagée par la substance, le plasma ainsi créé absorbant le rayonnement laser et masquant la surface de la substance par un effet d'écran. Cette répartition en trois catégories différentes de la production de signaux sonores par laser grâce à la vaporisation d'une substance est évidemment tout à fait arbitraire dans la mesure où le passage de l'état condensé à l'état gazeux sous l'action du rayonnement laser (qui est à la base du phénomène de la vaporisation) s'accompagne en général de toute une série de phénomènes non linéaires complexes. Toutefois, cette catégorisation permet dans bien des cas d'établir une théorie d u phénomène et d'évaluer en particulier le rendement de la transformation de l'énergie optique en énergie acoustique. C e rendement est pratiquement quatre fois plus grand que dans les réactions thermiques et peut atteindre des unités de pourcentage. Lorsqu'il y a formation de plasma, le rendement diminue par suite de l'effet d'écran créé par le plasma qui se forme lors du claquage de la vapeur. Il est apparu que la transformation de l'énergie optique en énergie acoustique atteint un rendement maximal lorsqu'il y a claquage optique dans un liquide (ou dans une substance) par suite de la focalisation d'un rayon laser sur un point de sa surface. L'intensité de l'énergie dégagée peut être si grande qu'elle entraîne une ebullition accélérée de l'eau dans l'aire irradiée, qu'il se forme une cavité de vapeur qui s'élargit rapidement et qu'une onde de compression est émise. Lorsque l'intensité de la lumière et la densité de l'énergie dégagée sont encore plus grandes, il se produit u n phénomène de claquage optique accompagné d'une onde de choc. L'ensemble du phénomène se ramène aux données suivantes. Lorsqu'on dépasse un certain seuil d'intensité dans la zone irradiée, il se produit des micro-explosions et il se forme des cavités remplies de plasma luminescent. L e rayonnement laser est absorbé par le plasma compact et dégage une énergie supplémentaire dans chaque cavité. Sous l'action de cette pression accrue, la cavité s'élargit en émettant une onde de choc. A la fin de l'impulsion laser et du dégagement d'énergie dans la cavité, le gaz se refroidit, la luminescence disparaît et il se forme une bulle qui émet quelques pulsations. Les expériences indiquent que le rendement de la transformation de l'énergie optique en énergie acoustique dans les cas de claquage peut être de l'ordre de 10 %. Citons, à titre d'illustration, quelques chiffres caractéristiques des sources sonores optico-acoustiques résultant des différentes catégories de phénomènes. Ainsi, par exemple, on peut, en utilisant un laser à verre néodyme d'une fréquence de 1 M H z , créer dans l'eau, à une distance de 0,1 mètre de la surface, un champ sonore d'une pression de 10 Pa si la puissance du rayonnement optique est de 100 W . Dans le cas de vaporisation d'un liquide ou d'un métal, sous l'action du rayonnement d'un laser à gaz carbonique, on peut obtenir des impulsions sonores d'une amplitude allant jusqu'à io8 Pa et plus à une distance de 0,1 mètre avec une impulsion laser d'une durée de 10" 5 s, une tache focale d'un rayon de 1 c m et une intensité lumineuse du faisceau focalisé d'environ io8 W / c m a . Enfin, lorsqu'il y a claquage dans l'eau sous l'effet de l'impulsion d'une durée de io"9 s d'un laser à

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rubis avec une énergie de 0,1 joule, il se produit des ondes explosives d'une pression de près de 4 M P a ou de 40 atmosphères, mais sur 1 c m seulement, il est vrai. Rappelons que le seuil d'audibilité normal de l'homme est de 2.io - 6 Pa, soit 2.io~ 10 atmosphères. E n comparant les chiffres cités, on voit qu'avec les lasers actuels il est possible de créer des ondes ultrasoniques d'une amplitude énorme.

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Les récepteurs sonores à fibres optiques

L'optique intégrée et l'optique defibres,qui sont nées à la jonction de plusieurs disciplines (optique, électrodynamique, étude des matériaux, électronique quantique et électronique des semi-conducteurs) ont commencé à se développer en tant que branche indépendante de la recherche appliquée il y a une quinzaine d'années. Les fibres optiques doivent leur fulgurant développement à l'invention du laser et à la découverte de ses nombreuses et prometteuses applications dans les systèmes de liaison optique grâce aux progrès considérables réalisés dans la fabrication des conducteurs de lumière en fibres, qui réduisent au m i n i m u m les pertes d'énergie optique. U n e fibre optique est en règle générale unefibrediélectrique comprenant une âme (le plus souvent à section circulaire) et une gaine. L'indice de réfraction de l'âme de lafibredoit être supérieur à celui de la gaine, ce qui est indispensable pour que la lumière se propage à l'intérieur du conducteur. L a lumière se propage le long de l'axe de la fibre et ne peut s'échapper à travers la gaine. L a propagation d'un nombre fini de modes d'ondes optiques peut être assurée dans lafibre.L e diamètre de l'âme de lafibreoptique est en général de l'ordre de 5 à 10 (im lorsqu'il s'agit d'un conducteur unimodal, et de quelques dizaines, voire de quelques centaines de microns dans le cas d'un conducteur multimodal. L'écart relatif entre les indices de réfraction des matériaux constituant l'âme et la gaine de lafibreest en règle générale de 1 à 2 % pour lesfibresmultimodales et de quelques dixièmes de 1 % pour les conducteurs à m o d e d'onde unique. L e principal matériau utilisé est le verre, c o m m e par exemple le cristal de quartz dopé au germanium. Avec ce genre de fibre, les pertes globales d'énergie optique sont inférieures à 1 d B / K m dans un champ spectral de 1 à 1,8 ¡xm. L'apparition defibresoptiques à faibles pertes a permis de mettre au point des systèmes intégrés composés d'éléments optiques miniaturisés. Ces éléments comprennent avant tout des émetteurs lasers et des photodétecteurs. L e milieu actif utilisé pour les lasers en optique intégrée peut être constitué par une pellicule incorporant un colorant ou un semi-conducteur ou diélectrique à dopage ionique. O n met actuellement au point des lasers à gaz miniatures dans lesquels c'est le conducteur de lumière lui-même qui joue le rôle de tube à décharge. Il existe déjà des lasers capillaires courts de quelques centimètres de long. C e sont les sources semi-conductrices de rayonnement à structure hétérogène, les conducteurs de lumière à émission par la surface ou la base, les sources de rayonnement ultraluminescentes et les lasers à semi-conducteurs qui sont les plus employés en optique defibreset en optique intégrée. E n ce qui concerne les photodétecteurs utilisés dans ces mécanismes, ils doivent avoir une haute sensibilité et une faible rémanence*. Ces conditions sont remplies, par exemple, par les photodiodes. Les progrès réalisés dans la fabrication defibresoptiques peu absorbantes de paramètres donnés et dans la mise au point des sources laser et des photodétecteurs

