Love Hackers

October 30, 2017 | Author: Anonymous | Category: N/A
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(Bon sang) Love Hackers ! Oh my God* ! (Oh mon Dieu) Je crois que je ne vais pas m'en remettre, ou ......

Description

Numéro d’ISBN : 979-1094732-07-6 Marine Sautivet, © Tous droits réservés. Couverture : Thibault Benett. Toute reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur. « Dépôt légal : Juillet 2016 » Cher lecteurs, Cette histoire

est inspirée de personnages existants, cependant toute ressemblance avec leur vie privée ou professionnelle est fortuite. Il s’agit ici d’une romance. Pour les besoins du texte, les lieux et situations ont été adaptés. La copie ou la reproduction de l’œuvre est strictement interdite. Le principe de la protection du droit d’auteur est posé par l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle (CPI) qui dispose que « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte

des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial ». Ce roman est protégé par un copyright et est répertorié à la BNF (bibliothèque nationale Française). Le grand jour. Je crois que je suis prête, je le suis, n’est-ce pas ? Ma robe en dentelle beige, complétée par une ceinture camel qui marque ma taille, des bottes style santiags, un petit sac à franges assorti de la même couleur. Ce look me paraît approprié pour la circonstance, enfin… Je ne sais pas s’il existe une tenue conventionnelle pour commencer un stage dans une des plus grosses maisons de disques de Californie… Mon père Dan, un brillant avocat, spécialisé dans la défense des pauvres célébrités hollywoodiennes, m’a donné un gros coup de pouce pour dégoter le stage de ma vie, celui que j’attends depuis toujours ! Je ne suis pas très fière du fait d’être une « pistonnée ». Mais c’est plus

ou moins ainsi que ça fonctionne dans ce monde de requins. Dominic Eden, le manager qui m’a recrutée, est un ami de longue date de papa, je serai donc au service de ce dernier. Ou plutôt au service de son assistant personnel, Kévin Logan. Vous avez bien compris, je suis l’assistante de l’assistant ! Ce garçon, à qui je vais devoir obéir, me semble assez sympa, quoiqu’un peu narcissique sur les bords… Peu importe, je m’en accommoderai, je veux vraiment faire mes preuves chez Loading Records. Je suis née avec un iPod dans la main et j’ai toujours voulu travailler dans ce monde. D’ailleurs, Michel Tremblay a dit : « La musique est un cadeau de la vie qui existe pour consoler, pour récompenser. Cela aide à vivre. » Je suis prête à tout pour réussir. Enfin, façon de parler... J’attache mes longs cheveux bruns en une natte « épi de blé » sur le côté et fais quelques dernières petites retouches à mon maquillage Nude. Je fourre mon

portable dans mon sac et me dirige dans le salon. Cycy Davis, ma coloc’, mon amie, chantonne en se dandinant devant sa toile, un casque sur les oreilles. Je souris. Cycy est une fille très… enfin... c’est Cycy, quoi. Elle est peintre. Autant vous dire que notre appart est plutôt son atelier, dans lequel nous campons, au milieu des tubes de peinture à l’huile, fusains, couteaux et autres pinceaux… Je reste persuadée qu’elle connaîtra un jour la gloire car elle a beaucoup de talent. Je m’approche avec précaution et tire sur ses écouteurs pour la faire sortir de son monde. Elle déteste ça ! Un jour, je pourrais sans doute mourir de cette façon. Hé ! râle-t-elle en me lançant un regard noir. J’y vais, souhaite-moi bonne chance. Elle me gratifie d’un sourire rassurant et me prend dans ses bras. Cycy est très tactile. Bonne chance, mon lapin ! dit-elle en me faisant un clin d’œil.

Merci. Elle remet les écouteurs dans ses oreilles et repart dans son monde de création. Les artistes… Je monte à bord de ma Fiat 500, couleur menthe à l’eau, direction Loading Record sur Hollywood Boulevard ; haut lieu touristique de Los Angeles, où se trouve le célèbre Walk of Fame, un trottoir recouvert de quelques deux mille cinq cents étoiles portant les noms de célébrités de l’industrie du spectacle. Je me gare dans le parking sous terrain et me rends sur ce qui sera désormais mon lieu de travail. Je vais croiser des artistes, des stars de la musique, tous les jours ! Je suis très excitée, mais je ne dois pas me comporter comme une gamine devant un magasin de bonbons. J’ai vingt et un ans et j’ai de la chance de me trouver ici, sur le point de réaliser mon rêve : devenir manager de groupe, comme Dominic. Et pourquoi pas producteur ? Mais d’ici là, l’eau a le temps de couler sous les ponts…

J’ai un quart d’heure d’avance, j’en profite donc pour m’imprégner des lieux, tout est tellement grand… et dire que des talents naissent ici ; des jeunes artistes à qui on a bien voulu donner la chance de réaliser leurs rêves. À l’intérieur, le hall est gigantesque, avec un énorme comptoir central, le tout, dans des tons chauds et modernes. Des instruments de musique disposés un peu partout, des disques d’or, diamants, etc... sont encadrés. Derrière l’accueil, un long couloir mène au bureau de la direction et un escalier conduit à la mezzanine où il y a une enfilade de bureaux, salons, studios d’enregistrement… visibles depuis l’entrée, dès qu’on lève les yeux. Artistes, ingénieurs du son, assistants, managers, producteurs… tout ce monde grouille ici et là. C’est carrément de la

folie. Un rêve éveillé. Tiens, mais c’est ma petite assistante que je vois là ! s’exclame la voix de Kévin en posant la main sur mon épaule, m’arrachant à ma contemplation. Salut, Kévin... Impressionnant, n’est-ce pas ? Tu vas t’y habituer vite, ne t’inquiète pas, me rassure-t-il en rigolant. Est-ce qu’il est en train de se moquer de moi ? Son arrogance m’énerve déjà. J’espère qu’il ne va pas me prendre pour sa bonniche de service. Viens. Dominic nous attend, m’informe-t-il en me faisant signe de le suivre, à l’étage. Nous croisons quelques têtes connues sur notre route, Kévin roule des

mécaniques et en fait des caisses pour me montrer à quel point il est « cool » parce qu’il « connaît » des célébrités. Ce qu’il ne sait pas, c’est que côtoyer du beau monde n’est pas tout nouveau pour moi, je rencontre des gens importants depuis mon plus jeune âge. Mon père étant l’avocat de certains d’entre eux… il arrivait parfois que son « travail » s’invite à la maison pour plus d’intimité. Paparazzi oblige ! Ah ! Bonjour Mylena ! m’accueille le manager. Monsieur Eden, je le salue. Je t’en prie, appelle-moi Dominic, ou Dom ! Kévin va t’expliquer ce que j’attends de toi. Mais je tenais à t’avertir que le secret professionnel est une règle d’or ici. Ne l’oublie pas d’accord ? Sinon, je te garantis que tu auras de sérieux problèmes ! dit-il fermement, mais gentiment. Très bien, monsi… Dominic. C’est noté ! répondé-je en souriant. Bon ! Je vous laisse, j’ai un rendez-

vous très important, sans doute un nouveau contrat, mais je ne vous en dis pas plus, explique-t-il en nous faisant un clin d’œil. Kévin me fait visiter les lieux, j’ai l’impression que cela va nous prendre la matinée tellement c’est grand ! Devant certaines loges ou salons, on peut entendre le son des guitares, des basses, des claviers, des voix reconnaissables, d’autres pas… C’est grisant, je me sens comme au paradis. Je n’ai malheureusement pas le talent pour jouer correctement d’un instrument, même si j’adore la musique. Sinon, je suis comme vous tous, je ne chante que sous la douche ou dans ma voiture, c’est d’ailleurs mon moment préféré. Je pourrais rouler des heures en fredonnant à tue-tête, déclenchant au passage une mini tornade ! Enfin, pas de quoi

prétendre devenir quelqu’un… D’après moi, faire de la musique, c’est bien plus que de recevoir la reconnaissance. C’est un exutoire, un moyen de s’exprimer, de s’évader, d’être soi-même, de vivre. Platon a dit : « La musique donne une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée. » Voilà ma petite, me gratifie Kévin qui n’est pourtant pas bien plus vieux que moi. Je crois que tu as fait le tour, je vais pouvoir te confier ta première mission. Dom sera ici dans une demi-heure, alors tu vas aller lui chercher son café ! Il a ses habitudes chez Starbucks. Il prend un café noir allongé avec deux sucres. Je me doutais bien que ça allait arriver ! Qu’est-ce qu’on pourrait confier à une débutante telle que moi ? Son petit air suffisant m’agace, mais je ne dis rien. OK… Ne fais pas cette tête, ma petite ! Pour moi ça sera un cappuccino, dit-il en

me faisant un clin d’œil. Quel crétin, je lui lance un regard noir et sors avant qu’il ne me donne une raison de le gifler. Sa façon de me reluquer de haut en bas sans vergogne me donne envie de vomir. Je quitte la maison de disques aux alentours de dix-huit heures. Kévin m’a confié tout un tas de paperasses à classer, m’a fait tailler assez de crayons papier pour les quinze années à venir, et bien évidemment, j’ai fait connaissance de ma future meilleure amie : la photocopieuse ! Quand Dominic est revenu de son rendez-vous, deux heures après l’heure annoncée par Kévin, son café était devenu imbuvable et j’ai dû courir en chercher un autre. Heureusement que le Starbucks est quasiment en face ! Je retrouve Cycy au même endroit où je

l’ai laissée, dans le salon-atelier devant une toile que j’estime presque terminée. Elle n’en a sûrement pas levé le nez depuis que je suis partie ! Tout à fait son genre ! Elle me fait peur parfois ! Salut ! lancé-je en refermant la porte. Elle me montre sa main, l’autre tenant un pinceau, suspendu dans les airs. Il faut que j’attende, l’artiste réfléchit ! J’ose à peine respirer. Cycy peut être une vraie terreur quand on trouble « son atmosphère créative » comme elle dit. Soudain, elle attrape un nouveau pinceau qu’elle trempe dans de la peinture noire et rajoute un petit point, à peine visible et s’écrie : Voilà ! Il est fini ! s’exclame-t-elle en frappant dans les mains frénétiquement. Madame s’applaudit ! Je dois avouer qu’il est superbe et m’évoque une sensualité poétique. Ma coloc’, fait dans

l’art abstrait, laissant ainsi libre court à son imagination comme à la nôtre. Elle se retourne vers moi et s’approche. Ah ! Te voilà ! C’est super ! dit-elle en me serrant dans ses bras. Habille-toi, on sort ce soir, Myli ! ajoute-t-elle avant de s’enfermer dans la salle de bain. Cycy est un sacré personnage, une originale, grande, plantureuse, des cheveux rose flashy (le mois dernier ils étaient violets), coiffés comme une pinup des années trente. On ne passe pas inaperçu à côté d’elle. Elle est gentille en général, malgré son caractère changeant d’une heure sur l’autre. Elle est la définition même d’un artiste tel qu’on les imagine : impétueuse, lunatique, adorable, perchée dans son univers et surtout fascinante. J’aime l’observer parfois, quand elle peint et

qu’elle entre dans cette sorte de transe propre à elle-même et à son art. C’est un spectacle incroyable. Cela dit, elle n’aime pas que je la regarde parce que je trouble son « processus créatif ». Mon téléphone retentit, je reconnais la sonnerie dédiée à mon père : Hold my Hand de The Fray. Bonjour Sweetheart*(ma chérie) ! me salue mon paternel. Salut Papa ! Alors, cette première journée ? me questionne-t-il. Très bien, j’ai vu Dominic, il est sympa. Ouais, Dom est très gentil, tu verras. Mais s’il te fait la vie dure, dis-lemoi, OK ? Promis, papa. Je dois te laisser Mylena, appellemoi bientôt. D’accord, à bientôt ! J’ai toujours eu une relation privilégiée avec mon père. Il faut dire que je suis son unique fille et qu’il m’a toujours

traitée comme une princesse. J’ai un grand frère, Mike, qui vit désormais en France avec sa femme et leurs jumelles. Nous avons dix ans d’écart. Quant à maman, eh bien, je n’ai pas eu le bonheur de la connaître puisqu’elle est décédée quand j’étais bébé. Papa n’a jamais refait sa vie après elle. Il s’est consacré à son travail et à ses enfants. J’espère que maintenant que j’ai quitté le nid, il va penser un peu plus à lui. Je prends une douche rapide et m’habille décontractée, pour sortir avec ma barjot de copine. Ah ! Te voilà enfin ! s’exclame Cycy en se levant du canapé sur lequel elle jouait avec son portable. Où allons-nous, votre altesse ? demandé-je en plaisantant. Au Redline ! Cet endroit qui se trouve à quelques pâtés de maisons de chez nous est un bar gay, le préféré de mon amie et nous y allons souvent. Même si je ne suis pas trop

branchée fille, j’aime l’y accompagner de temps en temps. Je sais que quand elle va là-bas, c’est dans le but de ne pas rentrer seule. Nous sommes assises au bar à siroter un Sex on the Beach, l’ambiance est calme, pour un mercredi. Can’t feel my face de The Weeknd résonne en bruit de fond, mettant une ambiance sympathique. Alors, comment était cette journée ? me demande Cycy. C’était bien, répondé-je incertaine. Tu es sûre ? Bah… franchement, c’est génial, grandiose, je me sens à l’aise dans ce monde et tout, mais comme je m’en doutais, les tâches qu’on me confie sont… dignes d’un enfant de cinq ans et Kévin est du genre petit chef arrogant. Hum… Ce mec est un connard ! Tu ne devrais pas te laisser faire ! Il est

comment au fait ? Cycy très ouverte d’esprit, aime les hommes comme les femmes, d’où sa question intéressée ! Cycy, je ne vais pas l’envoyer balader dès le premier jour et je tiens à ce stage ! Physiquement, il n’est pas trop mal je dirais... Brun, yeux marron, une barbe de trois jours. Pas dégueulasse... Il faudra que tu me le présentes, ditelle lascivement en fixant un point derrière moi. Je me retourne discrètement pour voir de quoi il s’agit. Ma bombe aux cheveux roses a jeté son dévolu sur une belle blonde magnifique aux yeux verts. Je regarde mon amie et la surprends en train de faire un clin d’œil à la « belle plante ». Garçon ! lance-t-elle au barman. « Servez à la demoiselle là-bas, un autre Mojito. » OK. Le mec s’exécute avec dextérité, j’ai

toujours aimé regarder les barmans préparer les cocktails. Et toi ? J’ai comme l’impression que tu as fini ta toile. Oui ! Quel boulot ! J’ai cru que j’allais m’arracher les cheveux, mais je suis plutôt satisfaite ! Elle est superbe ! Tu en es où de tes démarchages de galeries ? Je ne sais pas Myli, je ne suis pas prête à laisser mes bébés, tu vois ? explique-t-elle, mélancolique. Je comprends, mais tu ne pourras pas les garder toute ta vie et on va finir par ne plus avoir de place dans l’appart’ ! On en prendra un plus grand ! Dans ce cas, il va falloir que tu vendes quelques toiles parce que je ne vois pas comment tu vas t’y prendre pour payer ta part de loyer ! C’est trop compliqué ! soupire-t-elle. Pour Cycy, ses toiles représentent un petit bout d’elle-même et je crois que c’est une question de pudeur que de

passer le cap de l’exposition. Ce qui est tout à fait compréhensible. Cette fille est sacrément canon, Myli ! Tu l’as vue ? demande-t-elle en reluquant ladite blondinette avec concupiscence. Ouais, j’ai vu. Elle est mignonne. Mignonne ? C’est une déesse ! Je rigole. Je sens que je vais bientôt être de trop ! Vas-y, bourreau des cœurs, je vais rentrer. Il faut que je sois en forme pour demain ! Merci Myli ! crie-t-elle en faisant claquer un bisou sur ma joue avant de rejoindre sa proie. Je règle nos consommations, y compris le Mojito de la belle girafe blonde, et prends le chemin de la sortie. Un coup d’œil me permet de constater que Cycy a déjà sa langue dans la bouche de sa prise du soir. Elle est incroyable ! Personne ne peut résister à cette fille ! Le contrat. Une semaine ! Une semaine que je

supporte cet abruti de Kévin du matin au soir ! Il prend un malin plaisir à me torturer et à m’utiliser pour un tas de trucs qui n’ont rien à voir avec la musique ou le Label. Par exemple, aller chercher son linge au pressing parce que « Tu comprends, il y a cette réunion et il faut que je sois présentable, s’il te plaît, Mylena. ». Oui cette fois, il avait dit « s’il te plait » parce qu’il a compris qu’il dépassait les bornes. J’ai accepté, bonne poire que je suis, en lui disant quand même que c’était la dernière fois ! Je ne sais pas si j’ai été très convaincante… en tout cas, je n’irai plus ! Ce matin je suis légèrement stressée, Dominic nous a convoqués tous les deux dans son bureau sans plus d’informations. Je ne suis pas vraiment le genre de fille sûre d’elle et j’ai

toujours peur de faire une bêtise sans m’en apercevoir... et de me faire virer. J’espère juste ne pas être l’objet de cette réunion. Et si Kévin avait fait une connerie et avait décidé de me faire porter le chapeau ? Je vais devenir folle si je continue de cogiter ! Je sors de la salle de bain, après avoir vérifié une énième fois ma tenue, un pantalon slim style écossais avec un chemisier blanc et des Doc Martens noires. Cela devrait le faire. Je suis étonnée de retrouver la belle girafe blonde dans ma cuisine, sirotant un café. Ce n’est pas le genre de Cycy de coucher plusieurs fois avec la même personne… Salut, tu dois être Myli, commencet-elle en souriant. Est-ce qu’elle est en train de me mater là ? C’est tellement gênant ! Mylena, salut... je la corrige. Seul mon cercle d’amis proches utilise mon surnom. C’est idiot je sais, mais c’est ainsi !

OK, Mylena ! rectifie-t-elle en appuyant sur chaque syllabe de mon prénom. « Moi c’est Shirley. Tu veux du café ?» me demande-telle, moqueuse et sans gêne. Cette fille ne doute de rien, elle est gonflée de me proposer un café dans mon propre appart’. Vous l’aurez compris, je n’aime pas trop les intrusions… Je vais me servir, merci, répondé-je sèchement. Je me dirige vers la cafetière, remplis mon Mug de voyage, attrape mon sac et file sans un mot pour Shirley. Hors de question d’être en retard alors qu’un mini comité est réuni dans le bureau de mon boss. J’entre dans le bureau de Dominic avec deux minutes d’avance, mon acolyte n’est pas encore arrivé. Je lui tends son café du matin, acheté chez Starbucks. Salut Mylena, merci. Assieds-toi, je t’en prie. Ne fais pas cette tête, personne ne sera viré aujourd’hui,

lance-t-il railleur, devinant mon angoisse. Bonjour, pardon, je suis parfois nerveuse pour pas grand-chose… je m’excuse la tête entre les épaules. En fait, j’ai une très bonne nouvelle à vous annoncer. Mais attendons mon cher assistant qui a dû oublier la définition de la ponctualité. Quelques coups sont tapés timidement à la porte. Entre ! gronde Dom tandis que l’accusé entre la queue basse. C’est jouissif de le voir aussi penaud et soumis. Je dois réprimer mon sourire moqueur. C’est à cette heure-ci que tu arrives ? demande mon patron en lui lançant un regard noir. Pardon, Dom, s’excuse-t-il d’une voix timide. Cette fois j’ai du mal à me contenir et les coins de ma bouche s’étirent légèrement. Tu fais moins le malin

maintenant, crétin ! Bref ! La semaine dernière, j’ai eu une réunion avec un groupe, ce dernier a accepté de signer un contrat avec nous. Je suis donc leur nouveau producteur et vous, vous allez vous occuper de les manager, explique-t-il, fier comme un pape. Kévin et moi sommes accrochés à ses lèvres dans l’attente du nom de ce groupe. Son enthousiasme est communicatif. De qui s’agit-il ? je tente à tâtons. Son sourire s’élargit un peu plus. L’attente est insoutenable ! Crache le morceau, shit*! (Merde) Eh bien, commence-t-il en tapant sur son bureau comme un roulement de tambour. « Ce sont les Love Hackers ! », annonce-t-il. No Way* ! (Pas possible) Kévin et moi restons là, comme deux ronds de flan.

Damn It* ! (Bon sang) Love Hackers ! Oh my God* ! (Oh mon Dieu) Je crois que je ne vais pas m’en remettre, ou faire un malaise, ou les deux. Kévin se tourne vers moi et ricane. Ferme la bouche, ma petite ! se moque-t-il. Je secoue la tête pour me reprendre. Ils viendront mercredi pour régler les derniers détails. D’ici là, je veux que vous soyez au top et que tout soit prêt. Les erreurs et les oublis ne seront pas tolérés, suis-je bien clair ? nous avertit Dominic. Nous hochons la tête en même temps comme de parfaits petits toutous devant un os immense et alléchant. Très bien, au boulot ! Kévin et moi nous levons et quittons le bureau du chef pour nous mettre au travail sans tarder. Love Hackers… Je n’en reviens pas ! Pour information, je ne vis que pour ce groupe depuis que j’ai entendu leur chanson : You and me en deux mille

deux, j’avais neuf ans. Quand les premières notes ont retenti, je me suis figée, comme si le temps s’était arrêté pendant trois minutes et quinze secondes. Je suis devenue une fan inconditionnelle. J’ai affiché leurs posters partout, acheté leurs albums dans tous les exemplaires possibles… J’ai eu la chance de les voir en concert deux fois et je crois que c’est de loin les plus belles journées de ma vie. Jason, le chanteur est l’homme que je vénère le plus au monde après mon père. Il est magnifique. Châtain tirant sur le brun, les yeux vert, sexy à mourir, une âme torturée et une voix… la plus belle que je n’ai jamais entendue de ma vie. Rauque, douce, sensuelle, éraillée et qui me fait frissonner, pleurer, sourire… Je pourrais passer des heures à regarder des Live sur YouTube, même de

mauvaise qualité pour le voir gratter sa guitare. Cette passion qui l’anime quand il chante, joue… C’est indescriptible ! Mon amour de la musique, je le dois à ce groupe. Et me voilà à environ soixante-douze heures de LA rencontre. Il va falloir que je me comporte comme une fille normale. Pas une groupie hystérique, il ne faut pas que je m’évanouisse quand je l’aurais là, à quelques mètres de moi, me serrant peutêtre la main. Oh my God ! Comment vais-je faire ? Qu’est-ce que je vais mettre ? J’ai la tête qui tourne… Calmetoi ma pauvre Myli ! On dirait une folle ! Quand je rentre chez moi, je suis exténuée. Kévin m’a demandé de faire des recherches sur le groupe, pour que nous soyons au top les concernant. Leur carrière, les albums, les concerts, la personnalité de chacun des membres… Je me suis bien cachée de lui dire que je n’avais pas besoin de me servir de Google ou de Wikipédia pour en

apprendre plus sur eux. Je sais déjà tout et plus encore ! Love Hackers est un groupe de rock alternatif, qui s’est formé il y a une petite quinzaine d’années. Jason et ses deux acolytes Rick et Brice ont commencé à jouer dans leur garage, après les cours. Ils sont originaires de Los Angeles et ont tous les trois une petite amie. Jason est avec sa copine depuis quelques années ; un Top Model russe, une beauté froide, peu sympathique. Rick vit avec une magnifique brune, Jane, depuis plusieurs années, à la peau hâlée et aux yeux en amande. Elle cuisine comme une déesse. Brice sort depuis trois ou quatre mois avec une actrice d’Hollywood qui monte

doucement, Ashley. Je ne comprends pas vraiment ce que Jason fait avec une fille comme Brianna… Elle est tellement peu démonstrative, la banquise serait sans doute plus réconfortante que ses bras. Mais c’est la groupie jalouse en moi qui parle… Bref… Le groupe a sorti six albums, les trois premiers étant ceux qui ont suscité le plus d’engouement du public. Le dernier en date était différent, alliant un style aux notes country. Pas mal, mais qui n’a pas remporté tous les suffrages… Ils ont décidé de changer de label pour donner une nouvelle direction à leur musique tout en retrouvant leurs racines, en se réappropriant cette énergie qui les a poussés à former le groupe à l’origine. Cet album qui n’est encore qu’à l’état de projet est rempli de promesses et s’annonce déjà être un bijou. Les fans attendent leur retour avec impatience. Et je vais faire partie de cette aventure… Aux premières loges ! Un programme qui me ravit. Je suis euphorique,

excitée, angoissée, paniquée, exaltée, impatiente… J’ai du mal à réaliser. Je saute sur mon lit pendant environ cinq minutes pour extérioriser ma joie. Trois petits coups tapés à ma porte me font sursauter. Ouais ? Salut Myli ! me salue ma coloc’ en entrant dans ma chambre. Je saute du lit et m’approche pour la serrer dans mes bras. Hé ! Ça va, ma belle ? Je peux savoir pourquoi tu essayes de casser ton lit ? Il existe d’autres moyens plus amusants, tu sais ? Si tu veux, je te montre ! Je rigole et tire sur une mèche de cheveux roses pour la réprimander. Tout va bien, et non, je ne veux pas casser mon lit en faisant des trucs avec toi, je n’ai pas changé d’avis ! répondé-je en rigolant. Dommage… dit-elle, mi déçue, mi amusée. « Alors, que nous vaut cet

excès d’énergie ? Une bonne nouvelle au boulot, mais je ne peux pas te raconter, c’est encore confidentiel ! expliqué-je avec un sourire jusqu’aux oreilles. « Que faisait ta girafe blonde dans notre cuisine ce matin ? » je l’interroge en essayant de retrouver un semblant de sérieux. Ma girafe ? répète-t-elle en haussant les sourcils. La blonde du bar, Shirley. Ah oui ! Et bien, il faut dire que, cette fille sait faire de ces trucs… Alors tu vois… Stop ! je la coupe, ne souhaitant pas en entendre davantage. Ne fais pas ta prude, Myli ! Je voulais juste dire que ça valait le coup de faire une entorse à mon règlement. OK… Je ne vais pas me marier et te virer de l’appart’ si c’est ce qui t’inquiète ! plaisante-t-elle.

Tant mieux, parce qu’elle est un peu prétentieuse dans son genre ! Ouais je sais… mais au plumard, quelle affaire ! Cette fille se sert aussi bien de sa langue pour parler que pour… Tais-toi ! crié-je en me bouchant les oreilles. Elle s’approche de moi, tire sur mes bras et déblatère tout un tas d’insanités. S’ensuit, un fou rire d’anthologie. Sitôt repris notre souffle et notre sérieux, nous commandons une pizza et buvons une Despé, assises en tailleur entre le canapé et la table basse, attendant le livreur. Je pense que tu devrais te trouver un mec, chérie, lance Cycy en tirant sur sa cigarette. Arrête… Je commence tout juste un stage, je n’ai pas le temps pour ça. Non, Myli, tu as vingt et un ans et je ne t’ai jamais vue aller plus loin que le flirt. Je m’inquiète pour ta santé. Tu sais, c’est important de

prendre son pied de temps en temps. Cycy ! la réprimandé-je. Bah, c’est vrai, quoi ! C’est quand la dernière fois que tu t’es envoyée en l’air ? demande-t-elle en me regardant dans les yeux. Je sens le rouge me monter aux joues, Cycy deviendrait dingue si elle savait ! Nous nous connaissons depuis un peu plus trois ans, mais je crois qu’elle n’a jamais trop osé me poser la question. Pourquoi ce soir ? J’ai rencontré un mec sur internet… avoué-je timidement. Elle écarquille les yeux et attend la suite. Mais encore ? insiste-t-elle. Il est sympa et pas trop mal… Depuis quand tu vas sur ce genre de site ? questionne-t-elle en grimaçant. Je ne vais pas sur ce genre de site, le

hasard et Facebook nous ont mis sur la même route… C’est tout… Hum… et il est comment ? s’enquière-t-elle dubitative. Pas trop mal, il est brun aux yeux bleus, il a vingt-cinq ans et travaille dans un studio voisin de Loading Records, c’est comme ça que Facebook a fait le rapprochement, je crois. Tu sais, un ami d’un ami, d’un ami, d’un ami avec qui on a un ami en commun… Ouais. Méfie-toi quand même… Ouf ! Heureusement, l’interrogatoire sur ma vie sexuelle ne va pas plus loin ! Après notre « repas-pique-niquecalorique », je laisse Cycy seule avec

ses pinceaux, je pense qu’elle ne va pas beaucoup dormir cette nuit. Je m’adosse à ma tête de lit et attrape mon ordi pour discuter avec mon « crush Facebook ». Jonathan. C’est vrai qu’il est pas mal et très gentil, pourquoi ne pas tenter le coup ? Jonathan : Salut, ma Belle ! Tu vas bien ? Je suis content de te retrouver. Moi : ☺ Ça va, j’ai passé une très bonne journée ! Jonathan : cool, moi aussi, mais, c’était fatiguant. Mon chef nous rend tous chèvres ! Moi : ^^ je comprends ça ! Jonathan : Je voulais te poser une question… Moi : vas-y je t’écoute ! Enfin… je te lis ^^ Jonathan : ☺ Je me disais que puisqu’on travaille l’un à côté de l’autre, on pourrait peut-être déjeuner ensemble ??? Moi : Oui, pourquoi pas ! ;) Jonathan : :D super ! Demain et après

demain je suis en déplacement, mais vendredi ça devrait être bon pour moi, et puis cela serait une bonne façon de terminer la semaine ! Moi : Aïe ! Vendredi j’ai une grosse réunion, je ne peux pas me dégager pour la pause… La semaine prochaine ? :/ Jonathan : Oui, lundi ? Moi : OK ! ☺ Nous discutons de tout et de rien pendant encore une heure avant que je ne décide de rejoindre le royaume des songes. Après une douche bien chaude, j’enfile mon pyjama et me cale sous la couette, mes pensées dévient vers Love Hackers et notre future rencontre que j’attends avec impatience et que j’appréhende en même temps. Dans deux jours, Jason sera là, en face de moi. Nos regards vont se croiser, nos mains se frôler. La fleur bleue que je suis, trouve la situation tellement romantique… J’ai hâte ! La rencontre. C’est le jour J. Dans moins de trois heures et quarante-deux minutes, Jason

Maden et son groupe seront devant moi. Je sens que je vais tomber dans les pommes… Je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit et les quelques heures de sommeil que j’ai eues ont été hantées par des rêves intenses et sulfureux mettant toujours en scène un Jason sexy et peu vêtu, me faisant perdre la tête… Une question me rend dingue, comment m’habiller ? Quelle est la bonne tenue pour une telle rencontre ? Est-ce que je la joue assistante sérieuse et un brin sexy, la fille cool et décontracte, ou estce que je mets une touche de rock ? Un vrai casse-tête ! J’opte finalement pour un mini short troué stratégiquement en jean clair, des boots à lacets noires, pour le côté rock, et un chemisier nude, légèrement transparent pour le côté « assistante-sérieuse-sexy ». Ce qui est bien dans une maison de disques c’est que vous pouvez vous habiller comme vous voulez, personne ne vous juge, c’est un monde d’artistes, un monde qui se veut cool et décontracte justement.

Alors, comment suis-je ? demandéje à ma coloc, qui finit sa nuit devant sa tasse de café. Elle sursaute et relève la tête. Ses yeux s’écarquillent. Est-ce une bonne chose ? Elle se met debout et s’approche de moi. Je crois que je vais mourir si elle ne parle pas tout de suite. Non, Cycy préfère me tourner autour, me regarder sous toutes les coutures, jusqu'à ce que je me sente carrément gênée. Alors ? insisté-je, impatiente tandis qu’elle se plante devant moi. T’es vraiment canon, chérie, lance-telle en me reluquant de haut en bas… Encore… Tu es sûr ? Ce n’est pas un peu trop provoc’ ? Non ! C’est parfait, je t’assure, me rassure-t-elle. « Ne sois pas si nerveuse Myli, tu es une fille magnifique et tu n’as vraiment pas besoin d'artifices pour conquérir le monde, crois-moi. » Je… merci...

Ouais, tu ferais mieux de filer avant que je ne t’attache à mon lit, plaisante-t-elle en remplissant mon mug de café. Je l’attrape, reconnaissante, et la remercie encore en la serrant dans mes bras. Tu vas déchirer, dit-elle en plaquant un bref baiser sur mes lèvres. Je souris et secoue la tête. Ce n’est pas la première fois que Cycy m’embrasse, ou qu’elle me met une main aux fesses. Au début, je me suis posée des questions, car je ne veux pas d’ambiguïtés entre nous, mais elle n’a jamais rien tenté de plus. Elle se contente juste de remarques et regards concupiscents, un petit bisou de temps en temps... Je ne sais pas trop comment le prendre. Je suis flattée bien sûr, car

ma coloc’ ne choisit que des canons pour amantes ou amants. Le fait qu’elle me trouve à son goût regonfle mon égo. Mais une partie de moi a peur qu’elle ne se fasse de fausses idées. Ce n’est vraiment pas le but. Peu importe, il faut que je me rende au boulot ! Il ne manquerait plus que je sois en retard ! Je claque la porte et m’engouffre dans le trafic de Los Angeles à bord de ma Fiat 500. Tiens, elle est matinale, la petite, aujourd’hui ! s’exclame Kévin quand j’entre dans le bureau que nous partageons. Bonjour, Kévin. Je te retourne le compliment ! répliqué-je froidement. J’ai de plus en plus de mal à être polie avec lui… Le fait qu’il me reluque comme un chien devant un bout de viande n’arrange rien. Je voudrais le gifler parfois. Il est vraiment pénible !

Regardez-moi ça, elle a sorti le grand jeu, renchérit-il en faisant référence à ma tenue. Si tu le dis… Lui, en revanche, on ne peut pas dire qu’il ait fait de gros efforts avec son jean des années quatre-vingt-dix et sa chemise à rayures… J’ai presque honte pour lui. Bon alors les enfants, tout est prêt ? demande Dominic, le sourire jusqu’aux oreilles en entrant dans notre bureau sans frapper. Nous le saluons et ainsi commence un petit meeting improvisé pour régler les derniers détails et vérifier qu’il ne manque rien. Tant que les Love Hackers n’ont pas signé, nous ne sommes sûrs de rien. Ils pourraient aussi bien ne plus être intéressés, dire non à cause d’une clause qui ne leur plaît pas, ou encore (et ce serait le pire) être démarchés par

d’autres maisons de disques… Dom serait fou de rage, et moi dévastée. J’ai marqué quelques points avec la préparation de ce nouveau contrat, osant proposer mes idées directement à Dominic, sans passer par Kévin qui ne se gênerait pas pour me voler la vedette. Il a essayé, croyez-moi ! Il est neuf heures quarante-sept et tout est prêt dans la salle de réunion où nous avons décidé de recevoir le groupe. Je regarde si rien ne manque une dixième fois, je vérifie si les viennoiseries que j’ai achetées en venant sont joliment présentées, s’il y a assez à boire, si les stylos sont à disposition, etc. Une vraie pile électrique ! Eh merde ! crie Dom depuis le couloir. Je fronce les sourcils et me dirige dans sa direction. Pourvu que les Love

Hackers ne se soit pas décommandés… Il a son téléphone à la main… Tout va bien, Dominic ? osé-je à tâtons. Mylena, j’ai besoin que tu me sauves la vie, lance-t-il le regard suppliant. Je vous écoute… Ma fille est malade… Sa mère est partie à Seattle ce matin et tu comprends qu’avec la signature du contrat c’est difficile pour moi de quitter le navire… commence-t-il hésitant. Où veut-il en venir, est-ce que, par je ne sais quel miracle il va me demander de prendre les rênes à sa place ? Ne prends pas tes rêves pour la réalité Myli… Il se frotte la nuque nerveusement avec sa main droite avant de reprendre. Je suis désolée de te demander ça,

Mylena, mais je te fais plus confiance qu’à cet abruti de Kévin pour ce qui est de la sécurité de Lana. Et… il est ici depuis plus longtemps que toi… Pourrais-tu, s’il te plaît, aller la récupérer ? demande-t-il, penaud. Je… je ne sais pas… C’est que je ne suis… Arrête, tu t’enfonces Myli… Accepte, regarde-le, on dirait le chat potté dans Shrek ! C’est d’accord… J’y vais tout de suite… abdiqué-je, dépitée. Je suis dégoûtée, ça fait deux jours que je ne dors que deux heures par nuit, partagée entre excitation et appréhension, tout ça pour me retrouver à faire du baby-sitting ! J’hallucine ! J’étais à deux malheureux doigts de rencontrer l’idole de ma jeunesse, l’homme qui alimente mes rêves les plus

inavouables, un véritable Dieu vivant, la perfection incarnée… Mais non… tout s’effondre comme un putain de château de cartes. Merci, Mylena, tu es la meilleure, je te dois une fière chandelle. Tiens, voici l’adresse de son école, les clés de la maison, prends un taxi et garde la monnaie, déblatère-t-il à toute vitesse en me tendant trois cents dollars. Merci ! rajoute-t-il en rejoignant son bureau. J’aime beaucoup Dom en temps normal, mais là, c’est un gros connard à qui j’ai envie de tordre le cou. Me voilà donc dans un taxi haut de gamme (bah oui avec trois cents dollars, autant faire les choses bien !) en direction de Beverly Hills. Le chauffeur s’arrête devant un lycée, et là je me dis qu’il y a forcément une erreur. Un lycée ? Impossible. Une fille qui est au lycée peut se prendre en charge toute seule, n’est-ce pas ? Nous sommes bien au 241 Moreno Drive, à Beverly Hills ? demandé-

je au conducteur, inquiète. Ouais, M’dame, pas d’erreur possible ! répond-il en mâchouillant son chewing-gum comme une vache. OK… Attendez-moi là. D’ac’ ! Merde, c’est un cauchemar, je vais me réveiller, pitié faite que je me réveille. À l’accueil de l’établissement, la secrétaire confirme mes craintes, Lana Eden est bien scolarisée ici et m’attend à l’infirmerie. Fucking hell ! (Bordel de merde.) Qu’est-ce que je vous ai fait, làhaut, pour mériter ça ? Je suis les indications de la femme et arrive au troisième étage dans un petit office. La criminelle est assise sur ce qui semble être une table d’auscultations et regarde ses pieds. Elle a quoi comme maladie ? La flémingite aiguë ? Bonjour, c’est vous qui êtes chargée de ramener Lana Eden chez elle ?