L'induction magnétique qui persiste dans un circuit magnétique après suppression de la force magnétomotrice.

ont permis d'utiliser les conducteurs de lumière non seulement dans les systèmes p-i_ 3 îêde communication, mais également dans la recherche en physique. Les perspectives sont très prometteuses en ce qui concerne la fabrication de détecteurs du son4. L'idée sur laquelle reposent les détecteurs du son àfibresoptiques est la suivante. Lorsque le son agit sur u n milieu dans lequel la lumière se propage, la longueur du trajet de la lumière se modifie, ce qui entraîne une modification de.—, phase de l'onde lumineuse elle-même. C e changement de phase peut être enre- 5 gistré avec u n interféromètre. E n général, le champ acoustique exerce une F I G . 2. Détecteur influence complexe sur l'onde lumineuse et provoque chez celle-ci une modulation de son à fibres d'amplitude, de polarisation, de fréquence et de phase. L'influence du son est optiques : pratiquement la m ê m e , quel que soit le milieu traversé par la lumière. Cependant, 1. Laser ; les conducteurs de lumière sont particulièrement indiqués pour enregistrer le son 2. L a m e de du fait que, les pertes d'énergie optique étant rriinimes, on peut obtenir des inter- division du pinceau ; actions optico-acoustiques sur une grande longueur. L e modèle de détecteurs de son à fibres optiques le plus simple est u n dispo- 3. Conducteur de lumière sitif interférométrique (fig. 2) dont u n bras comporte u n conducteur de lumière émetteur d'un émettant des signaux et l'autre u n conducteur de référence isolé du son. L'effet signal ; combiné de ces deux conducteurs produit sur la cathode du photodétecteur une 4. Conducteur de configuration d'interférences déterminée par l'action d u champ acoustique sur le référence ; conducteur émetteur de signaux. A la sortie du photodétecteur, on observe u n 5. Photodétecteur 6. Interface signal électrique à fréquence sonore. L e détecteur de son à fibres optiques dont le schéma constitue la figure 3 air/liquide. fonctionne grâce à une modulation d'amphtude de la lumière dans le conducteur de lumière. L a modulation d'amplitude résulte en général des pertes supplémentaires causées par l'action sur la fibre d'oscillations acoustiques. C e sont les pertes qui se produisent dans les courbes et les microcourbes du conducteur qui jouent le rôle principal. L'élément sensible de ce type de détecteur de son est une fibre optique multimodale : les microcourbes de la fibre causées par la pression sonique entraînent des interactions entre les modes, ce qui provoque \^S*S^AJ une nouvelle répartition de l'énergie entre eux. U n e partie de l'énergie des modes O A/vVvV, >*Q de l'âme du conducteur est transférée dans la gaine, ce qui donne lieu à une m o d u lation d'amplitude de l'onde lumineuse. FlG. 3. Détecteur Dans unefibreunimodale droite à section parfaitement circulaire et en l'absence de son à fibres de tension mécanique, il peut y avoir émission de deux modes dégénérés de rayon- optiques nement optique. L a polarisation de la lumière traversant cettefibrereste inchangée. utilisant les Mais elle se modifie sous l'effet d'un champ acoustique extérieur, étant donné micro-courbes du que le conducteur de lumière se déforme sous l'action d u son et qu'il se produit conducteur de un échange d'énergie entre les modes. Si, à la sortie d u conducteur de lumière, lumière : on place u n photodétecteur sensible à la polarisation, la modulation de la polari- 1. Laser ; sation du courant du détecteur engendre des composantes variables de la fré- 2. Conducteur de lumière ; quence de la modulation, c'est-à-dire de la fréquence sonore. 3 et 4. Flaques L e détecteur sonore à fibres optiques fondé sur le principe de la modulation annelées ; de la polarisation utilise ce phénomène. 5. Photodétecteur

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Avantages des

nouveaux détecteurs

Les détecteurs àfibresoptiques suscitent u n grand intérêt à cause des avantages qu'ils présentent par rapport aux détecteurs classiques (comme les détecteurs acoustiques piézo-électriques) : ils sont simples, leur encombrement est moindre et les interactions optico-acou stiques peuvent s'y effectuer sur une grande longueur, ce qui permet d'obtenir une grande sensibilité et une directivité déterminée à

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l'avance. Les détecteurs àfibresoptiques utilisant la modulation de phase (fig. 2), par exemple, permettent d'obtenir une sensibilité exceptionnellement élevée, qui dépasse celle des meilleurs détecteurs piézo-électriques. L a souplesse de l'élément sensible (le conducteur de lumière) permet d'utiliser des détecteurs àfibresoptiques aux configurations les plus variées. Ces détecteurs sont pratiquement insensibles aux interférences électromagnétiques et résistent mieux à la corrosion. Enfin, ils permettent d'obtenir u n système plus simple et plus compact de lecture optique d'informations acoustiques transmises par voies multiples. Les premières publications exposant les résultats de la recherche-développement sur les détecteurs de son àfibresoptiques ont paru en 1977. Depuis lors, des progrès importants ont été effectués, dont il a été question, en particulier, au X I e Congrès international d'acoustique, qui a eu lieu à Paris en juillet 1983. Il est encore trop tôt pour dire que les détecteurs de son àfibresoptiques remplaceront les détecteurs classiques, mais il ne fait aucun doute qu'à l'avenir ils seront surtout utilisés dans des systèmes acoustiques à voies multiples, dans lesquels o n traitera l'information au m o y e n d'ordinateurs optiques et de processeurs optiques cohérents. O n peut s'attendre que les détecteurs de son àfibresoptiques, en liaison avec les systèmes de transmission àfibresoptiques et des composants d'optique intégrée et d'opto-électronique, exercent une influence sur le développement des systèmes acoustiques. Les techniques laséro-acoustiques