m’interroge l’infirmière. Je… oui. Que lui arrive-t-il ? demandé-je sans réfléchir. Sans doute cette information ne me regarde pas… mais putain, qu’est-ce qu’elle peut bien avoir qui l’empêche de se débrouiller toute seule, comme une grande ? Elle a quoi ? Seize ans ? Dixsept, à tout casser. Vous êtes de la famille ? Non… je suis l’assistante de son père. Elle ne se sentait pas bien. Dites à son père que je souhaite le rencontrer rapidement, explique-telle fermement. D’accord, merci. Mais que peut bien avoir cette gamine ? Damn ! L’infirmière ne semble pas très contente, elle paraît même en colère… Je me dirige vers la petite, inquiète et agacée. Lana ? Je suis Mylena. Ton père m’a demandé de te raccompagner chez toi, dis-je d’une voix douce à

l’intéressée. Elle attrape son sac qui git sur le sol et se lève. Génial ! répond-elle avec condescendance. Super ! Ça s’annonce bien ! Je la suis en pressant le pas pour la rattraper et lui indique que notre taxi se trouve juste devant le lycée. Je me retrouve en route pour la maison de mon boss, à faire la nounou pour une gamine de seize ans, qui, à part être d’une humeur de dogue, ne semble pas plus malade que ça… Suis-je maudite ? Je devrais être en train de serrer la main de Jason Maden et ses acolytes en ce moment même. Mais non… Le foutu destin en a décidé autrement. Ça va ? tenté-je à l’attention de l’adolescente. Au top ! Tu peux te taire maintenant ? OK, OK ! Si tu préfères te murer dans

le silence grand bien te fasse ! répondé-je en tentant de cacher mon exaspération. Tu ne me connais pas, alors fous-moi la paix ! Très bien, comme tu voudras… Voilà qui promet d’être intéressant. Arrivée dans la gigantesque maison de mon patron, Lana balance son sac sur le comptoir de la cuisine et monte à l’étage où je suppose, se trouve sa chambre. Quelque chose dans le sac ouvert de la gamine attire mon attention. Un test de grossesse. C’est donc ça… Fuck ! (Putain.) Dominic va devenir dingue ! Je l’entends redescendre et je m’écarte rapidement, faisant mine de chercher de quoi faire un café. Elle ne relève pas, prend ses affaires et repart d’où elle est venue. Surtout, ne pas s’occuper de cette histoire qui ne m’attirera que des problèmes. Aux alentours de vingt-deux heures, la mère de Lana arrive enfin… Cette petite m’a l’air d’être traitée comme une fille à

papa pourrie gâtée. Elle me remercie à peine d’avoir veillé sur sa progéniture. Super ! Je sais de qui tient la gamine… Dominic me semble être quelqu’un de plus gentil et respectueux que ces deuxlà… Avec le reste de l’argent que m’a donné mon patron, je décide de retourner à la maison de disques en taxi. Quand Kévin m’aperçoit, il arbore un sourire moqueur. Aucune chance que l’état de Californie autorise les meurtres, n’est-ce pas ? J’ai envie de lui arracher la tête ! Il s’approche et entame la discussion. Alors comment s’est passé la journée de la baby-sitter sexy ? demande-til, amusé. À la perfection ! rétorqué-je, ironique. Comment était

la réunion ? (je change de sujet). Parfaite ! me nargue-t-il fier de lui. Tiens, je te laisse taper le compterendu et modifier le contrat, quelques détails ont été précisés. C’est urgent. N’oublie pas mon café demain matin. rajoute-t-il avant de me faire un clin d’œil et d’attraper ses effets personnels. Il se dirige vers la sortie sans un mot de plus. Me voilà partie pour une nocturne ! De mieux en mieux… Les notes de Kévin m’en apprennent plus sur l’avenir que nous réserve cette collaboration. Les Love Hackers se sont engagés pour une durée de trois ans. Le programme est classique : enregistrement d’un album, promotion, tournée d’un an… Ils ont tenu à avoir une plus grande liberté sur les paroles et la musique. Les maisons de disques

imposent souvent une direction, une ligne de conduite, aux artistes, histoire que l’argent rentre suffisamment… Tout est une question de fric dans ce milieu, mettant parfois le talent des musiciens et chanteurs à mal. Je suis contente que le groupe ait réussi à obtenir cet avantage. Jason et ses amis ont un véritable talent, ils sont des artistes complets, pas comme ces minettes qui chantent des chansons superficielles qu’on leur impose et qui ne sont bonnes qu’à jouer de leurs corps pour gagner de l’argent. Les Love Hackers composent leur musique de A à Z, Jason écrit chacune de ses chansons, ils font leur travail ensemble et c’est juste extraordinaire. J’ai vraiment hâte de voir cette magie opérer entre ces murs. Les premiers enregistrements auront lieu d’ici quelques semaines. En attendant, ils proposeront plusieurs textes, exposeront

la direction dans laquelle ils veulent orienter leur album à Dominic et quelques personnes du staff : ingénieur du son, tourneur, directeur artistique… Je croule sous la paperasse jusqu'à tard dans la nuit, tapant des rapports, proposant un planning prévisionnel des répétitions, de la tournée, de la promotion, etc. Le Rendez-vous. La colère qui m’anime depuis ma séance de baby-sitting commence seulement à se dissiper après six jours. Il y a exactement cent quarante-six heures et quatorze minutes, j’étais sur le point de rencontrer Jason Maden, mon fantasme d’adolescente (et d’adulte, soyons honnêtes) le chanteur du groupe que j’aime le plus au monde ! Et tout cela est passé à la trappe. Je suis exécrable depuis ce jour-là. Cycy a beau user de tous ses talents, rien n’y fait ! Je sais que je vais bien finir par les voir, puisqu’ils vont passer beaucoup de

temps dans nos studios pour enregistrer, mais je m’étais fait une telle idée de cette rencontre. Je l’attendais tellement et tout est tombé à l’eau de la façon la plus idiote possible ! Et Kévin qui jubilait... Il s’est moqué de moi toute la semaine en faisant des allusions mesquines à mon encontre. « Ah oui, c’est vrai, tu n’étais pas là quand Jason a dit ça… » Mon envie de le tuer est de plus en plus forte. Je commence même à élaborer des plans. De plus, ça m’étonnerait que Jason ait dit grandchose, il est plutôt du genre timide et réservé. Il préfère laisser parler Brice ou Rick, ce qui est paradoxal quand on y pense étant donné qu’il chante sur scène devant des milliers de personnes. Peu importe, il est parfait ! Bref, une autre rencontre m’attend aujourd’hui : Jonathan. Mon « crush Facebook » comme j’aime l’appeler. On discute

ensemble tous les soirs, c’est devenu notre petit rencart virtuel hebdomadaire. J’ai accepté de le voir aujourd’hui à l’heure du déjeuner. Je n’appréhende pas plus que ça, bizarrement. Je suppose que je commencerais à paniquer devant le fait accompli. Jonathan et moi, ce n’est pas le coup de foudre, mais on s’apprécie et je voudrais voir comment les choses peuvent évoluer entre nous. Il est mignon et plutôt gentil si j’en juge par nos nombreuses conversations… Si tout se passe bien, je l’inviterai peutêtre à ma soirée d’anniversaire, ce soir. Mon anniversaire, c’était il y a quatre jours et Cycy a insisté pour organiser quelque chose, malgré mes protestations. Vingt-deux ans, ça ne vaut pas la peine d’être fêté. Vingt-cinq oui, c’est un quart de siècle quand même ! Mais vingt-deux, on s’en fiche. Ma coloc’ ne le prend pas à la légère, elle. Tout est prétexte à faire la fête avec Cycy. J’ai rendez-vous au Sadie Kitchen and Lounge avec Jonathan. Ce n’est qu’à

quelques pas du label, je ne mets que cinq minutes pour y arriver. Je me sens légèrement nerveuse, mais pas de quoi fouetter un chat. Je l’aperçois devant le restaurant, nos regards se rencontrent et il me sourit largement. Il est aussi mignon que sur les photos donc pas de surprise de ce côté là. Je m’approche et lui rends son sourire. Il pose sa main sur mon épaule et dépose une bise sur la joue. Mon premier réflexe serait de me reculer, mais je prends sur moi et me laisse faire timidement. C’est très bref, pourtant, je me sens néanmoins embarrassée. Je ne suis pas très à l’aise avec les contacts physiques, j’aime bien conserver un périmètre de sécurité avec des inconnus. Même si nous discutons sur le net depuis des semaines, je ne le connais pas vraiment… Heureusement, il ne relève pas mon embarras et

m’enjoint de le suivre à l’intérieur. Quelle galanterie ! Je sais, on est plus au dix-neuvième siècle, mais bon... C’est toujours agréable d’être traitée avec attention. Je le suis donc et nous nous installons. C’est dommage, car il fait très beau dehors, nous aurions pu profiter du soleil… Tant pis… Je suis content de te rencontrer enfin, Mylena, commence-t-il en me faisant un clin d’œil. Ouais, moi aussi, répondé-je d’une petite voix. Existe-t-il un moment plus embarrassant que celui-là ? My God ! Achevez-moi maintenant ! Tu es encore plus magnifique que sur tes photos, dit-il en me regardant avec insistance. Merci… Ta semaine s’est bien passée ? Le travail n’est pas trop dur ? me questionne-t-il. Ce repas va être long, je crois. Non, tout se passe bien. Et toi ?

Je n’arrête pas ! C’est un exploit que je sois avec toi ce midi ! Jonathan s’occupe de faire des montages vidéo, pour des films et publicités dans une très célèbre compagnie d’audiovisuel. Il a une très bonne place. Ce qui est admirable pour son âge : vingt-cinq ans. Enfin, comme tout le monde dans ce milieu, il ne doit sûrement pas ce job qu’à lui-même… Oh… Tu aurais dû me dire que tu avais du boulot, j’aurais compris… Non ! J’ai besoin de souffler un peu. Et, quoi de mieux que de le faire en si bonne compagnie ? me gratifie-til avec un sourire de dragueur du dimanche. Était-il aussi ringard sur Facebook ? Myli sois indulgente, tu veux ? Le pauvre mec n’a même pas droit au bénéfice du doute ? OK, c’est cool, lancé-je en souriant.

Le serveur s’approche de nous et nous donne le menu, nous choisissons nos plats assez rapidement. Merde, est-ce que je le laisse m’inviter ou dois-je jouer la fille indépendante qui s’assume financièrement ? Il fronce les sourcils l’air inquiet. Quelque chose ne va pas ? Non, non... rétorqué-je en souriant. Super, donc je te disais, que cette semaine, j’ai passé mon temps à… Bla-Bla-Bla… On ne l’arrête plus, un vrai moulin à paroles. Est-ce que les mecs sont censés parler autant ? N’estce pas aux filles de faire la conversation sur tout et n’importe quoi ? En tout cas, une chose est sûre : son boulot le passionne. Le mien aussi cela dit. Je pourrais en faire autant s’il me laissait en placer une… Note pour moi-même : ne plus mentionner le travail en sa présence ! Une heure et demie plus tard, je suis saoule sans avoir bu une goutte d’alcool ! Qu’est-ce qu’il est bavard !

Jonathan ne m’aura pas laissé la meilleure des impressions ce midi. Il est gentil, mais il est vraiment trop égocentrique et surtout très logorrhéique. Le dilemme de « qui règle la note ? » a été balayé quand il a demandé à la serveuse de faire des comptes séparés. Au moment de se quitter, il m’a de nouveau embrassée sur les deux joues. J’aurais préféré zapper cet épisode, je ne sais pas pourquoi, mais le laisser m’approcher autant ne me plaît pas outre mesure. Je crois que le couple Jonathan/Mylena ne verra pas le jour… Peu importe, je suis jeune et j’ai le temps de me trouver un mec. Et qui sait peut-être que ce soir à ma fête d’anniversaire, je ferais quelques rencontres… Je n’ai aucune idée d’où Cycy a prévu de nous emmener. J’ai passé l’après-midi à rêvasser au boulot. Dominic s’étant absenté pour

raison familiale et Kévin étant parti plus tôt, j’ai laissé mon imagination vagabonder au rythme des chansons de mon groupe favori, à régler les moindres petits détails pour que leurs sessions d’enregistrements se passent au mieux, en réservant les salles les plus calmes et les plus éloignées du brouhaha qui règne dans cet endroit afin qu’ils ne soient en aucun cas dérangés par la musique et les fanfaronnades des autres artistes. Ils auront ainsi plus d’intimité et bien entendu un accès illimité à tout le matériel dont ils ont besoin. Dans quelques jours, les choses sérieuses vont commencer. Tout doit bien se passer, je vais y veiller ! Cet album va être parfait, je le sens. Je rentre à l’appart la tête dans les étoiles, rêvant de Jason, une guitare à la main en train de composer, chantant dans

la cabine d’enregistrement… J’ai tellement hâte de les rencontrer et de les voir à l’œuvre ! Ça tu l’as déjà dit Mylena… T’es en boucle ma parole ! Hé ! Voilà la reine de la soirée ! lance Cycy quand je passe le pas de la porte. J’affiche une moue réprobatrice tandis qu’elle me serre dans ses bras. J’espère que tu n’en as pas fait des caisses, Cycy ! Mais non, promis ! Juste une petite soirée entre filles. Alors c’était comment avec le gars de Facebook ? Je pousse un soupir. Que répondre à ça ? À ce point là ? grimace-t-elle. « C’est quoi le problème ? Il

embrasse mal ? Il sent mauvais ? » Non ! On ne s’est pas embrassé, Cycy ! Enfin, qu’est-ce que tu t’imagines, je le connais à peine ! Quoique… maintenant, je sais presque tout de sa vie ! Je vois ! Il est du genre pipelette ? Tout juste ! Ma pauvre, ne t’inquiète pas, on va résoudre ça ce soir ! dit-elle en me faisant un clin d’œil. « Va t’habiller ! » m’ordonne-t-elle en me pinçant les fesses. Cycy ! râlé-je en rigolant à moitié. Elle m’a fait mal cette brute ! Oui, je suis du genre douillet. Je me dirige vers la salle de bain et prends une bonne douche brûlante, je reste longtemps sous l’eau, qui détend tous mes muscles. Quand je sors, ma peau est presque fripée. Je m’enveloppe dans une serviette et me dirige vers ma chambre. Je suis bien décidée à faire la fête ce soir, à m’amuser comme une fille de mon âge. Bon, je ne dis pas que je vais

rentrer avec un mec, mais qui sait, c’est peut-être l’occasion de faire de nouvelles connaissances… Nous arrivons au 740 Nightclub vers vingt-trois heures. C’est bien rempli et les filles nous attendent déjà. Notre petit groupe de copines est réuni. Nous ne nous voyons pas très souvent malheureusement. Nos boulots respectifs ne nous le permettent pas et la plupart d’entre elles sont en couple. Il y a Cassandra, Anna et Jennifer. Nous étions ensemble à la fac et ne nous sommes jamais perdues de vue, nous réunissant comme ce soir pour quelques occasions. Les éclats de rire vont bon train. L’ambiance est géniale et les shots de

Téquila pleuvent. Ma tête commence à tourner. Je crois être carrément bourrée quand j’aperçois Kévin au bar. Fuck, il ne manquait plus que lui ! Cette soirée devait être parfaite. Shit ! Je donne un coup de coude à Cycy pour lui montrer l’objet de mes cauchemars, celui qui me fait vivre un calvaire tous les jours et à qui je dois obéir ! Elle grimace, ouais, ce n’est pas une gravure de mode. Comme il ne me remarque pas, trop concentré à draguer une superbe rousse avec qui il n’a aucune chance, je décide de l’ignorer et de continuer à m’amuser avec mes amies. Nous nous trémoussons sur la piste en rigolant à pleins poumons. Cycy danse collée à moi, ses mains bien ancrées à mes hanches, me faisant balancer de droite à gauche à l’unisson avec les siennes, je sens sa poitrine collée contre mon dos elle est sans nul doute très excitée par la situation. Je sais que je ne devrais pas, mais je continue de me déhancher contre elle malgré tout. Cycy connaît mes limites, je

lui fais confiance. Vers deux heures du matin, nous faisons une pause pour une nouvelle tournée de shots. Cycy, assise à mes côtés, prend du sel, en met sur mon poignet, le lèche en me regardant dans les yeux, attrape le verre de Téquila, l’avale cul sec et croque aussi sec dans un quartier citron vert. J’éclate de rire et je l’imite en me servant également de son poignet. Je ne peux même plus compter à combien de verres nous en sommes. À quatre heures, nos amies nous font savoir qu’elles sont fatiguées et s’apprêtent à regagner le lit de leur bienaimé ! Ouais, vantez-vous les filles, moi je n’ai personne avec qui partager mon lit. Nous nous embrassons et elles quittent le club, me laissant avec ma coloc’. Je vais aux toilettes et on rentre ?

proposé-je à mon amie. Ouais bien sûr, Beauté, rétorque-telle en me faisant un clin d’œil. Le club commence à se vider petit à petit. En m’éloignant vers les sanitaires, je sens le regard de Cycy peser sur moi, mais sans doute qu'ayant trop bu, je divague, je n’en sais plus rien... J’entre dans la petite pièce. Dans le fond, trois éviers et un grand miroir me font face et sur la gauche, je vois plusieurs cabines. Alors que je m’apprête à pénétrer dans l’une d’elles, quelqu’un entre. C’est Cycy. Elle me regarde avec une intensité qui me fait frissonner puis elle s’approche de moi comme un félin. Je rêve, n’est-ce pas ? Je suis tellement bourrée ! Damn it ! Elle me pousse contre la porte des WC et me caresse le visage. Tu es tellement belle, Myli, chuchotet-elle d’une voix suave. Il n’y a pas que moi qui aie trop bu ce soir ! Elle penche légèrement la tête sans cesser de me regarder, arborant un

sourire maléfique. Qu’est-ce que tu fais, Cycy ? demandé-je en gloussant. Rien, ma belle. Rien du tout, répondelle avant de m’embrasser à pleine bouche. Merde ! Qu’est-ce qu’elle embrasse bien ! Je ne sais pas ce qui me prend, mais je lui rends son baiser, consciente de jouer avec le feu, ce qu’il l’encourage à continuer avec plus de ferveur. Sa langue se fraye un chemin dans ma bouche. Mon cerveau fait un léger blocage pendant un moment, je suis en train de rouler une pelle à une fille ! Pas n’importe quelle fille... Cycy ! Qu’est-ce qui me prend ? Cycy, la supplié-je me reculant légèrement en posant une main sur sa poitrine pour commencer à la repousser. Je sens son cœur battre très vite et je fronce les sourcils. Tout ça, c’est une très mauvaise idée ! Laisse-toi faire, ma belle, m’intime-

t-elle en s’emparant de mes lèvres une nouvelle fois. Sa main descend de mon épaule à mon torse, elle touche mes seins sans vergogne. Pourquoi je la laisse faire ? Elle ferme les yeux et m’embrasse dans le cou, me mordillant par endroits. Suisje devenue dingue ? C’est tellement bon pourtant… Bloody Hell ! (Bon sang.) Cycy… tenté-je en vain. Elle me fait taire avec sa bouche et sa main s’insinue vers ma culotte. Jeez ! Son expertise en la matière a raison de moi avant même que je puisse protester. Elle a atteint son but sans mal. Tu es parfaite, si douce, murmure-telle à mon oreille tandis que je reprends doucement mes esprits. Elle remonte sa main jusqu'à sa bouche pour me goûter, j’écarquille les yeux complètement… sous le choc ?

Hypnotisée ? C’est juste irréel ! Parfaite, répète-t-elle d’une voix remplie de désir. Cycy, qu’est-ce que tu fais ? demandé-je, perdue en fronçant les sourcils. Ne te prends pas la tête, Myli ! Viens, m’intime-t-elle en me tirant par la main. « On rentre. » J’aurais bien besoin d’un verre là, maintenant. Je ne comprends pas trop ce qui vient de se passer. Est-ce que j’ai laissé ma colocataire me toucher dans les toilettes pourries d’une boîte ? Malheureusement, je doute qu’un verre puisse me remettre les idées en place. Quand mes yeux s’ouvrent, c’est une véritable torture, le soleil me fait l’effet d’une centaine d’aiguilles qu’on vous enfonce dans les yeux jusqu’au cerveau. Je papillonne pour m’habituer à la luminosité. Holy shit ! (Putain de merde.) Qu’est-ce qui m’a pris de boire autant ? Comment suis-je arrivée ici, d’abord ? Je suis seule dans mon lit

(c’est déjà ça), en sous-vêtements (estce que je me suis déshabillée toute seule ?) … L’appartement est plongé dans un silence terrifiant. Cycy ne doit pas être dans un meilleur état que le mien… Bon sang, Cycy ! Merde ! Tout me revient, comme une porte battante prise en pleine tête avec violence. Estce que j’ai rêvé ? S’il vous plaît, faites que ce ne soit qu’un rêve ! Je n’ai pas pu me laisser aller comme ça… C’est la honte ! Je suis… Je n’en sais rien ! C’est la merde ! Comment vais-je pouvoir la regarder dans les yeux maintenant ? Estce qu’elle ne va pas se faire de faux espoirs ? Est-ce que je vais devoir déménager parce que notre relation sera devenue trop… bizarre ? Je voudrais remonter le temps. Je ne veux pas que mon amitié avec Cycy soit entravée. Mais c’est hors de question qu’elle croit qu’elle et moi, on peut passer du bon temps au lit. J’étais tellement déchirée ! Qu’est-ce qui m’a pris, d’offrir mon premier orgasme à Cycy ? Enfin, c’est

façon de parler, je… ce n’était pas le premier, mais disons que… bref… vous avez compris, je ne vais pas vous faire un dessin ! Quoi qu’il en soit, c’est le bordel dans ma tête. Je n’ai plus envie de penser à ça. Je n’ai rien ressenti de particulier pendant cet… échange. C’est juste… c’était agréable, bien sûr, mais je ne me sens pas attirée par les femmes pour autant. Disons que c’était une expérience… Ouais, disons ça, Myli ! Je parviens, par je ne sais quel moyen, à me lever, le silence résonne encore et toujours. C’est angoissant… Je me dirige dans la chambre de ma coloc’ et là, personne ! Elle n’est pas là. Je fouille l’appartement, aucune trace… J’abdique alors et décide de me couler un café. C’est à cet endroit que je trouve une lettre avec mon nom. Est-ce qu’elle est partie ? Ne supportant pas l’idée de vivre avec moi, après ce qui s’est passé ? Est-ce que je l’ai déçue ? Sinon, ça va les chevilles, Myli ? Je déplie le bout de papier et commence à lire.

Myli, Je tiens tout d’abord à te rassurer : je ne suis pas partie pour de bon. ^^ En me réveillant ce matin, j’avais une inspiration si forte, que j’ai éprouvé le besoin de m’isoler avec un grand I, histoire que tout ça ne se perde pas je ne sais où. Je suis dans la maison sur la plage de ma grand-mère à Santa Monica. J’ai coupé mon téléphone et je ne serais donc pas joignable. Je sais que c’est moche de te faire ça, après ce qui s’est passé hier soir, mais si je ne mets pas ce regain d’énergie à bien, je vais tout laisser tomber. Et tu sais à quel point je suis en colère quand je perds le fil. C’est sans doute du charabia ce que je t'écris et ça ne veut peut-être rien dire, mais je me comprends. J’ai besoin de cette bulle de solitude pour créer en toute liberté, sans frontières, sans perturbations. Pour hier soir, ne te prends pas la tête, ma belle Myli. Nous étions bien éméchées, toi et moi, alors si c’est ce que tu souhaites, tu peux jeter ce

souvenir à la poubelle. Sache que je ne dépasserai plus jamais les bornes avec toi. Je suis allée trop loin, désolée. Merci quand même pour ce moment, tu étais absolument superbe. ;) Bisous, à bientôt. Cycy XOXO Bien… me voilà rassurée, non ? Pfff… Ne pas me prendre la tête, hein ? J’étais superbe ? Je me sens carrément mal à l’aise… J’avale deux Advil et décide de retourner au lit. Cela ne sert à rien de rester là à me torturer l’esprit. Combien de temps vais-je devoir attendre son retour ? Ce n’est pas la première fois qu’elle me fait le coup, mais là, c’est vraiment mal tombé. Ou pas… Va te coucher Myli, ça vaudra mieux. Ouais… PING ! Mon portable retentit pour m’annoncer l’arrivée d’un SMS. * Tu as passé une bonne soirée avec ta « copine » Myli ? Kévin. * Quel connard ! Il ne manquait plus que lui ! Je refuse de répondre à ce crétin !

La vraie rencontre ! Oh My God ! Je suis au bord de l’apoplexie ! Je vais me décomposer, faire un malaise, vomir, me vider de mon sang… Dans deux heures, vingttrois minutes et quarante secondes, je serai devant Jason Maden ! J’aurai devant moi les Love Hackers ! Et cette fois, c’est hors de question que je ne sois pas là ! J’ai préparé ma tenue il y a quelques jours déjà, histoire de ne pas passer deux heures dans mon dressing et rater LA rencontre de ma vie. J’enfile ma petite robe droite en dentelle noire, qui m’arrive à mi-cuisses, un petit boléro bordeaux et une paire de bottines assorties. Je laisse mes cheveux courir sur mes épaules et décide d’opter pour un maquillage Smoky, mais discret. Cycy, qui n’est toujours pas revenue de Santa Monica, avait approuvé cette tenue via Facetime. « Tu es absolument canon, ma chérie ! » scandait-elle en frappant de ses mains frénétiquement. Son absence me pèse. Heureusement,

elle a dénié reprendre l’usage de son téléphone. Mademoiselle a décidé de profiter de la mer encore quelques jours, le temps de parfaire ses toiles et de buller sur la plage ! Tandis que moi je travaille d’arrache-pied ! Saleté ! Quoi qu’il en soit, je devenais complètement dingue après cette soirée de folie, où elle m’a… enfin, vous voyez très bien de quoi je parle. Je me pose mille et une questions. Pas sur ma sexualité, de ce côté-là, je suis sûre à cent pour cent d’être hétéro. Mais je m’inquiète pour notre amitié. Cycy, elle, n’a pas l’air de s’en faire. La situation ne va-t-elle pas être bizarre quand elle va rentrer et qu’elle se tiendra devant moi ? Est-ce que je ne vais pas avoir un mouvement de recul au moment où elle va me prendre dans ses bras pour me saluer ? Est-ce que je vais savoir mettre ce souvenir dans un coin de ma tête et ne plus jamais y penser ? J’y travaille… Mais je reste encore un peu confuse. Et puis il y a cet imbécile de Kévin qui me

regarde avec des yeux de merlan frit, plaçant ça et là une remarque salace. Avant hier, il m’a même proposé de me faire changer de bord, c’est pour dire. « Une fois que tu y auras goûté, ma petite, tu ne pourras plus t’en passer… » À vomir ! J’ai failli rétorquer que je n’étais pas lesbienne, qu’il se faisait des idées, mais je me suis ravisée. Qu’il croit ce qu’il veut après tout ! Et puis peut-être qu’il se désintéressera de moi plus rapidement ? Ouais, rien n’est moins sûr… Dominic, lui, ne nous fait pas souvent honneur de sa présence. Il faut dire qu’il doit être en train de traverser une crise familiale avec sa fille de seize ans, « son bébé » qui se retrouve… enceinte. Il s’est absenté pendant plusieurs jours et les rares fois où il est venu, il était dans un état pitoyable, pas rasé, mal habillé, une aura d’une

odeur douteuse… Il me fait de la peine. Il ne sait pas que je suis au courant, je crois que c’est mieux ainsi. Mais des fois, quand je le vois tourner en rond dans son bureau en tirant sur ses cheveux, j’ai envie de le rassurer, de l’écouter, d’être là, simplement. C’est mon côté « bonne samaritaine », je crois. Toujours est-il que je ne peux pas lui dire que je suis au courant du drame qui se joue dans son palace de Beverly Hills. Il sera là ce matin, pour accueillir les Love Hackers. Nous ne pouvons pas tout assurer avec Kévin. Dans certaines situations, le chef doit faire acte de présence. Kévin est celui à qui les Love Hackers doivent s’adresser s’ils ont besoin de quelque chose. Je suis jalouse de ce statut qui est le sien, même si, en tant qu’assistante, il y a de grandes chances pour qu’il me refourgue tout le sale boulot… Sale boulot qui n’en sera pas, soit dit en passant, puisqu’il s’agit là de mon groupe fétiche. Mais il ne doit pas le

savoir. Jamais. Bref… Tout ce qui compte, c’est que les Love Hackers soit accueillis avec tout le professionnalisme qu’il faut, afin que tout soit parfait. Je me suis pliée en quatre pour qu’ils aient tout ce qu’ils veulent quand ils le veulent. Ricky veut une paille rose et bleu pour siroter sa bière ? Brice veut un médiator vert fluo ? Jason un stylo bleu turquoise ou noir ébène à deux heures du matin ? Soit ! Myli le leur apporte sur un plateau d’argent. C’est ainsi que ça se passera. Je vais me dévouer à eux corps et âme ! Je suis prête à tout ! Je me mets en route pour le studio avec une demi-heure d’avance, on ne sait jamais… Je ne veux pas être en retard pour ce grand jour, celui qui restera gravé dans ma mémoire jusqu'à la fin des temps. Le trafic est fluide et j’arrive rapidement chez Loading Records. Les couloirs sont encore vides… tout est calme, reposant. J’observe les lieux avec la sensation que ma vie va prendre

un tournant aujourd’hui. C’est ridicule, je sais… Ce sont juste trois mecs qui font de la musique, comme il en existe par dizaine ici ! Je suis sortie de ma torpeur par une main qui tapote sur mon épaule, un contact qui me titille les nerfs. Salut, ma petite ! Alors tu es prête ? Oui, bien sûr que je le suis. Très bien parce que je me demandais si tu ne pouvais pas aller t’occuper de mon chat, il est malade, lance-t-il moqueur. Je me demande, pendant quelques secondes, s’il est sérieux. Pourvu qu’il ne me fasse pas de sale coup ! Je fronce les sourcils et le menace de mon regard le plus noir. Cool, détends-toi, c’était une blague ! Allez, va me chercher un café ! Noir avec deux sucres ! ordonne-t-il en me faisant un clin d’œil. Je pousse un long soupir, attends qu’il ait le dos tourné pour lui montrer mon majeur et cours chercher ce qu’il m’a

demandé. Lorsque je suis de retour dix minutes plus tard, Dominic est dans son bureau. Il semble de mauvaise humeur. Je frappe à la porte discrètement. OUI ? braille-t-il sans lever les yeux. Bonjour, je… je vous apporte votre café… dis-je timidement. Il se dresse et son regard s’adoucit un peu. Merci, Mylena. Je te le répète, tu peux me tutoyer. Tu es d'attaque ? J’opine du chef et lui souris. Bravo, Mylena, tu as quoi ? Cinq ans ? Très bien, allons-y, ils doivent nous attendre. J’ai demandé à Kévin de les conduire dans le salon Rock. Ils doivent nous attendre… Jeez ! Tuezmoi ! Mon cœur bat tellement fort que je frise la crise cardiaque. Le salon Rock est une pièce aux couleurs sombres, des guitares

électriques sont accrochées un peu partout et des autographes de grand nom du Rock viennent compléter le décor. Nous disposons de plusieurs salons de ce type, chacun portant le nom d’un style de musique particulier comme le salon Country, le salon Urbain, etc. Devant la porte, je me fige. Derrière elle se trouve l’objet de tous mes fantasmes depuis que j’ai l’âge d’avoir des pensées, disons, pas très sages… Je prends une grande inspiration, pas question de me conduire comme une groupie de base ou une gamine intimidée. Je dois me montrer sûre de moi et professionnelle. C’est indispensable. Dominic n’hésitera pas à me virer si je me comporte comme une hystérique et je ne veux pas donner à Kévin l’occasion de me pourrir la vie un peu plus. Tout va bien, Mylena ? me demande mon patron d’un air soucieux. Je lui offre mon sourire le plus confiant, redresse les épaules fièrement et le regarde avec assurance. Bien que tout

cela ne soit qu’une façade. En réalité, je suis sur le point de faire un malaise ! Bien sûr, allons-y, répondé-je en désignant la porte d’un geste de la main. Il hoche la tête d’un air de dire, « C’est bien ma petite, ne me déçois pas » et pose la main sur la poignée. Il pose. La main. Sur la poignée. Il la tourne. Puis la pousse. Respire Mylena ! Un… Deux… Trois… Allez ! J’ouvre les yeux et il est la seule personne que j’aperçois dans cette pièce où les rires vont bon train. Kévin discute avec Ricky, tandis que Jason dans toute sa splendeur répond aux taquineries de Brice. Oh Gosh ! Il est si beau ! Ses cheveux bruns dorés sont parfaitement décoiffés et me donnent envie d’y plonger les mains pour tirer doucement dessus. Mais d'où sors-tu toutes ces idées, Myli ? Ses yeux sont d’un vert invraisemblable, digne des plus belles émeraudes de la terre entière. Une barbe naissante lui donne un côté rebelle sexy et auquel

j’aimerai bien me frotter. SEXY À MORT ! Je suis dingue de ce mec ! Si on pouvait personnifier Dieu, il serait parfait pour le rôle ! Je crois mourir quand son regard croise le mien. Il est magnifique au-delà des mots. Le temps s’arrête quelques secondes, puis il reporte son attention sur Dominic. À cet instant, je ne sais plus comment je m’appelle, ni même comment je respire. Quel jour sommes-nous ? Mais je me fais violence et me reprends, heureusement, personne ne semble avoir remarqué mon état de transe. Je souris aux autres membres pour donner le change. Salut les gars, lance Dominic en leur tapant dans la main comme s’ils étaient potes depuis toujours. « Je vous présente,

Mylena, mon assistante, elle n’a pas pu être présente la dernière fois, car j’ai largement abusé de sa gentillesse ! » explique-t-il en me gratifiant d’un regard reconnaissant tinté d’un épuisement certain. Les membres du groupe me serrent la main les uns après les autres, Jason étant le dernier. Le meilleur pour la fin. Je suis sur le point de me liquéfier quand ma peau entre en contact avec la sienne. Un moment mythique. Ses mains sont rugueuses et fortes. Il a des cales aux doigts, à force de jouer de la guitare depuis toutes ces années. Ma main reste dans la sienne un peu plus longtemps qu’avec les autres. Je suis surprise d’être à ce point impassible alors qu’un tas d’émotions me remue de la tête aux pieds. C’est un tsunami dans ma tête, dans mon cœur… et dans mon corps ! Enchantée de faire enfin votre connaissance, lancé-je d’un ton

assuré en lâchant la main de Jason à regret. Bien, maintenant que les présentations sont faites, nous allons pouvoir nous mettre au boulot ! renchérit Dom. Nous avons apporté au contrat les modifications nécessaires et convenues entre nous. Il vous faut juste parafer et signer. Je laisse Kévin et Mylena vous présenter tout ça, j’ai une réunion importante, je vais devoir vous laisser… J’espère que vous ne m’en voudrez pas trop… Pas de problème Dom, répond Brice en souriant. Occupez-vous bien de mes protégés vous deux, sinon vous aurez à faire à moi, nous avertit notre patron.

Bien sûr Dom, tu sais que tu peux compter sur nous ! réplique Kévin, fier comme un pape. Évidemment je sais bien que Dom n’a aucune réunion, et qu’il va s’empresser de rentrer chez lui, pour gérer… ce qu’il a à gérer. Très bien ! À plus, les mecs ! Travaillez bien ! dit-il en quittant la pièce. Kévin se frotte les mains et invite les Love Hackers à s’asseoir sur les luxueux canapés en cuir noir, disposés autour d’une table basse en verre ornée de pieds en métal sinueux de couleur rouge. Un immense tapis persan assorti est disposé sous cette dernière. Tu as les contrats Myli ? demande Kévin en me regardant sournoisement. Je hausse les sourcils, l’air exaspéré. Myli, hein ? Pour qui tu te prends,

espèce d’idiot ? Il croit vraiment que je vais oublier ces fichus contrats, je ne suis pas une débutante ! Bien sûr, tiens, répondé-je en sortants les documents de mon porte-revue avec un sourire feint. Merci. Des stylos ? exige-t-il. Quel crétin, je ne sais pas ce qui me retient de lui arracher les yeux. Je pose sur la table ce qu’il me réclame et déploie le contrat devant les artistes qui prennent un long moment pour en relire les termes. Pendant ce temps, je les observe à loisir, les uns après les autres. Brice, le bassiste, est un grand blond au style surfeur-rockeur qui est le plus jeune des trois. Il porte les cheveux un peu longs, une coupe déstructurée très travaillée, ses yeux sont bleus et ses traits respirent la gentillesse. Ricky le batteur, lui, est petit et a le crâne rasé. Il s’apparente au petit rigolo de la bande, d’une grande bonté d’âme et qui adore cuisiner. Jason est le plus sérieux des trois, le plus réservé. On voit tout de

suite que c’est un artiste complet, car il est enfermé dans sa bulle. Je suppose qu’écrire et composer des chansons demande d’être assez fort pour faire abstraction du monde qui l’entoure afin de laisser libre cours à son imagination. En tout cas, c’est ainsi que je le ressens. Cycy fait partie de ces personnes, artistes à toute heure. Les pieds sur terre et la tête dans les étoiles, elle est là sans jamais vraiment l’être. Si on l’observe assez longtemps on peut presque entendre les rouages de son cerveau s’affoler dans tous les sens. C’est très fascinant de voir tant de génie à l’œuvre. Kévin leur explique les modifications qui ont été apportées au contrat. Les Love Hackers semblent satisfaits et apposent leurs signatures en bas de chaque exemplaire. Je jette un dernier coup d’œil au planning prévisionnel de répétitions, m’assurant que je n’ai pas fait d’erreur. Tout me semble parfait. Nous avons établi un planning de répétitions pour les mois à venir…

Bien sûr, tout ça ne vous engage à rien, les gars, c’est juste un prévisionnel, on fait à votre rythme et comme vous le sentez. Vous pouvez disposer des locaux comme bon vous semble, me coupe Kévin en m’arrachant les feuilles des mains. Mais quel connard ! Je le regarde d’un œil mauvais, il ne me remarque même pas. Il m’ignore ce traître ! Je sens le regard de Jason sur moi, mais je suis tellement en colère contre Kévin que je ne relève pas. Nous passons les deux heures suivantes à discuter de certains détails, de leurs envies, de leurs attentes et des nôtres. Enfin… j’écoute, parce qu’apparemment je ne suis pas autorisée à parler ! Nous laissons le groupe dans le salon, pour que ses membres puissent s’imprégner des lieux. Je retourne à mon bureau et m’attelle aux basses besognes. Vers dixhuit heures trente, Kévin se poste devant moi, sa veste pend sur son épaule, il

s’apprête à partir. Dieu, merci ! C’était du bon travail, ma petite, mais la prochaine fois… reste à ta place, OK ? demande-t-il avec condescendance. FUCK ! Ouais… répondé-je sans lui accorder la moindre attention. Il ne croit quand même pas que je vais implorer son pardon et lui prêter allégeance. Il me salue et quitte la pièce. Pourvu qu’il ne lui prenne pas l’envie de balancer des mensonges sur mon compte à Dominic… Avant de quitter le boulot, soit une heure après le départ de mon tortionnaire, je retourne dans le salon pour ranger un peu et vérifier qu’aucun papier

important n’a été oublié. J’ouvre la porte, la même devant laquelle j’ai failli faire une crise cardiaque ce matin… Je souris de ma bêtise. Ce n’était finalement pas si terrible, et d’une certaine manière Kévin et ses mauvaises manières m’ont aidée à rester « civilisée » et à porter mon attention ailleurs que sur Jason Maden. Qui est là, devant moi. Maintenant. Seul. Magnifique. Dans ce salon, une guitare et un stylo dans la main, un carnet posé juste devant lui. Bloody hell ! Il relève la tête dans ma direction et je me sens vraiment minuscule, ridicule… et

désolée de l’interrompre dans sa création. Pourquoi n’ai-je pas regardé à travers la petite vitre de la porte avant d’entrer ? Je… pardon… je ne savais pas que… je venais juste… ranger un peu... Bravo Myli ! C’est ça pour toi, te conduire de manière civilisée et professionnelle ? Ne t’excuse pas, tu ne pouvais pas savoir, dit-il avec un sourire sincère. Cette voix… Oh my fucking god ! Il est tellement beau ! C’est irréel de l’avoir là, juste en face de moi. C’est incroyable d’être tellement passionnée, attirée par lui. Je ne voulais pas vous déranger, je repasserai demain... Non, vas-y, j’avais fini, explique-t-il en posant sa magnifique guitare. « Eh, tu peux me tutoyer ! » rigole-til. Je lui rends son sourire. Existe-t-il un

moment aussi dingue que celui-là ? OK. OK. À demain alors ? demande-t-il. Ouais… à demain, répondé-je hébétée. Je me retourne et commence à sortir de la pièce quand… Myli ? Myli… OH MY GOD ! Ça sonne comme une douce mélodie. Je fonds littéralement. Jason Maden m’appelle par mon surnom uniquement connu par mes proches. Bien sûr, lui a tous les droits. Oui, dis-je timidement en

me tournant. Ne te laisse pas faire par ce crétin, ajoute-t-il en me faisant un clin d’œil. Je lui offre mon plus beau sourire, replace timidement une mèche de cheveux derrière mon oreille et quitte la pièce. Il m’a fait un clin d’œil ! Jason m’a fait un putain de clin d’œil ! J’ai envie de hurler, chanter, courir, bondir, faire la danse de la victoire ! Mais pas ici… Je rentre à l’appart’ avec des étoiles dans les yeux et dans le cœur. Je ne sais même pas comment je suis arrivée ici indemne. Une fois dans mon salon je laisse libre cours à ma joie de vivre en écoutant mon groupe préféré à fond la caisse. Tant pis pour les voisins, ils s’en remettront ! Bon sang, Jason est encore plus parfait que ce que je m’imaginais ! Les retrouvailles. J’ai l’impression d’avoir vécu une semaine en plein rêve ! Voir les Love

Hackers déambuler dans les couloirs me donne le vertige. Je suis euphorique, mais obligée tout de même de me tenir correctement toute la journée si je ne veux pas me faire virer manu militari par la sécurité. Heureusement, le soir venu, je peux enfin me défouler dans ma douche en chantant et en dansant à tuetête pour évacuer le trop-plein d’énergie et d’excitation que crée en moi leur présence. Jason et ses amis sont discrets malgré tout, si l’on n’y prête pas attention on pourrait même ne pas les remarquer. Mais moi, je suis à l’affût du moindre de leurs faits et gestes, la moindre respiration, le moindre battement de cils. J’ai l’impression d’être connectée à

eux. C’est normal, je me dois de veiller à leur bien-être en toute circonstance ! Ouais, bien sûr Myli, comme s’ils allaient croire ça ! T’es une vraie dingue et puis c’est tout ! Oui d'accord, c’est vrai que je suis peut-être un peu trop « attentive », mais bon… c’est plus fort que moi. C’est comme avoir le plus beau diamant du monde sous les yeux et refuser de le regarder. C’est impossible. Je le veux ce foutu diamant ! Arrête de rêver, Myli ! Depuis mon petit tête-à-tête avec Jason, lundi, tous les soirs avant de partir, je fais un petit crochet par le salon Rock. Je ne rentre pas, mais je l’observe discrètement à travers le hublot de la porte sans qu’il ne me remarque. C’est le meilleur moment de la journée. Je ne reste jamais très longtemps de peur qu’il ne sente mon regard admiratif et concupiscent sur lui. Il s’y trouve à tous les coups. Seul, sa guitare à la main, un stylo entre les dents (et je peux vous dire que je donnerais TOUT pour être un putain de stylo !)

griffonnant sur son carnet de temps à autre, grattant harmonieusement les cordes de sa guitare, un son qui me prend aux tripes avec une intensité affolante. Je suis amoureuse de Jason Maden. Je l’étais déjà avant, mais là… Le voir jouer de son instrument en fredonnant... c’est juste de la magie, et mon cœur ne peut pas résister à cette magie-là. Alors ce soir, ne faisant pas exception, je me dirige vers le premier étage, devant cette salle qui est devenue mythique à mes yeux. Aujourd’hui, il porte un jean brut à revers, un t-shirt manches longues, gris foncé ne cachant rien de ses magnifiques bras parfaitement musclés, et son borsalino noir vissé sur la tête. Je n’aime pas trop quand il porte un chapeau ou une casquette, car

ses cheveux sont magnifiques et ne méritent pas d’être cachés ! Cela dit, il est quand même beau à mourir ! Je pourrais rester là des heures à l’observer, connaître les moindres gestes qui le caractérisent ; la façon dont les muscles de son bras se contractent quand il écrit ; le mouvement de sa mâchoire quand il tient son stylo entre ses dents ; l’expression sérieuse qu’il arbore quand il est concentré, dans son monde ; le rythme régulier qu’il tape du pied en même temps qu’il joue… Bref, il me fascine en tous points, vous l’aurez compris. Quand il relève soudainement la tête, je manque de défaillir, je m’accroupis et j’attends quelques secondes pour pouvoir partir. Pourvu qu’il ne m’ait pas aperçue… La porte s’ouvre... S hit ! Réfléchis, Myli ! Myli ? demande une voix rauque et mélodieuse que je reconnaîtrais entre mille, même si j’étais sourde.

Je me redresse et fais mine de tripoter mon oreille. Je… J’avais perdu ma boucle, répondé-je en faisant semblant de la remettre. Son sourire me laisse penser qu’il n’est pas dupe… Pourvu que je me trompe parce que je dois vraiment avoir l’air d’une idiote. Qui plus est, j’étais presque à quatre pattes en mini-jupe devant lui il y a trente secondes. Merde ! Silly girl ! (Idiote) Vous… enfin… Tu as besoin de quelque chose ? m'enquiers-je, timidement. Non… j’ai juste entendu un bruit, alors je suis venu voir, dit-il en souriant franchement. Est-il en train de se foutre de moi ? Jason Maden peut se moquer de moi tant qu’il le souhaite… Je ne lui en veux pas le moins du monde. OK, n’hésitez… n’hésite pas, si tu as besoin de quoi que ce soit… Merci, Myli.

De rien. À demain alors ? Ouais, à demain, répond-il en me faisant un clin d’œil qui signifie sans doute qu’il sait que je me trouvais derrière cette porte tous les soirs précédents ! Screwed ! (Foutue) Oh My God ! Il est tellement sexy ! Arrête de sourire comme une psychopathe, Myli ! Je reprends une expression neutre et me dirige vers les escaliers, sentant son regard posé sur moi jusqu'à que je ne sois plus dans sa ligne de mire. Seigneur ! Mon état de folie hebdomadaire a augmenté d’un cran, d’autant plus que Cycy est enfin de retour et m’attend sûrement à l’appartement. Je suis vraiment contente qu’elle rentre enfin, je commence à m’ennuyer toute seule. La solitude est moins pesante quand on vit

en colocation, c’est encore plus vrai quand vous vivez avec un ami. Les chansons des Love Hackers tournent à plein régime dans ma voiture, remplissant l’habitacle d’une ambiance propice à ma bonne humeur. La musique, on l'écoute fort ou on ne l'écoute pas, telle est ma devise ! J’aime cette sensation, quand le rythme pénètre vos oreilles et vide votre cerveau de toutes vos pensées, quand plus rien d’autre n’existe que ce son qui vous fait vibrer les entrailles, vous transporte vers un autre monde. Je pourrais vivre de musique et d’eau fraîche. Dick Clark a dit « La musique est la bande originale de nos vies ». Je gare ma 500 sur le parking du bâtiment et monte les huit étages à pieds. J’ai besoin de me défouler, vous vous souvenez ? Quand je pousse ma porte d’entrée, je sais sans aucune hésitation que mon amie est présente, ayant investi les lieux avec toute sa splendeur. Des toiles sont

déposées par ci par là, des boîtes de fusain, crayons et autres pinceaux, un peu partout et une toute petite valise qui doit sûrement contenir ses vêtements. Cycy se moque bien de ce qu’elle porte pourvu qu’elle puisse peindre ou dessiner à sa guise. Elle ne se déplace jamais sans son petit carnet, car d’après elle, l’inspiration ne prévient pas, elle vous tombe dessus quand vous vous y attendez le moins. MYLIIII ! crie-t-elle en me sautant dans les bras en sortant de nulle part. HÉ ! Enfin de retour ! répondé-je sur le même ton en lui rendant son étreinte ! Certaines images que je croyais pratiquement effacées refont surface. Son corps pressé contre le mien, la chaleur qu’il dégage, son parfum, ses lèvres sur les miennes, rappellent à mon cerveau des souvenirs sulfureux. Je commence à me sentir légèrement mal à l’aise. Cycy m’attrape par les épaules et

me sonde intensément. Myli ! Je croyais que tu ne devais plus penser à cette soirée ! me gronde-t-elle. Je sais… Arrête, on était bourré ! Ne cherche pas à analyser la situation, tu veux. Je sais que je suis vraiment douée en la matière, mais quand même ! Passe à autre chose ! Cycy ! la réprimandé-je. Ça va, ne joue pas à la vierge effarouchée ! On a bu, on a passé du bon temps, point barre ! Si tu savais, ma pauvre… Ouais… Je vais m’habiller, on sort, alors tu devrais en faire autant, dit-elle en quittant la pièce. Puis elle se retourne soudainement et me regarde avec un sourire sournois et reprend : En tout cas, si tu as trop bu et que tu as besoin de te détendre, tu sais où me trouver ! lance-t-elle en me

faisant un clin d’œil évocateur. Je fronce les sourcils et lui lance un regard noir. Détends-toi, beauté ! Je plaisante ! rigole-t-elle. J’attrape une canette de Coca Cola Zéro dans le frigo et m’assois dans le canapé cinq minutes. Sacré Cycy ! Elle est complètement dingue, mais c’est vrai, elle a raison, je me prends trop la tête. Ça ne voulait rien dire tout ça. Je finis tout juste de checker mes comptes Instagram et Snapchat quand la tornade aux cheveux roses débarque dans le salon, vêtue d’une robe bleue marine style années trente avec des finitions en dentelle blanche. Tu n’es pas encore prête ? Tu ne préfères pas qu’on reste ici ? tenté-je en grimaçant. Je crois que j’ai mal entendu, j’ai dû devenir sourde pendant mon

séjour… Je suis persuadée que tu es restée ici comme une mémère pendant deux semaines alors tu vas bouger ton cul de ce fauteuil ! Et puis, je n’ai eu personne à me mettre sous la dent ! déblatère-t-elle d’un ton menaçant. À moins que tu ne te portes volontaire ? rajoute-telle en haussant les sourcils plusieurs fois. Cycy ! Très bien… On sort ! abdiquéje. Je prends une douche et j’arrive ! Fais donc cela ! Appelle-moi si tu veux que je te frotte le dos ! me taquine-t-elle en me matant de la tête aux pieds. Je pousse un grognement et quitte la pièce. Cette journée était vraiment très bien. Jason en est, bien sûr, la raison essentielle. Son clin d’œil, son sourire... Cet homme me fait fondre littéralement. Je suis également ravie de retrouver ma meilleure amie. Elle m’avait manqué. J’enfile une robe ample et courte en jean

clair, marquée à la taille et dont les boutons restés ouverts forment un décolleté correct. J’agrémente le tout d’une paire de stilettos à bouts ronds en daim et le tour est joué. T’es carrément canon, chérie ! me lance ma coloc’ en m’apercevant. Merci. Où va-t-on ? Au Seven, en route ! OK ! Le Seven est un bar Lounge aux couleurs modernes et classes, il dispose d’une partie restaurant qui se trouve un peu à l’écart. L’ambiance y est toujours très bonne, parfois de petits groupes locaux donnent des concerts. C’est un endroit vraiment très sympa, où l’on se sent à l’aise. Cycy et moi prenons place au comptoir et commandons des boissons. Powerful de Malor Lazer et Ellie Goulding résonnent en toile de fond. Deux Mojitos framboise, s’il te plaît ! commande mon amie au serveur. Je fronce les sourcils, non seulement

parce qu’elle ne m’a pas demandé mon avis, mais aussi parce que je ne comptais pas boire d’alcool. Quoi ? Ne me regarde pas comme ainsi, je ne vais pas te souler pour ensuite te violer ! blague-t-elle. Très drôle, Cycy ! Tu pourrais au moins me demander ce que je veux ! Ce n’est pas ce cocktail que tu allais prendre peut-être ? Tais-toi et bois ! m’ordonne-t-elle en me tendant un des verres que le serveur vient de nous apporter. Aux copines ! trinque-t-elle. Mouais… Aux copines ! Nous parlons et rigolons pendant une bonne partie de la soirée, mon amie, en bonne chasseuse n’en perd pas pour autant son objectif. Elle lance des coups d’œil appuyés ici et là, mais ne semble pas encore décidée. Alors, tu as fait ton choix ? lui demandé-je en rigolant.

On se croirait chez Wal-Mart ! Mmm... Je crois que oui, répond-elle en me montrant une magnifique brune aux yeux de biche un peu plus loin. Elle est pas mal… Cycy hausse les sourcils, incrédule. Quoi ? Pas mal ? C’est une bombe atomique ! Je le disais juste pour faire la conversation… Vas-y, qu’est-ce que tu attends ? Je ne vais pas te laisser ici toute seule ! Mais si, je finis mon verre et je rentre ! Amuse-toi ! T’es sûre ? Mais oui, allez ! Du vent ! Merci, dit-elle en faisant claquer un gros bisou sur ma joue. Je la regarde parader autour de cette fille comme un paon, elle est vraiment dingue. Tellement sûre d’elle que ça me fout parfois des complexes. Elle a

toujours l’air si bien dans sa peau que c'en est rageant. Mais je l’adore ! Je sirote tranquillement mon verre en écoutant Lay it all on me de Rudimental, Big Sean, Ed Sheeran et Vic Mensa. Salut, retentit une voix derrière moi, tout près de mon oreille. Je me retourne pour faire face au beau brun ténébreux qui me regarde avec intérêt. Il est mignon, assez grand, yeux bruns, un beau sourire, le teint hâlé, un petit accent sexy… Il a un vrai charme. Salut, répondé-je timidement. Je peux t’offrir un verre ? me propose-t-il sans se défaire de son sourire charmeur. Je… Accepte Myli ! Tu comptes faire quoi ? Rentrer chez toi et te rouler en boule sous ta couette en pensant au beau Jason ? Pathétique ! C’est d’accord. Super, tu veux quoi ? Quelle politesse !

La même chose s’il te plaît. Quelle originalité ! L’inconnu fait signe au barman et passe commande avant de prendre place à côté de moi. Je m’appelle Matteo, dit-il en me tendant la main. Mylena, retourné-je en lui rendant sa poignée. Enchanté Mylena. Pareillement. Matteo... tu n’es pas américain, si ? Tu travailles pour l’immigration, ou quoi ? Non, je suis Italien, je ne suis ici que depuis quelques mois. Wouah ! L’Italie ! C’est vraiment cool ! Qu’est-ce qui t’amène dans notre grande nation ? Le rêve américain, la musique principalement… explique-t-il. La musique ? dis-je en attrapant le verre de Mojito qu’il me tend. Ouais, je suis chanteur et je joue de plusieurs instruments, de la guitare, le plus souvent. J’avais un groupe

en Italie… C’est génial ! De quel genre de musique joues-tu ? Du rock. Qu’en est-il de ton groupe ? C’est quoi, Myli ? Un interrogatoire ? Divergence d’opinions… explique-til en perdant l’espace d’un instant sa bonne humeur. Sujet épineux ! Pourvu qu’il ne soit pas énervé. Excuse-moi si je parais indiscrète, mais j’adore la musique et le rock en particulier. Cela me plairait vraiment d'entendre ce que tu fais. Il sourit largement, dévoilant ses belles dents parfaitement blanches lui donnant un côté sexy. Pas de mal, j’aime parler de ma passion, tant que tu n’es pas un tueur en série ou un truc dans le genre tout me va ! Non, dis-je en rigolant. « Je n’ai même jamais tué une mouche ! » Très bien ! Je serais ravi de jouer

quelques notes pour toi, Mylena, dit-il charmeur. Je sens mes joues rosir et pas seulement sous l’effet de l’alcool ! Je suis une vraie ado, ma parole ! C’est la honte ! Et moi, qu’est-ce que je peux savoir de toi, bella ragazza ? reprend-t-il d’une voix enjôleuse. Wouah, il sait parler aux filles, lui ! C’est vraiment hot (chaud) la façon dont il roule les R. Stop, Myli, ne bois plus une goutte d’alcool ! Pas grand-chose, je suis une fille banale… Je décide de ne pas lui parler de mon travail dans un premier temps, conflit d’intérêts oblige et je ne voudrais pas qu’il me porte un intérêt soudain pour les mauvaises raisons. J’en doute ! Quel âge as-tu ? Vingt-deux, et toi ? Vingt-cinq… Nous discutons ainsi pendant un long moment, je ne vois pas le temps passer. Ce garçon est vraiment, intéressant et a

l’air d’avoir vécu déjà pas mal d’aventures pour son âge. Je l’aime bien. Il me raccompagne chez moi à l’aube, sur sa moto et nous nous échangeons nos numéros de téléphone et compte Facebook. En entrant dans mon appartement, je tombe sur ma coloc’ en petite culotte et débardeur devant une toile. Je suis heureuse de voir qu’elle a retrouvé ses petites habitudes, son bazar m’avait manqué. C’est à cette heure-ci que tu rentres ? me lance-t-elle le regard noir. Je rêve ! m'exclamé-je, incrédule. Chuttt !!! fait-elle en me montrant sa chambre du doigt. Je mets mes mains sur mes hanches, et la toise. Elle est sérieuse là ? C’était qui ce mec ? demande-t-elle en souriant. Cycy est parfois dure à suivre passant d’une émotion à une autre… Souvent, je ne sais pas si elle plaisante ou non… Matteo.

Matteo hein ? Il est plutôt canon… constate-t-elle en haussant les sourcils. « Pourquoi n'est-il pas dans ton lit ? » Bah voyons ! Je lève les yeux au ciel et secoue la tête, cette fille est exaspérante ! Je vais me coucher… Instants inoubliables. Cette journée n’en finit pas… je crois que je ne pourrais jamais plus voir une saleté de photocopieuse sans vomir ! J’en ai la tête qui tourne. Et la planète alors ? On est au vingt et unième siècle ! Les mails et les ordinateurs, ce n’est pas fait pour les chiens ! En fait, là où les nouvelles technologies devraient nous alléger d’une charge

de travail considérable, c’est tout le contraire qui se produit. Parce que même si tout est numérisé, sauvegardé, on souhaite toujours laisser une « trace », quelque chose de palpable, au cas où… Donc, deux fois plus de boulot pour les assistantes comme moi ! Bref, tout le monde est parti depuis longtemps et moi, je finis tout juste de classer des dossiers quand j’entends une guitare retentir au loin. Un jeu que je suis capable de reconnaître, pour avoir observé l’artiste bien trop souvent à ses dépens et qui me donne la chair de poule. Jason est encore ici. Nous sommes probablement les derniers dans le label, exceptée les dames d’entretien. Je me redresse et sors de l’open-space où se trouve mon bureau. Le son provient de l’étage et résonne dans tout le hall. La porte du salon doit être ouverte et sa guitare, branchée sur un ampli. Il pense sans doute être seul… Je me dirige vers les

escaliers, attirée comme un aimant. Je ne devrais pas y aller et le laisser tranquille... mais je ne peux pas m’en empêcher, il faut que je voie ça, c’est plus fort que moi… Il le faut ! Mes jambes ne m’écoutent plus et gravissent les escaliers qui me séparent de ce son mélodieux et unique. Je reste plantée devant la porte ouverte, ébahie par tant de beauté, de grâce, de talent et plus encore. Il est debout devant la table basse, quelques feuilles y sont disposées, sur lesquelles il porte toute son attention. C’est magnifique, tellement beau que je ne remarque même pas quand il s’arrête de jouer tant je suis hypnotisée. Myli ?

Myli ? Je secoue la tête pour reprendre mes esprits. Zut ! Qu’est-ce qui m’a pris de venir ici ? Qu’est-ce que je suis censée dire maintenant ? Quelle excuse je vais bien pouvoir trouver cette fois ? Je… pardon… Je ne voulais pas te déranger… expliqué-je en fixant le sol, le mur, tout, sauf lui. J’ai trop honte ! Non, tu ne me déranges pas, je ne savais pas que tu étais encore là, sinon j’aurais évité de faire trop de bruit… Non, non, surtout pas ! rétorqué-je avant de mettre une main sur ma bouche pour empêcher les mots de sortir. Il affiche un large sourire, narquois. Existe-t-il quelque chose d’aussi beau que cet homme qui se moque de moi en ce moment même ? Il débranche, pose sa guitare et rejoint le canapé en cuir sans cesser de me regarder. Je veux dire… tu ne m’embêtes pas… rajouté-je en m’enfonçant un

peu plus. Tais-toi, Myli ! Viens t’asseoir, ordonne-t-il gentiment en tapant la main sur la banquette pour m’inviter à prendre place à côté de lui. OH MY GOD ! Ne fais pas l’idiote, tiens-toi comme une personne civilisée ! J’avance, fébrile, dans la pièce, fais le tour de la table basse, et m’assois près de lui en tirant sur le bas de ma minijupe en simili cuir noir, que je trouve bien trop courte, tout à coup. Il m’observe et détourne rapidement les yeux. Oh Gosh ! Kill me, now ! (Tuezmoi, maintenant !) Je suis assise près de Jason Maden ! Tout va bien… tout va bien ! Respire, Myli, respire ! Il attrape sa guitare et se remet à jouer comme si

je n’étais pas là. Sauf que maintenant, je peux sentir les vibrations de l’instrument dans toutes les parcelles de mon corps. Je n’ai jamais rien vécu d’aussi incroyable, j’en ai le souffle coupé. Le son envahit ma chair et mon esprit, c’est juste démentiel ! Un peu comme quand on va à un concert, mais, en mieux. En mille fois mieux ! Parce que je suis la seule à pouvoir en profiter pleinement. Je l’écoute ainsi pendant plusieurs minutes, perdant complètement la notion du temps. Je pourrais rester là toute ma vie. Il fait une petite pause, griffonne quelque chose sur son papier et reprend son morceau, je regarde la scène béate d’admiration. Puis soudain, sa voix s’élève et je perds pied. Une larme roule sur ma joue. Les émotions qu’il suscite en moi sont beaucoup trop intenses, mon cœur chavire. Je lutte intérieurement pour ne pas pleurer, un combat dur et sanglant, mais j’y arrive à peu près et quand il s’arrête enfin, je prends une grande inspiration.

Il faut que j’y aille ! lancé-je en me levant d’un bond sans jamais le regarder. Myli ! Attends… crie-t-il en se levant à son tour. Mais il est trop tard, je suis déjà devant les portes, prête à partir. Shit ! Pourquoi a-t-il fallu que ma curiosité me pousse là-haut, devant ce Dieu vivant ? Je me suis sentie tellement chamboulée. Je suis incapable de me remémorer les paroles, ou de me souvenir de la mélodie, mais bon sang c’était tellement beau, tellement puissant. Je ne saurais le décrire. Toutes ces émotions qui se bousculaient en moi m’ont terrorisée. Même si c’était agréable, plus

qu’agréable même. C’était juste trop fort… C’est ridicule et quand j’y repenserai, dans quelques heures, je sais que je vais m’en vouloir à mort. Sans parler de ce que lui pense, de ma fuite subite. Il doit sûrement se dire que je suis complètement folle à lier. Ou alors, il va croire que je suis partie parce que ce qu’il jouait était mauvais... Mon Dieu, non ! C’était tout le contraire ! Je n’ai jamais rien entendu d’aussi beau de toute ma vie ! Il faut que j’arrête d'y penser si je ne veux pas devenir dingue. Allez, Myli, passe à autre chose… Ouais c’est ça, comme si c’était aussi facile ! Puis, je reçois un SMS : * Tu veux qu’on aille boire un verre ? * * Oui. Dans une heure ? * * Bien sûr, mia bella, je passe te prendre ? * * OK ☺ * Je ne suis pas sûre que ce soit une merveilleuse idée de revoir Matteo ce soir. Nous ne nous sommes pas revus

depuis le Seven, il y a deux semaines, mais nous avons énormément discuté sur internet et par téléphone. Ce garçon est vraiment sympa, très gentil et toujours de bonne humeur. J’ai pu l’entendre chanter à plusieurs reprises et je dois dire qu’il a une très belle voix. Pas aussi belle que celle de Jason, bien sûr, car personne ne peut l’égaler, mais il a vraiment du talent. Jeez ! T’arrive-t-il de penser à autre chose qu’à ce foutu chanteur, Myli ?! Un rendez-vous avec Matteo alors que je suis encore toute tourneboulée par ma « session live acoustique » avec Jason n’est pas une situation propice pour faire évoluer une relation. Enfin, je veux dire… Il n’y a pas de liaison à proprement parler, cela dit, je sens qu’il attend plus de moi. Il est vraiment mignon et je peux aisément imaginer une histoire avec lui… je crois… Bref… Il est trop tard maintenant. Je ne peux plus reculer, peut-être que cette sortie improvisée me fera oublier que je suis

dans un état second. On peut toujours rêver… Cycy est tellement plongée dans sa peinture qu’elle ne m’entend même pas rentrer. Elle est en transe, à des annéeslumière de Los Angeles. J’adore la voir dans cet état, c’est fascinant. Je suis souvent restée ainsi à la regarder peindre des tableaux de toute beauté, qu’elle se refuse à exposer. « Tu comprends, Myli, se sont mes bébés, et si les gens trouvaient ça moche et qu’il me faisait brûler sur un bûcher pour ma folie… » Un sacré personnage, cette Cycy. Elle paraît très sûre d’elle et bien dans sa peau quand on la voit. Mais quand on regarde de plus près, dans un moment pareil on sent une faille et une vulnérabilité bouleversantes. C’est de la magie. Comme tout à l’heure avec Jason… Je ne suis pas si sensible à la peinture qu’à la musique, mais si c’était le cas, je suis sûre que je me retrouverais dans le même état en regardant Cycy exercer son art. La

passion qui les anime l’un comme l’autre est percutante. J’ai tout juste le temps de prendre une bonne douche et de m’habiller convenablement pour la soirée que je reçois un SMS de Matteo m’annonçant qu’il m’attend en bas. Il est vraiment très ponctuel ce garçon. J’écris un mot pour Cycy, au cas où, et je descends rapidement. Il porte un jean noir moulant, un t-shirt très seyant à l’effigie de Mickael Jackson, une veste en cuir et il est nonchalamment appuyé contre sa moto. Sa moto ! Damn ! Un sourire jusqu’aux oreilles, fier comme un pape. Un peu comme un homme des cavernes qui serait content d’avoir chassé un bison des neiges pour nourrir la tribu. Il faut dire qu’il est très sexy comme ça. Je m’approche pour le saluer. Hé ! Salut, ma belle ! dit-il en

m’étreignant. Je me fige dans un premier temps, n’ayant pas habituée à de telles effusions avec un inconnu. Salut Matteo ! répondé-je en tentant de ne pas trop paraître maladroite. La distance entre nous redevient correcte et je me sens légèrement rassurée. Tu es magnifique, affirme-t-il en me regardant de la tête aux pieds sans gêne. Je porte une petite robe bustier beige en tulle aux coutures noires avec une veste en cuir et une paire d’escarpins à bouts ronds. Son attitude n’a rien de cupide et déplacé. Il le fait avec une certaine forme de respect, ce que j’apprécie. Les Italiens savent parler aux femmes à ce qu’il paraît… Pour l’instant, ce n’est pas faux. Merci. Alors… on y va en moto ? je demande en grimaçant. Bien sûr ! Tu n’as pas peur, n’est-ce pas ? J’aurais dû te demander avant,

je suis désolé, on peut prendre un taxi si tu pr… s’affole-t-il. Matteo arrête, le coupé-je. « Je n’ai pas peur, ça ira, ne t’inquiète pas. » C’est vrai ? Tu es sûre parce que ça ne me dérange pas… Je toise l’engin un instant, un peu comme si je voulais essayer de dompter la bête en un regard. Je doute que cela fonctionne… C’est une Kawasaki Rouser 200 noire avec des touches de rouge ce qui lui donne un côté vraiment classe et sportif. Non pas que j’y connaisse grand-chose en moto, c’est juste que c'est écrit à côté du… « guidon » ? Non, non ! La moto, c'est très bien ! OK. Laisse-moi te mettre le casque. D’accord. Où va-t-on ?

le questionné-je, curieuse, tandis qu’il enfonce sur ma tête cet objet de malheur qui va à coup sûr me décoiffer. Je ne vais ressembler à rien toute la soirée ! Génial ! L’ Edison, tu connais ? Je hoche la tête. Cycy et moi y sommes allées une ou deux fois. C’est un petit bar sympa qui donne leur chance aux jeunes groupes/chanteurs en leur permettant de se produire devant un public. J’aime beaucoup cet endroit, mais selon ma chère coloc’ il n’y a pas assez de belles « nénettes libérées » làbas. Matteo m’aide à monter sur son engin de malheur et je m’accroche à lui comme si ma vie en dépendait. C’est un peu le cas d’ailleurs ! Je peux sentir la puissance de ses abdominaux sous sa veste. Il faut

dire que si je continue de le serrer aussi fort, il va étouffer. Je sursaute quand une voix retentit dans mon casque. « Détends-toi, ma belle ». Je redresse la tête, étonnée et croise son regard dans le rétroviseur, il me gratifie d’un sourire malicieux et fait soudain vrombir le moteur très puissamment. Mes entrailles vibrent en cœur. God ! Je m’accroche et ferme les yeux tandis que je l’entends rire dans mon casque ! Une fois plus ou moins habituée à la sensation, j’ouvre de nouveau les yeux et me laisse porter par cette balade presque inédite pour moi. Nous entrons à l’ Edison, l’endroit est bien rempli, mais nous parvenons à trouver une place à une table située près de la scène. Nous commandons des boissons, une bière pour lui, un cosmo pour moi et discutons tranquillement. Tu sais s’il y a un groupe qui joue ?

demandé-je à Matteo. C’est une scène ouverte ce soir, autrement dit tout le monde peut tenter sa chance ! explique-t-il. Super, j’adore. J’espère que ce sera prometteur ! Oui, je pense que oui… dit-il l’air mystérieux. « Tu as passé une bonne journée ? » Je n’ai toujours pas avoué à Matteo la vraie nature de mon travail, il sait juste que je suis une pauvre petite assistante dans une grande boîte. C’est bien assez ! Ouais, c’était vraiment très bien, répondé-je, songeuse. Mes pensées se dirigent inévitablement vers cet instant magique aux côtés de Jason. Jason… Le meilleur moment de ma vie. Dans mes rêves les plus fous, je n’aurais jamais imaginé un instant plus parfait que celui-là. Et j’ai agi comme une idiote… J’ai tout gâché, il ne m’invitera plus jamais à l’écouter à présent. J’aurais au moins ces quelques minutes de pur bonheur pour moi…

Tu as l’air ailleurs. Tu es sûre que tout s’est bien passé ? Est-ce que je dois m’inquiéter de ce mec qui occupe tes pensées ? m’interroge-til, me sortant de ma torpeur. Shit ! Je… il n’y a aucun mec, Matteo. Serais-tu jaloux ? jdemandé-je, taquine. Possible… Tu n’es pas une fille ordinaire, Mylena, tu es mystérieuse et fascinante. J’aimerais vraiment apprendre à mieux te connaître et passer du temps avec toi, raconte-til en me regardant droit dans les yeux. J’espère que tu m’en laisseras l’occasion, Mia Bella, rajoute-t-il avec un accent italien qui fait palpiter mon cœur. Sa sincérité me touche, je suis flattée et mon visage vire au cramoisi. Je hoche timidement la tête en tentant un sourire et porte mon attention sur mon verre. Je ne suis pas habituée à de tels compliments. Il pose sa main sur ma joue pour

m’obliger à le regarder et fait courir son doigt le long de ma mâchoire. Je frissonne, jamais personne ne m’a touchée comme ça, avec autant de tendresse. Il faut dire que je ne laisse pas grand monde m’approcher de cette manière. En fait, personne ne l’a jamais fait, si on exclut ce qui s’est passé avec Cycy… Mais ça, c’est une autre histoire... Tu es très mignonne quand tu rougis, affirme-t-il en souriant. Nous sommes interrompus dans cet échange par une voix qui retentit depuis la scène nous annonçant qu’une jeune chanteuse va nous interpréter une de ses créations. Nous l’écoutons sans mot dire. Cette fille a un talent certain, et une très belle voix, mais rien qui ne soit exceptionnel. Il lui manque l’étincelle. Un brin de charisme je dirais. Matteo et moi y allons de nos petits commentaires entre chaque chanteur jusqu'à ce que son prénom soit

prononcé par le présentateur. Je fronce les sourcils et l’interroge du regard. Il m’offre un sourire resplendissant et fier puis se lève pour se diriger vers la scène. Oh… mon… Dieu ! Un frisson d’appréhension et d’excitation m’envahit. Je l’ai entendu chanter quelques fois via Facetime ou en visionnant quelques Covers qu’il a mis en ligne sur YouTube, mais le voir en vrai c’est carrément mieux et j’en suis ravie. Il attrape une guitare sèche qu’il glisse autour de son cou, s’assoit sur le petit tabouret et règle le micro à sa hauteur. Il gratte une note pour vérifier si elle est bien accordée, étire son cou de droite à gauche, prend une grande inspiration avant de se lancer. Son stress palpable s’efface dès les premières notes d’une chanson que je reconnais sans mal. Il s’agit d’une reprise d’un groupe de rock que j’affectionne particulièrement. Quand les

paroles arrivent, Matteo redresse la tête dans ma direction et ne me quitte plus du regard. Je me sens privilégiée, d’autant que les paroles sont clairement explicites. This time all i want is you. (Cette fois, tout ce que je veux c’est toi) There is no one else. (Il n’y a personne d’autre) Who can take your place. (Qui peut prendre ta place) (…) Take me away (Emmène-moi) Take me away (Emmène-moi) I’ve got nothing left to say (Je n’ai plus rien à dire) Just take me away. (Emmène-moi juste) Lifehouse, Take me away, Stanley Climbfall,

2003. Cet instant est vraiment unique et touchant. Une fois de plus, l’émotion m’emporte, mais je me contente juste de lui sourire de toutes mes dents, parce que je suis simplement heureuse de ce cadeau. Sa voix, grave et douce à la fois, m’emporte et me bouleverse, j’essaye de maîtriser mes émotions du mieux possible. C’est plus facile que tout à l’heure avec Jason, mais ça n’en est pas moins intense. Quand les dernières notes s’éteignent, les applaudissements retentissent et Matteo remercie brièvement la foule avant de me retrouver. Aucun doute possible, ce garçon a beaucoup de talent. Alors, comment m'as-tu trouvé ? demande-t-il, fier. Je… c’était magnifique. Vraiment très beau, Matteo, j’ai adoré ! avoué-je, émue.

Tu as bien compris que c’était pour toi ? demande-t-il. J’opine. Super, je suis content que cela t’ait plu. Bien sûr ! Je te remercie. Ce n’est pas grand-chose, ma belle. Il prend ensuite ma main, entrelace nos doigts et y dépose un baiser. Ce moment est chargé en émotion. Nous écoutons les différents artistes jusque tard dans la nuit. Je suis un peu tendue par notre proximité, mais au bout d’un moment je finis par me détendre. Matteo est doux et très gentil avec moi, bien que tout cela soit nouveau pour moi. J’essaie juste de ne pas trop intellectualiser la situation et me laisse porter, tout simplement. Nous sortons du bar aux alentours de minuit, Matteo m’attrape par la main comme tout à l’heure et m’entraîne à sa suite. Son geste paraît naturel, il est agréable, mais me perturbe néanmoins. Je n’ai jamais été aussi proche d’un garçon… Pathétique, n’est-ce pas ?

Soudain, il s’arrête et se retourne vers moi en fronçant les sourcils. Tout va bien, Mylena ? demande-t-il, inquiet. … oui... ça va, répondé-je, avec un sourire timide. Tu as froid ? Oh non ! Est-ce qu’il va me faire le coup du gars qui donne galantement son manteau à la fille pour ne pas qu’elle finisse en glaçon, pendant qu’il la ramène chez elle ? Je croyais que ça n’arrivait que dans les films ennuyeux à l’eau de rose… Réponds Myli, tu vas lui faire peur à te comporter comme dingue ! En plus tu adores ce genre de film ! Un peu, mais ne t’inqui… Viens là, m’intime-t-il en passant son bras autour de mes épaules pour me serrer tout contre lui. Je frissonne. Je me sens comme une toute petite chose fragile, mais aussi comme une idiote qui ne sait pas se conduire comme quelqu’un de normal.

Je pourrais simplement apprécier sa prévenance, mais non. Je suis là, à me poser des tonnes de questions sans queue ni tête sur la façon dont il se comporte, que j'essaie d'en comprendre les implications, quelles sont ses intensions et bla-bla-bla ! Détends-toi Myli ! Nous arrivons devant sa moto, il me passe le casque et nous voilà partis, je m’accroche à lui, mais un peu moins fort cette fois, je commence à m’habituer à la sensation. Je pousse un cri dans mon casque en resserrant mon étreinte autour de sa taille quand il accélère un grand coup, sans prévenir. Mes mains plaquées contre sa poitrine je devine aisément qu’il est en train de rigoler ! Je rêve ! Dix minutes plus tard, nous sommes devant mon appartement. Je descends, retire cette horreur de ma tête et je prends une grande bouffée d’air. Il effectue le même rituel, un air espiègle vissé au visage. Nous marchons ensemble jusque devant la porte de mon immeuble, nos bras se frôlant à chaque

pas. Je monte la marche et me retourne pour lui faire face. Il m’attrape une main et dit : Tu as passé une bonne soirée, Mia Bella ? Oui, merci beaucoup, Matteo. Au fait, pourquoi ce choix de chanson ? Eh bien… Tout d’abord, j’adore ce groupe. Je ne peux m’empêcher de sourire comme une gosse devant un sapin de Noël, ravie qu’il aime mon groupe préféré, Love Hackers. Et… il se peut que j’aie voulu faire passer un petit message… reprendil en me regardant d’un air sérieux. Oh… d’accord… C’est tout ce que tu sais faire, Myli ? Je lui adresse un sourire reconnaissant, qu’est ce que je suis sensée faire ? Je… je te remercie… rajouté-je dans un murmure. De rien, Mylena. Nous restons un moment à nous dévisager, ses yeux sont couleur

caramel. Brillants dans la nuit. Il est vraiment très agréable à regarder, c’est indéniable. Les traits de son visage sont doux et des petites fossettes se forment quand il sourit, comme maintenant. Il sourit… Pourquoi ? Ai-je raté un épisode ? Sa main quitte la mienne et se pose sur mon visage, son contact est tendre et chaud. Agréable. Un peu intimidant. J’ai adoré ce moment avec toi, Mylena, affirme-t-il en penchant la tête sur le côté. Il m’observe… j’ai l’impression qu’il fait un état des lieux de mon visage et je ne sais ni quoi faire ni quoi dire. Est-ce que tu voudrais bien… renouveler l’expérience ? me questionne-t-il, les yeux dans les yeux. Je hoche la tête de haut en bas. Incapable de dire un mot. L’atmosphère

se fait plus… électrique. Je sens des frissons dans le bas de ma nuque pendant que son regard fixe mes lèvres avec intensité. Qu’est-ce que je dois faire ? Comme il ne voit aucun signe de protestation de ma part, il reporte son attention là où elle était tandis que je ferme les yeux. Des frissons d’appréhension me parcourent, mais pas dans le mauvais sens du terme, au contraire. C’est grisant et excitant. Mes émotions sont à vif aujourd’hui et je me demande si c’est une bonne idée. Au moment où je m’apprête à ouvrir les yeux pour le repousser, ses lèvres entrent en contact avec les miennes, timides dans un premier temps. Je ne bouge pas. Puis, par je ne sais quel miracle, je lui rends son baiser avec entrain. Je ne sais combien de temps dure cet instant, mais lorsqu’il s’éloigne

de moi je suis à bout de souffle. Qu’estce qui t’a pris Myli ? Pourquoi tu t’es jetée sur lui comme une morte de faim ? Il a sûrement trouvé ce baiser horrible, le pauvre… Il ne voudra plus jamais me revoir. Doucement, ma Belle… parvient-il à murmurer, haletant. Je me redresse et pose la main sur mes lèvres légèrement gonflées. Qu’est-ce que je disais ? Espèce d’idiote, tu as tout gâché ! … Pardon… Hé ! dit-il doucement en prenant mon visage en coupe. C’était vraiment, vraiment très bien Mylena, ne te méprends pas. C’est juste que nous les hommes… nous ne sommes que des hommes… Je ne veux pas te brusquer dès le premier soir, OK ? ajoute-t-il en caressant ma joue avec son pouce. J’opine du chef, un peu rassurée, mais aussi confuse d’avoir suscité ce genre de réaction chez un garçon. Je ne m’en

croyais pas capable. Il dépose un baiser furtif sur mes lèvres en chuchotant « Buonanotte, Mia Bella. » Je me sens fondre comme neige au soleil. Je lui fais un petit signe de la main et rentre chez moi, un sourire jusqu’aux oreilles. Non, mais regarde-toi Myli, on dirait une collégienne… Je m’en fiche, il ne me voit plus et j’ai vraiment passé un très bon premier rencart. Confusion. Ce matin le réveil est dur, je suis rentrée tard de mon rendez-vous avec Matteo et je ne suis pas complètement remise de mes émotions. Cette nuit, un grand et bel homme aux cheveux mordorés, aux yeux verts et à la voix de velours a hanté mes rêves. Des songes à la limite du raisonnable et qui resteront ce qu’ils sont : fictifs. Je m’en veux de m’être sauvée comme je l’ai fait. Jason doit certainement me prendre pour une dingue et ne m’adressera plus la parole. Non pas que nous étions de très grands amis mais on aurait pu… sympathiser ?