A l'heure actuelle, la technologie industrielle semble, dans le m o n d e entier, sur le point de faire u n bond en avant qualitatif grâce au développement des applications des lasers et l'efficacité de la production va dans une large mesure dépendre du rythme de développement de cette technique. Mais elle continuera à dépendre beaucoup aussi, de m ê m e que la qualité des produits, de la technique des ultrasons, qui est déjà, dans une certaine mesure, d'utilisation courante. L'union des techniques d u laser et des ultrasons et l'utilisation d u laser pour la production et la réception de vibrations ultrasoniques — en particulier pour contrôler sans dégâts la qualité de la production et pour agir sur la structure et les propriétés physiques de la matière — ouvrent de nouvelles perspectives6. Par souci de brièveté, nous ne citerons que deux exemples en matière de contrôle de la qualité. L ' u n d'entre eux concerne une nouvelle technique, à savoir la microscopie laséro-acoustique ou optico-acoustique. Cette technique consiste à balayer systématiquement la surface de l'objet ou d u spécimen au m o y e n d'un rayon laser focalisé dont l'intensité est modulée suivant une fréquence sonore. L e spécimen est placé dans une chambre close sur la paroi de laquelle onfixeu n détecteur d'oscillations sonores. L e coefficient d'absorption de la lumière change d'un point à u n autre en fonction des particularités de la structure d u spécimen, à la suite de quoi l'amplitude de la pression sonore se modifie dans la chambre ainsi que, par voie de conséquence, celle d u signal à la sortie d u détecteur. Cela donne la possibilité, à l'aide d'un système électronique, d'obtenir une image télévisée d u spécimen. Pour le spécialiste qui doit examiner rapidement mais avec une très bonne résolution une grande partie de la surface d u spécimen et ne dispose que d'un microscope ordinaire, la tâche peut être très ardue et comporter de grands risques d'erreurs. L e microscope balayant à laser permet de remédier à ces inconvénients. Mais il ne peut que détecter les défauts extérieurs d u spécimen, ceux qui se trouvent littéralement à la surface, alors que le microscope balayant laséro-acoustique permet d'examiner les couches situées sous la surface et de contrôler leur structure. Cette importante propriété peut le rendre irremplaçable

pour le contrôle de la qualité en microélectronique, par exemple, lorsqu'il s'agit de contrôler la qualité de systèmes intégrés et de certains composants en optique intégrée et en optique defibres6''. L e deuxième exemple a trait aux possibilités de sondage optico-acoustique d'un milieu hétérogène condensé8. Il s'agit, à la différence d u sondage acoustique classique ou d u sondage par laser, de créer à distance dans le milieu étudié, au m o y e n d'un rayonnement optique dont l'intensité est modulée, u n signal acoustique qui, en se propageant dans une direction donnée, se disperse en fonction des irrégularités d u milieu. L'enregistrement d u signal acoustique disperse (en sens inverse) s'effectue à distance par des procédés optiques : soit, par exemple, au m o y e n d'un vélocimètre à laser utilisant l'effet Doppler, soit par observation optique d u relief de la surface, méthode largement utilisée en holographie acoustique, soit, alternativement, grâce à une méthode fondée sur la diffraction de la lumière par les ultrasons dans la couche sous-jacente à la surface du milieu (loi de Bragg), si celle-ci est suffisamment transparente. C o m m e dans l'exemple cité plus haut, on peut, au m o y e n d'un microscope balayant laséroacoustique et des appareils électroniques nécessaires, balayer la surface avec des faisceaux laser émettant des ondes ultrasoniques et recevant u n signal acoustique, et obtenir une image sur u n écran de télévision.

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Enfin, nous indiquerons encore une possibilité d'application de la technique laséro-acoustique. Si l'on focalise des impulsions laser extrêmement intenses sur u n milieu condensé, il peut s'y former des ondes acoustiques d'amplitude finie qui, en se propageant, se transforment en ondes de choc. Celles-ci modifient la structure de la substance et peuvent en altérer les propriétés physiques et la solidité9. Exploitation optique cohérente de l'information acoustique

L'exploitation optique cohérente de l'information constitue u n domaine indépendant de recherche et d'application (voir, par exemple, les notes 11 à 14). N o u s ne pouvons guère ici que rappeler son existence, mais il le faut sans quoi u n article sur les perspectives d'applications des lasers en acoustique resterait incomplet. L e fait est que les systèmes acoustiques actuels — et, en particulier, ceux qui intéressent le contrôle de la qualité des produits — utilisent de plus en plus des canaux multiples, ce qui entraine la nécessité de traiter u n grand volume d'informations. O r les ordinateurs traitent l'information séquentiellement. E n revanche, les systèmes optiques de traitement de l'information effectuent les opérations simultanément et avec une extrême rapidité. Les principales opérations de traitement de l'information sont la transformation de Fourier (analyse spectrale) et la convolution et la corrélation (analyse corrélatiormelle), ainsi que certaines de leurs variantes. L'utilisation de systèmes optiques cohérents pour l'analyse spectrale repose sur la capacité fondamentale de la lentille sphérique (qui donne une image de l'objet irradié par la lumière cohérente) d'effectuer en m ê m e temps la transformation de Fourier, qui consiste en une répartition des amplitudes de la lumière dans le plan intermédiaire entre le plan objet et le plan image (fig. 4). C'est le principe dufiltragedes fréquences spatiales (analyse spectrale spatiale bidimensionnelle). Cellules optico-acoustiques Pour mesurer le spectre d'un signal temporel unidimensionnel, il faut d'abord transformer celui-ci en signal spatial. A cettefin,on utilise très fréquemment des

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Lentille col I ¡matrice

Lentille

Lentille

Source ponctuelle ,,de lumière ,,-"' monochromatique ^:1

Plan d'entrée

Plan des fréquences spatiales

Plan de sortie

F I G . 4. Système optique de traitement des signaux.