Peu importe, c’est fichu maintenant. Je n’ai plus qu’à me concentrer sur mon boulot d’assistante et voir comment ma relation avec Matteo évolue. J’ai beaucoup aimé notre soirée, il est gentil, prévenant et semble me trouver à son goût. Je crois qu’il ferait un bon petit ami. Un bon premier, pour ma part... Je suppose que lui a connu un certain nombre de filles. Un chanteur italien, talentueux et vraiment très mignon, c’est le bonheur pour une bonne partie de la gente féminine. Moi incluse. Je dois avouer que j’ai le fantasme du musicien. Pour certaines, c’est les pompiers, les policiers ou encore les plombiers et autres motards... moi, c’est les musiciens. Je saute de mon lit moelleux et douillet puis me prépare une tenue classique pour aujourd’hui : jean slim très près du

corps avec un top vaporeux en mousseline blanc que j’agrémente de Stilleto et d’un petit blouson de cuir assorti. Un beau petit foulard coloré pour « finir ma toilette » comme disait ma grand-mère et le tour est joué. Une fois, lavée, habillée, coiffée, maquillée, je me dirige vers cette merveilleuse odeur de café qui me titille depuis un bon bout de temps. Cycy n’est pas la reine du café, mais elle m’en prépare et c’est déjà très bien. Tiens ! Salut, Princesse ! m’apostrophe-t-elle avec un grand sourire malicieux. Je plisse les yeux. Princesse ? demandé-je, étonnée de ce surnom bizarre. Eh bien, oui. Ne t’es-tu pas fait ramener par

un beau prince méditerranéen sur son fier destrier d’acier hier soir ? Je lève les yeux au ciel. Cycy et son goût pour le mélodrame… Tu m’espionnes maintenant ? Non. J’étais inquiète, c’est tout. Je veille sur ma meilleure amie ultra canon. Tu avoueras que « Je sors avec Matteo pour la soirée » n’a rien de très rassurant. Tu exagères… Matteo est très gentil. Ouais surtout quand il a la langue au fond de ta gorge, c’est ça ? Cycy ! la grondé-je. « Qu’est-ce qui te prend ? Ce n’est pas toi qui m’engueulais presque de ne pas l’avoir ramené dans mon lit quand je l’ai rencontré au Seven, il y a deux semaines ? » Si, si, mais je me fais du souci pour toi, c’est tout. Tu aurais dû me le dire plus tôt au lieu de me laisser

un petit mot sur le frigo. Et me prendre un coup de couteau pour avoir interrompu le « processus créatif » ? Non merci ! C’est gentil Cycy, mais je suis une grande fille. Oui je sais, mais tu ne sors pas souvent avec des mecs, alors… Elle s’interrompt soudain, comme si elle avait une révélation. Attends, c’est même la première fois que je te vois sortir avec un mec ! s’exclame-t-elle. Shit ! Ce n’est vraiment pas le bon moment pour une confession gênante à la reine du batifolage… C’est la honte ! Je hausse les épaules nonchalamment. Putain, Myli ! Est-ce que tu as vécu ton premier rencart sans m’en parler ? Cycy je vais être en retard, expliquéje, en avalant le reste de mon café

au lait. « Il faut vraiment que j’y aille ! » insisté-je en prenant le chemin de la sortie. Mais elle court et se met en position « étoile de mer » devant la porte d’entrée. Je pousse un soupir. Je suis stupide de croire que je vais pouvoir passer entre les gouttes… Je n’arrive pas à y croire ! Tu penses vraiment que tu vas t’en sortir comme ça, Miss Cachotteries ? Je ne te fais pas de cachotteries, je te l’aurais dit si tu n’avais pas été à des années-lumière de Los Angeles hier soir. Maintenant, laisse-moi passer, je ne tiens pas à me faire virer. Cycy pince ses lèvres et me toise de la tête aux pieds. OK… Mais ce soir, toi et moi, on sort et tu vas tout me raconter. Si tu veux… De toute façon, je n’ai pas trop le choix, elle ne me lâchera pas tant que je n’aurais pas tout confessé !

Mais ce n’est pas « si je veux », c’est une obligation ma petite. Allez, file ! Tu vas être en retard, m’ordonne-t-elle avant de m’embrasser sur la bouche et de me donner une tape sur les fesses. Qu’est-ce que je vous avais dit ? Je secoue la tête, exaspérée et cours jusqu'à ma voiture. Je fais résonner Sugar de Maroon 5 à fond la caisse dans l’habitacle, direction Loading Records. Au moment où je me gare, je reçois un SMS de Matteo. * Tchao Bella Mia ! J’ai passé une magnifique soirée avec toi, dispo pour le déjeuner ? * N’est-on pas supposé laisser passer quelques jours avant un deuxième rencart ? Ce n’est pas que je n’ai pas apprécié le temps passé avec lui, mais on s’est quitté il y a quelques heures et j’aurais bien besoin d’un peu de répit avant de renouveler l’expérience. C’est

donc ainsi que j’ai menti pour la première fois à Matteo. Je sais que ce n’est pas la meilleure façon de commencer une relation, mais ce n’est pas si grave, n’est-ce pas ? * Désolée, j’ai beaucoup de travail aujourd’hui… Cette soirée était géniale. Merci ☺. * Ce n’est pas vraiment un mensonge si l’on regarde bien… Après quelques échanges pour lui expliquer que je n’étais pas non plus disponible ce soir, et que je le tiendrai au courant de mes disponibilités, je range mon téléphone préalablement mis sur le mode silencieux. Je suis accueillie par un Kévin plus énervant de jour en jour ! Bonjour, petite. Tu n’es pas très en avance, ce matin ! Tu n’as pas oublié mon café, j’espère ? Non, tiens ! répliqué-je agacée, en lui

tendant son gobelet. Je rêve de lui mettre dans la tronche, qu’il se brûle la langue parce que son breuvage est trop chaud, qu’il s’étouffe avec ou qu'il en soit malade au point qu’il vomisse ses tripes toute la matinée. J’aurais peut-être dû cracher dedans... Bien ! Je t’ai fait une petite liste des tâches à effectuer aujourd’hui. Ne traîne pas trop ! lance-t-il avec un air narquois. Quel crétin, si seulement je pouvais lui exposer le fond de la pensée, ou lui faire un doigt d’honneur… Impossible, je ne vais pas risquer ma place pour un imbécile comme lui ! J’en suis à mon dixième voyage à la photocopieuse quand je croise Jason dans le couloir. Je frôle l’infarctus. Salut, Myli ! me salue-t-il avec un sourire radieux. Salut… répondé-je timidement tandis qu’il me fait un clin d’œil. Un clin d’œil, encore un ! Mon cœur chavire ! J’en aurais presque la langue

qui traîne par terre. Je secoue la tête pour reprendre mes esprits et le contemple s’éloigner. Il est aussi agréable à regarder de dos que de face ! Myli, hein ? Toi et le beau Jason avez sympathisé à ce que je vois, résonne la voix répugnante de Kévin derrière moi. Grr ! Voilà qui me fait redescendre de mon nuage. Brutalement. C’est Mylena ! je le reprends. Oh, pardon ma petite, je n’avais pas compris que c’était réservé à une certaine catégorie de personnes… En tout cas, vu comment tu regardes le petit chanteur, je me dis que tu joues peut-être sur les deux tableaux après tout… lance-t-il, fier de lui. Ce mec m’exaspère ! Le ciel m’en veutil à ce point ? Il nous a vues quand Cycy et moi nous embrassions en boîte et j’étais tranquille, hors d’atteinte,

maintenant il va vouloir tenter sa chance… C’est le genre de mec qui saute sur tout ce qui bouge… Bon sang, est-ce que tout est toujours « petit » avec toi ? Tu utilises cet adjectif pour tes attributs masculins aussi ? rétorqué-je plus vite que de raison. Je plaque une main sur ma bouche. Je suis allée trop loin, je vais me faire virer… Il a réussi à me mettre hors de moi ! Fuck ! Un sourire diabolique se dessine sur ses lèvres et je crains le pire… Tu as du cran, petite. J’aime ça, affirme-t-il en me tapotant la tête comme on le fait pour son chien. Ah, au fait, pour ton information personnelle, mes attributs masculins sont loin d’être « petits », tu peux venir vérifier quand tu veux. Myli ! ajoute-t-il, guilleret.

Lorsqu’il a le dos tourné, je mime un haut-le-cœur et lui montre le doigt qui me démange depuis des semaines. Je sais, c’est lâche de faire ce geste, alors qu’il ne me voit pas, mais ça me fait un bien fou. J’espère juste qu’il n’aura pas la bonne idée de raconter des ragots sur mon compte à Dominic. C’est bien son genre ! Il est dix-neuf heures quand je relève enfin la tête de tous les dossiers que j’ai dû classer. Je suis épuisée ! Soudain, le son d’un piano résonne jusqu'à moi. Jason… Je crève d’envie de le rejoindre et de l’observer opérer sa magie sur un clavier, il se prête rarement à cet exercice. Ce mec agit sur moi comme un charmeur de serpent. Je suis incapable de résister à la tentation J’attrape mes affaires, bien décidée à quitter les lieux le plus rapidement possible, mais une fois dans le hall mes pieds ne m’obéissent plus et font demi-tour en direction de la salle de répétitions. J’arrive à hauteur de la porte et le son

mélodieux s’arrête brusquement. Je perçois le vibreur de son téléphone et l’entends pousser un soupir avant de décrocher. Ouais ? … Non Brianna, j’en ai marre que tu me prennes pour un con… OK, c’est très mal ce que je fais, très très très mal ! Il faut que je parte. Je n’ai pas à écouter une conversation privée avec sa petite amie… Très bien, comme tu veux, rétorque-til à son interlocutrice d’un ton colérique. Puis, je l’entends balancer son téléphone qui atterrit je ne sais où, dans un bruit sourd. Il semble énervé. Je dois me tirer d’ici et en vitesse. Je fais volte-face et au même moment une voix s’élève et prononce mon prénom, j’entends des pas qui se rapprochent de moi. Myli ? Je me retourne et le regarde, timide et gênée, au point que je voudrais que le sol m’engouffre. Il doit bien se douter

que j’ai tout entendu ! Tu veux entrer ? me demande-t-il en souriant. Sa colère semble avoir disparu et son regard chaleureux me réchauffe le cœur qui bat un peu plus vite. Je hausse les épaules, n’osant pas m’imposer dans sa bulle créative. Bravo, Mylena, c’est tout ce que tu sais faire, tu es vraiment la pire des idiotes ! Viens, m’intime-t-il en m’invitant à entrer dans la salle. Il passe devant moi et reprend place devant le piano. Il s’assoit sur le bord et tapote sur la toute petite place à côté de lui tandis que je suis toujours tétanisée à quelques mètres de là. Oh My God ! Viens près de moi, Myli. Je ne vais pas te manger, dit-il narquois. Je souris timidement en replaçant une mèche de cheveux derrière mon oreille (un tic nerveux dont je ne parviens à me débarrasser) et m’exécute. Il serait mal venu de refuser une telle invitation de la part de Jason Maden, l’homme le plus

séduisant de la planète à mes yeux. Je prends place sur le tabouret rectangulaire noir recouvert de velours rouge. Je suis tellement proche de lui que nos cuisses se frôlent, provocant un frisson le long de mon échine. Son odeur m’enveloppe, une odeur d’homme, musquée et douce à la fois lui correspondant à la perfection. Je crois qu’elle restera gravée dans ma mémoire à jamais. Il fait courir ses longs doigts sur les touches noires et blanches avec une fluidité et une facilité déconcertantes. La mélodie est

somptueuse, empreinte de tristesse, mais aussi d’espoir. Il est concentré, enfermé dans son monde, son jeu transpire d’émotions. Il semble vivre son morceau de tout son être. C’est absolument incroyable. Quand sa voix résonne, une vague de sentiments me submerge. Que ce soit au piano ou à la guitare Jason réveille toujours en moi des sensations incroyables, un désir intense et inédit. L'écouter est presque orgasmique. Je ferme les yeux, très fort, pour repousser mes larmes d'émotion, ne voulant m’effondrer ou me ridiculiser devant lui. You calm this oceans in my mind (Tu calme les océans dans mon esprit) When i’m waging war against myself (Quand je suis en guerre contre moimême) You bring peace to my madness (Tu apportes la paix à ma folie) You slow down the hands of time. (Tu ralentis le cours du temps) C’est absolument magnifique. Je suis obligée d’ouvrir à nouveau les yeux, je

me tourne vers lui pour observer les expressions de son visage quand les paroles franchissent ses lèvres. Cette beauté parfaite qu'il crée avec tant de naturel, me bouleverse. Then I hear you say (Alors je t’entends dire) I don’t ever have to be afraid (Je n’ai plus à être effrayé) All i know is you’re beautiful (Tout ce que je sais, c’est que tu es belle) Something here worth living for. (Quelque chose qui vaut la peine d’être vécu) Lifehouse, Exhale, Out Of The Wasteland, 2015. Quand il s’arrête, j’ai complètement perdu la notion du temps, il s’est stoppé, a repris, griffonné sur son carnet des notes, modifiant des paroles. C’est un spectacle fascinant. Je prends

conscience de la chance que j’ai d’avoir vécu ce moment privilégié et hors du temps. Alors, qu’en as-tu pensé ? me demande-t-il en se tournant vers moi. Je… C’était absolument magnifique Jason, répondé-je, avec des trémolos dans la voix. Il lève la main et l’approche de mon visage, (je suis pétrifiée et n’ose pas bouger) puis il la pose sur ma joue et y efface une larme. C’est gênant et en même temps je vis la plus belle expérience de ma vie. Je n’aime pas beaucoup faire pleurer les filles, explique-t-il en souriant. Je lui rends son sourire et baisse la tête sur mes mains coincées entre les jambes. Pardon… Je suis juste… C’était vraiment très beau… Il relève mon menton du bout des doigts

pour me forcer à le regarder. Je cligne plusieurs fois des yeux, il ne faut pas que je pleure. Tu n’as pas à t’excuser, tu n’as pas à avoir honte d’être émue, Myli. Tu ne dois pas brider tes émotions. Elles font de toi ce que tu es… Et je crois que tu es une belle personne. Alors n’aie pas peur. J’essuie nerveusement une larme qui roule sur ma joue et je hoche la tête. Comment peut-il me comprendre aussi bien alors qu’il ne me connaît pas ? J’ai l’impression qu’il a mis mon âme à nue. Merci… Ne me remercie pas. Je serais ravi que tu viennes m’écouter quand tu en as envie, sens-toi libre de le faire si tu le souhaites et sans te cacher, rajoute-t-il, narquois. Tu es la bienvenue. Mon visage est écarlate. Je suis percée à jour, moi qui croyais être discrète, c’est râpé… Il sait depuis le début que je l’écoute en douce dès que j’en ai

l’occasion. Merci… mais je ne veux pas te déranger… Si c’était le cas, je ne t’inviterais pas. Merci, dis-je en souriant timidement. Puis je redescends brutalement sur terre, j’attrape mon portable pour regarder l’heure. Il est presque vingt-deux heures. Cycy va me tuer, elle m’a laissé plusieurs messages déjà, les derniers semblent virulents… Je me lève paniquée. Il faut j’y aille, je suis désolée, une amie m’attend, j’avais complètement oublié… OK, mais attends, demande-t-il en attrapant mon iPhone. Il déverrouille le clavier, tapote quelque chose, exécute plusieurs manipulations et me le tend enfin en me gratifiant d'un large sourire. Je fonds… Que Cycy aille se faire voir ! Je me fiche qu’elle soit en

colère, ça valait bien le coup. J’ai le numéro de Jason ! J’ai envie de crier de joie !!! Bonne soirée, Myli, conclut-il d’un air charmeur. Toi aussi, répondé-je, en serrant mon téléphone tout près de mon cœur comme une adolescente. Puis je m’éloigne à regret, courant presque jusqu'à ma voiture. Cycy va m’assassiner ! Cela dit elle peut bien faire ce qu’elle veut de moi, je peux mourir en paix, je suis trop heureuse ! Quand j’arrive, ma chère coloc’ m’attend de pied ferme, je pourrais presque voir la fumée sortir de ses oreilles ! Je rigole en la voyant ainsi. Il faut dire que mon sourire est figé sur mon visage, impossible de m’en défaire, je suis surexcitée par ma passionnante expérience avec Jason. C’est à cette heure-ci que tu rentres ? On devait sortir, je te rappelle, tu pourrais au moins répondre au téléphone !!! me gronde-t-elle les

poings sur les hanches. Pardon, maman, je ne le ferai plus ! minaudé-je, moqueuse. Ne m’appelle pas "maman"… c’est sale ! Ça pourrait être considéré comme de l’inceste vu… enfin bref t’es vraiment canon alors évite ! Oh ! Mon Dieu ! Ça ne m’aide vraiment pas à faire l’impasse sur ce qui s’est passé entre nous… Cela réveille en moi l’angoisse que mon amie se fasse de fausses idées sur mon compte. Je mentirais si je disais que je n’avais pas aimé notre petite incartade voire même une première expérience sexuelle assez intense. Mais je me sens gênée d’avoir succombé à ses mains expertes, honteuse de lui avoir offert mon premier orgasme… enfin… en théorie… Bref… Je me comprends. Inutile de s’étendre sur le sujet. On commande des pizzas ? me demande-t-elle en

changeant habilement de sujet. Je croyais que tu voulais sortir ? Non, je n'en ai plus envie, et puis tu seras plus à l’aise pour me confier tes petits secrets ici, autour d’un bon pichet de Margarita ! OK ! Commande alors, je vais prendre une douche en attendant. D’accord, c'est toujours d'actualité si tu as besoin que je te donne un coup de main, appelle-moi. Je me dirige vers la salle de bain en rigolant. Je me sens un peu angoissée quant à l’interrogatoire qui m’attend… Mais je ne pourrais pas y échapper… La Margarita m’aidera peut-être à me détendre… Je suis sûre que c’est pour cette raison qu’elle l’a préparée. J’enfile un pantalon de yoga en lycra noir et un sweat à capuche rose Abercrombie. Quand j’arrive dans le salon les pizzas sont déjà là, les cocktails sont servis et Lean On de Major Lazer résonne en fond sonore.

Tiens, dit-elle en me tendant mon verre. Merci, répondé-je, en me laissant crouler sur le canapé. Cycy prend place à côté de moi et me scrute intensément. C’est gênant ! Je me croirais dans une de ces salles où ils interrogent les suspects au commissariat. Ou pire encore, devant un officier de la Gestapo ! Tu vas me dévisager de cette façon longtemps ? Ouais, je dois dire que je ne sais pas par où commencer ! Tu me donnes du fil à retordre depuis quelques temps Mylena Amélia Helis ! Je lève les yeux au ciel. Cette fille est tarée ! Mais je l’adore, elle est ma meilleure amie. Toi et moi on n’a pas vraiment bien pris le temps de discuter ces derniers temps… commence-t-elle avec sérieux. Tu me fais peur là ! Mais non, ne sois pas idiote ! C’est

juste que… enfin… je dois t’avouer que je suis moi aussi un peu perturbée par ce qui s’est passé entre nous l’autre soir, tu sais… Je croyais que ça ne voulait rien dire et qu’on avait trop bu… Oui, c’est vrai, rien n'a changé, mais je me sens coupable. Je veux dire… si j’avais su que c’était ta première expérience, si j’avais été une meilleure amie pour toi… Ne parle pas ainsi, Cycy. Tu es une très bonne amie, alors je t’interdis d'avoir de telles idées. Comment se fait-il que je ne sois pas au courant d’un truc aussi important dans ce cas ? Eh bien, c’est quand même gênant d’avouer à sa meilleure amie, très expérimentée sexuellement, que je ne suis qu’une fille de vingt deux

ans toujours vierge. C’est la honte ! Bon sang, Myli, c’est un truc de fou ! Tu n’as pas à te sentir honteuse ! Bah si, un peu ! J’ai vingt-deux ans, Cycy ! Ouais, c’est dingue, comment est-ce possible ? Je n’en sais rien, il y a eu mes études et je crois que je n’ai pas trouvé celui qui aurait pu me faire chavirer… Mmm… Et… enfin… comment tu te sens par rapport à notre « incartade » ? J’ai peur de t’avoir forcée la main… Je dois t’avouer que je n’imaginais pas vivre cette expérience, je ne m’y attendais pas, mais… je prends une grande inspiration car ce n’est vraiment pas évident de parler de ces trucs-là…

Je ne peux pas dire que ce n’était pas bien… J’ai… j’ai aimé… j’avoue dans un murmure. Les yeux de Cycy brillent de fierté. Ne te méprends pas, je ne suis pas pour autant lesbienne ou bi… Elle pousse un soupir de frustration. Je crois que Cycy en pince un peu pour moi quand même… Tu n’es pas… amoureuse, n’est-ce pas ? demandé-je, en grimaçant tandis qu’elle explose de rire. Non, Myli ! Ne sois pas bête, c’est juste que t’es vraiment… elle s’interrompt et me dévisage de la tête aux pieds. T’es canon, tu ne peux pas m’en vouloir de tenter ma chance et de vouloir passer du bon temps avec toi ! dit-elle, enjôleuse. OK… Je reste dubitative, ne sachant pas trop comment prendre ce qu'elle me dit… Pas mal, en tout cas, mais je suis… troublée ? Tu ne m’en veux pas ? me questionne-

t-elle, inquiète. Non. J’ai apprécié, je crois, c’était… agréable, la rassuré-je timidement. Et te voir t’abandonner à moi c’était… très excitant Myli, t’es une fille sublime et on recommence quand tu veux, je serais ravie d’être ta sex-friend. Et puis tu pourrais t’entraîner avec moi, ajoute-t-elle, mutine. Oh My Fucking God ! Cette fille est folle ! Wouah ! Je… ne sais pas quoi dire… Ne dis rien, parle-moi plutôt de Roberto. C’est Matteo ! Ouais, c’est pareil ! Il n’y a pas grand-chose à dire, on a passé une soirée ensemble, on discute souvent par SMS, il est sympa, prévenant et il a beaucoup de talent. Mais… Mais ? Ça ne sent pas bon… Non, non ! C’est juste qu’on est sorti hier soir et il voulait déjà me revoir

aujourd’hui… Je ne voudrais pas qu’il s’emballe trop vite, tu vois ? Ouais bien sûr. Tu as peur que ce soit un pot de colle ? Oui… En même temps, je le comprends… Je me collerais bien à toi, moi aussi ! plaisante-t-elle. Enfin, je sais maintenant que ce n’est pas totalement une plaisanterie... Arrête, Cycy ! la réprimandé-je, en rigolant pendant qu’elle nous ressert un verre. OK, OK ! lance-t-elle en levant les mains devant elle. « Tu comptes procéder comment avec lui ? » Je ne sais pas… Je vais laisser faire le temps… Il embrasse bien ? Je veux dire mieux que moi ? Cycy ! Je refuse de comparer ! Mais oui, il se débrouille très bien… Même si je n’ai pas vraiment l’expérience nécessaire pour en juger…

Mais si ! Tu veux que je te dise un truc ? Vas-y… je soupire Tu es vraiment douée, je peine à croire que tu ais si peu d’expérience, tu es très bien placée dans mon top ten ! Je ne sais pas vraiment si je dois me sentir flattée ou vexée… Flattée, bien sûr ! Je lève les yeux au ciel en secouant la tête ! Cette fille est un sacré numéro. Elle nous prépare encore un verre de Margarita et me tend une part de pizza. L’alcool commence à me faire sérieusement tourner la tête.

Tu n’étais pas sortie avec un certain Jonathan, au fait ? Si… mais il était vraiment égocentrique et je n’ai plus eu de ses nouvelles, non pas que j’en voulais d’ailleurs ! OK. Et le boulot ? C’est génial, si on oublie ce crétin de Kévin qui me rend dingue. Nous discutons ainsi pendant plusieurs heures en buvant et surtout, en finissant le pichet qu’elle nous a préparé. Je lui raconte tout, Jason et son invitation, ce que je ressens et qui me terrifie ; ces sensations que j’essaye de refouler de toutes mes forces… ma crainte que Kévin me fasse un sale coup. Elle m’assure qu’elle « lui coupera les couilles s’il fait le con avec moi » et me conseille aussi de ne pas me bercer d’illusions quant à Jason, car elle est

sûre que je suis en train de tomber sous son charme et que la chute risque d’être brutale. Elle a raison. Je ne peux pas nier mon attirance pour lui, mais il a une copine et soyons honnêtes, il n’a rien à faire d’une fille comme moi. Il est avec un mannequin, je n’ai vraiment pas de quoi rivaliser ! Cependant, je crois que j’ai bien le droit de rêver un peu. Après avoir dévoré la pizza comme deux morfales, Cycy se penche vers moi pour allumer la lumière sur le petit guéridon derrière moi. Son visage frôle le mien et je la sens se figer tout près de moi, si près que son souffle caresse ma joue. Ses yeux noyés dans les miens me crient son désir. Elle replace une mèche de cheveux échappée de mon chignon approximatif et fixe mes lèvres avec envie. Je l’imite, ce qui lui donne une permission officieuse. Elle pose sa bouche sur la mienne avec délicatesse, je sens des papillons dans mon ventre, ma poitrine se comprime un peu sous l’excitation. Mon cerveau se demande

pourquoi j'agis de cette façon. J’essaye de l’ignorer parce que c’est sans conséquence, n’est-ce pas ? C’est juste… facile et instructif… Cycy approfondit notre baiser, elle est presque allongée sur moi, sa langue qui caresse la mienne me fait frissonner. C’est différent de ce que j’ai vécu avec Matteo. C’est plus doux, plus sensuel, plus fruité. Agréable. Sa main se promène de ma hanche jusqu'à ma poitrine qu’elle caresse avec douceur et habilité. Mais elle ne va pas plus loin. Elle m’embrasse dans le cou, me lèche, happe ma peau y laissant sans doute des marques, puis revient à mes lèvres. Nous restons ainsi pendant plus d’une heure, à ne rien faire d’autre que nous embrasser. J’ose au bout d’un moment poser mes mains sur ses hanches et m’y accrocher, les rapprochant de mon bassin. Cycy pousse un grognement en se retenant de bouger contre moi. Elle se lève brusquement et lance un « Il faut que j’y aille » me laissant haletante sur

le canapé en claquant la porte de l’appartement. Merde ! Est-ce qu’on est allé trop loin ? C’est un jeu dangereux, me crie ma conscience. Une grossière erreur que je regrette immédiatement ! Je me lève et pars me coucher avec un sentiment de frustration et de culpabilité. Je ne sais plus où donner de la tête entre Cycy et Matteo. Bien sûr, je n’envisage pas d’histoire avec ma meilleure amie... mais je ne sais pas trop mettre de mots sur ce que j’éprouve. On n’est pas sensé ressentir une attirance sexuelle pour sa meilleure amie, n’est-ce pas ? Matteo me plaît vraiment, mais suis-je prête à me lancer dans cette relation ? Et puis il y a Jason qui occupe beaucoup trop mes pensées. C’est ridicule… Submergée. Cela fait dix minutes que je fixe mon dressing dans l’espoir d’avoir LA révélation. Il faut que je trouve une tenue appropriée pour mon rendez-vous avec Matteo, dans

deux heures… Il désespérait de me voir depuis vendredi. Donc, après deux jours de textos suppliants j’ai fini par céder. J’ai abdiqué quand il m’a envoyé un enregistrement guitare/voix d’une chanson que j’affectionne particulièrement, bien évidemment des Love Hackers... Mon cœur a fondu à l’écoute de ce morceau. Bien sûr, il n’est pas aussi doué que Jason, mais c’est très prometteur. Personne ne peut égaler Jason, il est parfait, sa voix est un don ! Cela dit, Matteo a un vrai talent. J’espère vraiment qu’il arrivera à se faire une place dans le monde de la musique. De nos jours, ce n’est pas chose aisée. Même si vous chantez comme un Dieu que vous savez jouer de

tout un tas d’instruments, vous n’êtes pas sûr de réussir. Aujourd’hui, il vous faut le truc en plus, l’étincelle qui vous fait sortir du lot, des gens haut placés qui croient en vous et surtout qui investissent. Parce que tout n’est toujours qu’une question de fric. Malheureusement. Bref, l’incorrigible que je suis s’est laissée séduire par la belle voix rocailleuse de Matteo. C’est ainsi ! Il pourrait m’avoir dans son lit rapidement s’il continue à me charmer ainsi. Bien que je n’ai jamais partagé le lit de quelqu’un... Alors si Matteo me fait un petit concert privé… je ne réponds plus de rien. Écoutez là parler ! On dirait une femme fatale qui saute sur tout ce qui bouge ! Arrête de prendre tes rêves pour la réalité Myli ! J’opte pour un petit short court en jean,

troué par endroits et une tunique vert d’eau avec un col en crochet. J’enfile mon petit perfecto noir et une paire de bottines assorties. Je coiffe mes longs cheveux bruns et ondulés en une jolie natte sur le côté, un peu de maquillage et me voilà fin prête. Cycy est dans le salon, à peindre comme toujours. Il y en a partout, cela ne change pas de l'habitude… Elle siffle quand je passe devant elle. Woouah ! Tu vas où dans cette tenue ? demande-t-elle en me reluquant de la tête aux pieds. J’ai rendez-vous avec Matteo. Mmm, Mmm… Quoi ? Rien, c’est juste que tu es vachement canon, il va vouloir mettre ses sales pattes partout sur toi ! Cycy ! la grondé-je. Tu vas le faire ? Sois rassurée, j’ai rendez-vous moi aussi, tu auras l’appart pour toi toute seule. La ferme Cycy ! Ma vie privée ne te

regarde pas, râlé-je le rouge aux joues. Ne t’énerve pas, beauté, je te taquine, explique-t-elle en se postant juste devant moi. « Mais fais attention à toi, OK ? » m’intime-t-elle en me caressant la joue. Je hoche la tête de haut en bas en lui souriant tendrement. Et protège-toi ! lance-t-elle avant de m’embrasser fugacement sur la bouche. Jeez ! Cette fille va me rendre folle ! Elle quitte la pièce sans même me laisser la possibilité de l’insulter. Elle est comme ça Cycy, folle à lier, vous l’aurez compris, voilà pourquoi je l’adore. Elle est ma meilleure amie depuis presque dix ans maintenant. On s’est rencontré au collège et on ne s’est plus quitté, c’est tout naturellement que

nous avons décidé de vivre en collocation dès que nous sommes entrées à la Fac. Cycy a toujours été entreprenante avec moi. Elle ne m’a jamais caché sa bisexualité et m’a toujours embrassée sur la bouche comme si c’était naturel ; des petits bisous de rien du tout, rien à voir avec hier soir et notre nuit au Seven. Depuis ce jour-là, elle est plus… "rentre dedans". Je ne sais vraiment pas quoi penser de son comportement Je sais qu’elle n’envisage rien avec moi, elle me l’a dit, et puis Cycy n’est pas vraiment dans le trip « engagement » ou « Love story ». Ce qui me trouble en réalité, c’est que je me sois laissée faire et que j’y ai pris un certain plaisir… C’est vraiment perturbant, je n’ai jamais pensé que ma sexualité pourrait s’orienter de cette manière. Et en même temps, ce n’est pas grand-chose, parce que c’est Cycy, pas n’importe quelle fille… Est-ce que cela

fait de moi une bisexuelle ? Je ne m‘imagine pas me comporter ainsi avec une autre fille, je n’en ai pas du tout envie, qui plus est. C’est trop compliqué, inutile de se prendre la tête avec cette histoire. Je ne veux pas trop intellectualiser la situation. C’est juste un petit truc entre ma meilleure amie et moi… aussi bizarre que cela puisse paraître. Ouais, c’est vraiment, vraiment, vraiment très chelou ! Comme à son habitude, Matteo est pile à l’heure. Je descends et le rejoins, ravie de le retrouver. Tchao, Mia Bella ! me salue-t-il en me serrant dans ses bras. Hé !

Il plonge son regard brun et intense dans le mien et ne me quitte plus. J’ai la peau qui me picote. Il fixe mes lèvres puis de nouveau mes yeux. Je le laisse m’embrasser, doucement et tendrement. Ses mains enserrent ma taille et me rapprochent contre lui tandis que je pose les miennes sur mon torse. Je peux sentir battre son cœur et palper ses muscles exquis. Ce baiser est passionnel et enivrant. Quand il s’éloigne de moi, j’ai un peu la tête qui tourne, je lui adresse un sourire et il me le rend. On y va ? Oui, mais… tu n’as pas ta moto ? demandé-je en fronçant les sourcils. Non, j’ai pris la voiture, aujourd’hui. Et quelle voiture ! Une Lancia Flavia décapotable, gris anthracite. Quelle classe ! OK... Tu es déçue ou je me trompe ? demande-t-il, malicieux. Je rigole, je dois bien avouer que je commençais à apprécier la vie en deux

roues. Un peu… avoué-je timidement. Eh bien ! Voilà que tu te dévergondes ! plaisante-t-il. Je lui donne une petite tape sur l’épaule et nous entrons dans la voiture, direction la plage. Nous nous promenons pendant des heures tantôt sur le sable tantôt sur la terre ferme ; le soleil est radieux et l’air agréable. Nous mangeons une glace et partageons une barbe à papa, observant l’étendue d’eau majestueuse devant nous dans un silence magistral, reposant. Nous nous embrassons aussi à quelques reprises, parfois gentiment, innocemment et d’autres fois, de façon plus langoureuse. Je passe vraiment un bon moment. Matteo est un gentil garçon, très

prévenant, à l’âme romantique. J’en apprends un peu plus sur lui. Il a fait des études d’ingénierie pour faire plaisir à son père, puis il en a eu marre. Il a tout envoyé balader, son groupe s’est séparé dans la foulée et il a décidé de tout quitter pour commencer une nouvelle vie, ici en Californie. Il avait besoin de changer d’air de prendre du recul. Il ne sait pas s’il restera aux États-Unis, mais pour l’instant il ne veut pas y penser. Il a voulu s’éloigner de tout ces conflits qui l’entouraient que ce soit avec sa famille qui veut lui dicter ses choix de carrière ou avec son groupe qui manquait trop d’ambition à son goût. Ce n’est pas facile de se lancer dans l’inconnu. J’admire le courage qu’il a eu de le faire. J’espère qu’il trouvera ce qu’il est venu chercher ici, même s’il n’est pas bien sûr de savoir ce qu’il veut… Sa famille étant aisé, il a heureusement de quoi voir venir pendant plusieurs mois. En fin

d’après-midi, Matteo me raccompagne chez moi, le temps est passé à une vitesse folle, je me suis vraiment beaucoup amusée. Il se stationne devant mon immeuble et je sors de la voiture. Il me suit et s’arrête à ma hauteur. Je sens une vague d’angoisse s’emparer de moi, que suis-je censée faire maintenant ? Lui dire au revoir ou l’inviter à entrer ? Je suis vraiment une idiote de débutante et je me mettrais bien un coup de pied aux fesses pour être aussi nouille ! À qui le dis-tu ! Je lui souris timidement tandis qu’il attrape ma main dans la sienne. Est-ce que tu as passé un bon moment ? me demande-t-il simplement. C’était génial, merci beaucoup, Matteo. Je… Est-ce que… tu veux

monter ? proposé-je le plus maladroitement du monde. Si tu veux, Mia Bella, répond-il en déposant un baiser sur mon front. Je saisis les clés dans mon sac et nous entrons. Une bouffée de honte m’envahit quand j’ouvre la porte. C’est un bordel sans nom. Des pots de peinture et des pinceaux, des boîtes de fusains, des blocs de papier de différentes tailles, des toiles vierges ou peintes traînent partout … Heureusement, le « coin TV » est à peu près correct ! Je suis désolée… Ma coloc Cycy, n’a pas vraiment la notion du rangement… m'excusé-je, penaude. Ce n’est rien, Mylena. Il n’y a que toi qui comptes, dit-il en me faisant pivoter pour que je me retrouve face à lui. Son regard ne ment pas sur ses intentions

et sur le désir qui l’anime. Une partie de moi commence un peu à flipper. Il m’embrasse impétueusement comme il sait si bien le faire, me plaquant tout contre lui. Je passe mes mains autour de son cou et approfondis notre baiser puis je m’éloigne haletante afin de reprendre mon souffle et calmer le jeu. Tu veux boire quelque chose ? Une bière, du vin, un Coca ? proposé-je. Les émotions se bousculent dans ma tête et je ne sais pas trop comment les gérer. Il pousse ce qui semble être un soupir de frustration presque imperceptible, mais quand même. Une bière, merci. Va t’asseoir, je te l'apporte tout de suite. Il se retourne et se dirige sur le canapé bleu turquoise ou trône un tas de coussins multicolore. Oui, c’est Cycy qui a décoré l’appartement. Ce qui signifie qu’on vit sur un arc en ciel, il ne manque plus que les petits poneys et les licornes roses. J’attrape une bouteille de

Despé et un Coca pour moi. Quelques chips à grignoter et prends place à ses côtés. Tiens, dis-je en lui tendant sa boisson. Merci. C’est très mignon ici, coloré ! constate-t-il, amusé. Oui, c’est Cycy, c’est une artiste et les artistes ont un sacré caractère, crois-moi ! Elle était avec toi au Seven quand nous nous sommes rencontrés, n’estce pas ? Oui, c’est elle ! OK Je m’enfonce dans le canapé et Matteo passe son bras autour de mes épaules. Je me rapproche de lui. Je me sens un peu gauche, j’espère vraiment qu’il ne le remarque pas. Je le regarde. Lui aussi. Je suis gênée, angoissée… Il caresse ma joue avec son doigt, ma bouche, je réprime un frisson. Tu es vraiment très belle Mylena, affirme-t-il en m’observant.

Mes cheveux, mes yeux, mes joues, mon nez tout y passe, il fixe son regard sur mes lèvres et n’en décroche plus comme s’il avait trouvé le trésor sur une carte de pirate. Merci… murmuré-je, alors que je dois être rouge comme une pivoine. Je ferme les yeux ne sachant plus quoi faire, n’osant pas prendre les devants, j’espère ainsi qu’il comprenne que je lui donne l’autorisation de m’embrasser. Heureusement, sa bouche ne tarde pas à caresser la mienne, doucement, comme s’il voulait prendre tout son temps pour me découvrir. Puis, tout va plus vite, c’est plus ardent, plus pressé, je sens ses mains me soulever légèrement pour m’allonger sur le canapé, il recouvre mon corps du sien et continue de me goûter avec passion. La panique me prend, mais je la rejette. Ce n’est pas le moment de faire l’enfant, Mylena ! Il se détache de mes lèvres gonflées par nos baisers et s’attaque à ma mâchoire, mon cou que je tends pour lui faciliter

l’accès. C’est très agréable, excitant malgré la gêne qui ne semble pas vouloir me quitter. Sa main se pose sur ma hanche et remonte doucement, passant sous mon haut fluide, toujours plus haut, mais timidement. Je halète et quand sa main parvient à son but, je pousse un léger gémissement. C’est très intense, un peu trop. Je ne sais pas quoi penser, je suis perdue au milieu de toutes ces sensations nouvelles. Reprends-toi Mylena, réagis ! Je soulève légèrement son t-shirt pour le caresser, hésitante. Il frissonne, ce qui semble lui plaire, n’est-ce pas ? Soudain, son bassin se plaque contre le mien et je comprends que c‘est effectivement le cas ! Je continue de toucher son dos, son torse, doux et légèrement poilu ; il réprime un grognement et se frotte un peu plus contre moi en reprenant possession de

ma bouche avec empressement. Je sais bien comment tout cela va finir, mais est-ce que je suis prête ? Il est évident que non, sinon je ne me poserai pas la question malgré mon désir de me débarrasser de ce fardeau qu’est ma virginité. Bien sûr, j’en ai envie, et cette situation me met dans tous mes états, mais… Je ne sais pas… est-ce le bon moment ? Comment lui dire ? Je ne veux pas le blesser… Ou passer pour une vierge effarouchée ! Je continue de l’embrasser, pour l’instant la situation ne va pas plus loin, inutile de s’affoler, pas vrai ? Comme si le ciel m’avait entendu, Cycy nous interrompt en se raclant la gorge. Matteo se redresse brusquement. Bonjour. Matteo, je présume ? demande-t-elle d’un ton supérieur et dédaigneux. L’accusé se gratte la nuque et se met debout, j’essaye d’ignorer la bosse qui déforme encore son pantalon. Ma meilleure amie considère le pauvre

garçon avec condescendance. Elle se prend pour qui, sérieux ? Salut… répond-il un peu essoufflé. Je lance un regard noir à ma coloc’, lui intimant silencieusement d’arrêter de jouer à la maman surprotectrice avec moi. Ou encore à la petite amie jalouse, ce qui est pire encore. Tu dois être Cycy, présume-t-il en lui tendant main pour la saluer. Oui, tout à fait, dit-elle en ignorant son geste. Mais elle ne le lâche pas du regard et le toise de haut comme pour l’intimider ou le faire détaler comme un lapin. Je crois que je vais y aller, lance-t-il en se retournant vers moi. Et ça marche ! Il s’approche et m’embrasse. Je t’appelle, Mia Bella, chuchote-t-il au creux de mon oreille. Ravi d’avoir fait ta connaissance, Cycy, rajoute-t-il en attrapant sa veste. J’attends qu’il

soit sorti de l’appartement. C’était quoi ce sketch ? Tu n’avais pas un « rendez-vous » ? Bon sang, Cycy, je ne sais pas si je dois te tuer ou te remercier… expliqué-je, à bout de souffle en me frottant le front. La descente sur terre est brutale et je prends conscience que j’étais sur le point de m’envoyer en l’air. Vraiment, pour de vrai ! Avec un mec que je ne connais que depuis quelques semaines... Gosh ! C’est de la folie ! Je crois que tu devrais plutôt me remercier. Il est clair que tu n’es pas prête et lui c’est un chaud lapin d’italien ! Plutôt bien bâti d’après ce que j’ai vu, d’ailleurs ! Cycy ! la houspillé-je. Elle se rapproche de moi tandis que je cache mon visage entre mes mains. Perdue, je pousse un soupir.

Hé ! m’apostrophe-t-elle en saisissant mes poignets

pour m’obliger à la regarder. Tu n’as pas à avoir honte, Myli. C’est normal de se poser des questions et tu ne le connais pas depuis très longtemps ce rital ! Prends ton temps et s’il n’est pas capable d’attendre et de comprendre, c’est qu’il n’est pas assez bien pour toi ! OK ? me rassure-t-elle en prenant mon visage en coupe. Je hoche la tête. Elle a sans doute raison. Elle dépose un tendre baiser sur ma joue et relâche son étreinte. Toutes ces sensations m’ont submergé et fait perdre la tête. C’était bien, mais je crois que j’aurais sauté le pas un peu trop vite et pas forcement pour les bonnes raisons. Je ne peux pas me lancer à l’eau sous prétexte que je ne veux pas frustrer Matteo ou que je désespère de perdre ma vertu.

Viens, on va se faire un film, rajoute ma meilleure amie en me tirant dans le canapé. Elle s’assoit, pose ses pieds sur la table basse et je mets ma tête sur ses genoux tandis qu’elle me caresse doucement les cheveux. Je ne tarde pas à m’endormir ainsi rassurée et calmée. Sur un petit nuage. Le stress me gagne un peu plus à chaque pas. Je ne sais pas pourquoi Dominic m’a convoquée dans son bureau. Kévin a-t-il bavé dans mon dos ? Dans ce cas, j’ai déjà une centaine d’idées en réserve pour le tuer. Si je suis virée de ce job pour lequel je me bats depuis des années, je n’aurais aucun scrupule à me faire la peau de ce crétin, quitte à finir en prison. Arrête ton délire, Myli ! Oui, ce n’est sans doute rien du tout… Jason s’est-il plaint parce que je le perturbe dans son élan créatif ? Que je l’épie comme un détective privé, que je le harcèle comme une groupie hystérique... Tu dérailles ma pauvre, va

te faire soigner ! Ou alors, il a encore besoin de moi comme baby-sitter… Je n’ai vraiment pas envie d’aller m’occuper d’une teenager en crise et enceinte par-dessus le marché. Dominic s’est un peu moins absenté ces derniers temps, enfin… il est peut-être là physiquement, mais il semble à des années-lumière d’ici parfois. Je suppose que gérer sa fille de seize ans, enceinte n’est sûrement pas facile. Ce doit-être un sacré choc. Je tape trois petits coups timides à la porte de son bureau et attends son invitation. Entrez ! J’ouvre la porte et avance dans la pièce. Bonjour Dom, vous vouliez me voir ? Salut, Mylena, assieds-toi, je t’en prie, dit-il, souriant en tendant la main vers le siège, devant son

bureau gigantesque. Cet endroit c’est de la folie, la pièce est très grande, le mobilier moderne et hightech, sur les murs : des disques d’or, d’argent ou de diamant avec les signatures des artistes. Cet homme peut être fier de lui et du travail accompli. Il a découvert des chanteurs et en a fait des étoiles. J’espère que les Love Hackers pourront relancer leur carrière et connaître le succès qu’ils méritent. Je ne me fais pas trop de soucis là dessus. Dom saura faire ce qu’il faut et pour le reste il suffit juste de laisser la voix magique de Jason opérer. J’avance et prends place devant lui, je pose les mains sur mes genoux et tente de paraître détendue. Ne sois pas si nerveuse, Mylena, je ne vais pas te virer, plaisante-t-il. Je pousse un soupir de soulagement, et mes poumons se remplissent à nouveau d’oxygène. Toi qui voulais paraître détendue, c’est loupé Mylena ! Pardon…

Ne t’excuse pas. Je voulais te voir pour te féliciter, en réalité. Je suis vraiment content du travail que tu as exécuté et Kévin ne tarit pas d’éloges te concernant. What the fuck ?! (C’est quoi ce bordel ?) Je n’arrive pas à en croire mes oreilles ! Quoi ? lancé-je, stupéfaite. Oui, il est très content de toi ! Je t’assure. J’envisage donc de te donner plus de responsabilités. Je… Wouah ! Merci… Merci beaucoup… bafouillé-je, troublée. Ne me remercie pas, tu vas devoir faire tes preuves. J’ai décidé de te laisser te concentrer sur le contrat des Love Hackers. Mon cœur rate un battement. Attendez, non, il s’est carrément arrêté ! Bien sûr, tu n’auras pas toute la gérance, il va sans dire. Mais je pense que tu es prête à effectuer des tâches plus importantes comme gérer leurs plannings de répétitions,

planifier des réunions avec le staff technique, établir des rapports sur l’avancement du projet… J’ai besoin de Kévin pour s’occuper d’une petite chanteuse que je viens de dénicher, mais il restera disponible pour te seconder. J’opine du chef mécaniquement, essayant d’emmagasiner toutes ces informations. J’ai l’impression d’avoir décroché le jackpot à la loterie. Je vais… Oh my God ! Je n’arrive pas à y croire ! Planifier les répétitions, y assister… je vais être aux premières loges pour tout ! C’est grandiose ! Mylena ? m’appelle-t-il en faisant des gestes avec ses mains devant mon nez. Je crois que je me suis figée, sous le choc de cette nouvelle qui me rend intérieurement euphorique ! Je secoue la

tête pour me reprendre. Pardon… oui ? C’est bon pour toi ? Tu te sens prête à endosser cette nouvelle fonction ? Oui… je… Bien sûr, vous ne serez pas déçu, je vous le promets. Très bien, maintenant va te mettre au boulot ! Oust ! lance-t-il agitant la main en direction de la sortie. Tout de suite, répondé-je, en me levant avec enthousiasme. Je sors du bureau avec un sourire jusqu’aux oreilles. Je ne peux pas m’en empêcher. Comment se fait-il que cet idiot de Kévin m’encense alors que je lui ai manqué de respect, il n’y a pas si longtemps ? Je pense qu’il trouve son compte dans cette histoire, car si j’ai plus de responsabilités il est évident que lui aussi ! Ce n’est sans doute rien de plus qu’une action intéressée ! Et puis cette nouvelle chanteuse doit

probablement être canon ! Je prends place à mon bureau dans l’ open-space et me plonge dans le travail, reprenant tout le programme qui concerne les Love Hackers. Salut petite Myli ! Alors heureuse ? me questionne la voix irritante de Kévin. Ne m’appelle pas ainsi ! me défendéje, en me ravisant aussitôt. « S’il te plaît… » Je ne devrais pas lui parler sur son ton, c’est quand même grâce à lui si j’en suis là. Mais je n’y peux rien, il m’exaspère ! Oh pardon, c’est vrai que ce petit surnom n’est autorisé qu’au beau chanteur que tu regardes avec les yeux de l’amour. Tu casses un peu mon fantasme, tu sais. Je croyais vraiment que tu préférais brouter dans la prairie ! … Les yeux de l’amour Mylena ? Tu es carrément grillée ! Il me dégoûte. Si ça se trouve il s’est… Beurk. Je réprime un

frisson d’effroi. Ne fais pas ta prude, Myli ! Où est mon café ? Ce n’est pas parce que tu as plus de responsabilités qu’il faut me négliger ! J’y vais tout de suite… abdiqué-je lâchement, en voûtant les épaules. Prends-moi un Donut aussi ! Au caramel ! lance-t-il en s’éloignant vers son bureau. Un vrai bourreau… Quel crétin ! De retour chez Loading Records, je m’aperçois que mon iPhone, oublié sur mon bureau à la vue de tous, a reçu un message. *Tu me rejoins ce soir ? Je voudrais te faire écouter une nouvelle chanson. J.* Un vertige me fait légèrement vaciller. OH MY GOD ! J comme Jason… Une invitation à l’écouter… Je suis à la limite de l’apoplexie. Cette journée pourrait-elle être encore plus belle ? Calme-toi, Myli ! Mes mains tremblent en lui répondant un simple : *OK. À ce soir. M.*

Je mets plusieurs heures à me débarrasser de ma fébrilité palpable. Plusieurs personnes sont venues me demander si j’allais bien… Une chance que je croule sous le travail. Kévin m’assaille de courriers à taper, j’ai à peine le temps de manger ! Il me prend pour sa secrétaire ou quoi ? Le soleil faiblit et je suis obligée d’allumer la lumière qui surplombe mon écran. La dernière lettre que je rédige n’a rien à voir avec le travail où les Love Hackers... J’ai l’impression d’être son petit toutou bien docile. Myli ? m’apostrophe une douce voix tandis que je tape frénétiquement sur mon clavier. Un frisson me parcourt l’échine. Je ne me lasserais jamais de l’entendre prononcer mon prénom qui résonne comme une douce mélodie dans sa bouche incitant à tous les pêchés. Je tourne la tête et il est juste là, à quelques mètres. Tu n’as pas honte de faire attendre ce Dieu vivant, Mylena ? Je

me sens soudain coupable. Pardon, Jason… Je… J’avais beaucoup de travail, je n’ai pas vu le temps passer… m'excusé-je. Je sens qu’il s'avance, sa main s’approche de mon visage, me forçant à le regarder. Assise sur ma chaise, il me paraît tellement grand, impressionnant. Je me noie dans ses yeux verts. Je pourrais rester là pendant des heures… Il n’existe rien de plus beau sur terre… Ce n’est pas grave, dit-il avec un sourire en coin qui me fait craquer. « Tu as fini ? » Je tourne la tête vers mon PC, j’ai quasiment terminé, il me reste une phrase ou deux… Oui, répondé-je, en souriant. Très bien ! Viens dans ce cas, m’invite-t-il. Au diable Kévin ! J’enregistre et éteins l’ordinateur. Je viendrais plus tôt

demain matin pour achever ma tâche. Je le suis jusqu’au studio à l’étage. Je ne peux m’empêcher de le mater. Il est taillé dans la pierre. Merveilleux. Ses fesses parfaites dans son jean noir cintré, la façon dont ses muscles roulent sous sa peau… Je me sens toute chose, mon bas ventre se contracte et mes joues sont en feu. Jeez ! Cet homme aura ma peau. Je n’ai jamais ressenti autant d’excitation en regardant un mec ! Jason s’installe dans le canapé et tapote avec sa main puissante sur la place à côté de lui avant d’attraper sa guitare ; celle qui l’accompagne depuis des années et dont le son m’excite presque autant que lui. Je me dirige vers lui et prends place un peu nerveuse, comme toujours en sa présence. Je voulais te faire écouter un nouveau mor… Il est interrompu par son téléphone qui sonne sur la table basse, devant nous. J’aperçois la photo de Brianna sur l’écran. Sa petite amie… Il pousse un

soupir d’agacement. J’en ferais bien autant… Ouais ? répond-il sèchement. … Super ! ironise-t-il. Je me sens gênée, je commence à me lever pour lui laisser un peu d’intimité, mais son bras me rattrape et m’en empêche. Sa main sur moi me fait frissonner. Merci de me prévenir quand même. De toute façon, ce n’est pas comme si mon avis comptait pour toi ! … Fais ce que tu veux, Brianna, je n’en ai rien à foutre ! lance-t-il agacé, avant de raccrocher. Il pose son téléphone sur la table avec un calme étonnant. Mais en réalité, c’est tout le contraire, je peux le sentir se raidir de colère et s’abattre sur lui une peine qui me fend le cœur. Je n’ose pas le regarder, mais je perçois qu’il se frotte le visage avant de pousser un long soupir. Quelques secondes de silence pesant, je voudrais disparaître plutôt que de sentir cette faille qui le ronge. C’est

si fort que j’en tremble presque. Il se redresse soudain et dit : Où en étions-nous ? Ah oui, cette nouvelle chanson ! Tu es prête ? me demande-t-il comme si rien ne s’était passé. Je le regarde dubitative puis je hoche la tête. Je t’écoute, répondé-je en lui offrant un sourire réconfortant et encourageant. Il ajuste sa guitare, attrape un médiator et gratte quelques notes dans le vide pour vérifier si elle est correctement accordée. Il tape trois fois sur le bois comme le ferait Rick avec ses baguettes pour lancer un morceau et les premières notes résonnent. Son pied tape un rythme régulier pendant qu’il joue avec une facilité déconcertante. La mélodie est douce, tintée d’une certaine tristesse. I've lost my balance

(Jai perdu l’équilibre) I fell from the trapeze (Je suis tombé du trapèze) This act isn't easy (Cet acte n’est pas facile) I've been under water (J’étais sous l’eau) This storm has been raging (La tempête faisait rage) These nights are not sleeping (Ces nuits ne sont pas reposantes) My dreams are now strangers to me (Mes rêves me sont maintenant étrangers) (…) I've been walking in circles (Je tournais en rond) I'm screaming for answers (Je crie pour avoir des réponses) I might fall into pieces (Je pourrais tomber en morceaux) Or maybe I'm finally breaking through (Ou peut être que j’ai finalement percé mes défenses) Lifehouse, Flight, Out Of The Wasteland, 2015.

Ces paroles sont poignantes et me bouleversent, surtout après cette conversation téléphonique qui semble l’avoir tourmenté. Il chante avec une émotion particulière et très profonde. Les larmes roulent sur mes joues. Les dernières notes retentissent, il ferme les yeux, prend une grande inspiration et porte son attention sur moi. Il penche la tête sur le côté en souriant tendrement ce qui m’émeut presque autant que les paroles de cette chanson magnifique. Il tend la main vers moi et essuie mes yeux humides avec son pouce en murmurant : Je t’ai déjà dit que je n’aimais pas faire pleurer les filles ? dit-il doucement avec son sourire en coin. C’était magnifique… parviens-je à articuler. Merci Myli. Un vertige me prend soudain, je pose ma main sur mon front et ferme les yeux.

Ces émotions sont bien trop fortes pour moi. Je voudrais me sauver, mais mes jambes sont en coton et ne me porteront pas très loin. Jason lâche sa guitare et s’approche un peu plus de moi, comme si c’était possible. Sa cuisse touche la mienne et il pose la main sur mon épaule. My God ! Je frissonne comme s’il faisait moins trente dans la pièce alors que j’ai chaud. Est-ce que tout va bien, Myli ? demande-t-il, inquiet. Je… Oui… je n’ai pas beaucoup mangé aujourd’hui… Ce doit être ça... Je vais commander un truc, ne bouge pas, je t’apporte un jus de fruit. Non Jason, tu n’as pas à prendre soin de moi, je t’assure… Chut ! m’ordonne-t-il en levant mes jambes pour les allonger sur le canapé. Ses mains sur moi laissent des traces brûlantes sur ma peau, même à travers mes vêtements. Je suis incapable de

protester, je me laisse faire comme un bébé malade. Il disparaît et je me sens seule, vide, j’ai froid et ma tête me fait mal. Dix minutes plus tard, il revient avec les pizzas et une boisson ultra sucrée, capable de tuer n’importe quel diabétique juste en regardant l’étiquette. Il pose le tout sur la table et m’aide à me redresser. Il faut que tu manges, exige-t-il avec gentillesse et prévenance. Merci… Je… je suis désolée… Tu ne dois pas rester si longtemps sans te nourrir. Je sais… j’avais tellement de travail… Ce Kévin est un crétin, tu ne devrais pas te laisser faire, lance-t-il tandis que j’écarquille les yeux, étonnée par cette réflexion. Comment est-il au courant que Kévin me fait la vie dure ? C’est vrai qu’il est pénible, mais… C'est même certain, me coupe-t-il. Enfin, maintenant tu vas pouvoir

faire tes preuves en t’occupant de mon groupe ! affirme-t-il tout fier en bombant le torse. Comment ? Il est déjà au courant ? Jeez ! Tu sais tout ce qui se passe dans ce label, on dirait ! Je m’inquiète pour le groupe, c’est normal que je veuille savoir de quoi il retourne ! Oui c’est vrai… Allez, mange maintenant ! m’intimet-il en me tendant une part de pizza. L’atmosphère est devenue plus légère, nous rigolons, discutons comme si nous étions des amis de longue date. Je commence à me sentir mieux maintenant que j’ai avalé un morceau. Après ce copieux repas, Jason plie sa jambe de sorte qu’il soit assis face à moi accoudé au dossier, il m’observe sans rien dire dans un premier temps tandis que je me perds une fois de plus dans son regard d’émeraude. Je peux te poser une question, Myli

? tente-t-il presque timidement. Bon sang, il est tellement sexy ! Je t’écoute… Je n’ai jamais vu de personne aussi réceptive à la musique. Tu sembles tellement bouleversée à chaque fois, que c’en est presque effrayant. Pas dans le sens « Mon Dieu, cette fille est une folle ! » Mais plutôt dans le sens où ce que tu ressens est tellement fort qu’on a peur d’être submergé avec toi. Tu es si sensible... J’ai pourtant l’impression que tu as beaucoup de mal à le gérer, je me trompe ? Je me sens tout à coup nue sous son regard... Comment peut-il lire en moi ainsi et décortiquer mon âme. Et surtout, comment dois-je le prendre. Une partie moi se sent blessée qu’il voit en moi une

petite chose fragile, incapable de se gérer. C’est vrai… soufflé-je timidement avant de couvrir mon visage de mes mains, honteuse. Ne te cache, Myli dit-il en m’écartant les mains. C’est magnifique, tu es magnifique. Je devrais te remercier, il n’y a pas de plus beau cadeau pour un chanteur que de parvenir à faire passer une émotion, d’être compris comme tu le fais, que tu ressentes mes paroles avec une telle force, au plus profond de toi-même. Tu ne dois pas en avoir honte, Myli. Parce que c’est un réel plaisir de jouer pour toi ! Mes joues s’enflamment violemment devant tant de compliments pour ce que je considérais comme un fardeau. Être sensible à ce point est fatiguant. Merci… chuchoté-je, incapable de parler. Le petit sourire qu’il m’adresse me fait perdre mes moyens. Je me sens toute

moite de partout, mes sens s’affolent. Respire Myli, ne te ridiculise pas, pour l’amour de Dieu ! Parle, idiote ! J’ai toujours été très sensible à la musique, parfois, seul le fait de t’entendre jouer de la guitare suffit à m’émouvoir. Elle te suit partout, n’est-ce pas ? Ta guitare ? D’aussi loin que je me souvienne tu as toujours eu la même. Elle doit avoir une valeur particulière à tes yeux ? lui demandé-je, curieuse. Bon sang, d’où me viennent toutes ces questions ? Je m’étonne moi-même de la soudaine facilité avec laquelle je lui parle. J’ai l’impression qu’il a fissuré le mur d’autodéfense que je me suis construit des années durant, juste en prononçant quelques phrases. Je n’en reviens pas qu’il m’ait cernée si facilement. Oui, c’est la première guitare que je me suis payée, j’ai travaillé tout un été pour pouvoir l’obtenir. Je me souviens, je passais tous les jours

devant le magasin de musique en rêvant de pouvoir enfin la tenir dans mes mains, de sentir les vibrations qu’elle ferait quand j’en jouerais… explique-t-il mélancolique. Soudain, il redresse la tête et fronce les sourcils, en regardant d’un air curieux. Quoi ? je lui demande, confuse. D’aussi loin que tu t’en souviennes ? Shit ! J’ai cru bêtement qu’il n’avait pas prêté attention à ce détail ! Je rougis en sentant son regard inquisiteur sur moi. J’ai assisté à un de vos concerts il y a quelques années… j’avoue timidement. « J’avais quinze ans. » Un air malicieux et fier se peint sur son visage. Je savais bien que je t’avais déjà vue quelque part, affirme-t-il, content d’avoir résolu un mystère. Pardon ? dis-je d’une voix aigüe, stupéfaite. Oui, ton visage ne m’était pas

inconnu. À l’époque, nous nous produisions dans de toutes petites salles, parfois même dans des bars réputés, ou des cafés théâtres, c’est plus facile de communiquer avec le public et de se souvenir de certaines personnes qui nous ont marquées… Un si beau visage ne s’oublie pas si facilement. Damn it ! Je frôle la crise cardiaque pour la centième fois de la journée ! C’est invraisemblable ! Il est vrai que j’avais attendu quelques heures pour être au-devant de la petite scène, passant sans doute pour une folle aux yeux des passants... Mes joues me brûlent et je baisse les yeux, incapable de soutenir son regard, que je ne saurais qualifier. Tout ce que je sais c’est que cela m’effraie. Je ferais mieux d’y aller, il se fait tard… murmuré-je, troublée. OK. On se voit demain ? demande-til, plein d’espoir. Bien sûr, répondé-je, en me levant.

Bonne nuit, Myli, lance-t-il d’une voix sexy. Bonne nuit, Jason. Je ne me souviens même pas comment je suis arrivée devant mon appartement. Je suis sur un petit nuage. Cette journée, cette soirée, plus particulièrement, était carrément magique ! C’est de la folie ! Je gare ma voiture à ma place habituelle et je regagne mon nid douillet qui sent la peinture, le fusain, la craie, le vernis… En ouvrant la porte je tombe sur une Cycy, en soutien-gorge et string rose bonbon avec des rubans bleus électriques sur les côtés, il suffirait de tirer dessus pour le faire tomber ! Je dois avouer qu’elle a un corps de rêve, la taille fine, une poitrine ferme, mais pas trop volumineuse, des jambes sans la moindre imperfection. Qu’est-ce qui te prend Mylena ? Tu fais quoi ? Je

détourne le regard, mais je suis quasiment sûre qu’elle m’a vu la passer en revue. Soudain, un homme débarque, il remet sa chemise sur son corps hâlé et très musclé, des tablettes de chocolat très impressionnantes. Damn ! Ma séance avec Jason m’a émoustillée plus que je ne le croyais ! J’ai l’impression d’être une chatte en chaleur ! Je ne te raccompagne pas… commence Cycy à l’intention de son coup d’un soir. Elle ne se souvient même pas de son prénom ! Le pauvre ! C’est Justin. Ouais, Justin. Merci, lance-t-elle en le chassant de notre lieu de vie. Pauvre gars ! Il avait l’air dépité de se faire jeter comme

une vieille chaussette ! Un homme, hein ? demandé-je, dès que la porte se ferme. Bah ouais, tu sais parfois, ça fait du bien de se… Merde ! Tais-toi Cycy ! Je crois que j’ai compris ! la coupé-je, tandis qu’elle se moque de moi. Ma petite Myli ! Tu es adorable ! ditelle en s’approchant de moi pour m’embrasser sur la bouche. Son baiser a le goût de la téquila et je la soupçonne d’avoir un peu trop bu ce soir. Évite de m’embrasser maintenant, Dieu sait ce que tu as fait avec ce gars ! la réprimandé-je. Ne t’inquiète pas, je ne suis pas du style à faire ce genre de truc avec les mecs ! Seigneur ! Est-ce qu’on pourrait parler d’autre chose ? Elle rigole et reprend son sérieux.

Où étais-tu pour rentrer si tard ? Avec Matteo, c’est ça ? demande-telle avec une pointe d’amertume dans la voix. Non, je n’étais pas avec Matteo ! Je n’ai plus de nouvelles de lui depuis que tu nous as… surpris. Je crois que tu lui as fait peur ! Je suis inquiète du silence de Matteo. Qu’est-ce que j’ai fait pour qu’il me zappe pendant quatre longs jours ? Est-il vraiment terrifié par ma tarée de coloc’ ? Dois-je lui envoyer un message ? Ne vais-je pas passer pour une fille accro et l’effrayer encore plus ? Sortir avec un garçon, c’est trop compliqué ! Ce mec est un con ! lance-t-elle en attrapant une bière dans le frigo. Cycy ! l'admonesté-je. Avec qui étais-tu dans ce cas ? m’interroge-t-elle jalousement. Au travail, avec Jason… avoué-je, penaude. Jason ? Le chanteur ? Le fantasme de

tes nuits d’adolescente en chaleur ? Son ton moqueur est presque mauvais et elle commence à me vexer. Elle revient et se poste devant moi, très près. Que s’est-il passé, Myli chérie ? Je peux sentir toute cette tension sexuelle qui te tourmente à des kilomètres. Mon rythme cardiaque s’accélère de colère, mais aussi d’autre chose que je ne parviens pas à qualifier. Tu as couché avec lui ? murmure-telle dans mon cou, m’embrassant si doucement que c’est presque imperceptible. Mes yeux se ferment et je suis obligée de me faire violence pour ne pas la laisser faire. C’est vrai que je suis très... tendue... Arrête Cycy… halèté-je, en posant mes mains sur ses épaules pour la repousser.

Sa peau frissonne. C’est une mauvaise idée, je suis dans un état second, je n’ai pas les idées claires et elle est bien trop éméchée ! Laisse-toi aller, Myli… chuchote-telle en m’attrapant par les hanches. Non ! insisté-je, en ouvrant les yeux. Bien, va te faire voir dans ce cas ! lance-t-elle en retournant dans sa chambre. Elle claque la porte, me laissant confuse, les bras ballants en plein milieu du salon. J’éteins toutes les lumières et rejoins mon lit, frustrée et décontenancée. Le lendemain, après une courte nuit, Cycy a disparu en me laissant un petit mot sur le miroir de la salle de bain : Pardonne-moi... C. Solitude. Cette semaine a été épuisante, je suis

ravie qu’elle finisse dans quelques heures. Et en beauté. En réalité, mes journées se terminent magnifiquement depuis plus de quinze jours, puisque je retrouve Jason tous les soirs pour l’écouter. Heureusement qu’il est là d’ailleurs, sinon je serais en dépression pour vie sociale inexistante. Cycy n’est toujours pas revenue. Je sais cependant qu’elle est à Santa Monica dans la maison de sa grand-mère puisqu’elle a dénié répondre un simple « Oui. » à mon texto... Super amie, n’est-ce pas ? Nous allons avoir une sérieuse discussion à son retour ! Je dois avouer que je lui en veux un peu et je ne peux pas m’empêcher de me dire que quelque chose est cassé... Elle boit, me fait des avances et se taille comme une voleuse. Ce n’est pas la première fois qui plus est. Quant à Matteo, c’est silence radio. J’ai fini par lui envoyer un message à lui aussi, mais j’attends toujours la réponse. Quel genre de mec vous chauffe sur votre canapé et disparaît de la surface

de la terre ? Bon, on s’est fait prendre en flagrant délit par ma tarée de coloc’, mais quand même ! Elle n’est pas si terrifiante que ça… Je me fais toutes sortes de films sur ce qu’il aurait pu lui arriver, accident de moto, de voiture, enlèvement… Ou alors, il est simplement reparti en Italie… Je n’en sais rien… J’ai arrêté de me prendre la tête il y a quelques jours déjà, même si je continue de me poser des questions… Bref, heureusement Jason est là lui, fidèle au poste. Il me fait écouter ses compositions, me demande ce que j’en pense, m’explique les modifications qu’il apporte et pourquoi, puis nous discutons, rigolons, partageons un repas comme de bons vieux amis… Je me sens bien plus à l’aise en sa présence, je pleure moins aussi, enfin c’est dur parce qu’il fait passer tellement d’émotions

quand il joue ou chante, mais je parviens à me contrôler. Liar ! (Menteuse.) Je me sens tellement plus en confiance, qu’il sait presque tout de ma vie ! Sauf les détails intimes bien sûr, comme mes petites incartades avec Cycy, la présence de Matteo dans ma vie, ou le fait que je sois toujours vierge... Cela dit, moi je ne sais pas grand-chose de lui… Il entretient le mystère. J’aime bien ce petit côté de sa personnalité même si parfois j’ai envie de creuser, je m’abstiens, on ne se connaît pas assez pour que je puisse me permettre d’être indiscrète. Toujours est-il que j’adore ces instants avec lui et je voudrais qu’ils ne s’arrêtent jamais. Il y a toujours un moment, parfois tard dans la nuit, où je suis obligée de rentrer toute seule dans mon appartement désert et triste, mais la tête pleine de rêves délicieux, mettant

toujours en scène un beau chanteur aux yeux verts. En ce qui concerne le groupe, la situation se précise. Les Love Hackers vont commencer les enregistrements la semaine prochaine. Les garçons : Rick, Brice et Jason ont choisi une vingtaine de chansons qu’il faudra sélectionner ensuite pour décider lesquelles iront sur l’album. Puis il faudra aussi trouver un nom et faire la jaquette. Tout cela est très excitant. Je ne vous parle même pas de la promo, des séances photos, de la tournée ! J’ai hâte ! Ils forment un super groupe tous les trois, très unis et sur la même longueur d’onde. Une amitié comme la leur est belle à voir. Brice et Rick sont vraiment très sympas, ils me font beaucoup rire. J’ai l’impression que nous sommes en train de devenir une belle petite famille. Arrête Myli, tu délires ! *J’ai une petite surprise pour toi ce soir. Sois à l’heure ! ;) J. * J’ai envie d’embrasser mon téléphone et

de crier de bonheur, mais je ne veux pas passer pour une folle-dingue non plus. Recevoir un SMS de Jason c’est toujours une fête pour moi, un instant magique où mon cœur bat la chamade et où j’ai envie de faire une petite danse de la victoire. Chaque fois que son prénom s’affiche sur l’écran, mon ventre se tord. Que peut bien être cette surprise ? Je trépigne d’impatience ! Il est vingt heures passées et le label est désert à l’exception de l’équipe d’entretien et d’un ou deux acharnés qui ne tarderont pas à partir… J’éteins mon poste de travail, rassemble mes affaires et me dirige vers le premier étage. Les bruits d’une discussion houleuse me parviennent depuis le salon que nous avons l’habitude d’occuper avec Jason. Je fronce les sourcils et avance discrètement. Je m’arrête à quelques mètres de la porte, d’ici on entend sans mal tout ce qu’il se passe. Il s’agit de Jason, mais il n’est pas tout seul, une voix féminine, nasillarde et aigüe lui

rend la réplique. Brianna. La colère me monte au nez. J’avais cru comprendre qu’il n’avait plus eu de ses nouvelles depuis deux semaines... Un point commun avec ma propre situation soit dit en passant. Même si nous n’en parlons pas… Ouais, ce qui signifie que tu ne sais rien du tout, Mylena ! Cette fille me sort par les yeux. La parfaite Brianna, du haut de ses un mètre soixante-quinze, ses cheveux blonds soyeux aussi lumineux que le soleil et ses yeux bleu lagon. Je ne vous parle même pas de ses jambes interminables et de sa poitrine parfaitement refaite… Elle m’exaspère ! Jalousie quand tu nous tiens ! Je ne comprends pas ce qu’une beauté froide et dure comme elle, fait avec un garçon aussi doux et sensible que Jason. C’est l’eau et le vin ces deuxlà. Tu ne réponds plus à ton téléphone, maintenant ? demande-t-elle avec son accent nordique irritant. Je ne suis pas à ta disposition,

Brianna, il n’y a pas que toi qui as une carrière, je te signale. C’est ce que tu appelles une carrière ?! l’attaque-t-elle avec condescendance. Quelle garce ! J’ai une furieuse envie de la gifler ! Pourquoi es-tu là ? Je suis un peu étonné que tu m’honores de ta présence… répond-il cinglant. Bien fait ! Prends ça dans ta tête, blondinette ! Ne sois pas mauvais Jason, cela ne te va pas ! C’est vrai, ça te va bien mieux à toi. Je t’écoute… Je dois partir, j’ai un gros contrat à Dubaï… Il ne fallait pas te déplacer pour si peu, un vulgaire texto aurait fait l’affaire ! Tu ne réponds pas à ton foutu téléphone ! s’énerve la belle de glace. …

Tu me trompes ? demande-t-elle soudain. What ? (Quoi ?) Bon sang, non ! Pour qui me prendstu ? C’est plutôt à toi qu’il faudrait poser la question ! Tu n’es qu’un sale con, Jason ! Qu’est-ce qui te prend, de me parler ainsi ? Tu me demandes ce qui me prend ? Tu sembles oublier que c’est toi qui fais des trucs dans mon dos sans me demander mon avis ! Je ne suis qu’une distraction pour toi, et encore… Je ne sais même pas pourquoi tu restes avec moi. Ces paroles me fendent le cœur. Comment peut-elle avoir si peu de considération pour lui ? Il est tellement gentil, drôle et beau, il a tout pour lui. Si j’étais avec ne serait-ce qu’un dixième de mec comme Jason je le traiterais comme un roi ! C’est encore cette histoire de bébé, n’est-ce pas ? lâche-t-elle, blasée.

Va te faire voir, Brianna ! crie-t-il, la voix déformée par une douleur profonde. Je ravale un sanglot, la culpabilité s’abat sur moi, je ne devrais pas être là, je ne devrais pas entendre leur discussion… Ce n’était même pas un fœtus, tu penses à ma carrière ? Qu’est-ce que je ferais d’un gamin ? Tu aurais dû m’en parler ! Ça n’aurait rien changé à ma décision… Bien sûr ! Parce qu’il n’y a que toi qui comptes ! Tu te fous bien du reste. Tu sais quoi, Brianna ? Toi et ta foutue carrière n’avez qu’à aller vous faire voir ! Nous deux, c’est fini ! hurle-t-il avec rage. C’est ce moment-là que je choisis pour me sauver en courant, me fichant de les alerter de ma présence. J’en ai trop entendu. Sentir Jason dans un tel état de colère me bouleverse plus que de raison. Je m’enferme dans ma petite Fiat

500 et cache mon visage dans mains pour pleurer en toute liberté. Comment a-t-elle pu faire une chose pareille ? Elle a subi un avortement sans même lui en parler… Elle portait l’enfant de Jason et elle l’a tué. Tout ça pour sa carrière de mannequin. C’est méprisable ! Je mets au moins dix minutes à reprendre mon calme mais je dois m'en aller d'ici. J’envoie un message à Jason pour m’excuser de mon absence et j’allume le contact. J’espère qu’il ne sera pas trop déçu... Je ne pourrais pas le regarder dans les yeux en faisant comme si je n’avais rien entendu. J’ai besoin de temps pour encaisser tout ça. La route défile, mais le paysage est vide, tout est vide et gris. Je suis dévastée par ce que je viens d’entendre. Je commence à peine à connaître Jason, mais je sais que cette histoire d’avortement l’a

profondément blessé. C’est un garçon si sensible, même si en dehors de sa musique il ne le montre pas, je peux le sentir. Mon cœur le sait. Je ne saurais l’expliquer. Je monte les étages qui me séparent de mon appartement en mode automatique, enfonce la clé dans la porte et entre. Une odeur familière envahit mes narines, mais je n’y prête pas particulièrement attention. Myli ? m’interpelle la voix de ma coloc’. Ah… Tu es enfin là ? C’est à cette heure-ci que tu rentres ? me demande-t-elle réprobatrice. Elle se fout de moi ? Je rêve ! Il n’est même pas vingt-deux heures, Cycy ! Je ne savais pas que j’avais un couvre-feu… Maman ! ironiséje.