cellules optico-acoustiques, qui permettent d'introduire le signal temporel dans u n appareil optique de traitement de l'information. L'action de la cellule opticoacoustique (qui est u n modulateur des ultrasons) est fondée sur le phénomène de la diffraction de la lumière par les ultrasons. U n e onde ultrasonique est créée par u n convertisseur ultrasonique dans u n conducteur de son perméable à la lumière, ce qui provoque une modulation spatiale de phase de la lumière. Si l'on place u nfiltrespatial ou « panneau » dans le plan des fréquences spatiales, on peutfiltrerou modifier l'amplitude ou la phase du spectre initial, ou les deux en m ê m e temps, et le signal de sortie (dans le plan image) est converti conformément aux opérations mathématiques requises (transformation de convolution ou de corrélation). O n peut utiliser en guise de panneaux des modulateurs optiques de la lumière, à base de cristaux liquides par exemple. L'image optique à la sortie du système optique cohérent de traitement peut, à l'aide d'un système électronique, être reproduite sur u n écran de télévision ou une autre forme d'affichage. Parmi les caractéristiques importantes des systèmes optiques cohérents de traitement de l'information figurent non seulement leur capacité de traiter parallèlement (c'est-à-dire simultanément) de grandes quantités d'informations, mais aussi le fait que les éléments du système peuvent être complètement miniaturisés, c'est-à-dire pleinement intégrés. Si l'on combine ces systèmes avec des détecteurs de son à fibres optiques, il est possible de créer des systèmes acoustiques de contrôle de la qualité à canaux multiples très compacts, légers et peu encombrants. E n conclusion, il faut faire remarquer que les sources optico-acoustiques et les détecteurs sonores à fibres optiques et les interféromètres à laser utilisés pour enregistrer les vibrations et recevoir le son n e remplacent pas totalement les émetteurs et les détecteurs classiques, pas plus que les systèmes optiques cohérents de traitement ne remplacent totalement les ordinateurs en matière de traitement électronique de l'information. Mais il ne fait aucun doute que les applications des lasers auront une grande influence sur le développement de l'acoustique physique et technique. •

Notes

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A . G . Bell, « Communication », National Academy of Sciences, États-Unis d'Amérique, 21 avril 1881. G . A . Askaryan, A . M . Prokhorov, G . F . Tchantouriya et G . P . Chipoulo, ¿urnal éksperimental'noj i teoretiâeskojfisiki,vol. 44, 1963, p. 2180. L . M . Lyamshev, « Optiko-akusticeskie istocniki zvuka (obzor) » [Les sources sonores optico-acoustiques (aperçu)], Uspehifiziâeskihnauk, vol. 35, n° 4, 1981, p. 637-639.

4. L . M . Lyamshev et Y . Y . Smirnov, « Volokonno-optiöeskie priemniki zvuka (obzor) » [Détecteurs de son àfibresoptiques (aperçu)], Akustiieskij zumal, vol. X X I X , n° 3, 1983, p. 289-308. 5. L . M . Lyamshev, « Ultrazvukovaja i lazernaja tehnologija » [Technologie des ultrasons et des lasers], rapport à la Conférence plénière de l ' U R S S ; « Osnovnye napravlenija razvitija ul'trazvukovoj tehniki i tehnologii na period 1981-1990 gg » [Tendances fondamentales du développement de la technologie et des techniques des ultrasons pendant la période 1981-1990], Suzdal, 1982. 6. A . N . Morozov et V . Y . Raevsky, « Fotoakusticeskaja mikroskopija (obzor) » [Microscopie photoacoustique (aperçu)], Zarubernaja elektron. tehnika, n° 2, 1982, p. 46-71. 7. B . P. Novikov et M . A . Novikov, « Optiko-akusticeskaja spektroskopija elementov volokonnoj i integral'noj optiki » [Spectroscopic optico-acoustique des composants de l'optique defibreset de l'optique intégrée], lettres adressées au iurnal tehniceskojfiziki,vol. 8, n° 6, 1982, p. 372-377. 8. L . M . Lyamshev, « Optiko-akustiöeskoe zondirovanie neodnorodnoj kondensirovannoj sredy » [Sondage optico-acoustique d'un milieu hétérogène condensé], Rapports de l'Académie des sciences de l'URSS, 1979. 9. L . I. Ivanov, N . A . Litvinova et V . A . Yanouchkevitch, « Glubina obrazovanija udarnoj volny pri vozdejstvii lazernogo izlucenija na poverhnost' monokristalliêeskogo molibdena » [Profondeur de l'onde de choc créée par l'action d'un rayonnement laser sur la surface de molybdène monocristallin], Kvantovaja elektronika, vol. 4, n° 1, 1977, p. 204-208. 10. V . A . Yanouchkevitch, « Zakonomemost' obrazovanija toöecnyh defektov v udarnoj volne maloj amplitudy » [Lois régissant la formation de défauts ponctuels dans une onde de choc de faible amplitude], FHOM, n° 2, 1979, p. 47-51. 11. O u . E . K o k , « Optiëeskaja vyöislitel'naja tehnika. Obrazec peremen » [Technologie des ordinateurs optiques. Typologie d'une évolution], THES, vol. 65, n° 1, 1977, p. 8-13. 12. D . O u . G o u d m e n , « Vozmoznosti kogerentnyh opticeskih sistem obrabotki informacii » [Possibilités des systèmes optiques cohérents de traitement de l'information], TUES, vol. 65, n" 1, 1977, p. 37-48. 13. T . M . Terpine, « Spektral'nyj analiz signalov opticeskimi metodami » [Analyse spectrale de signaux par des méthodes optiques], TUER, n° 1, 1981, p. 92-108. 14. O u . T . Rods, « Akustooptiöeskaja obrabotka signalov. Svertka i korreljacija » [Traitement optico-acoustique des signaux. Convolution et corrélation], TUER, n° 1, 1981, p. 74-92.

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Les temps modernes ont vu le bruit s'ajouter aux autres formes de pollution de Venvironnement, et celui-ci peut être tout aussi dangereux pour la santé humaine que les autres nuisances. Des progrès ont été accomplis dans la recherche du silence et du calme, mais beaucoup reste encore à faire, comme peut en témoigner tout habitant d'une grande ville. Ici c'est un journaliste scientifique d'Asie du Sud qui s'exprime.

Le bruit, une nuisance dont on sous-estime le danger Akhtar M a h m u d Faruqui

L'auteur de la présente contribution est directeur des relations publiques de la Commission de l'énergie atomique du Pakistan, où il est aussi rédacteur en chef de T h e Nucleus (revue savante trimestrielle) et d'autres publications. Titulaire d'une licence es sciences et d'une maîtrise de journalisme de l'Université de Karachi, il a également écrit des articles de vulgarisation scientifique pour différents journaux et magazines et il a été plusieurs années rédacteur technique dans l'industrie privée. L'adresse de M . Faruqui est la suivante : 46-FI6, P.E.C.H. Society, Karachi 2904 (Pakistan).

« Il serait difficile de trouver une seule nuit, sur trois cent soixante-cinq, où il soit permis à toute la population de N e w York de se reposer en paix... Pourtant, une ville qui connaît tout le jour une activité fébrile devrait pouvoir prétendre, la nuit, au repos et à la tranquillité1. »

L'éditorialiste du New York times n'était pas le premier à s'irriter du bruit excessif en cette sombre nuit d'automne de 1859. Et il n'allait pas être le dernier non plus ! L e bruit a indéniablement de tout temps constitué un fléau. Jules César le trouvait si gênant qu'il promulgua un édit impérial interdisant aux chars de circuler la nuit. E n 1851, Arthur Schopenhauer parle avec réprobation d u bruit « scandaleux... absolument infernal » des claquements de fouet qui emplit les rues allemandes. U n auteur contemporain, décrivant Birmingham au milieu du xrxe siècle, évoque avec abomination les « martèlements d'enclume » assourdissants, ainsi que « le fracas des locomotives, le ronflement des flammes, les sifflements de l'eau, les mugissements de la vapeur », qui déchirent les oreilles2. D e nos jours, des millions d'individus subissent l'agression d'un bruit inutile. Rien qu'aux États-Unis d'Amérique, on recense 20 millions de cas de perte auditive imputable à cette cause, soit plus que tous les autres handicaps additionnés3. Les niveaux sonores dans les centres urbains du m o n d e entier ont atteint le seuil critique où « l'intensité et la chronicité d u bruit constituent u n danger pour la santé publique »4. Vern O . Knudsen, fondateur de la Société américaine d'acoustique, qui fut recteur de l'Université de Californie, a dénoncé ce grave danger en des termes sans équivoque : « L e bruit, c o m m e le smog, tue lentement5. » Sa mise en garde est fondée. L e bruit n'est plus une menace potentielle. D e s observations cliniques en nombre grandissant montrent que beaucoup de maladies coronariennes, d'hypertensions, de troubles physiologiques et de souffrances psychiques sont dus à une surexposition au bruit. Qu'est-ce que le bruit ?

L'Encyclopaedia Britannica définit le bruit c o m m e u n son indésirable, VEncyclopaedia Americana c o m m e u n stress nocif pour l ' h o m m e et les autres animaux, et la Commission de sir A l a m Wilson sur le bruit c o m m e « u n son non souhaité par celui qui le reçoit »s. Plus récemment, on a dénoncé le bruit c o m m e « une forme de pollution de l'environnement tout aussi dangereuse et dommageable que les poisons que nous déversons autour de nous dans l'air et dans l'eau »' et « u n type important de pollution urbaine, capable de provoquer une gêne et une perte auditive, et peut-être m ê m e d'avoir des effets physiologiques et psychologiques néfastes »8. O n appréciera mieux la menace que fait peser le bruit sur les millions de citadins qui en subissent les assauts constants dans le m o n d e si l'on se rappelle que l'Organisation mondiale de la santé définit celle-ci en ces termes : « L a santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité9. » État enviable mais peut-être difficile à atteindre de nos jours. Les intrusions gênantes du bruit dans notre vie ne peuvent plus passer pour une simple contrariété négligeable. Elles se répercutent sur notre condition physique, notre état psychique et notre attitude sociale. Les vibrations des appareils électroménagers, le cliquètement des systèmes de climatisation à haute pression, le grincement des rames de métro, le hurlement des sirènes de police et les concerts de klaxon font de nombreuses victimes, provoquant insomnie,

perte d'attention, désordres mentaux, troubles physiologiques, déséquilibres psychologiques et misanthropie.

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Les effets du bruit

Les effets d u bruit peuvent se manifester chez l ' h o m m e de deux façons : par des symptômes auditifs et par des symptômes non auditifs.