Myli… Pas ce soir, je t'en prie. J’ai eu une dure journée, alors tu pourras bien attendre quelques heures de plus ! lancé-je, en m’éloignant sans même la regarder. Je… OK… abdique-t-elle, pantoise. Je retire une certaine satisfaction à lui avoir cloué le bec pour une fois. Je me dirige dans ma chambre quand un bip familier m’interpelle depuis le fond de ma poche. J’attrape mon compagnon numérique et ouvre le message. Il est de Jason. *Myli, il faut qu’on parle, je peux passer te prendre ? J.* Mon cœur bat tellement fort que je crains que ma cage thoracique ne se fracture. Il sait… Je n’ai pas été des plus discrètes en me sauvant à toutes jambes, tout à l’heure. Il doit être terriblement déçu de mon comportement de sale fouineuse. Pour la première fois, je n’ai pas envie de le retrouver. Mais la fille profondément enfouie en moi,

désespérément amoureuse de lui, irait au bout du monde s’il le lui demandait. Cette fille vit dans le déni, car elle n’aura jamais ce qu’elle veut. C’est donc elle qui répond « OK » tout en précisant son adresse. Il sera là dans vingt minutes. Vingt longues minutes à tourner en rond autour de mon lit, désespérée, inquiète, affolée… J’enfile une tenue plus décontractée : jean slim et pull fluide noir, j’attache mes cheveux et enfile une veste en jean. Il ne devrait pas tarder. Je descends pour l’attendre, manquerait plus qu’il tombe sur Cycy... Le temps commence à se radoucir, la fraîcheur de cette nuit de novembre me fait frissonner. Je croise mes bras autour de moi et les frotte énergiquement pour me réchauffer un peu, en vain. Une énorme Dodge Durango noire mate aux vitres teintées s’arrête à ma hauteur. Cette voiture est colossale et je suis obligée de me forcer à garder la bouche fermée. Elle est magnifique. La porte côté passager s’ouvre depuis l’intérieur

et le visage de Jason illumine l’habitable. Il est tellement beau, comme toujours. Il porte un t-shirt à manches longues gris foncé avec un petit gilet « garçon de café » ouvert et un jean brut. Bon sang… Je suis obligée de me faire violence pour ne pas baver. Le mot SEXY clignote en lettres rouges dans mon cerveau. Décidément, la voiture et maintenant le garçon ? Un peu de tenue, Myli, tu es pathétique ! Je secoue la tête pour me reprendre et lui adresse un sourire contrit. Le sien est chaleureux presque narquois, ce qui me rassure un peu. Monte ! m’intime-t-il gentiment. Je lui obéis et prends place, j’ai l’impression d’être sur un nuage… à tel point que je ferme les yeux pour savourer la sensation que mes fesses apprécient largement. Ça sent le cuir et Jason. Un vrai bonheur. Suis-je au paradis ? J’attrape la ceinture et m’attache. Son regard sur moi me donne la chair de poule. Je n’ai aucune idée de

la suite des opérations… Il s’engouffre dans la circulation, il semble quitter le centre-ville. Où m’emmène-t-il ? Le silence s’installe, gênant, j'ai trop honte pour parler. Je verrais bien où nous nous rendons quand nous y serons… Je regarde défiler le paysage, Jason s’engage sur l’autoroute et nous filons vers une destination inconnue. Il roule vite, mais c’est agréable. On se sent tout puissant à bord de ce bolide de folie. La chanson Lithium de Nirvana résonne dans cet espace confiné. Je me sens encore plus privilégiée que lors de nos rencontres hebdomadaires à l’aube de la nuit, car je suis dans son élément. C’est comme si j’avais mis un pied chez lui. Je suis ravie, mais cet instant hors du temps, à un goût amer. Je culpabilise d’avoir écouté aux portes et d’avoir entendu une discussion si intime et personnelle. Tu ne veux pas savoir où l’on va ? me demande soudain Jason, me sortant de ma torpeur. Je… Si, bien sûr. Où allons-nous ?

l'interrogé-je, en me tournant vers lui. Même de profil il est superbe. Son sourire en coin me fait du bien à l’âme. Pourquoi n’est-il pas en colère ? Il devrait me détester, être triste d’avoir rompu avec sa petite amie… Non ? Tu verras, lance-t-il, le regard malicieux. Je rigole doucement. Il est tellement parfait… Arrête ça, Myli, tu te fais du mal ! Ne sois pas si tendue, Myli, dit-il d’une voix rassurante. J’opine du chef et reporte mon attention sur la route. Je ne sais pas trop quoi penser. Je suis encore perturbée par cette dispute, ce que j’ai appris, la tristesse dans la voix de Jason, sa colère... Je réprime mes larmes. Il ne faut pas que j'y pense. De quoi aurais-je l’air si je me mettais à pleurer alors que lui a presque le sourire aux lèvres. Après presque une heure de route, Jason s’arrête devant un restaurant sur le bord

de la route : le Tavern 101 Grill. Un endroit simple et typique. Il coupe le moteur, descend et avant que je puisse saisir la poignée, il m’ouvre galamment la portière en me tendant la main. J’ai l’impression d’être Cendrillon, j’espère juste que mon carrosse ne se transformera pas en citrouille à minuit. Si j’en crois mon téléphone, il ne nous reste plus qu’une heure… Il pose son bras sur mes épaules et nous avançons vers l’intérieur du restaurant. Il semble connu, tout le monde le salue et il s’assoit directement à une table que je suppose être « la sienne ». Je suis épatée par ce que je suis en train de vivre, c’est irréel de me retrouver ici avec lui. Je suis tellement contente, bien que toujours contrariée…

Nous nous asseyons chacun sur une banquette bordeaux en cuir, face à face. Les tables sont en bois brut foncé, la déco est classe pour un restaurant de bord de route. Un serveur nous apporte la carte et nous demande ce que nous voulons boire. Il discute avec Jason comme s’ils étaient bons amis. Cette immersion dans son univers est grisante. J’essaye tant bien que mal de ne pas avoir l’air d’une vulgaire touriste devant une des sept merveilles du monde et de me comporter normalement. Mon beau chanteur commande une bière et moi un Coca Zéro. Je me sens paralysée sous son sublime regard de jade. Myli, pour tout à l’heure, je suis désolé… commence-t-il, peiné. Ne le sois pas ! C’est moi qui te dois des excuses, je n’aurais pas dû

écouter aux portes… Je m’excuse Jason… dis-je en baissant les yeux sur mes doigts entortillés. Myli ? m’appelle-t-il. Respire Mylena, conduis-toi comme une adulte ! Je prends une grande inspiration et me redresse, bien droite, prête à me conduire comme il le faut. Il saisit ma main dans la sienne. God ! Je ne t’en veux absolument pas. Tu as tout entendu alors ? m’interroge-t-il en soupirant. Oui… Je te dois quelques explications dans ce cas. Non ! Bien sûr que non ! Tu ne me dois rien, Jason. Je sais. Mais je crois que ça me ferait du bien d’en parler. Personne n’est au courant de ce que Brianna a fait, à part… les gars. C’est terrible… Ouais, renâcle-t-il. Elle a dépassé les bornes, une fois de plus. Je crois que j’ai pris la meilleure décision

de ma vie en la larguant aujourd’hui, je me sens bizarrement libéré, explique-t-il calmement. C’est à cet instant que le serveur réapparaît pour prendre notre commande. Foutu serveur ! Ne connaissant pas le menu, je laisse Jason choisir pour moi. Le jeune homme repart, un grand sourire aux lèvres. J’avoue que je ne sais pas trop quoi te dire, je me suis sentie tellement mal pour toi, tout à l’heure… Je t’ai vue dans ta voiture… et t’ai

suivie après ton départ précipité, avoue-t-il un brin gêné. Génial ! Jeez ! Je dois être maudite. Je ne veux pas que tu sois triste pour moi, Myli, c’est du passé. J’ai tourné la page pas plus tard que tout à l’heure. Ça ne peut pas être aussi facile… Non, bien sûr que non, mais tu sais Brianna et moi ne formions plus un couple depuis bien longtemps. Elle est obsédée par les podiums et les shootings, elle ne vit que pour être sur le devant de la scène, et elle est prête à écraser tous ceux qui se trouveront en travers de sa route. Elle ne te mérite pas, lancé-je, sans vraiment réfléchir. Je ne sais pas… je ne me suis pas battu pour sauver notre couple, je n’ai pas su la retenir… explique-t-il amer. Je suis désolée, Jason. Ne le sois pas. Je peux savoir quelle était cette

surprise ? demandé-je, en changeant volontairement de sujet. Je te la garde pour demain ! affirmet-il avec un sourire radieux. L’ambiance semble s’être radoucie et je me sens un peu plus détendue. Je grogne de frustration. Je ne peux pas avoir un indice ? tenté-je, en faisant la moue. Je suis sûr que tu seras ravie ! Ce n’est pas un indice ! protesté-je. La patience est une vertu, Myli ! affirme-t-il avec un air coquin qui embrase mon corps entier. OK… Mais c’est bien parce que c’est toi ! Pourquoi avoir choisi cet endroit ? Premièrement, j’habite ici, enfin pas dans le restaurant. À Agoura Hills. Et puis, j’aime y venir quand… enfin… quand j’ai un coup de mou, on va dire. Troisièmement, ils font les meilleurs burgers de Californie ! Je suis dans sa ville et peut-être que nous ne sommes qu'à quelques pas de sa

maison ! J’ai l’impression d’être à Disney ! Je réprime mon envie de sourire à m’en décrocher la mâchoire. OK ! Dans ce cas, goûtons ce repas ! Le serveur nous apporte nos plats. D’énormes hamburgers copieusement garnis avec une portion de frites et quelques oignons rings. Bon sang, je ne pourrais jamais finir ce sandwich immense ! Je passe un moment délicieux avec lui. C’est différent des instants que nous avons l’habitude de passer ensemble. Nous ne nous sommes jamais côtoyés en dehors du label. J’ai comme l’impression que notre relation prend une autre dimension ce soir et mon carrosse ne s’est toujours

pas transformé… Explications. Debout là-dedans ! s’exclame Cycy en pénétrant dans ma chambre sans ménagement. Mmm… ronchonné-je agacée. Lève-toi, Myli ! Je t’emmène boire un café, toi et moi on a beaucoup de choses à se dire, râle-t-elle en ouvrant les rideaux, laissant les rayons du soleil m’agresser. Je pousse un autre grognement de mécontentement. Je t’attends dans dix minutes, affirmet-elle en me lançant mes vêtements à la figure. « Si tu n’es pas prête, j’entre, peu importe si tu es à moitié nue ! Mais je ne répondrais plus de mes actes ! Dépêche-toi ! » ajoute-telle en fanfaronnant. Damn it ! Cette fille est une vraie tornade. Et je dois dire que je n’apprécie que très peu son petit chantage sexuel. Hier soir, j’ai passé une

magnifique soirée avec Jason, j’ai encore des étoiles dans les yeux. Partager un dîner avec lui, discuter comme de vieux amis, écouter ses confidences et ses plaisanteries, pouvoir admirer son sourire aussi lumineux qu’un million d’étoiles. Jeez ! T’es carrément foutue ma pauvre Myli ! Il m’a raccompagnée à Los Angeles au petit matin. J’ai eu du mal à m’endormir, j’étais beaucoup trop euphorique. Alors, me faire réveiller par ma meilleure amie caractérielle à huit heures et demie… laissez-moi vous dire que cela m’hérisse le poil ! Qui plus est, je ne suis pas très fière d’elle ces derniers temps. C’est vrai qu’elle me doit bien quelques explications... C’est bon, j’ai compris, je vais me lever ! J’attrape un chinot beige, une chemise en jean, une ceinture et des bottines camel et file sous la douche. Après m’être lavée rapidement j’enroule une serviette autour de moi et entreprends de m’occuper de mes cheveux. Un vrai sac de nœuds !

Myli ? appelle ma coloc’ en entrant dans la salle de bain sans frapper. Cycy ! Dégage ! râlé-je, en serrant mes bras autour de ma serviette pour éviter un malencontreux accident. … Elle reste là, les yeux écarquillés, la bouche entrouverte. Fuck ! Dégage ! crié-je plus fort, en la poussant d’une main vers l’extérieur. Je… Oui… Pardon… bafouille-t-elle en secouant la tête pour reprendre ses esprits. Je rêve ! Cette fille est irrécupérable. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire d’elle ? Vingt minutes plus tard, je sors de la

pièce habillée, maquillée et à peu près coiffée. Cycy est assise sur le canapé, le regard dans le vide. C’est moi ou elle est bizarre ce matin ? C’est tout Cycy, elle passe d’une émotion à l’autre en un quart de seconde ! Les artistes... C’est bon, je suis prête ! Tu voulais aller quelque part ? lui demandé-je, en m’approchant d’elle. Elle sursaute et me regarde avec un air étrange, puis très vite elle redevient la Cycy « normale ». Too weird ! (Trop bizarre!) Ouais, viens, on va boire un café, ditelle en m’attrapant par la main pour m’entraîner à sa suite. Nous sortons de l’appartement et nous dirigeons vers notre destination à pied. Pour un mois de novembre, l’air est doux et le soleil nous honore de sa présence encore un peu. C’est très agréable. Arrivées au Starbucks du bas de la rue, nous commandons deux cappuccinos et deux parts de cheesecake au caramel puis, nous nous

asseyons dans un coin tranquille. Alors, c’était comment Santa Monica ? demandé-je, un brin condescendante. Quoi ? Je ne suis pas ravie qu’elle m’ait lâchée sans rien dire une fois de plus. Je crois que je mérite bien d’être traitée avec un peu plus de considération, caprice d’artiste ou pas. De nos jours, nous avons suffisamment de moyens de communication pour prévenir les gens quand on part en voyage. Je sais que tu m’en veux, Myli. Je suis désolée… vraiment. Bien sûr que je t’en veux, c’est déjà la deuxième fois que tu me fais le coup. Tu ne peux pas me chauffer comme tu le fais ou te conduire comme une idiote et te barrer en courant parce que… je ne sais même pas pourquoi tu te sauves en fait. Est-ce que je suis si terrifiante

que ça ? Non… Mais… C’est compliqué, Myli. Ce n’est pas contre toi, je te jure. Alors, explique-moi ! Je ne sais pas… C’est compliqué… répète-t-elle. Je t’écoute, tu m’as réveillée, alors vas-y ! Je ne me suis pas fait sortir de mon lit pour entendre « c’est compliqué » ! D’ailleurs avec qui es-tu rentrée aussi tard hier ? Enfin, ce matin… m’interroge-t-elle avec un soupçon de jalousie. Ne change pas de sujet ! Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez toi ? Tu te comportes tellement bizarrement depuis… enfin depuis ce « moment » en boîte. Est-ce que tout cela est lié ? Cycy pousse un long soupir. J’ai soudain

peur d’entendre la suite… Non… Tu m’attires, c’est indéniable, regarde-toi ! dit-elle en me désignant de la main. Tu es vraiment superbe et j’aimerais te faire tout un tas de trucs cochon, mais je ne suis pas amoureuse de toi, Mylena ! Si c’est ce que tu veux savoir. Disons que je traverse une passe difficile, explique-t-elle tandis que mes joues se teintent de rose. Me voilà soulagée… Mais je ne le montre pas. Je ne voudrais pas paraître prétentieuse en avouant avoir cru qu’elle en pinçait pour moi. Tu veux m’en parler ? Il n’y a pas grand-chose à dire, tu sais. Je ne sais pas, je suis dans une période de ma vie où je me pose des questions... Mais arrêtons d'en parler ! Avec qui étais-tu hier soir ?

reprend-elle en affichant son sourire habituel. Tu recommences, Cycy ! Ce n’était rien d’important ! Laisse tomber, d’accord. Elle tente de cacher sa déception, mais s’abstient d’insister sur le sujet. Je ne sais pas pourquoi, je n’ai pas envie de partager cet instant féerique avec Jason. Je voudrais qu’il n’appartienne qu’à moi. J’ai peur que si je lui raconte, il perde de sa magie, et surtout qu’elle vienne tout gâcher avec ses commentaires, qu’ils soient bons ou mauvais. Je lui raconte néanmoins l’absence de Matteo, et le fait qu’il ne me donne plus signe de vie. Je ne sais plus trop quoi penser de lui. J’espère juste qu’il n’est pas en train de croupir au fond d’un lac, et qu’on ne m’accusera pas de ne pas avoir signalé sa

disparition… Crazy Girl ! (Folle !) Tu n’as pas autre chose à penser franchement, Mylena ? Le bip de mon téléphone me réveille de ma sieste. Après être rentrée seule de mon petit-déjeuner presque brunch avec Cycy, je me suis vautrée dans le canapé et endormie comme une masse, bercée par l’image encore toute fraîche d’un Jason souriant et plus beau que jamais. Poor girl ! (Pauvre fille !) Je suis carrément dingue ! Ce ne sont que des fantasmes irréalisables… Ma coloc’, s’est une fois de plus volatilisée en prétendant avoir des « trucs à faire ». Tu parles d’une explication. Bref… J’attrape mon iPhone dans ma poche et j’écarquille les yeux en voyant le nom de Matteo apparaître à l’écran. J’ai dû mal à y croire ! * Tchao Mia Bella ! Je suis désolé de mon absence. Est-ce qu’on pourrait se

voir pour discuter ? Cet après-midi ? * Shit ! Je reste dubitative pendant quelques secondes. Je ne m’attendais plus à avoir de ses nouvelles… Là aussi, je crois que j’ai bien le droit à des explications. Et puis ce n’est pas comme si j’avais prévu quoi que ce soit de toute façon… Je réponds un simple « OK » pour lui montrer que je ne suis pas ravie de son comportement. Sa réponse arrive instantanément. *Super, je passe te prendre dans une heure. * Un autre « OK », et je fonce dans la salle de bain faire un ravalement de façade. Un peu moins d’une heure après mon interphone retentit. Au moins, il n’a pas perdu sa ponctualité durant ces trois semaines d’absence... J’attrape une veste, un foulard et je descends le rejoindre. Il m’attend un large sourire aux lèvres, adossé à sa moto. Il est sexy et l’idée de monter sur son bolide me met en joie, mais je réprime cette envie. Il s’approche de moi et s’avance pour

m’embrasser sur la bouche, mais j’esquive, l’air de rien. Il se raidit et semble contrarié, puis il se reprend. On y va ? demande-t-il en me tendant le casque. Je hoche la tête et l'enfonce sur ma tête. Je ne sais pas où il m’emmène, mais peu importe. Nous roulons pendant plus de dix minutes et nous nous arrêtons devant un petit café tout à fait charmant. Matteo descend de sa moto et me tend la main pour m’aider. Installés devant une boisson chaude et une pâtisserie appétissante, un silence pesant s’installe. Le look motard de Matteo détonne dans ce décor doux et poétique. Je n’ose pas croiser son regard de peur que la situation devienne encore plus gênante. Myli… Je suis désolé, s’excuse-t-il tandis que je le regarde enfin. Je me suis fait du souci… avoué-je, timidement. « Il aurait pu t’arriver n’importe quoi. Où étais-tu ? Je suis navré. J’aurais dû te prévenir.

J’ai dû repartir en Italie. Oh, m'étonné-je. Mon père, enfin, tu vois, c’est compliqué… explique-t-il en se frottant la nuque. Combien de « c’est compliqué » vais-je entendre aujourd’hui ? Cela m’énerve, mais je préfère ne pas le montrer, je ne veux pas passer pour une fille rabatjoie. Je comprends, tu n’es pas obligé d’en parler, dis-je alors que je rêve de connaître les raisons de ce départ précipité. Si, je te dois bien des explications. Et puis, je t’aime bien, j’espère que toi et moi… enfin... qu’on vivra quelque chose ensemble… tente-t-il maladroitement. OK, dans ce cas je t’écoute. Mon père n’est pas vraiment d’accord avec le fait que je fasse de la musique. Disons que ce n’est pas ce qu’il avait prévu pour moi. Il m’a passé un coup de fil pour

m’annoncer que ma mère était malade et que si je ne rentrais pas, j’allais la tuer de chagrin et je devais arrêter avec mes lubies de chanteur… qu’il finirait par me couper les vivres si je continuais mes caprices d’ado… Wouah… Je suis désolée Matteo, c’est terrible. Le pauvre, son père n’a vraiment pas l’air commode. J’avais déjà cru le comprendre, de la façon dont il en parlait… Mais de là à imaginer une telle situation… Ce n’est pas comme si Matteo n’avait pas de talent… Peut-être que je devrais parler de lui à Dominic… Ne le fais pas, Myli ! Tu n’as pas à être désolée… Est-ce que… ta maman... c’est grave ? demandé-je timidement. Non… Rien qui ne puisse pas se soigner. Les Italiens sont du genre à en rajouter des tonnes, tu vois ? raconte-t-il avec un rire amer. Je suis désolée pour toi… répété-je.

Ce n’est rien. Que vas-tu faire ? Je ne sais pas. Je dois t’avouer que j’envisage de repartir en Italie. Si mon père me coupe les vivres, je ne pourrais pas rester ici. Mais, ton rêve… Tu ne pourrais pas te trouver un boulot ? Je n’ai aucune expérience… Quant à la musique, eh bien, je n’ai plus vraiment d’espoir… avoue-t-il, dépité. Tu pourrais envoyer des maquettes dans des maisons de disques… Comment veux-tu que je fasse ? Il faudrait que je puisse m’enregistrer dans un vrai studio. Je pourrais peut-être t’aider sur ce coup-là… Grossière erreur, Myli ! Tu pourrais avoir de très gros problèmes ! Il me semble tellement triste, je ne peux pas m’empêcher de lui proposer un coup de

main. Après tout, il est vraiment doué et il pourrait réussir… Ses yeux brillent de curiosité. Tu… comment ? Disons que j’ai quelques contacts… Ça serait génial, Myli, mais je ne veux pas que tu croies que je profite de toi. Je ne te le proposerais pas si je ne croyais pas en toi. Qu’as-tu dit à tes parents pour revenir ici ? demandéje, curieuse. Il pousse un long soupir, dépité. Je leur ai dit que je venais récupérer mes affaires et régler quelques détails… Ah… Je ne peux pas rester trop longtemps… Ils vont se poser des questions.

Tu vas partir pour de bon alors ? Ai-je le choix ? Je n’ai pas encore pris de décision. Peut-être que si je décroche un boulot… Je suis sûre que tu peux trouver ! l'encouragé-je. Merci, Myli. Je vais y réfléchir, je te le promets, mais parlons d’autre chose, OK ? OK. Les confessions de Matteo me laissent un peu morose, mais nous passons néanmoins une très bonne après-midi, nous promenant dans les rues de Los Angeles main dans la main. En fin de soirée, il me ramène à l’appartement. Je l’invite à dîner, un peu nerveuse à l’idée que la situation devienne plus… intime. Je ne sais vraiment pas comment considérer Matteo. Est-ce qu’il est mon petit ami ? Ou juste un ami et plus si affinités ? Je suis un peu perdue, d’autant plus que Jason hante mes pensées comme un fantôme accroché à mes basques. Une partie de moi est

remplie d’espoir et de joie à l’idée qu’il soit maintenant célibataire. T’es vraiment barrée, ma pauvre Myli, aucune chance qu’il envisage quoi que ce soit avec une fille comme toi ! Nous prenons l’ascenseur et montons à mon appartement, quand je mets la clé dans la serrure, je suis étonnée que la porte soit déjà ouverte. Cycy doit avoir fini de faire ses « trucs ». J’entre prudemment. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai un mauvais pressentiment. Nous pénétrons dans mon chez-moi, des gémissements nous parviennent de sa chambre. Shit ! C’est tellement embarrassant ! Je fais comme si de rien n'était et me dirige vers la station iPhone, branche mon téléphone et lance

de la musique. I’m mess d’ Ed Sheeran résonne et couvre légèrement les bruits dérangeant provenant du lieu de débauche. Puis je me dirige vers la cuisine pour nous servir à boire. Matteo s’installe au bar qui sépare la cuisine du salon et me sourit… béatement ? Suivant tous mes faits et gestes. Son regard pèse sur moi quand je lui tourne le dos. J’essaye d’en faire abstraction et m’affaire à préparer mes cocktails avec attention. Quand je me retourne pour lui tendre sa boisson, je reste stupéfaite par la scène qui se déroule derrière lui, à tel point que les verres s’écrasent sur le sol. Holy shit ! (Bordel de merde) Je dois être en plein cauchemar ! Kévin a sa langue enfoncée dans la bouche de ma coloc’ ! Fuck ! Je sens la bile me monter à la gorge. Le bruit du verre qui se brise les décolle de leur inspection buccale mutuelle répugnante. Cycy ne porte qu’une culotte vraiment très petite et transparente. Lui

a les cheveux ébouriffés et sa chemise n’est pas tout à fait boutonnée. Aucun doute sur ce qui vient de se passer là-dedans ! Je reste sans voix, la bouche ouverte. Matteo fronce les sourcils et se retourne pour assister à la scène. Je crois que tu ferais mieux de partir, intime ma supposée amie à mon crétin de collègue en souriant. Ouais, appelle-moi, répond-il d'un œil lubrique. C’est ça, raille-t-elle en le poussant vers la sortie, pas gênée pour deux sous d’être torse nu. C’est quoi ce bordel ? m'écrié-je, dès que Kévin ferme la porte derrière lui. Ça va, Myli ! Tu ne vas pas me faire une scène ? demande-t-elle en allumant un joint posé sur la table basse. Je rêve ! C’est à ce moment-là que je

remarque tout le matériel nécessaire pour se faire quelques rails de coke. Elle est défoncée si je comprends bien ! Awsome ! (Génial !) Tu ferais mieux d’aller t’habiller ! dis-je d’une voix sèche, tandis qu’elle semble seulement remarquer la présence de Matteo. Hé ! Mais c’est le petit rital ? Tu es enfin revenu ? dit-elle en lui souriant lascivement. Cycy ! la grondé-je. Elle se met à rigoler et j’ai envie de la gifler de se conduire comme une… je n’ai même pas de mot ! Je me sens tellement en colère, trahie... Ça va ! T’énerve pas ma petite ! Peut-être que Matteo a envie de s’amuser un peu avec nous deux… Ah oui ! J’oubliais, tu es… Je m’approche d’elle et plaque ma main sur sa bouche avant qu’elle ne sorte des choses qui ne regardent personne ! Mais qu’est-ce qui lui prend ?! Je la pousse dans sa chambre et ferme la porte. Elle

ne se rebiffe pas et semble enfin m’écouter, je ne sais pas ce qui me retient de la secouer comme un prunier ! J’enfouis ma tête entre mes mains. J’ai envie de pleurer de colère et de tout casser. Je me redresse et prends une grande bouffée d’air, puis me retourne vers Matteo qui n’a pas bougé. Il se lève et s’approche de moi. Je crois que je ferais mieux d’y aller… dit-il en me caressant la joue. Je lui offre un demi-sourire et acquiesce. Il pose tendrement ses lèvres sur les miennes. Ah c’est bon, vous êtes décidés ? On va dans ma chambre ? nous coupe Cycy qui porte désormais un soutien-gorge. Je t’appelle, chuchote-t-il en ignorant l’intruse. Hé ! Ne pars pas ! le hèle-t-elle tandis qu’il quitte

l’appartement. Bravo, Myli ! Tu as tout gâché, on aurait pu s’amuser tous les trois, mais peut-être que tu préfères qu’on reste en tête à tête… dit-elle aguicheuse en s’approchant de moi telle une tigresse. Je m’éloigne et fais les cent pas, tentant de retrouver un peu de calme. Ne sois pas nerveuse, tu ne le regretteras pas, insiste-t-elle. Putain, mais tu te fous de ma gueule, Cycy ? Je ne veux pas coucher avec toi ! Tu vas te mettre ça dans le crâne une bonne fois pour toutes ! Tu te prends pour qui ? Et Kévin ? Tu ne pouvais pas trouver quelqu’un d’autre ? C’est quoi ce bazar ? l'interrogé-je, en désignant la

drogue qui trône sur ma table basse en criant. « Je croyais tu avais arrêté toutes ces conneries ? » Pour toute réponse elle éclate de rire. Jeez ! Donnez-moi la force de ne pas la tuer sur le champ ! Je fonce dans sa chambre, attrape un sac et fourre des vêtements à l’intérieur. Hé ! Qu’est-ce que tu fais ? demandet-elle en m’attrapant les poignets. Lâche-moi, râlé-je, en me reculant brusquement. « Je crois que tu devrais retourner à Santa Monica quelque temps. Ce soir ! » dis-je d’un ton sans appel. Je n’ai pas envie de retourner làbas… se plaint-elle comme une gamine faisant un caprice. Eh bien, dans ce cas trouve-toi un endroit ou dormir, lancé-je, en lui mettant son sac dans les bras. Tu me fous dehors ? demande-t-elle incrédule. Oui. Tu as tout compris ! Tu ne peux pas faire ça…

Bien sûr que je peux, tu es chez moi, ici ! Et on ne pas dire que tu sois très assidue concernant le paiement des loyers ! J’ai l’impression d’être une vraie garce de lui claquer cette décision à la tête. C’est mon père qui paie pour cet appartement et il ne sait pas que Cycy ne me donne quasiment rien. C’est... c’était mon amie et ce n’était pas très grave, j’étais contente qu’elle vive avec moi, qu’elle mette de la joie de vivre dans mon quotidien. Mais elle a dépassé les bornes… Quant à moi, je suis vraiment trop en colère pour la voir se pavaner ici une minute de plus. Je vois… Elle attrape des habits tandis que je sors de la chambre, je ne veux pas assister à son départ. J’attrape la drogue sur la table basse et balance le tout dans les toilettes. J'ai le cœur brisé de voir notre amitié partir en fumée. Je tire la chasse d’eau. Cette image illustre parfaitement la situation et ma relation avec mon ex

meilleure amie complètement tarée. Je récupère mon iPhone et cours m’enfermer dans ma chambre. Je me jette sur le matelas et fixe le plafond. Tout ce que j’éprouve, c’est un profond dégoût. Quand j’entends la porte qui claque signe que Cycy a quitté les lieux, s’ensuit un silence assourdissant. J’enfonce alors la tête dans l’oreiller pour pleurer. Je me réveille aux alentours de vingtdeux heures, l’esprit embrumé. J’ai dû m’endormir, fatiguée par mes pleurs. Mon téléphone est blindé de SMS. * Ça va, Mylena ? Je suis désolé pour ton amie, j’aurais aimé passer la soirée avec toi. Appelle-moi je m’inquiète. M* Bah tiens ! Ce n’est pas comme s’il avait

disparu pendant trois semaines ! Je ne me suis pas inquiétée peut-être ! Je ne lui réponds pas. * Salut, Myli, ça te dirait de me rejoindre au studio ? J.* Mon cœur palpite. Jason… Malheureusement, je n’ai vraiment pas le cœur à ça. Bon sang, je dois vraiment être mal pour ne pas répondre à une telle proposition. * Je suis désolée. C.* Elle est bien bonne celle-là ! Je ne suis pas prête de lui accorder mon pardon cette fois… Je suis encore tellement en colère contre elle. Je me sens profondément triste et trahie. * Je me fais du souci, Mylena, envoiemoi un message, STP. M. * C’est vraiment l’hôpital qui se fout de la charité ! Quel culot ! Foutu rital ! * Tu as reçu mon message, Myli ? Je pense rester encore une heure au

label… J. * C’est trop mignon, je souris. Je ne croyais pas que ces quelques mots pouvaient me dérider dans une pareille situation. Ce message date d’il y a une heure et demie... Il doit probablement être rentré chez lui. Je décide de ne pas lui répondre maintenant. Je me lève et me dirige vers la douche. Cela me fera le plus grand bien, je mets les Love Hackers en fond pour me remonter un peu le moral. L’eau chaude ruissèle sur mon corps et me détend peu à peu, l’odeur du savon au jasmin embaume la pièce et crée une ambiance chaleureuse, la vapeur recouvre le miroir. Je sors à regret et m’enveloppe dans une serviette moelleuse quand la sonnette retentit et me fait sursauter. Qui cela peut-il être à cette heure ? Et surtout, comment cette personne est-elle entrée dans le bâtiment sans passer par l’interphone ? C’est peut-être Cycy… Je sors de la salle de bain et me dirige vers la porte que j’ouvre sans ménagement, énervée à

l’idée de tomber sur ma coloc’. Excoloc’, Myli ! Je reste comme deux ronds de flan, bouche bée ! Je resserre mes bras autour de la serviette prenant conscience de ma tenue qui n’en est pas une. Je suis à moitié nue et… Oh mon Dieu ! Je crois que je vais tomber dans les pommes. Il me regarde des pieds à la tête, manifestement ravi de la vue que je lui offre, il me sourit franchement tandis que le rouge me monte aux joues ! Fucking hell ! Ma peau se couvre de chair de poule. Jason ? balbutié-je, n’en croyant pas mes yeux. Shit ! Est-ce que je suis en train de rêver ? Ce n’est pas possible, ce n’est pas lui qui est devant ma porte alors que je suis quasi à poil ! Gosh ! Tu ne répondais pas, je me suis inquiété… explique-t-il, sûr de lui. Lui aussi ? Est-ce que je suis tellement mal que toute la terre est au courant ? J’ai apporté à manger, reprend-il en tendant un sac rempli de ce qui

semble être de la nourriture chinoise. Suis-je en plein rêve ? Je… merci… Il ne fallait pas t’inquiéter… bafouillé-je, toujours sous le choc. Il se rembrunit tout à coup. Je te dérange, peut-être ? Non, non ! Je… j’étais juste sous la douche, je ne faisais rien de particulier… expliqué-je, bredouillante. Son sourire lumineux refait surface pour mon plus grand plaisir. OK. Je peux entrer alors ? Je meurs de faim ! Heu… oui bien sûr ! Pardon, je t’en prie, je m’excuse, m’effaçant pour le laisser entrer. Waouh ! Respire, Mylena ! Je suis tellement… je ne sais

pas… impressionnée de le voir envahir mon espace personnel… C’est de la folie. La fille aux cornes de démon dans ma tête entame une danse de la victoire. Je reviens, je vais… me changer, disje en regardant mon corps presque nu. Je t’attends, répond-il affichant un beau sourire. Son regard pèse sur moi et m’embrase. Je sais très bien qu’il est en train de me reluquer. C’est troublant… Tu veux dire que c’est excitant, Myli ! Ne prends pas la grosse tête, ce n’est qu’un homme ! Un homme sexy, le plus beau que je n’ai jamais vu ! J’enfile un pantalon de yoga noir et large t-shirt sans manche rose fluo. Je sais, ce n’est pas terrible, mais je ne vais pas prendre le temps de m’habiller pendant qu’il attend avec son corps sur mon canapé. Je ne veux pas rater ça. J’attrape un élastique et attache mes longs cheveux bruns en un chignon approximatif qui fera l’affaire. De toute

façon, il vient de me voir à poil… Quand je le retrouve au salon, les plats sont déballés, deux bouteilles de bière ouvertes et il est assis confortablement. GOD ! Ça vaut tous les dîners aux chandelles. Il est tellement parfait ! Tu radotes, Myli ! Il lève les yeux sur moi, toujours aussi souriant, magnifique, j’en oublie jusqu'à mon prénom… On pourrait presque voir un filet de bave couler sur mon menton. Je n’aurais jamais cru qu’un jour la perfection incarnée serait assise dans mon salon. Je prends le temps de bien enregistrer la scène dans mon esprit. Jason tapote la place à côté de lui et je me décide enfin à le rejoindre. Tout va bien, respire Myli, c’est juste un repas. Un repas avec l’objet de tous mes fantasmes, rien que ça ! J’aime beaucoup la musique que tu écoutes, remarque-t-il en faisant allusion au son qui nous parvient de la salle de bain où j’ai laissé tourner ma station iPhone.

Jeez ! C’est la honte ! Il va savoir que je ne suis rien d’autre qu’une fan maintenant ! Il l’avait compris depuis bien longtemps, Mylena ! Quelle naïveté ! Je rougis malgré moi. Ce qui m’arrive beaucoup trop souvent quand il est dans les parages ! Il se trouve que j’aime beaucoup ce groupe. Il fait une moue appréciatrice. C’est une très bonne chose ! Tu marques des points ! lance-t-il. Allez, mangeons avant que tout ne refroidisse. Jason semble être un très bon remède contre la morosité qui m’étreignait il y a encore quelques minutes. Nous rigolons et discutons du nouveau morceau qu’il est en train de composer et qu’il a « hâte de me faire écouter ». Je suis ravie, à des kilomètres de Cycy et de son coup de poignard ! Je suis si bien en sa compagnie. La vie paraît tellement plus simple… c'en est presque effrayant. Tiens, dit-il en me tendant un

Fortune-Cookie. Il est tellement beau… Merde ! Il faut que je me trouve un psy ! Merci ! Vas-y, ouvre ! m’intime-t-il pressé de découvrir ma prédiction. J’ouvre le biscuit en deux et en extrais le petit bout de papier. Je le lis et prends tout mon temps, histoire de le faire poiroter un peu. Son expression d’impatience m’amuse beaucoup. Alors ? Il est inscrit : « On ne peut empêcher un cœur d’aimer. » Il m’offre un sourire des plus doux. Bon sang, la prédiction est vraie, je crois que j’aime cet homme… Je suis sûre d’avoir l’air d’une idiote complètement folle à le regarder avec les yeux de l’amour. Reprends-toi, Mylena ! Et toi ?

Il se plie au même rituel et déploie le papier sacré. « S’embrasser, c’est comme manger de la soupe avec une fourchette, on en a jamais assez » lit-il avec sérieux. Il lève les yeux sur moi et nous éclatons de rire en cœur comme deux enfants, heureux et insouciants. Une fois notre fou rire passé, Jason débarrasse les boîtes et les met à la poubelle. L’aisance avec laquelle il se déplace dans mon appart’, c’est un peu comme s’il était à sa place, chez lui… il se sent à l’aise. J’adore ! Il revient s’asseoir avec toute la grâce et la puissance qui le caractérisent et me regarde dans les yeux. Il est face à moi. Je suis hypnotisée, emprisonnée dans un monde que je ne veux pas quitter. Le temps s’arrête, on entendrait une mouche voler. Ce silence est si fort qu’il me serre les entrailles, mais il n’est en rien perturbant. Il fronce les sourcils et me caresse la joue.

Tes yeux sont gonflés, Myli. Tu as pleuré ? me demande-t-il concerné. Shit ! Pourquoi ? Cette réflexion me met les larmes aux yeux, car toute cette histoire me revient en pleine face, la colère qu’elle suscite s’empare de moi à nouveau. Je secoue la tête de droite à gauche en repoussant mes larmes de toutes mes forces. Myli… Parle-moi, insiste-t-il gentiment en prenant ma main dans la sienne. Son contact me fait frissonner. Ce n’est pas important, Jason… essayé-je d’éluder. Ça doit l’être puisque cela te rend triste. Je ne suis pas vraiment triste… c’est plus de la colère en vérité. Qui est la personne qui te met dans cet état ? m’interroge-t-il avec une pointe d’agacement. Alors je lui raconte tout, même les

passages intimes et gênants de mon histoire avec Cycy, en omettant néanmoins mon absence d’expérience sexuelle et l’existence de Matteo. C’est déroutant tellement c’est facile de lui révéler. Il m’écoute sans jamais sourciller, sans se moquer, sans me juger. Il attend que j’aie fini pour pouvoir prendre la parole. Voilà, tu sais tout de ma vie maintenant, je conclus en baissant les yeux vers mes jambes croisées en tailleur. Et bien ! Ta coloc’ est un sacré personnage ! Mais elle ne mérite pas ton amitié Myli, elle est clairement intéressée par ta beauté indéniable et pas assez par ta magnifique personne. Oh my God ! Est-ce que c’est ça le paradis ? Est-ce que je suis morte ?

Pincez-moi. Je… merci… mais je ne crois pas être comme tu me décris, je suis juste une fille ordinaire et… Bien sûr que si, affirme-t-il en relevant mon menton avec tendresse pour que nos regards se croisent. Il s’approche un peu plus de moi, replace une mèche de cheveux encore humide derrière mon oreille, fixe mes lèvres pendant une seconde et s’éloigne aussitôt. Je ne suis que guimauve. Mon corps se liquéfie. On regarde un film ? propose-t-il en désignant la télécommande. Bien sûr, répondé-je, en lui tendant l’objet un poil déçue que la situation n'ait pas dégénéré. Il zappe de chaîne en chaîne en posant ses pieds sur la table basse pour se mettre plus à l’aise. Quant à moi je ne sais pas quoi faire de moi, alors je ne bouge pas. Il allonge son bras sur le dossier. Plus qu’un geste, une invitation. Je rêverai de me blottir dans ses bras.

J’imagine sans mal son odeur qui m’enveloppe, son étreinte rassurante, les battements de son cœur… Ça te va, Myli ? m’apostrophe-t-il en agitant la main devant mon nez. Pardon ? demandé-je, en secouant la tête. Ça te dit de regarder « Field of dreams » ? Oui, bien sûr comme tu veux, bégayéje , toujours tétanisée. Il s’agit de la rediffusion d’un vieux film des années quatre-vingt-dix avec Kévin Cosner. Détends-toi, Myli, je ne vais pas te manger, se moque-t-il gentiment. J’opine du chef et m’assois face à la télé. Toujours aussi crispée… Soudain, je sens son bras autour de mes épaules qui me serre et me rapproche de lui, si bien que ma tête repose sur son torse chaud et musclé. Seigneur ! Détends-toi ! répète-t-il en déposant un baiser sur le sommet de mon crâne.