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Effets auditifs E n détruisant ou en endommageant les microscopiques cellules ciliées qui assurent la transmission d u son de l'oreille au cerveau, le bruit peut précipiter la surdité ou provoquer une lente mais inéluctable perte auditive. U n bruit trop fort c o m m e u n coup de canon peut détruire les cellules ciliées par milliers et entraîner une surdite immédiate. O n sait qu'à la bataille de Trafalgar, le bruit des détonations avait rendu sourds beaucoup d ' h o m m e s d'équipage. L'exposition constante à u n bruit de moindre intensité peut, par détérioration régulière des cellules ciliées, provoquer une perte auditive graduelle. E n Angleterre, en 1700, dans la chaudronnerie, « le vacarme perpétuel endommageait à tel point l'ouïe... que les ouvriers de cette corporation devenaient durs d'oreille »10. Aujourd'hui, aux États-Unis d'Amérique, la perte auditive imputable au bruit est la maladie professionnelle la plus fréquente dans l'industrie11. Récemment, le Ministère de la santé reconnaissait que de six à seize millions d'Américains étaient menacés de surdité professionnelle12. E n 1968 la Commission d u Federal Council for Science and Technology chargée d'étudier la qualité de l'environnement donnait des chiffres du m ê m e ordre et tirait la sonnette d'alarme : 4,5 millions d'ouvriers étaient peut-être en droit de réclamer des indemnités pour perte auditive18. Certains syndicats font valoir que le bruit peut être une cause directe d'hypertension et que les textes régissant la réparation des accidents d u travail et des maladies professionnelles devraient en tenir compte 14 . L'exposition excessive au bruit dans les fonderies et dans les ateliers de coulage des métaux est particulièrement notable et constitue numériquement le plus important risque sanitaire répertorié15. Dans l'habitat également, le vacarme de la vie quotidienne augmente sans cesse : dans les pays industrialisés tels que les États-Unis d'Amérique, il atteint déjà des niveaux prodigieux. Selon l'Agence pour la protection de l'environnement ( E P A ) , plus de 70 millions d'Américains vivent aujourd'hui dans des zones trop bruyantes où le niveau sonore est suffisamment élevé pour gêner la c o m m u nication et causer une gêne intense16. Depuis quelque temps, les habitants de ces quartiers manifestent à l'évidence des déficits auditifs substantiels. Jusqu'à la musique rock qui produit u n traumatisme acoustique qualifié d' « insidieux », car il peut se traduire par une perte auditive au niveau du système nerveux. L e D r Frederick L . D e y s'est livré à une intéressante réflexion sur le sujet. Dans une étude réalisée pour le compte du National Institute of Neurological Diseases and Blindness, il indique que de la musique rock jouée pendant deux heures à 110 décibels provoque « une élévation temporaire généralement sévère du seuil auditif chez environ 16 % des jeunes gens qui y sont exposés » : autrement dit, trois adeptes de la musique rock sur 20 auraient u n déficit auditif1'. A u R o y a u m e Uni, selon u n rapport de l'Institut de technologie de Leeds, le nombre des adolescents qui, au milieu des années 70, avaient l'ouïe plus ou moins gravement endommagée par une musique trop forte pouvait atteindre un million. Les auteurs du rapport demandaient instamment à la municipalité de limiter le niveau sonore à 96 d B dans les 400 lieux publics où la musique était autorisée18.

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3, S H< "§ J3 •3 M S 188, 190, 195. 8. L . Hodges, Environmental pollution, p. 112-124, N e w York, Holt, Rinehart and Winston, Inc., 1973. 9. W . Burns, Noise and man, 2 e éd., Londres, John Murray Ltd., 1973. 10. D . White, « Britain gets noisier », Psychology today, vol. 15, n° 10,1981, p. 45 et 46. n . R . Liebich et P . Ostergaard, « Industrial noise pollution, Part 1. T h e nature and extent of the problem », Mechanical engineering, vol. 103, n° 7, 1981, p. 34-46. 12. Rockefeller, op. cit.

13- Hodges, op. cit. 14. Liebich, op. cit. 15. Potter, C . Jokel et J. Potter, « Control of noise exposure in foundry and metal casting industries », Sound and vibration, vol. 17, n° 5, 1983, p . 14-18. 16. S . Cohen, « Sound effects on behaviour », Psychology today, vol. 15, n° 10, 1981, 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25.

26. 27. 28.

P- 38-39, 4i-42> 44, 48Rockefeller, op. cit. White, op. cit. Rockefeller, op. cit. S. Rosen, « Noise hearing and cardiovascular function », Physiological effects of noise, N e w York, Plenum Press, 1970. J. Raloff, « Airport noise linked with heart disease », Science news, n° 123, 1983, p. 294. E . Peterson, J. Augenstein, D . Tanis, et D . Augenstein, « Noise raises blood pressure without impairing auditory sensitivity », Science, n° 211, 1981, p. 1450-1452. Willot, op. cit. Mecklin, op. cit. M . Khurshed Husain, « Noise pollution », Proceedings of Symposium on traffic Hazards and Noise Pollution, p. 20 et 21, Karachi, Association of Scientists and Scientific Professions, 1982. Cohen, op. cit. Extrait d'une complainte en vogue chez les ouvriers de la bonneterie vers 1890. « Noise pollution », Encyclopaedia of environmental science, 2 e éd., p . 482-489,

New York, McGraw-Hill Company, 1980. 29. Hodges, op. cit. 30. Mecklin, op. cit. 31. White, op. cit. 32. « Noise pollution », op. cit. 33. Mecklin, op. cit. 34. Ibid. 35. White, op. cit. 36. R . Peters, « Quieter jets n o w aflightof fancy », Engineers austral, vol. 55, n° 3, 1983, p . 19 et 20.

DEUX NOUVEAUX DICTIONNAIRES DE Yvan Venev Docteur de l'Université de Paris-5, Docteur de l'Université de Moscou ; Agrégé et Licencié de l'Université de Sofia, Assistant-Documentaliste à l ' U N E S C O 1. DICTIONNAIRE DES DOMAINES DE L'UNESCO Education/Sciences sociales/Culture et Communication Anglais-Français-Russe-Bulgare (environ 4 000 expressions) - X I X + 230 pages

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Les deux ouvrages sont préfacés par André Martinet Professeur et Directeur d'Etudes à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes, Paris, Ancien Professeur à l'Université de A n n Arbor, Michigan, U S A A u début des deux ouvrages sont groupées les appréciations très positives sur les dictionnaires précédents de l'Auteur par : Jean Piaget, Professeur à L'Université de Genève ; Jean Halperin, Chef de la Division Linguistique, Nations-Unies, Genève ; Etienne Wolff, de l'Académie française ; François de Labriolle, Professeur de Russe, Vice-Président de l'INALCO, Paris ; Léon Robel, Professeur de Russe et de Théorie de la Traduction ; H . Rouanet, Directeur de recherches au C N R S ; B . Vauquois, Directeur du Centre d'Etudes sur la Traduction automatique, C N R S , Grenoble.

ECONÓMICA 49, rue Héricart, 75015 Paris, tél. 578 12 92

Quelle est la perte d'acuité auditive résultant de l'exposition aux bruits quotidiens et sur les lieux de travail ? Quelle est la dégradation de notre faculté de communication verbale ? Enfin quels sont les critères à prendre en considération pour limiter l'exposition au bruit ambiant et au bruit sur les lieux de travail ? Un spécialiste traite de ces questions à la lumière de recherches récentes.