Je prends une grande inspiration et tente de l’écouter. Je ferme les yeux et je crois que je ne mets pas longtemps à m’endormir. Le lendemain matin, quand je me réveille, je suis dans mon lit, bien emmitouflée sous la couette. Ce n’était donc qu’un rêve ? Je me redresse et un petit mot tombe de ma main. Je t’ai mise au lit, petite marmotte. À ce soir ;) J. Bon sang ! Je fais des bonds sur mon lit en serrant le papier tout contre moi. Oh my God !!! Effrayée. Cette journée, qui n’a pas très bien débuté a été harassante. L’album des Love Hackers a bien avancé et nous avons commencé à travailler sur des maquettes en collaboration avec un célèbre photographe. J’ai vraiment hâte d’organiser une séance avec le groupe. Voir Jason poser devant l’objectif… Brice et Rick aussi bien sûr ! Il va s’en

dire. C’est ça, Myli ! Bon, c’est vrai, je n’ai d’yeux que pour le chanteur… Inutile de m’extasier devant sa beauté une fois de plus, je crois que tout le monde a compris… Nous nous sommes un peu plus rapprochés depuis mes confidences de la semaine dernière… Je ne saurais pas vraiment expliquer en quoi, mais c’est… différent. Il est plus attentionné avec moi, il me fait régulièrement des clins d’œil, des sourires à tomber, des petits signes de la main quand on se croise dans les couloirs du label. Ces attentions font s’emballer mon cœur à chaque fois. Je sais, c’est ridicule, mais que voulezvous, cette foutue machine ne veut pas m’écouter. Ma raison essaie de rester sensée, mais mon corps, mon cœur, n’entendent strictement rien. C’est un vrai combat, fatiguant, perturbant. Le problème c’est qu’il est toujours dans le coin, je l’aperçois toute la journée, le soir je passe des heures en sa compagnie à l’écouter jouer et chanter et quand je

rentre tard le soir, que je m’endors dans mon lit, seule, dans mon appartement vide, il hante mes rêves. Puis le lendemain, tout recommence. Il prend une telle place dans ma vie que même si je le voulais, je ne pourrais pas l’ignorer ou mieux encore, l’oublier. C’est impossible… À moins de changer de travail, mais c’est exclu, j’adore ce que je fais, pas seulement parce que je m’occupe des Love Hackers, mais surtout je le trouve excitant, enrichissant et que j’ai toujours voulu le faire. J’ai bossé dur pour en arriver là. Oui je sais, vous allez dire « elle est gonflée de dire ça, alors que son petit papa chéri n’y est pas pour rien », c’est vrai, il m’a donné un petit coup de pouce en me décrochant cet entretien, à la base… Mais si aujourd’hui, je suis presque l’égale de Kévin aux yeux de Dominic, je ne le dois qu’à moi-même. Ce crétin de Kévin… je le déteste plus que tout. Depuis que je l’ai surpris avec Cycy, je ne lui adresse plus la parole, ne lui

apporte plus son café et si je dois lui dire quelque chose, je lui envoie un mail aussi concis et impersonnel que possible, même s’il se trouve à deux mètres de moi. Il n’insiste pas, ne me taquine pas, je crois que cet imbécile a saisi que je suis en colère et j’ai vraiment raison de l’être. J’ose espérer qu’il est au moins assez intelligent pour le comprendre. Quant à Cycy, je n’avais aucune nouvelle, jusqu'à ce matin. Elle est passée avec un « ami » pour récupérer ses affaires que j’avais balancées en vrac dans des cartons. La revoir m’a fait mal au cœur, elle semblait… je ne sais pas… perdue, désolée. La crétine qui est en moi a éprouvé un soupçon de culpabilité, mais je l’ai ignoré. Or de question que la gentille Myli pardonne un truc pareil. Ce ne fut pas évident de prendre la décision

de la virer de l’appart’ pour de bon, mais je crois que c’est la meilleure chose à faire pour le moment. Il y a quelques années, je me suis déjà battue pour sortir Cycy de la drogue. Elle n’avait pas une consommation extravagante, juste assez pour qu’elle soit accro et qu’elle fasse du grand n’importe quoi. Elle m’avait alors promis, à l’époque, qu’elle ne recommencerait plus. Force est de constater que ce ne sont que des paroles en l’air. Je suis terriblement déçue de son attitude. Ma meilleure amie a toujours eu une âme complexe, elle se veut libre, mais elle est torturée, seule la peinture est un remède pour elle, une échappatoire. C’est pour cette raison

que je n’ai jamais trop insisté pour que Cycy se trouve un job afin de payer les factures, râlé quand elle mettait le salon sens dessus dessous, ni pesté quand elle ramenait une personne différente tous les soirs... Je voulais que mon amie s’accomplisse en tant qu’artiste en trouvant sa voie. Mais ces dernières semaines, le château de cartes semble s’être écroulé sans que j’en connaisse la raison. Cela ressemble à un véritable gâchis ! Je suis trop en colère pour réfléchir ou faire un amer constat, sans me laisser ensevelir par la palette d’émotions que cette situation suscite. Je ne suis pas capable de gérer tout cet imbroglio… C’est trop… Il y a déjà Jason qui m’émeut tant par sa présence, sa voix, sa musique, ses attentions… Alors si en plus, je dois me laisser atteindre par ma coloc’ timbrée, je vais finir dans un asile. Sans parler de Matteo… Je me suis mise dans de sales draps en lui disant que je pouvais sûrement l’aider à enregistrer et l'inciter

à envoyer sa maquette… Nous avons déjeuné ensemble plusieurs fois cette semaine, il a peut-être une bonne piste pour un boulot de serveur, mais son père s’impatiente… Il a réussi à lui faire croire que l’administration américaine avait rencontré des soucis avec son passeport et que part le fait, cela allait prendre plus de temps que prévu. Il y a bien un studio à Los Angeles qui est géré par Loading Records,

mais j’ai tellement peur de perdre ma place… Matteo a beaucoup de talent et je suis sûre qu’il peut réussir. Je tiens à ce qu’il fasse cette maquette avant qu’il ne se retrouve obligé de repartir en Italie, quitte à le payer de ma poche… Je devrais peut-être en parler à Dominic... Hé Myli, m’apostrophe une voix dans mon dos, qui me donne envie de vomir. Shit ! Qu’est-ce qu’il fait encore là, à cette heure ? Je me retourne et fronce les yeux en lui lançant un regard mauvais. C’est Mylena ! Je n’ai rien à te dire Kévin, dégage ! m'énervé-je, en essayant de me contenir tant bien que mal. Ce n’est pas vraiment une façon de parler, Myli ! insiste-t-il avec un sourire de prédateur. Je t'ai déjà demandé de ne pas m'appeler ainsi ! Tu n’es rien du tout, je n’ai plus à t’obéir !

C’est là que tu te trompes, me contredit-il en s’approchant dangereusement. Tu ne voudrais pas que Dominic apprenne que seul ton chanteur a le droit de t’appeler « Myli » et que tu passes des heures avec lui tous les soirs. Quel connard ! Il est maintenant tellement proche que je suis coincée entre son corps écœurant et mon bureau, n’ayant presque aucune échappatoire. Je tente de ne pas paniquer, car son regard est terrifiant. Tu ne voudrais pas que Dominic apprenne que tu consommes des substances illégales Kévin, rétorqué-je, sur le même ton. Maintenant, laisse-moi passer ! le sommé-je, d’une voix tremblante. Il attrape mon poignet et le serre avec vigueur, il me fait mal et je suis sûre que

je porterais les traces de ses doigts sur ma peau. Je commence à paniquer. Tu ne diras rien ! ordonne-t-il d’une voix ferme et féroce en serrant ma mâchoire de sa main libre, son corps plaqué contre le mien. Je frissonne de dégoût, la bile me monte à la gorge. Sa main descend ensuite sur ma poitrine, qu’il malaxe sans vergogne, avec brutalité. Les larmes me montent aux yeux. J’essaie de les retenir, je ne veux pas me montrer faible devant ce monstre. Arrête Kévin ! l'omploré-je, en haussant le ton. Sa bouche s’écrase soudain sur la mienne, je me débats, tente de le repousser de toutes mes forces, mais il est trop fort. Le bord du bureau me rentre dans le bas du dos et me fait mal. Je sens une larme rouler sur mon visage. Ma peur me submerge totalement. Ses mains sur moi me donnent envie de vomir. J’adore les petites vierges dans ton

genre, Myli. Ça m’excite tellement, affirme-t-il avec une voix rauque qui me donne la chair de poule. Il se presse un peu plus contre moi, me faisant sentir à quel point je « l’excite ». Mon Dieu, je crois que je vais vraiment vomir. Je ferme les yeux, je ne peux plus voir son regard obscène sur moi. Qu’estce qu’il va me faire ? Soudain, je ne sens plus rien, ses sales pattes ont quitté mon corps, qu’il s’apprêtait à souiller. J’ouvre les yeux juste à temps pour voir Jason lui mettre une droite tellement forte qu’il tombe à la renverse. Je couvre ma bouche, stupéfaite en m’effondrant sur le sol, à bout de force. Tu ferais mieux de te casser, avant que je ne recommence, crache Jason à l’attention de mon agresseur, qui a la lèvre en sang. Ce lâche se relève et part en insultant mon sauveur. Pris d’un haut-le-cœur, je me redresse précipitamment pour me diriger

vers les toilettes. Je m’agenouille juste à temps pour vomir tout ce que je peux. Mon corps est secoué de spasmes et de sanglots. Je perçois à peine la main qui attrape mes cheveux pendant que je régurgite de plus belle. Une fois que je n’ai plus rien à rendre, je cache mon visage dans mes bras et pleure tout mon saoul. Fallait-il que Jason voie ça ? J’ai honte. Il me caresse doucement le dos, attendant que je me calme. Au bout de plusieurs minutes, il s’accroupit à côté de moi. Tiens, Myli, chuchote-t-il en me tendant un verre d’eau. Je ne l’ai même pas entendu aller le chercher… Merci, murmuré-je, d’une voix inaudible.

Ma gorge me fait affreusement mal. J’avale le contenu sans me faire prier, l’horrible goût dans ma bouche disparaît un peu. Jason reprend le gobelet, le pose par terre et m’attire dans ses bras. Je me sens en sécurité, dans ce cocon doux et chaud, enveloppée de son odeur enchanteresse. Si le paradis existe, c’est à ça qu’il doit ressembler. Les larmes qui me submergent, une fois de plus, sont un mélange d’abattement et d’un bienêtre paradoxal. Nous restons ainsi un bon moment, le temps s’est arrêté. Sa main tendre dans mes cheveux me rassure et me fait frissonner de plaisir. Je me demande comment c’est possible après ce qu’il vient de se produire. Dieu sait ce qu’il aurait pu m’arriver si Jason n’était pas intervenu à temps. Je me demande s’il a entendu ce qu’a dit Kévin à propos de ma virginité. Heureusement que dans cette position, il ne me voit pas rougir de honte. Que doit-il penser de moi maintenant ? Que tu n’es qu’une pauvre gamine inintéressante et sans

expérience, Myli, sois lucide ! Tu n’as aucune chance avec un mec comme lui ! God ! Je suis mortifiée. Je m’excuse auprès de lui en lui promettant de le rejoindre au salon à l’étage. Je me dirige vers mon bureau, récupère ma brosse à dents dans mon petit nécessaire de toilette qui m'accompagne partout, on n'est jamais trop prudent. Une fille se doit de parer à toutes situations fortuites. Et puis comme je mange sur mon lieu de travail tous les jours, c’est pour moi naturel d’avoir mon matériel sous le coude. Dans les WC attenants, je me nettoie la bouche deux ou trois fois d’affilée. Une fois fini, je me dirige dans le salon Rock. Sans un mot je prends place sur le canapé où il m’attend déjà, sa guitare acoustique sous le bras. Je me sens maintenant complètement apaisée, rassurée par son sourire doux et rassérénant. Je plie mes jambes et les

entoure de mes bras, pose la tête sur mes genoux et l’écoute religieusement lorsqu’il entame son morceau. Il ferme les yeux, complètement immergé dans sa bulle, son visage reflétant tout un tas d’émotions qui me remuent les tripes. Je me laisse porter par les vibrations de l’instrument et quand sa voix s’élève, douce et rauque, presque sensuelle, je ne retiens plus mes larmes. Je ne peux m’en empêcher, sa musique me submerge un peu plus chaque fois. C’est tellement intime de le voir ainsi. Il ne pourrait pas se mettre plus à nu qu’il ne le fait maintenant. Il est différent sur scène, l’adrénaline qu’il doit ressentir quand il se produit devant le public ne lui permet pas de se livrer comme il le fait ce soir et tous les autres soirs, quand nous ne sommes que tous les deux. Je me sens la plus chanceuse fille du monde. Il n’existe rien de mieux sur cette terre que

ces instants magiques. Quand il s’arrête et se sépare de sa guitare, le regard qu’il pose sur moi est inquiet. Il s’approche au point que sa jambe repliée entre nous touche mes cuisses, me provoquant un frisson. L’air se raréfie lorsqu’il caresse ma joue du revers de sa main, ses yeux suivent ses mouvements. Ça va mieux ? me demande-t-il timidement en m’observant, soucieux. J’opine du chef, me sentant malgré tout confuse, un peu perdue dans ce flot d’émotions totalement contradictoires. Je suis encore secouée par ce que Kévin m’a fait subir, et en même temps la présence de Jason, ses attentions, ses caresses, le fait qu’il soit capable d’apaiser mes peurs, mes tensions aussi facilement me déconcerte, me trouble et me ravit. Il s’approche encore un peu plus et me serre une nouvelle fois dans ses bras, me forçant à changer de

position. Je suis presque sur ses genoux tandis qu’il me berce doucement. Après quelques minutes, il se détache légèrement de moi, pose sa main sur ma joue avec tendresse et me caresse avec son pouce, je lui souris maladroitement, intimidée. Je suis désolé, Myli. J’aurais dû donner une bonne leçon à ce crétin, lance-t-il en attrapant mon poignet où un beau bleu est apparu. « Regarde ce qu’il t’a fait » rajoutet-il en colère. Non… Il ne mérite pas que tu te salisses les mains pour lui. Il secoue la tête, ne partageant visiblement pas mon avis, mais n’ajoute rien de plus sur le sujet. Nous ne faisons que nous perdre dans le regard l’un de l’autre. Tu es magnifique… murmure-t-il en

observant mes lèvres avec attention. Seigneur ! Je me perds moi aussi dans la contemplation de sa bouche. Ses lèvres charnelles semblent si douces, c’est un appel au pêché. Je ferme les yeux pour enregistrer cette image dans ma tête. La perfection incarnée. Avant que je n’aie le temps de les ouvrir, je sens sa bouche tout contre la mienne. C’est chaud et suave. Mieux que ce que j’avais imaginé dans mes rêves les plus fous. Je reste hésitante l’espace d’une seconde, mais je ne me fais pas prier pour lui rendre son baiser. Lorsqu’il s’éloigne, je ressens un vide abyssal douloureux. Heureusement que je me suis brossée les dents ! Je… pardon… Je ne… Ce n’est rien, Jason, dis-je calmement. Je ne veux pas que tu croies que je

profite de la situation… Ce n’est pas ce que je pense, tenté-je de le rassurer. Il hoche la tête, et se relève brusquement en se frottant la nuque, tendu. Je ne sais pas quoi penser… Est-ce qu’il regrette ? Cette idée fendille mon cœur fragile. J’ai faim ! Je nous commande un truc ? demande-t-il, nerveux. Si tu veux, répondé-je, en haussant les épaules. Super ! dit-il en disparaissant de la pièce. Jeez ! Que vient-il de se passer ? Je suis tellement perplexe. Pourquoi réagit-il ainsi ? Comment suis-je censée le prendre ? Pas bien, Myli ! Il est évident qu’il regrette, ne te fais pas d’illusion ! J’essuie une larme qui roule sur ma joue et tente de me ressaisir. Il revient une bonne vingtaine de minutes plus tard avec un carton de pizza à la main. Il s’installe, me tend une part et nous mangeons dans un silence qui pour une fois, est gênant. Je touche à peine à cette

nourriture qui ne me dit absolument rien. Je suis trop nouée, perturbée pour avaler quoi que soit. Tu n’as quasiment rien mangé, remarque-t-il. Je n’ai pas très faim, désolée… Il hoche la tête et se lève pour débarrasser et ranger la salle. Je suis de plus en plus déroutée par cette situation. Je ne sais pas quoi dire ni quoi faire. Je vais te ramener, décide-t-il en tirant les clés de son pick-up de la poche arrière de son jean. Tu n’es pas obligé… Bien sûr que si, je refuse que tu rentres chez toi toute seule après ce qu’il vient de se passer. Je ne veux pas te déranger, Jason, ma voiture est ici, je ne crains rien. Ne t’en fais pas pour ta voiture, je te ramène, c’est sans appel, affirme-til en m’attrapant par la main. Je n’ai pas la force de protester, je le suis donc sans dire un mot, nous discutons comme si de rien n’était sur le

trajet qui nous amène à mon appartement. Il se gare devant le bâtiment et descend pour m’ouvrir la portière. Il referme la voiture et la verrouille, je le regarde en fronçant les sourcils. Je t’accompagne ! Tu n’as pas à faire ça... Mais j’y tiens, répond-il en souriant. Comme tu veux… J’attrape mes clés et nous montons en silence. J’ouvre la porte et le heurte de plein fouet en me retournant pour lui dire au revoir. Il a visiblement décidé de rentrer… Ma respiration s’accélère tandis que son bras s’enroule autour de moi pour m’empêcher de tomber. Tu ne vois pas d’inconvénients à ce que je reste un peu ? demande-t-il, amusé.

Bloody hell ! J’avoue que pour le coup il est un peu dur à suivre. Le Jason nerveux de tout à l’heure semble n’avoir jamais existé. Je secoue la tête de gauche à droite, incapable de parler, trop troublée par son torse collé contre ma poitrine. Oh My God ! Je prends sur moi et me détache de lui, j’entre dans mon appart’, enlève ma veste puis mes chaussures et me dirige vers la cuisine. Tu veux quelque chose ? Tu as une bière ? Oui, assieds-toi, j’arrive. J’attrape deux boissons dans le frigo et le rejoins sur le canapé en lui tendant la bouteille. Merci. Il saisit la télécommande, allume la télé, s’arrête sur un vieux film puis il m’attire dans ses bras, comme la dernière fois. Je me laisse faire, me posant un millier de questions. Je n’y

comprends strictement rien. Son attitude aussi agréable soit-elle, me décontenance. Et ce baiser ? Doit-on faire comme si rien ne s’était produit ? Il caresse doucement mes cheveux et je m’endors ainsi. Des coups violents résonnent à ma porte qui ne met pas longtemps à être défoncée. Sa voix me donne la nausée, il s’approche avec rage et me coince entre le mur et son corps répugnant. Je tente de le repousser, en vain. Sa force me cloue sur place tandis que ses mains se pressent sous mon chemisier. Son érection me fait frissonner d’horreur. Je n’ai aucun doute sur ses intentions. Il tire sur mes cheveux, chuchote des horreurs qui me font frémir, sa langue lèche mon cou, je vais vomir. Une fille est à quelques mètres et nous observe en rigolant, ce regard

lubrique, je le reconnais : Cycy. « Laisse-m’en un peu, Kév’ » raille-telle avant de tirer sur son joint. Seigneur, faites que tout cela s’arrête. Je crie, me débats, quand une voix rauque et rassurante, m’appelle. Myli, Myli ! Réveille-toi ! dit-il, passant sa main dans mes cheveux. Je cligne des yeux frénétiquement et me rends compte que je suis dans mon lit en sueur et en larmes. Et surtout, qu’est-ce que Jason fait encore chez moi ? Jason ? murmuré-je, désorientée. Tu as fait un cauchemar, explique-t-il calmement, sans cesser de me caresser. Je… je suis désolée, mais que fais-tu ici ? demandé-je, perplexe. J’étais inquiet, j’ai préféré rester. Et j’ai bien fait, je crois. Tu dois être fatigué, tu devrais rentrer chez toi, je vais bien… Permets-moi d’en douter, ma belle. Je reste ! affirme-t-il. « Tu veux en parler ? »

Ma belle ? Non… Est-ce que c’est toi qui m’as mise au lit ? Il opine en souriant fièrement. Mon dieu, c’est tellement gênant, disje en me cachant le visage dans la couette, m’apercevant que je ne porte qu’une culotte et un t-shirt. God ! C’est lui qui m’a déshabillée ? Kill me now ! Il n’y a vraiment pas de quoi, Myli. Je n’ai fait que prendre soin de toi, explique-t-il en riant. En m’ôtant mes vêtements ? Pourquoi tu rigoles ? m'interrogé-je, en souriant de le voir ainsi détendu. C’est tellement mignon de te voir rougir, j’adore ! raille-t-il. J’attrape un coussin et lui assène un coup sur la tête ! Hé ! proteste-t-il, amusé. C’est très moche de se moquer, Jason ! lui fais-je remarquer. Je n’oserais pas, voyons ! Je lève les yeux au ciel. Ce mec est

parfait ! C’est très impoli de lever les yeux au ciel, Mylena ! me reprend-il. Mylena… C’est tellement sexy dans sa bouche, je pourrais l’écouter prononcer mon prénom pendant des heures. Il fait très chaud ici, tout à coup. Pousse-toi, ordonne-t-il en me poussant afin que je me décale dans le lit. Tu fais quoi ? demandé-je, méfiante. Je m’occupe de toi, explique-t-il en ayant repris tout son sérieux. Mon cœur bat tellement vite que j’ai l’impression de faire une crise cardiaque. Son regard est brûlant. Il enlève ses chaussures et commence à s’allonger au-dessus des couvertures

alors que je suis assise et que je l’observe, circonspecte. Je dois sûrement être en train de rêver. Il tend un bras sur mon oreiller et replie l’autre sous sa tête complètement décontracté. Comment fait-il ça ? Allez, allonge-toi ! insiste-t-il, espiègle. Je m’exécute, sans rien dire, j’en serais bien incapable, je suis un peu sous le choc. Jason Maden dans mon lit, c’est juste irréel ! Il pivote sur le côté en posant son bras sur mon ventre, m’obligeant à en faire autant. Nous sommes pour ainsi dire dans la position de la cuillère. Voilà qui est mieux. Dors, ma belle, je suis là, chuchote-t-il au creux de mon oreille.

Ma belle… My Fucking God ! C’est… je n’ai pas de mot… Tout ce que je sais c’est que j’aimerais bien que la couette qui fait barrage entre nos corps disparaisse. Je bous, je suis en feu, mais je n’ose pas bouger. Quelques minutes plus tard, la respiration de Jason devient calme et régulière. Il dort. Quelle chance ! Je ne suis pas sûre de retrouver le sommeil tout de suite… Je suis trop excitée pour ça. Vers cinq heures du matin, je parviens enfin à succomber à la fatigue. Frustration. Aujourd’hui, une nouvelle semaine commence. Me rendre au travail signifie devoir affronter Kévin. Je redoute cet instant. J’ai eu un agréable week-end en dépit de ce qu’il s’est passé vendredi soir. Jason est resté une bonne partie du samedi avec moi. Nous nous sommes levés tard, en réalité il n’était plus dans mon lit quand je me suis réveillée. Des bruits me parvenaient depuis la cuisine. Je me suis habillée décemment, et l’ai

retrouvé en train de préparer un petit déjeuner royal qui sentait délicieusement bon. Ces instants étaient plus qu’agréables passés à discuter, plaisanter comme des amis de longue date… Néanmoins je m’interroge sur notre baiser, sur ces regards intenses qui nous projettent hors du temps. Je me fais sûrement des idées car je ne vois pas ce qu’il pourrait me trouver… En milieu d’après-midi, nous avons récupéré ma voiture sur le parking du label et je n’ai plus eu de ses nouvelles. Nos « au revoir » étaient tendus pour une raison que j’ignore, mais il m’a promis que nous nous reverrions lundi soir, comme à l’accoutumée. Hier, Matteo m’a informée qu’il avait

décroché un job de serveur dans un petit resto sans prétention de L.A. Je suis ravie pour lui. Il a ensuite voulu que nous allions fêter cette embauche, mais j’ai décliné… Je ne sais pas trop comment me comporter avec lui. J’ai l’impression de courir deux lièvres à la fois. Jason et son baiser, ses regards, ses compliments, ses attentions et Matteo qui aimerait que nous ayons une relation… Je ne sais pas si je devrais me lancer avec lui. Et s’il repartait en Italie ? Que ferait-il de moi ? Est-ce bien judicieux ? Est-ce que c’est ce que je veux ? Se passera-t-il quelque chose avec Jason ? Tu rêves, Myli ! Ça n’arrivera pas ! Peu importe… Ces questions qui tourbillonnent dans ma tête, me rendent chèvre. Pour l’heure, il faut que je me prépare ma journée de boulot. Après une bonne douche, j’enfile une robe pull à motif jacquard, large et courte, de couleur bordeaux avec une paire de collants fins noirs, des bottines et le tour et joué. Le

fond de l’air s’est rafraîchi ces derniers temps et je suis du genre frileux. Le trafic est fluide en ce lundi matin, j’aimerai être coincée dans les embouteillages pour repousser le moment où je croiserai la route de mon agresseur. Heureusement, la première personne que je croise en arrivant est Dominic. Je me sens un peu rassurée. Bonjour, Mylena, tu tombes bien ! Suis-moi ! lance-t-il en me faisant une bise sur les deux joues. Bonjour Dom, répondé-je, avant de l'accompagner dans son bureau. Je regarde tout autour de moi, aucune trace de Kévin…Dom pousse la porte de son bureau et m’invite à m’asseoir. Je n’aime pas beaucoup cette situation…

Kévin va être absent quelques temps, il va donc falloir que tu assures pour deux, commence-t-il d’un air renfrogné. Est-ce que tu te sens prête à assumer la surcharge de travail ? me demande-t-il avec un brin de colère dans le regard. Je ne peux m’empêcher de pousser un soupir de soulagement. Mais pourquoi semble-t-il si agacé ? J’imagine que son absence ne l’enchante pas. Oui, je pense pouvoir y arriver, affirmé-je, en lui offrant un sourire rassurant. Très bien, j’ai confiance en toi, Mylena, alors ne me déçois pas. Je dois m’absenter pour la journée, mais je reste joignable si tu as le moindre souci. Je dois m’occuper de ma fille… explique-t-il. D’accord. Comment va-t-elle ? oséje, prudemment. Elle a décidé de garder le bébé… raconte-t-il alors qu’il a l’air de porter toute la misère du monde sur

ses épaules. Oh… Oui, ça ne va pas être facile, mais nous sommes ses parents et nous devons être là pour elle, quoi qu’elle décide. Alors c’est ce que nous faisons. Je comprends, je suis sûre que vous êtes un très bon père Dom. Lana a beaucoup de chance de vous avoir, essayé-je de le réconforter. Merci. Mais assez parlé de ma fille. Je te laisse le navire pour la journée. Est-ce que tu as des questions ? m’interroge-t-il en commençant à ranger son ordinateur. Et bien… j’aurais aimé savoir s’il était possible pour moi d’utiliser le studio de Bunker Hill ? Bien sûr, qu’est-ce que tu veux y faire ? J’ai repéré un artiste et… je pensais… enfin… Il est vraiment talentueux et j’aimerais l’aider… balbutié-je, timidement.

C’est très bien, Mylena ! Je suis ravi de cette initiative. Le studio n’est pas utilisé le lundi, tu peux t’en servir ce soir si tu le souhaites. C’est vrai ? Évidemment ! Comme je te l’ai dit, je te fais confiance. J’ai hâte d’entendre cet artiste, affirme-t-il. Merci beaucoup, Dom ! le remerciéje, enthousiaste. Je dois y aller, n’hésite pas si tu as besoin. Puis il quitte le bureau. Je n’en reviens pas, je suis tellement contente pour Matteo. Je lui envoie un message pour le prévenir. *Salut, Matteo, tu es dispo ce soir pour enregistrer une maquette ?* *OUI ! :D Comment as-tu fait ? * *Super, retrouve-moi au 339 S Hope Street à Bunker Hill pour 20h, je

t’expliquerai. ;)* Je ne suis pas ravie de dévoiler mon métier à Matteo, je ne sais pas pourquoi je suis si méfiante à son égard, il n’y a sans doute aucune raison… En tout cas, j’ai vraiment hâte de l’entendre chanter, je suis sûre qu’il sera génial ! Enfin… Pas comme Jason, mais il a du talent. Jason… Il va falloir que j’annule pour ce soir. La déception s’empare de moi. Je me suis habituée à passer toutes mes soirées en sa compagnie, c’est devenu une sorte de rituel, une tradition. Ma vie est rythmée par la fréquence de nos rencontres. Jeez ! Tu es accro ma pauvre Myli ! Fais-toi soigner ! Ce n’est qu’une journée, ce n’est pas grandchose, je devrais pouvoir survivre. C’est pour la bonne cause qui plus est. Si Matteo réussit, ce sera un peu grâce à moi… Bah tiens ! Ça va les chevilles ? *J’ai un empêchement, je ne pourrais pas te rejoindre ce soir. Je suis désolée. M.* *OK. J.*

Cette simple réponse me met le moral à zéro. Est-il vexé ? Probablement… Je suis déchirée entre mon désir de passer du temps avec lui et mon envie d’aider Matteo à réaliser son rêve. Ce n’est que pour une soirée, je ne devrais pas me mettre dans un tel état ! Heureusement, j’ai une tonne de boulot qui m’attend. À dix-neuf heures trente, je quitte le label pour rejoindre Matteo. Je suis épuisée et déçue de ne pas avoir rencontré Jason de la journée. Est-il fâché au point de ne pas être venu ? Je crois qu’il était pourtant bien là, Rick et Brice ont passé une bonne partie de l’après-midi à composer et à jouer pour le plaisir. Mais pas de Jason… S’est-il caché pour m’éviter ? Devant les portes automatiques, Brice et Rick, justement, sont en grande discussion, je passe l’air de rien au ralenti, cherchant mes clés dans mon sac en prenant plus de temps que nécessaire. Jase était bizarre aujourd’hui, non ? demande le bassiste à Rick.

Ouais, il était de mauvaise humeur ! répond le batteur. C’est peut-être à cause de Brianna. Entendre ce prénom me donne la nausée, je ne devrais pas écouter cette conversation… Je n’en sais rien, il avait l’air soulagé quand ils ont rompu et c’est tant mieux si tu veux mon avis, cette fille est une garce ! Tu m’étonnes que c’est une garce ! C’est même la pire ! Je suis d’accord, acquiesce Brice. « On devrait peut-être l’emmener boire un verre… » Consciente d’avoir dépassé le temps imparti pour que la situation ne paraisse pas bizarre, je me dirige vers le parking, perturbée par ce que je viens d’entendre. Jason est de mauvaise humeur… Est-ce de ma faute ? Je me sens coupable et j’aimerais être là pour lui. Tout ne tourne pas autour de toi, Mylena, il a probablement ses raisons, elles n’ont certainement rien à voir avec toi !

J’entre dans ma voiture et mets la musique à fond pour ne pas m’entendre réfléchir. Mon cerveau bouillonne, j’ai besoin de décompresser pour pouvoir être à cent pour cent avec Matteo. Quand j’arrive, il m’attend déjà devant le studio, dansant d’un pied sur l’autre, il semble stressé. J’arrive à sa hauteur et lui tapote sur l’épaule afin qu’il se retourne. Hé ! Mylena ! s’enthousiasme-t-il en me serrant dans ses bras. On dirait une pile électrique : nerveux, excité et impatient. Je suis vraiment contente de pouvoir lui offrir cette opportunité. Je lui rends son étreinte et l’invite à entrer. Ce n’est pas très grand, mais tout le matériel nécessaire est là et nous avons même un ingénieur du son à disposition. Heureusement, car je serais bien incapable de tenir ce rôle. Matteo ne semble pas à l’aise les premières minutes, mais au bout de quelques essais il commence à prendre confiance et à maîtriser les outils. Il a emmené sa

propre guitare et souhaite une bande acoustique. Je ne peux qu’être d’accord avec ce choix. Entendre un chanteur seul en compagnie de son instrument c’est tellement plus émouvant, plus fort. Je ne dis pas que je n’aime pas les enregistrements complets, c’est puissant et entraînant, mais parfois le message passe mieux en procédant de cette manière. Cela permet d’apprécier toute l’étendue du talent de l’artiste, sans fioriture. Quand on fait de l’acoustique, on ne peut pas mentir. Il faut vraiment avoir du courage, car le musicien se met à nu. Jason le fait si bien, je crois que je n’ai jamais rien vu de tel. Mais il n’est pas question de Jason ici… Avec moi, tout tourne toujours autour du chanteur que j’idolâtre depuis des années, parce qu’à mes yeux, il n’y a pas mieux que lui. Matteo commence par faire quelques reprises qu’il enregistre presque en une seule prise. Sa voix douce et rugueuse raisonne avec aisance. Le résultat risque d’être très prometteur. La dernière

chanson est une de ses compositions, elle est en italien. Je ne comprends pas grand-chose des paroles, mais je peux facilement imaginer qu’il s’agit d’une chanson d’amour. Elle est très belle et son accent méditerranéen ferait fondre n’importe quelle fille. Il réussit du premier coup et je l’applaudis. Il ne m’entend pas derrière la vitre de la pièce insonorisée, mais il me voit et ses yeux pétillent de fierté. Je suis sûre que Dom sera conquis. Le régisseur nous informe que le CD sera près d’ici quelques jours, nous le remercions et prenons congé. Matteo sort du studio tout excité et heureux. Son bonheur est communicatif. Merci, Mylena, c’était vraiment… je n’ai pas de mot. Je ne sais pas comment tu as fait, mais je ne te remercierais jamais assez ! débite-til exalté. Tu le mérites, Matteo. Tu es la meilleure, Mia Bella ! lancet-il en me serrant dans ses bras. « Je

t’invite ? » me demande-t-il en me regardant dans les yeux. L’atmosphère entre nous a subitement changé, nos visages sont proches l’un de l’autre et je suis quasiment sûre qu’il veut m’embrasser. Seulement, moi… je ne sais pas trop si c’est ce que je veux… Je suis désolée, Matteo, mais mon collègue est absent et j’ai énormément de travail… Il faut que j’y retourne… Et ça, c’est un énorme mensonge ! Quelle comédienne tu fais, Mylena, tu pourrais avoir l’oscar ! Enfin… C’est vrai que j’ai énormément de travail puisque Kévin est mystérieusement absent, mais… Je suis une horrible personne. Seulement, je n’ai pas envie de sortir avec Matteo et faire semblant. Je ne veux pas lui faire de mal et le stopper maintenant, alors qu’il est

encore tout euphorique serait mal venu. Il mérite de profiter de son bonheur à fond. Ce n’est pas le bon moment pour lui dire que je ne veux rien de plus que son amitié. Ce serait mesquin de ma part. Même si le laisser espérer n’est pas mieux. Oh… Je… je comprends, répond-il, déçu. Je me déteste ! Je suis vraiment désolée, Matteo… Ce n’est rien, je vais sortir avec quelques amis, nous pourrons nous voir bientôt ? demande-t-il, rempli d’espoir. Je… Oui, je t’appelle, d’accord ? OK. Il me caresse la joue et m’embrasse tendrement sur la bouche. Ce baiser à un goût amer : celui de mes mensonges, de mon incapacité à lui dire que je ne ressens pas la même chose que lui. Je ne suis qu’une lâche. Même si j’offre une belle opportunité à Matteo, je devrais être honnête avec lui. Seulement, je ne

peux pas, pas ce soir. Tchao, Mia Bella, chuchote-t-il en me déposant un bisou sur la joue. Je lui souris timidement, lui rends son baiser et m’en vais sans me retourner. J’ai envie de pleurer. Je ne vaux sans doute pas mieux que cette Brianna en fin de compte ! Non pas que j’avais la prétention de valoir mieux qu’elle. Il est plus de vingt-deux heures quand je rentre chez moi, complètement déprimée. Je devrais être contente pour Matteo, c’est génial ce qui lui arrive. Mais non, c’est tout le contraire, je suis dégoûtée de ne pas avoir vu Jason et j’ai honte de la façon dont je me suis comportée… J’enfile un short de sport et un débardeur, me vautre sur le canapé avec un pot de glace aux cookies et caramel. Le remède des filles en mal d’amour. Tu parles d’un mal d’amour, encore faudrait-il avoir un petit ami,

Mylena. J’en suis à la moitié du pot quand on sonne à ma porte. Je m’enveloppe dans mon plaid en moumoute et me dirige vers l’entrée pour ouvrir. Shit ! Jason. Puis-je entrer ? demande-t-il avec un sourire en coin. Comment résister ? Je m’efface pour le laisser entrer. Je t’en prie, dis-je d’une voix lasse en alliant le geste à la parole. Je claque la porte et retourne sur mon canapé. Quelque chose ne va pas Myli ? me demande-t-il en prenant place à côté de moi Jason attrape le pot de glace et porte une cuillère remplie à sa bouche. Il porte. Une cuillère. À sa bouche. La bave pourrait couler de la mienne tellement ce geste sensuel me met dans tous mes états. MY GOD ! Cette cuillère était dans ma bouche et maintenant, elle est dans la sienne. C’est un peu comme s’il m’embrassait… C’est déjà fait ça, Mylena ! C’est vrai et c’était…

exceptionnel. Gosh ! Je trouve cet instant incroyablement érotique ! Myli ? réitère-t-il en claquant des doigts devant mon visage pour me faire réagir. Je dois avoir l’air d’une ahurie, emmaillotée dans ma couverture, dans une tenue douteuse, à fixer ses lèvres en action comme une morte de faim. Son sourire entendu me fait rougir de honte. Fuck ! Cette journée est vraiment pourrie ! Jusqu'à quel point vais-je encore pouvoir me ridiculiser ? Pardon, tu disais ? je me reprends en secouant la tête. Quelque chose ne va pas ? réitère-til. Qu’est-ce qui te fait penser ça ? Il y a ici tout l’attirail de la fille déprimée : la glace, le film à l’eau de rose, la couverture… Super… Je ne me moque pas, Myli, je me fais du souci pour toi, c’est pour cette raison que je suis ici…

Tu n’aurais pas dû t’infliger un tel spectacle… Tu es magnifique, quoi que tu fasses. Ta tristesse a quelque chose à voir avec ce mec avec qui tu étais tout à l’heure ? m’interroge-t-il calmement. God ! Magnifique ? C’est quoi ce bordel ? Pardon ? Je t’ai vue avec un gars devant le studio de Bunker Hill… explique-til embarrassé. Est-ce que tu me suis ? demandé-je, en plissant les yeux, incrédule. Non, j’étais dans le coin, on est allé boire un verre avec Brice et Rick et je vous ai aperçus… Génial, vraiment, tout cela est parfait… Comment vais-je me sortir de ce pétrin ? Je voudrais disparaître. Je devrais penser à acheter la même couverture qu’Harry Potter, celle qui le rend

invisible lorsqu’il se cache en dessous. Oui, ce serait parfait. Je m’en servirais souvent ! Myli, parle-moi s’il te plaît… Je pousse un long soupir, puis un autre pour trouver du courage. Je t’écoute, que veux-tu savoir ? le questionné-je, en le regardant dans les yeux. Il se frotte le visage, se repositionne de façon à être face à moi et lance : Est-ce que c’est ton petit ami ? Vous aviez l’air… proche… tente-t-il avec une pointe d’agacement dans la voix. Si j’étais folle, je pourrais croire que cette remarque s'apparente à de la jalousie. Que puis-je répondre à ça ? Matteo est moi, on est… je ne sais pas, il ne s’est jamais rien passé entre nous, enfin, ça n’est jamais allé très loin, alors je ne crois pas qu’il ait le titre de « petit ami ». Non… Vous

sembliez très complices, pourtant… dit-il. Wow ! Ce n’est pas mon petit ami, Jason, il aurait pu l’être, mais ce n’est pas le cas… Bien, dit-il simplement l’air soulagé. Bien ? Oui. OK. What the hell ? Qu’est-ce qui ne va pas chez lui ? Il est tellement bizarre ce soir… Qu’est-ce qui se passe, Jason ? l'interrogé-je, inquiète. J’ai posé la question en premier ! s’exclame-t-il en souriant. Tu n’y as pas vraiment répondu ! Je ne sais pas… Dis-moi quel est le souci ! insiste-til, narquois. Je… c’est compliqué… Je crois que Matteo, le garçon avec qui j’étais,

désire plus qu’une simple amitié, et moi, ce n’est pas ce que je souhaite… C’est évident qu’il te veut ! lâche-t-il, sûr de lui. Jason ! le réprimandé-je. Je te dis ce que je pense ! rétorque-til en grimaçant. Ça ne m’aide pas beaucoup… Pardon, s’excuse-t-il en reprenant son sérieux. Peu importe… Je trouverais bien le courage de le lui dire… conclus-je en soupirant. Je peux le faire pour toi si tu veux, propose-t-il en souriant. Je lui donne une tape dans l’épaule, il est incorrigible. Je me sens néanmoins comme délestée d’un poids et largement plus enjouée qu’il y a une heure, flattée de susciter cette réaction chez lui. Tu es complètement dingue, ma pauvre ! J’ai l’impression de faire des bonds dans l’ascenseur émotionnel, passant du rire aux larmes et vice-versa. C’est épuisant.