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Bruit et baisses d'audition : quelle est la limite tolerable? Karl D . Kryter

Spécialiste de l'acoustique physiologique et psychologique et de l'audition, l'auteur fait partie du personnel scientifique d'un grand institut de recherche californien et a été président de VAcoustical Society of America et de la Society of Engineering Psychologists. Il est l'auteur de T h e effects of noise on m a n (1970, 2e éd. 1985). On peut le joindre au Bioengineering Research Center, SRI International, Menlo Park CA 94025 (États-Unis d'Amérique).

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Introduction

Avec l'avènement des machines, outils et véhicules à moteur, les baisses d'audition provoquées par le bruit sont devenues u n mal courant et non négligeable. Encore que cela ne soit pas généralement reconnu, le bruit altère plus ou moins l'ouïe de presque tout le m o n d e dans les sociétés modernes. Les atteintes à la sensibilité auditive dues au bruit, ou aux sons intenses en général, sont u n phénomène insidieux en ce qu'elles sont ordinairement indolores et se manifestent très progressivement au fil des années d'exposition. Elles constituent u n grave handicap lorsqu'elles passent d'un degré modéré à un degré plus fort parce qu'elles font obstacle à une communication efficace par la parole et par l'échange d'autres signaux auditifs qui jouent u n rôle important dans la vie professionnelle et sociale. O n sait combien le fait d'être « dur d'oreille » influe négativement sur la qualité de la vie et la santé mentale. Les recherches poursuivies depuis une quarantaine d'années ont produit des données et des méthodes qui permettent de définir les relations quantitatives existant entre l'exposition aux sons et aux bruits, les dommages causés par ceux-ci aux cellules réceptrices de l'oreille (dommages mesurés par leurs effets sur le seuil d'audition) et la communication verbale. A l'heure actuelle, les décisions médicales et politico-juridiques relatives à l'évaluation et à la maîtrise du bruit sur les lieux de travail c o m m e dans l'environnement quotidien peuvent se fonder sur une information scientifique raisonnablement solide quant aux d o m m a g e s causés à l'ouïe par l'exposition au bruit. Audition « normale » et bruit quotidien

210

L a capacité de l'oreille de percevoir les sons se mesure normalement d'après la pression acoustique minimale d'un son pur audible dans le silence1. Pour u n individu donné, cette pression acoustique comparée à celle perceptible par l'oreille « moyenne » d'une population de sujets âgés de 20 ans, normaux d u point de vue auditif, est appelée seuil d'audition (SA) et s'exprime en décibels (dB). U n e élévation irréversible du S A par rapport à la normale ou par rapport à une norme secondaire est appelée, lorsqu'elle est due à l'exposition au bruit, modification permanente de seuil induite par le bruit ( M P S I B ) . L a « dose » de bruit subie se calcule normalement par sommation de l'énergie sonore présente dans une journée de travail de huit heures (ou son équivalent) sur l'ensemble des années d'exposition. L e spectre d u bruit comporte une pondération selon la fréquence (« pondération A ») pour tenir compte d u fait que les fréquences sonores moyennes et les hautes fréquences sont généralement plus dommageables pour l'oreille que les basses fréquences. L a pression acoustique s'exprime en unités d'intensité pondérée par la fréquence (soit L A en d B , ou d B A ) , L A eq 8 h étant l'énergie équivalente moyenne par seconde calculée sur 8 heures (la journée de travail normale), et L A eq 24 h celle qui est calculée sur la journée de 24 heures. Les baisses de l'ouïe s'évaluent ordinairement d'après la moyenne des seuils d'audition à 500,1 000 et 2 000 H z (et plus récemment à 1 0 0 0 , 2 000 et 3 000 H z ) . O n utilise parfois aussi la valeur d u seuil d'audition à 4 000 H z , qui fournit une mesure relativement plus fine de l'acuité auditive. Les fonctions représentées sur la figure 1 correspondent respectivement : aux données concernant u n vaste échantillon aléatoire, non trié, de la population des États-Unis d'Amérique 2 ; aux résultats moyens de 11 études d u seuil d'audition de populations de sociétés industrielles après élimination des sujets atteints de maladies de l'oreille (et principalement de l'oreille moyenne) ou exposés à des bruits de tir ou autres bruits

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Rosen et al. et Bergman Robinson et Sutton U S P H S , Rowland

F I G . I. Courbes lissées d u seuil d'audition testé pour différentes fréquences, en fonction de l'âge. L e paramètre est le centile (le 10 e , le 5 0 e , le 90 e ) de la population distribuée selon le seuil d'audition. Les données de Rosen et al. correspondent à une population saine et n o n exposée au bruit ; celles de Robinson et Sutton à des groupes de population triés de sociétés industrialisées exposées à des bruits intenses et souffrant de maladies de l'oreille ; et celles de Rowland à des groupes de population de sociétés industrialisées non triés — c'est-à-dire dont n'ont pas été écartés les sujets présentant des anomalies auditives o u exposés à des bruits intenses. (Voir les notes 3 à 6.)

intenses'-4 ; et à u n échantillon d'une population (les M a b a a n , vivant dans la partie orientale du Tchad) exempte de maladies auditives et cardio-vasculaires et non exposée à des niveaux sonores importants sur ses lieux de travail ou de vie6'*. Dans lafigure2, établie d'après lafigure1, on s'est efforcé d'indiquer l'incidence approximative, sur l'acuité auditive d u vieillissement (presbyacousie), des sons et bruits de la vie quotidienne (socioacousie) et de la maladie (nosoacousie)*. E n ce qui concerne cettefigure,le rôle de la nosoacousie a été délimité c o m m e suit : premièrement, les baisses d'audition d'origine neurosensorielle consécutives à l'exposition au bruit ont fait l'objet d'une quantification spéciale à part (mesure de la M P S I B imputable au bruit de la journée de travail et à la socioacousie). Deuxièm e m e n t , on a exclu les déficiences résultant de maladies de l'oreille moyenne en écartant, lors des études, les sujets atteints. O n peut présumer que les effets de nosoacousie distingués dans la figure 2 sont le résultat de désordres systémiques généraux, de nature sans doute essentiellement cardiovasculaire5. A u sens où nous l'entendons ici, la nosoacousie pourrait être définie c o m m e la presbyacousie excessive ou additionnelle des sociétés industrialisées (représentée sur la figure 3). Il semble que, typiquement, L A eq 24 h soit d'environ 70 d B A chez les femmes qui ne travaillent pas à l'extérieur et de 75 d B A chez les h o m m e s 7 . Les bruits de la vie quotidienne ayant — en raison de l'intermittence qui paraît être leur caractéristique temporelle — u n moindre effet sur l'audition, il est impossible de convertir avec exactitude en L A eq 8 h les niveaux d'exposition à ces bruits (mesurés à l'aide d'un dosimètre). Toutefois, on estime en première approximation que les doses de bruit en L A eq 24 h qui sont indiquées sur la figure 3 équivalent à des doses de bruit continu en L A eq 8 h augmentées de 5 d B . C o m m e on le montrera plus loin, ces niveaux d'exposition au bruit (équivalant, en bruit sur le lieu de travail mesuré en L A eq 8 h/50 ans, à 70 d B pour les femmes et 75 d B pour les h o m m e s ) provoquent sans doute en une vie une élévation d u seuil d'audition (à 4 000 H z ) d'environ 5 d B chez les femmes et 9 d B chez les h o m m e s .

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H o m m e s : presbyacousie, socioacousie et nosoacousie

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H o m m e s ou femmes : presbyacousie pure (sur la base de données relatives à une société non exposée au bruit et exempte de maladies)

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MPSIB (socioacousie) á l'âge de 7 0 ans: prédictions pour une Intensité sonore de "Bruits quotidiens" de 80 d B A pour les h o m m e s et de 75 d B A pour les femmes.

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F I G . 2. Gravité en d B , des presbyacousies, socioacousies et nosoacousies typiques dans les sociétés industrialisées et de la presbyacousie pure dans une société non exposée à des bruits intenses et exempte de maladies. Les courbes correspondent au 5 0 e centile de chaque population. (Voir la note 6.)

Total Ouvriers F e m m e s au foyer Étudiants Enfants

FIG. 3. Distribution de la population d'une ville japonaise (Sendai) selon le niveau d'exposition aux bruits quotidiens, par journée de 24 heures, mesuré au moyen de dosimètres acoustiques portés par les sujets. (Voir la note 7.)

60 70 Exposition aux bruits quotidiens

80

90 Leq(24) db(A)

Baisse d'audition d u e au bruit industriel

Les modifications d u seuil d'audition en fonction d u niveau de bruit industriel constant, en L A eq 8 h ou de son équivalent sont relativement bien connues8"11. O n a indiqué sur lafigure4 les seuils d'audition (SA) comparés a) de travailleurs exempts d'affections auditives exposés aux bruits industriels et d'une population également saine sur le plan auditif mais non exposée à ces bruits et b) de travailleurs triés selon les m ê m e s critères et de la population des États-Unis d'Amérique en général. Les écarts entre le S A des populations de référence et ceux des populations exposées au bruit correspondent évidemment à la M P S I B . L e fait que les M P S I B à attendre de différents niveaux d'exposition au bruit soient sensiblement les m ê m e s dans les deux cas, c o m m e l'indiquent différentes études effectuées dans plusieurs pays, tend à démontrer la validité des conclusions formulées sur la M P S I B . Il ressort de la figure 4 que le niveau de bruit constant (équivalant à u n certain d o m m a g e auditif) induisant une M P S I B mesurable chez u n sujet travaillant 8 heures par jour pendant 50 ans se situe aux alentours de 70 d B A pour u n seuil d'audition mesuré à 4 000 H z , et de 83 d B A pour les seuils moyens mesurés à 500, 1 000 et 2 000 H z . Fait non moins important pour l'évaluation des effets d o m m a geables d u bruit, c'est la population tout entière qui, à u n niveau donné d'exposition au bruit, connaît une certaine M P S I B — m ê m e si celle-ci est légèrement plus élevée dans les centiles supérieurs (sujets dont l'ouïe est moinsfine).Les d o m m a g e s (ou M P S I B ) que l'exposition au bruit induit chez les personnes ayant une bonne audition sont en principe moins gênants pour ces personnes dans la vie quotidienne que la m ê m e M P S I B résultant d'une m ê m e exposition au bruit le serait pour des personnes entendant moins bien (c'est-à-dire ayant u n seuil d'audition plus élevé). O n remarquera que, dans la figure 4 , l'exposition au bruit est désignée par l'abréviation N D , signifiant « niveau de d o m m a g e ». L e niveau de d o m m a g e équivalant à différents niveaux de bruit, exprimés en d B A , et différentes durées d'exposition se calcule à l'aide de la formule suivante// : N D = L A — 20 log10(T — r) — 1 0 log 10 (5o/Y), L A étant le niveau de pression acoustique pondéré en fonction de A et exprimé en d B A , t la durée en secondes de L A pendant une journée typique, et T une durée nominale de 28 000 secondes (8 heures).

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, Actipán 66, Colonia del Valle, MÉXICO 12 D . F . M O N A C O : British Library, 30, boulevard des Moulins, MONTE-CARLO.

S U È D E : Toutes ¡es publications : A / B C E . Frirzes Kungl. Hovbokhandel, Regeringsgatan 12, Box 16356, S-103 27 S T O C K H O L M . « Le Courrier » seulement : Svenska F N Förbundet,Skolgränd 2, Box 15050, S-104 65 S T O C K H O L M . Pour les périodiques seulement : Wennergren-Williams A B Box 30004, S 104 25 S T O C K H O L M . S U I S S E : Europa Verlag, Ramistrasse 5, 8024 Z U R I C H . Librairies Payot a Geneve, Lausanne, Baie, Berne, Vevey, Montreux, Neuchâtel et Zurich. S U R I N A M E : Suriname National Commission for Unesco, P . O . Box 2943, P A R A M A R I B O . T C H A D : Librairie Abssounout, 24, av. Charles-de-Gaulle, B . P . 388, N'DJAMENA. T C H É C O S L O V A Q U I E : S N T L Spalena 51, PRAHA I (Exposition permanente). Zahranicni Literatura, 11 Soukenicka, P R A H A I . Pour la Slovaquie seulement : Alfa Verlag, Publishers, Hurbanovo nam. 6, 893 31 BRATISLAVA.

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