À ton tour maintenant ! Jason se rembrunit et pousse un long soupir. Je ne sais plus trop où j’en suis en ce moment… Je voudrais quelque chose, mais je n’ose pas me donner les moyens de l’obtenir… C’est assez mystérieux ce que tu me dis là… Je sais… Tu devrais faire ce dont tu as envie, lui conseillé-je avec sincérité, sans avoir la moindre idée de quoi il s’agit. C’est vrai, Jason devrait avoir tout ce qu’il veut parce que c’est une bonne personne, qu’il a du talent et qu’il est magnifiquement parfait. Peu importe l’objet de sa quête, c’est sûr qu’il le mérite et plus encore. Son regard, rivé au mien, s’intensifie et une fois de plus le temps est comme

figé. J’ai l’impression qu’il tente d’établir une communication subliminale que je suis incapable de déchiffrer, trop troublée par le vert pur de ses yeux, ses cheveux soyeux que je rêve de toucher, la douceur de ses lèvres. Bon, on se le regarde ce film, demande-t-il rompant le lien mystique qui s’était établi. Bien sûr ! répondé-je, avec un enthousiasme feint. Pose ta tête ici, m’invite-t-il tapotant ses genoux. J’écarquille les yeux, surprise de cette proposition troublante. Allez ! ordonne-t-il en riant. Je m’exécute, qui suis-je pour refuser une telle proposition ? Je pose donc ma tête à l’endroit indiqué, m’allongeant ainsi sur la banquette. Il attrape ma

couverture et la positionne sur moi. Le silence reprend ses droits, seule la télé résonne. Je me tétanise lorsque sa main se pose sur ma hanche nue, sous la couverture, et que son pouce dessine des formes circulaires. Je réprime un frisson. C’est démentiel l’effet qu’il a sur moi avec des gestes aussi insignifiants. C’est tellement fort que j’ai presque du mal à le supporter. Aucune chance que je m’endorme cette fois ! Je suis en feu. J’ai envie de remercier le ciel quand le film se termine. Je suis tellement excitée que c’est douloureux. Pour la première fois, j’aimerais qu’il parte afin de courir sous une douche glacée. Ça va, Myli ? Je me redresse pour lui faire face. Sa main, maintenant immobile, est toujours

sur ma hanche. Oui, oui… affirmé-je, d’une voix un peu trop aigüe. Quelle crétine tu fais, Mylena ! Il rompt le contact qui me rendait folle et c’est encore pire, le contraste entre mon corps en feu et l’air ambiant est saisissant et me fait frissonner. Je me mets dans une position plus confortable, c’est à dire en rétablissant une distance de sécurité entre nous. C’est vital, si je veux éviter la crise cardiaque, je suis encore trop jeune pour ça… J’éprouve soudain le besoin de boire un verre. Tu veux une bière, ou du vin ? proposé-je, en bondissant du canapé. Le plaid glisse et dévoile mon ventre découvert. Jason semble surpris par cette soudaine suggestion, mais ne rate pas le spectacle. Gênée, je baisse mon tshirt avec empressement.

Pourquoi pas, va pour le vin, répondil en me lançant un regard lascif. Une réaction qui allume un peu plus le brasier qui me consume. Seigneur ! Super ! Je me dirige vers la cuisine avec détermination, cherchant les plus grandes coupes que je possède, vidant la moitié de la bouteille dans chacune. Je ne l’attends pas pour avaler une gorgée. La brûlure de l’alcool me calme un peu, mais ce n’est en rien suffisant. Je prends une grande inspiration et quand je me retourne, il est juste là devant moi, à moins d’un mètre. Nos regards se soudent l’un à l’autre. Je suis incapable de bouger. Ma peau se couvre de chair de poule tant ses yeux m’envoûtent. Il ne me touche même pas et pourtant je suis dans un état… Je parviens à sortir de ma transe pour lui tendre son verre avalant au passage une longue gorgée du mien.

Fucking hell ! (Putain de Merde.) S’il reste ici une minute de plus, je vais mourir ! Tu devrais rentrer chez toi, il est tard, parviens-je à articuler d’une voix sourde. Je déglutis avec difficulté alors qu’il pose son vin sur le comptoir et s’avance d’un pas vers moi. Oui, je devrais… chuchote-t-il en jouant avec une mèche de mes cheveux Mes yeux se ferment, son contact incendie ma peau déjà en feu. Je retiens un gémissement de plaisir. Mon corps n’est qu’un sale traître, je le déteste ! Quand je reprends à peu près mes esprits, il est encore plus proche, quelques centimètres nous séparent et il fixe mes lèvres avec avidité, lorsque son regard de braise croise le mien, il semble attendre que je lui donne le feu vert. Tout en moi lui crie de faire tout ce qu’il veut de ma personne. Il semble le comprendre

puisque ses lèvres s’écrasent sur les miennes avec ardeur et fougue. Ses mains accrochent mes hanches et m’attirent contre lui. Oh my fucking God ! Aucun doute sur le désir qu’il éprouve à cet instant. Il passe ses mains sous mes fesses et me soulève afin que je sois assise sur le plan de travail derrière moi. Il se glisse entre mes cuisses et m’embrasse avec plus de passion. Sa langue s’introduit dans ma bouche avec une forme d’urgence. Je réponds à ses douces caresses avec entrain, explorant moi aussi la douceur de sa langue, son goût sucré, un mélange de cookie et de Jason. La meilleure chose que je n’ai jamais savourée. Mes doigts remontent de ses bras musclés à ses cheveux. J’ai toujours rêvé de faire ce geste. Quand il rompt ce que je considère comme le meilleur baiser de toute ma vie, nous sommes tous deux à bout de souffle, haletants. Il pose sur

front contre le mien. Bon sang, Myli, tu me rends dingue, murmure-t-il entre deux respirations. J’ai du mal y croire ! Ses lèvres se posent à nouveau sur les miennes avec plus de tendresse, une fois, deux fois, trois fois… je ne compte plus et quand il descend vers ma mâchoire et mon cou, je ne suis plus capable de réfléchir. Tout ce que je veux c’est lui, tout entier. Je lui offrirai ma virginité sur un plateau d’argent sans aucune hésitation. Maintenant ! Sa langue chaude et humide lape mon lobe, le mordille. Je suis prise d’un violent frisson, les muscles de mes cuisses se contractent et se resserrent autour de sa taille avec force tandis que je réprime un gémissement. Il se redresse et m’observe, ma tête est posée

sur son épaule et mes yeux sont fermés. Je voudrais que ça ne s’arrête jamais. Jamais. Myli ? m’appelle-t-il en prenant mon visage en coupe. Mmm ? Tu vas bien ? demande-t-il avec un sourire satisfait sur le visage. J’opine du chef, complètement ivre de lui. Cet homme est un démon ! Je suis sûre d’avoir frôlé l’orgasme rien qu’en l’embrassant et son érection impressionnante n’arrange pas les choses. Il faudrait qu’il s’en aille sur le champ avant que je me conduise comme une nymphomane en manque. Je cligne des yeux plusieurs fois, essayant de reprendre mes esprits. Je

crois… tu devrais rentrer, balbutié-je, n’en pensant pas un mot. Je ne le libère pas de mon étreinte. En réalité je voudrais rester là pour toujours. OK… répond-il sans bouger pour autant. Il ne semble pas décidé à partir lui non plus. Nous sommes essoufflés tous les deux. Cette fois, c’est moi qui l’embrasse langoureusement. Un baiser qu’il me rend avec ferveur. Comment vais-je me sortir de cette situation ? À bout de souffle, je m’écarte à regret, les yeux grands ouverts, le suppliant de partir avant que la situation nous échappe. La frustration que je lis dans ses yeux est la même que la mienne. Elle est douloureuse, si douloureuse que les larmes me menacent. Je prends une grande goulée d’air et pose mes mains encore entortillées dans ses cheveux sur

son torse. Grossière erreur. Je voudrais tellement que sa chemise disparaisse sur le champ, que je puisse admirer à loisir ce buste d’apollon. Comment fait-il pour être si musclé ? D’un geste de la tête, il m’indique qu’il comprend. Il m’embrasse chastement et disparaît. Il n’est plus là. Je descends du plan de travail, me dirige dans la salle de bain, allume l’eau froide, et me laisse glisser sur le sol, toute habillée, laissant libre court à mes larmes. J’ai si mal que ça devient physique, je tremble comme une feuille. Je ne peux pas sortir avec Jason. Ce n’est pas correct vis-à-vis de notre relation professionnelle. Nous dépassons déjà largement les limites en nous voyant tous les soirs, jouant aux bons vieux amis. Jeez ! Cette journée est vraiment pourrie.

Perdue. Mon stress arrive à son paroxysme. La séance photos des Love Hackers est prévue dans deux heures. Je n’ai pas dormi de la nuit. Kévin n’est toujours pas réapparu. Tant mieux ! Cela dit, je commence à trouver sa disparition subite, étrange. Déjà presque deux semaines qu’il m’a… agressée et je fais toujours des cauchemars. Le bon côté, c’est que cette nuit, je n’en ai pas eus puisque je n’ai pas fermé l’œil. Je suis épuisée entre la double charge de travail, l'angoisse qu'elle engendre et mes pensées, sans cesse orientées sur Jason. Il me hante. Nous ne nous parlons plus beaucoup depuis que nous avons… enfin depuis que la situation nous a dépassés. Il semble osciller entre la tristesse et la colère et ses acolytes se posent beaucoup de questions à son sujet. Jason n’est pas homme à se confier. Il me semblait pourtant qu’il était plus ouvert avec ses amis… Nous

avons organisé quelques interviews maintenant que toutes les chansons sont enregistrées, et le comportement de Jason devant la presse laisse à désirer. Dans leur groupe, c’est Brice qui s’occupe de la comm. Jason n’aime pas s’exprimer outre mesure quand il ne se sent pas en confiance. Son truc à lui c’est d’être sur scène, de chanter, de composer et d’écrire. Tout ce qui vient se greffer autour ne l’enchante guère. Mais là, il est carrément absent, faisant répéter les questions à plusieurs reprises à tel point que Brice et Rick répondent souvent à sa place. Dominic, heureusement ne lui en tient pas rigueur, son talent supérieur l’excuse amplement. Le voir ainsi me fait souffrir et je pleure quasiment tous les soirs en rentrant seule dans mon appartement désert, me remémorant nos bons moments autour de sa guitare au label, à l’écouter des heures durant sans jamais me lasser.

Puis ensuite, me reviennent ces images sulfureuses. C’était il y a dix jours… J’y pense sans cesse depuis. Me concentrer me demande beaucoup d’énergie. Choisir les tenues des garçons en compagnie de la styliste attitrée de Loading Record s n’a fait qu’accentuer cette frustration lancinante. Il sera parfait, j’en suis certaine. Comment pourrait-il en être autrement ? Dire que je vais assister aux essayages… C’est un vrai calvaire qui s’annonce. La salle de réunion du premier étage a été aménagée et transformée pour l’occasion. La fourmilière grouille déjà de monteurs, maquilleurs, stylistes, assistants, ingénieurs… qui me donnent le tournis. Le groupe n’est pas encore arrivé, mais il ne saurait tarder… Tout est fin prêt, Mylena ? me demande Dominic en posant sa main sur mon épaule.

Oui, bien sûr Dom, le rassuré-je, faussement enthousiaste. Voilà encore une chose qui me fatigue : faire semblant d’aller bien. Je suis vraiment cinglée de me rendre malade à ce point, idiote de succomber à mon fantasme, alors qu’il est inaccessible voire même interdit. Il ne faut jamais mélanger travail et vie privée. J’ai commis cette erreur le jour où j’ai accepté de rejoindre Jason pour l’écouter jouer tous les soirs tombant jour après jour un peu plus sous son charme, telle une débutante complètement naïve. Si Dominic était informé, il ne fait aucun doute qu’il me mettrait à la porte à coups de pied où je pense. Heureusement, il a été convaincu par le talent de Matteo. Il m’a félicitée d’avoir soutenu un artiste en qui je crois. Cela dit, il n’est pas vraiment intéressé par ce que Matteo à offrir. Ce n’est pas

dans la lignée de ce qu’il a l’habitude de produire. C’est donc avec Fair-play qu’il a envoyé la maquette à d’autres maisons de disques. En ce qui concerne ma relation avec mon ami Italien, j’ai fini par trouver le courage de lui dire que je ne me sentais pas prête pour vivre une histoire avec lui, ou avec qui que soit d’ailleurs. Peut-être que je ferais mieux de rester vieille fille et de m’acheter un chat. Il est déçu, je crois qu’il ne tardera pas à retourner en Italie, il semble compliqué pour lui de résister à la pression qu’exerce son père. Maintenant que sa maquette est entre les mains des maisons de disques du pays, il ne lui reste plus qu’à attendre. Il pourra ainsi prouver à son paternel qu’il a du talent quand il signera un contrat. Ce que je lui souhaite de toutes mes forces. Il le mérite. L’arrivée des Love Hackers dans les locaux de Loading Records ne passe plus inaperçue et l’agitation qui nous parvient depuis l’extérieur nous avertit

de leur présence. Il faut dire que Dominic est très fort pour rameuter les journalistes. Il sait à qui s’adresser pour augmenter la cote de popularité d’un groupe ; sa réputation le précède. Il est incroyablement doué pour faire monter les stars au créneau. J’ai beaucoup de chance de pouvoir apprendre à ses côtés. Seulement là, maintenant, tout ce que j’entends c’est mon cœur qui tambourine dans ma poitrine comme toujours quand IL est dans le coin. Tout le monde s’affaire pour les préparer, je décide donc de m’éclipser quelque temps, refusant de voir Jason touché par toutes ces filles, qui ne font que leur travail, mais qui m’énervent prodigieusement. Le voir dans ces tenues vraiment sexy que nous avons sélectionnées, c’est trop pour moi et mon petit cœur. Je traverse la rue pour me payer un café ultra corsé et

m’assieds quelques secondes. Je regarde les gens se mouvoir autour de moi, l’esprit vide. C’est une pause qui me fait du bien. Je cherche en moi le courage de passer ma journée à observer les Love Hackers poser devant l’objectif. Un peu avant dix heures, je retourne sur mon lieu de travail, les garçons sont prêts, mais je n’aperçois pas celui qui a le don de me mettre dans tous mes états. Ils vont passer chacun individuellement et ensuite, viendront les photos de groupe avec et sans leurs instruments, dans différents décors. Cela va vraiment nous prendre la journée. C’est Brice qui se prête en premier à l’exercice, il a l'air assez à l’aise. Au bout d’une heure et trois changements de tenues, nous passons à Rick, l’extravagant, le petit rigolo de la bande. Il est carrément détendu et s'amuse beaucoup. Son enthousiasme me décroche le premier sourire sincère depuis des jours. Jason est toujours absent, mais il me semble bien avoir entendu au détour d’un

couloir, une guitare jouer au loin. Je suis sûre que c’est lui. C'est de cette façon qu'il procède pour se détendre ou s'exprimer. Le photographe paraît satisfait des clichés de Rick assez rapidement et bientôt vient le tour du chanteur qui est aux abonnés absents. Dominic, agacé, se dirige vers moi. Myli, pourrais-tu me trouver Jason avant que le photographe ne pique une crise ? Il est assez susceptible, si tu vois ce que je veux dire. Il est midi passé, Dom, que dirais-tu de d'arrêter un peu pour se sustenter ? lui suggéré-je pour retarder l’échéance. Pour le coup, je me trouve brillante. Tu as raison, maintenant que tu le dis, je meurs de faim ! affirme-t-il, souriant. « Très bien tout le monde, c’est l’heure de la pause, soyez tous de retour pour quatorze heures

trente sans faute, sinon vous aurez affaire à moi. » crie-t-il à l’assemblée. Brice et Rick s’approchent de moi un grand sourire aux lèvres. Alors, Mylena, comment nous as-tu trouvés ? me demande Rick en bandant ses muscles me décrochant un rire. Parfait, vous avez été très bons, je vous félicite ! les gratifié-je, en applaudissant. Tu veux venir déjeuner avec nous ? Jase ne doit pas être bien loin… propose Brice en regardant autour de lui. Hors de question… Je te remercie, mais j’ai beaucoup de boulot qui m’attend, avec le clip qui se prépare, je n’ai pas une minute, décliné-je, avec un sourire contrit. OK. La prochaine fois alors ? Ouais, bien sûr,

acquiescé-je gentiment. Tu fais vraiment du bon travail, Mylena, merci, rajoute le bassiste en me faisant une bise sur la joue, se pliant en deux, du haut de ses presque deux mètres. Il est adorable. Ses compliments me réchauffent l’âme. Je me dirige vers mon bureau et me plonge dans la paperasse, si bien que je ne vois pas le temps passer. C’est quand j’entends la voix de Dom râler à l’étage que je comprends qu’il est déjà l’heure de reprendre la séance photos. J’attrape mon portable et me dirige vers la salle de shooting. Quand j’y pénètre, je sais tout de suite qu’il est là alors que je ne l’ai pas aperçu. Je pourrais sentir sa présence même si j’étais dépourvu de mes sens. Mon regard se porte immédiatement sur lui. Il est en train de se faire maquiller… Il porte un jean noir troué à des endroits stratégiques le mettant parfaitement en valeur, un t-shirt gris foncé ne laissant

aucune place à l’imagination quant à la musculature qui se trouve en dessous, et un gilet « garçon de café » comme il aime les porter. J’ai cependant mis mon veto pour le chapeau. Je ferme les yeux pour chasser l’image indécente qui me vient en tête, la sensation qui se rappelle à moi... Prends sur toi, Myli ! Ce n’est pas le moment. Quand je les rouvre après avoir pris une grande inspiration, son regard est fixé sur moi avec une intensité troublante. Jason me rend folle. On avait compris ! Les deux autres membres du groupe ne ratent rien du spectacle et je peux presque voir une ampoule briller au-dessus de leur tête quand leurs regards passent de moi à leur leader. Brice et Rick hochent la tête d’un air entendu. Shit ! Il ne manquait plus que ça ! Jason s’étant aperçu du manège, lui aussi, baisse les yeux. La connexion est rompue et son visage reflète une soudaine tristesse. J’ai envie de me sauver en courant. Il prend place devant l’objectif, crispé, je me fais toute

petite. Je ne veux pas le perturber. Il a beaucoup de mal à se mettre dans le bain et le photographe commence à s’énerver. Ce dernier propose une pause de cinq minutes durant lesquelles Brice et Rick tentent de dérider leur ami, ce qui semble porter ces fruits. Quand la séance reprend, Jason joue le jeu à la perfection. Je ne sais pas ce qu’ils se sont dit, mais ça marche on dirait. Si je pouvais, je ferais imprimer tous les clichés en poster géant pour recouvrir les murs de mon appartement afin qu’on ne voie rien d’autre que lui et ses yeux d’émeraude. T’aimes te faire du mal, Myli ? T’es maso ou quoi ? Deux heures de pure torture plus tard, à observer le plus bel homme qu’il m’ait été donné de rencontrer, vient l’heure des photos de groupe. Les garçons s'éclatent et font plaisir à voir, même Jason semble maintenant y prendre plaisir. La nuit commence à tomber quand tout est enfin bouclé. Les Love Hackers discutent avec Dom tandis que tout le monde

remballe le matériel. J’en profite pour rejoindre le photographe qui visionne les photos, je me place derrière lui et observe son travail. Vous avez fait du bon boulot, le félicité-je. Merci, dit-il d’un ton égal en me regardant de la tête aux pieds avec condescendance. Il se retourne et je lève les yeux au ciel. Bon sang, ces artistes sont vraiment pénibles parfois. Je reste quelques minutes à m’extasier sur la beauté de Jason. Je ne vois que lui sur les photos, lui, lui et encore lui… J’aperçois le groupe qui salue Dom en souriant, Brice et Rick partent de leur côté tandis que je sais très bien la destination que prend Jason. Comme à son habitude… Dominic et moi nous retrouvons dans son bureau pour débriefer sur la journée, puis je décide de rester encore un peu afin de finaliser quelques détails. Trois petits coups tapés à la porte me sortent de ma torpeur, il est tard. Je

passe la main dans mes cheveux pour les dégager de mon visage et me retourne pour trouver Jason dans l’encadrement de la porte, plus sexy que jamais. Gosh ! Le voir de si près me fait autant plaisir que souffrir. Tout est tellement plus intense avec lui… Je voudrais lui sauter dessus, l’embrasser à en perdre haleine et n’avoir rien à faire de l’éthique, d’envoyer promener Dom et mon boulot que j’adore. Pour lui… Je ferais tout... Je te dérange ? demande-t-il timidement. Je secoue la tête de droite à gauche. Bien sûr que non. Il m’a tellement manqué… Il s’approche avec cette démarche qui le caractérise, discrète et assurée, et prend place en face de moi. La pièce est plongée dans la pénombre, seul l’écran de l’ordinateur et une petite lampe de bureau nous éclairent. Il est

toujours aussi beau, même si je le préfère largement sans tout ce maquillage superficiel. Il faut qu’on parle, Myli… commence-t-il d’une voix faible et fatiguée. Qu’y a-t-il à dire, Jason ? Je ne peux plus vivre ainsi, continuer à faire comme s’il ne s’était rien passé… Je veux partager ces moments avec toi… Un poignard en plein cœur me ferait moins mal. Tu as Brice et Rick, ce sont tes amis, c’est avec eux que tu devrais partager tes compositions. Ça n’est pas pareil et tu le sais très

bien. Ils ne savent pas m’écouter comme toi tu le fais, ils ne me comprennent pas aussi bien que toi… Je ne peux pas Jason… Je voudrais juste que tout redevienne comme avant, lance-t-il en poussant un soupir. Tu me manques, Mylena, avoue-t-il avec une expression qui me déchire les tripes. La colère s’empare soudainement de moi, je me lève de ma chaise. Ne sois pas ridicule Jason, qu’est-ce que tu peux bien avoir à faire d’une fille comme moi ? Je n’ai rien à t’apporter et je travaille pour toi. Ce qui rend quoi que ce soit impossible, répondé-je, en faisant les cents pas. Je m’arrête devant la fenêtre, tente de me calmer en respirant tranquillement. Mon corps se paralyse quand je sens sa présence dans mon dos, ses mains qui se posent sur mes bras, sa bouche qui embrasse mon épaule. C’est tellement

bon… Je le laisse faire, juste un petit peu… Je le repousserai dès que j’estimerai qu’il va trop loin. Bien sûr, Myli, qui crois-tu convaincre ? Ma respiration devient saccadée, mon cœur tape si fort qu’une des mes côtes pourrait bien se casser, mais je ne bouge pas d’un millimètre, j’en suis incapable. Il tire un peu sur mon t-shirt au col ample et parsème mon épaule de tendres baisers. Je me félicite de mon choix de vêtements. Ses lèvres sont aussi douces que de la soie. Ses mains descendent doucement sur mes hanches puis ses bras viennent s’enrouler autour de mon ventre, son corps se retrouvant presque collé au mien. La trajectoire de ses lèvres prend la direction de mon cou. Je suis à deux doigts de perdre totalement le contrôle. Dans un élan de courage venu de nulle part, je me retourne et le repousse gentiment. Ne fais pas ça… Myli… supplie-t-il,

d’une voix désespérée. Ses mains sont toujours autour de mes hanches, son front collé contre le mien, son souffle chaud sur ma joue. Je rêve de l’embrasser… Je ne peux pas… C’est trop… Je ne peux pas gérer toutes ces émotions, c’est trop dur… Je n’y arrive pas… On doit penser à l’album… Je me fiche de l’album Myli. Tu ne peux pas refouler tes émotions juste parce qu’elles sont trop fortes... ditil en prenant mon visage entre ses mains me faisant relever la tête pour que nos regards se croisent. Il est si grand, si impressionnant. Une larme roule sur ma joue. Je fais tous les efforts du monde pour éviter de m’effondrer. Ne pleure pas, ma belle, chuchote-t-il en déposant un baiser sur chacune de mes

paupières avec une tendresse à couper le souffle. Si seulement je n’étais pas si lâche, si seulement je ne travaillais pas pour Loading Records… Je suis désolée, Jason, je ne peux pas. On bosse ensemble, c'est contre mes principes… tout est de ma faute, je suis désolée. Il secoue la tête en signe de désaccord, mais aussi de déception. Sans dire un mot, il sort une clé USB de sa poche et me la tend avant de quitter la pièce sans rien dire de plus. Je m’écroule sur ma chaise, enfouis ma tête dans mes bras et pleure tout mon saoul… encore… Je me réveille désorientée… Un rêve particulièrement troublant mêlant la peur, la frustration et le plaisir me plongent dans une profonde mélancolie. Mes yeux me picotent d’avoir tant pleuré hier soir. Je suis rentrée peu de temps après la visite de Jason dans mon bureau

puis me suis jetée dans mon lit pour m’endormir, épuisée d’avoir versé tant de larmes. Aujourd’hui, c’est Thanksgiving et mon père m’attend pour le déjeuner. Il prépare toujours un repas gargantuesque pour deux car mon frère Mike, vivant en France ne peut pas toujours revenir pour cette occasion. Il me manque. Malheureusement, la distance creuse un fossé dans nos relations, triste conclusion des rares moments passés ensemble. Je sais que papa souffre de cette séparation. Quant à Mike, il lui est difficile de remettre les pieds dans cette maison remplie de souvenirs de notre maman. Cela n’a pas été facile de grandir sans une mère à nos côtés. Mais, mon père est exceptionnel et a toujours été là pour moi. Je suis

heureuse de passer ma journée avec lui. Lui et mon frère sont les seules personnes qu’il me reste depuis que je me suis disputée avec Cycy. C’est d’une tristesse… Mon reflet dans le miroir me provoque un mouvement de recul, j’ai le teint pâle, mes paupières sont rouges et gonflés. C’est une catastrophe ! Je prends une douche, et applique une poche de glace sous mes yeux afin de faire disparaître les cernes qui me déforment le visage. Un remède de grand-mère chopé sur internet… C’est plus ou moins efficace. Disons que ça fera l’affaire. Je me maquille exagérément et enfile la robe vert sapin que mon père m’a offerte l’année dernière. J’espère vraiment que cette journée en sa compagnie me fera du bien. C’est un peu comme si j’allais me ressourcer. J’entre dans la maison de mon enfance sans frapper et retrouve mon paternel aux fourneaux. L’odeur délicieuse qui émane du four me met l’eau à la bouche

et me sens déjà plus sereine. Ah ! Voilà ma petite fille ! s’exclamet-il en tendant les bras. Je m’y jette littéralement et profite de ce câlin réconfortant. Je me sens en sécurité comme lorsque j’étais petite fille. J’aimerais tellement retrouver cette innocence, cette absence de « problèmes de grandes personnes ». Au bout de plusieurs secondes, il m’attrape par les épaules, m’examine, l’air inquiet. C’est mon père, je ne peux rien lui cacher. Quelque chose ne va pas ? me questionne-t-il en fronçant les sourcils. Maintenant que je suis là, tout va bien, répondé-je, avec un sourire forcé. Néanmoins, il hoche la tête et m’invite à lui donner un coup de main en cuisine. Je sais qu’il ne lâchera pas l’affaire pour autant. Il finira bien par me tirer les vers du nez ! Je n’ai aucun doute làdessus. Nous finissons le repas en milieu

d’après-midi, j’ai mangé pour au moins quinze jours ! Nous buvons un café au coin de la cheminée lorsqu’il décide de mettre les pieds dans le plat. Est-ce que tu veux me parler du garçon qui te met dans cet état ? m’interroge-t-il, curieux. Je pousse un long soupir. Je me doutais bien qu’il allait mettre le sujet sur le tapis. Qui te dit qu’il s’agit d’un garçon ? Une fille ? Je ne suis pas étroit d’esprit, tu peux tout me dire… Cycy a-t-elle réussi à te faire passer de l’autre côté de la barrière ? plaisante-t-il. S’il savait… Non ! répliqué-je, en rigolant. Mais, il faut que tu saches que Cycy ne vit plus avec moi… répondé-je plus sérieusement. Il écarquille les yeux, surpris. Elle a trouvé autre chose ? Eh bien… disons que nous avons eu un petit différend et je lui ai

demandé de partir, raconté-je, gênée. Que s’est-il passé ? demande-t-il, agacé. … Il s’agit de mon appartement Mylena, et tu es ma fille, n’ai-je pas le droit à une explication ? Y a t’il un lien avec ses problèmes de drogue ? Dans le mille ! Oui… Dans ce cas, je suis content qu’elle soit partie, dit-il froidement. Un silence glacial s’installe pendant quelques minutes. Nous fixons tous deux les flammes qui crépitent dans l’âtre. Je décide de faire volontairement l’impasse sur l’incident avec Kévin. Alors, reprend-il. Qui a brisé le cœur de ma petite fille ? insiste-t-il. Mince, je croyais qu’il allait se contenter de l’histoire avec Cycy et me

laisser tranquille… Personne ne m’a brisé le cœur, papa, ce n'est pas simple... Tout m’a l’air terriblement compliqué avec toi, ironise-t-il. Jeez ! Comment me sortir de là, c’est dérangeant, car Dominic est un ami de papa… Mon père est très à cheval sur les règles d’éthique. « Pas d’affect au boulot » a t’il l’habitude de dire ! Cela implique-t-il le groupe qui vient de signer un gros contrat avec Dom et dont tu es dingue ? Shit ! Bon sang, comment fais-tu ? m'étonné-je. Tu es mon bébé, je te connais, Myli. C’est flippant. N’essaie pas de changer de sujet, veux-tu. Allez, il est temps de déballer mon

sac… Tu ne diras rien à Dom ? m'assuré-je. Bien sûr que non ! s’offusque-t-il. Courage, Myli ! Jason, enfin, tu vois… Tu es amoureuse de lui ?! me coupet-il. Papa ! le réprimandé-je. Si tu commences ainsi, tu ne sauras rien du tout ! le manacé-je. Bien, bien, je t’écoute… abdique-t-il. On s’est rapproché, quelque temps après la signature. Il joue tellement bien. Il est si talentueux. Il m’invitait régulièrement à venir l’écouter le soir, lorsque tout le monde était parti… C’est devenu un rituel amical et rassurant… Je passais toutes mes soirées en sa compagnie… Je sens que je ne vais pas aimer la suite, m’interrompt-il une seconde fois. Je lui lance un regard mauvais et menaçant. Il abuse !

Pardon… continue ! De fil en aiguille, nous sommes devenus amis. On a commencé à se voir en dehors du travail... Son regard réprobateur me rend nerveuse. Quand les choses ont commencé à aller… plus loin, je me suis rendue compte de mon erreur, j’ai voulu mettre de la distance entre nous... Le silence se fait et il me dévisage un long moment avant de prendre la parole. Tu l’as dans la peau on dirait… C’est un doux euphémisme… Il est tellement gentil, prévenant, et bon sang, c’est Jason Maden ! Hier, il est venu me dire que je lui manquais… C’est tellement dur… Tu ne dois pas mélanger, travail et vie privée, Myli, me conseille-t-il. Bien sûr… Cela dit, ce garçon a l’air de vraiment t’apprécier. Qu’est-ce qui te fait dire ça ? demandé-je, incrédule. Je ne vois

pas comment un homme tel comme lui peut me trouver attirante… Il te respecte visiblement assez pour ne pas te mettre dans son lit et ton avis compte pour lui, il te fait partager sa musique. Pour un artiste c’est une grande marque de confiance. Il éprouve certainement plus de sentiments pour toi que tu le crois… Si seulement… L’écouter dans l’intimité, est quelque chose de très intense, il s’est ouvert à moi tant de fois… Peu importe, il n’en reste pas moins un client du label pour lequel je travaille. Une liaison serait impossible. Tu ne vas pas me conseiller de briser le principe de base du monde du travail ? Tu sais… Certaines règles sont faites pour être brisées… Parfois, l’amour

et le destin sont plus forts que la morale. Si je n’avais pas outrepassé certaines règles, je ne serais jamais sorti avec ta mère… Wow ! Je le regarde stupéfaite d’entendre que mon père, la droiture incarnée, ait dérogé à certains principes. Tu veux un peu de lait de poule ? Je l’ai fait moi-même, se vante-t-il en changeant de sujet. Il se lève et je le suis du regard. Je n’en saurais visiblement pas plus… Je n’en reviens pas… On en apprend tous les jours ! J’opine du chef et il disparaît dans la cuisine. La chanson. Les Love Hackers s’apprêtent à partir faire la promotion de leur album, qui s’intitulera « Seven », un peu partout à travers les États-Unis. En un mois et demi, nous avons bouclé le clip, l’album et les dates de la tournée ont été choisies presque en totalité. Cette nouvelle année promet d’être riche. Ces dernières semaines sont passées à une vitesse

folle. Je me suis plongée corps et âme dans le travail, évitant Jason au maximum. Attitude puérile, je le sais, mais c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour respecter ma décision d’avoir une relation uniquement professionnelle avec lui. Ça n’a pas toujours été facile, mais j’ai tenu bon. Je crains que la situation ne se corse dans les jours qui viennent, puisque je les accompagne pendant toute la durée de la promo. Je vais me retrouver dans des endroits confinés tels que l’avion, l’hôtel, la voiture… avec lui. Ici, je peux aisément changer de pièce lorsqu’il arrive, mais impossible d'avoir ce comportement à dix mille pieds de la terre ferme. Je n’ai toujours pas écouté le contenu de sa clé USB. Je n’en ai simplement pas la force. Je me doute bien qu’il s’agit d’une chanson, seulement j’ai peur, si je l’écoute, de courir me jeter dans ses bras. Je ne peux pas résister à sa voix

qui m’ensorcèle un peu plus chaque fois… Sans parler des paroles… Alors cette clé est bien à l’abri au fond d’un tiroir dans l’espoir que je l’oublie. Je suis parfois à deux doigt de céder à la tentation, mais je résiste. Durant mon absence, ce sera d’autant plus facile puisque je me suis forcée à ne pas la mettre dans ma valise. Ainsi, pas de tentation. J’en aurais déjà suffisamment d’avoir Jason dans ma ligne de mire en continu. Je m’imagine tellement de scénarios dans lesquels la situation dérape à chaque fois, faisant voler en éclats toutes mes bonnes résolutions et la quasi-totalité de nos vêtements. Mes rêves sont de plus en plus torrides, c’est très perturbant. Salut Mylena ! s’exclame Clara. Clara est une nouvelle assistante son que j’ai rencontrée à la soirée du Nouvel An organisée par Loading Records pour le personnel. Une fête mémorable où ma nouvelle amie et moi avons bien rigolé après quelques verres d’un délicieux

champagne hors de prix qui m’a aidée à ne plus penser à Jason. Entre elle et moi, le courant est tout de suite passé. Cela faisait longtemps que je ne m’étais plus amusée ainsi. Cette soirée m’a permis de commencer l’année en beauté. Je suis contente d’avoir trouvé en Clara une personne qui me semble digne de confiance. Nous sortons boire un verre en ville deux ou trois fois par semaine. Hé ! Comment vas-tu ? demandé-je, en lui donnant l’accolade. Au début, les habitudes tactiles de Clara m’ont choquée, mais elle est hyper sympa et je m’y suis finalement habituée. Très bien ! Alors, tu es prête pour le grand départ ? Vous décollez à quelle heure ? m’interroge-t-elle, surexcitée. On part à dix-huit heures, répondé-je, simplement. Les Love Hackers et moi nous envolons pour Seattle, dès ce soir. Nous avons deux interviews avec des magazines de musique. Ensuite, nous partirons pour

Vancouver, au Canada, où nous resterons deux jours. S’en suit toute une série de dates, de représentations dans des radios et journaux en tout genre pour présenter le futur opus du groupe. Un mois qui ne va pas être de tout repos… Tu n’as pas l’air enchanté. C’est super ! Tu vas aller de ville en ville avec trois mecs rien que pour toi ! s’enthousiasme-t-elle. Il n’y en a qu’un seul qui m’intéresse… Ouais, bien sûr… je suis juste stressée… expliqué-je, maladroitement. Je n’ai évidemment pas parlé à Clara de mon histoire alambiquée avec Jason. Inutile de lancer des rumeurs dans le label. Elle se répandrait comme une traînée de poudre, répétée, amplifiée et déformée… Je n’ai pas besoin de cette mauvaise publicité ! J’aime beaucoup Clara, mais je reste méfiante, nous ne nous connaissons que depuis deux semaines, après tout…

Ne t'angoisse pas, je suis sûre que tu vas t’éclater. Nos soirées filles vont me manquer ! Tu ne m’oublieras pas ? demande-t-elle en faisant une moue triste. Bien sûr que non ! Allez ! Ne fais pas la tête, on mange ensemble ce midi ? Oui ! Maintenant, va bosser ! ordonné-je, en rigolant. À vos ordres, Madame ! répond-elle avec son air malicieux. J’ai du pain sur la planche si je veux que tout soit prêt avant de partir. Je me plonge donc dans le boulot comme une acharnée, essayant d’ignorer la guitare de Jason qui raisonne dans tout le label. Grr ! Aux alentours de quatorze heures, notre coursier m’apporte toutes les coupures presse qui concernent les Love Hackers. Je suis chargée d’en

feuilleter l’intégralité, à l’affût du moindre mensonge, des informations qui auraient pu filtrer, de contrôler ce que disent les paparazzis sur les garçons. Ils ne sont pas harcelés, mais il arrive de temps à autre qu’ils se retrouvent dans certains articles comme c’est d'ailleurs le cas aujourd’hui. J’ouvre le premier qui vient et tombe rapidement sur des clichés de Jason… en compagnie de Brianna… Je vois rouge, aveuglée de jalousie. Je lis rageusement la chronique qui est accompagnée de quelques photos de très mauvaise qualité, certes, mais où on les voit tous les deux assis dans un café, puis, se dirigeant vers la voiture de Jason. « JASON ET BRIANNA, DE NOUVEAU ENSEMBLE ? L’ex-couple composé de la star montante du rock et de la talentueuse Top Model des pays de l’Est va-t-il remettre le couvert ? Tout porte à croire que oui. Ils ont été aperçus ce

week-end dans un café chic de la ville. Selon nos sources, ils seraient restés un long moment à discuter puis repartis ensemble, main dans la main, en direction d’Agoura Hills, lieu d’habitation du beau chanteur... » « Main dans la main » ? J’ai envie de vomir, je profite d’être toute seule pour balancer ce ramassis de conneries à travers mon bureau. Je sais que je ne devrais pas accorder de crédit à ce genre de magazine, mais c’est plus fort que moi. Je déteste cette grande girafe arrogante et sans cœur. L’idée que Jason soit retombé dans ses filets me donne la rage. C’est ce moment-là que choisit Dom pour entrer dans mon bureau sans frapper. Il fronce les sourcils et me demande : Tout va bien ici ? Est-ce que tu viens de balancer ce magazine sur la porte ? Je… Non… Ce n’est pas grave, me coupe-t-il d’un geste de la main, me permettant

ainsi de ne pas m’enfoncer davantage. « Il faut que je te parle. » reprend-il d’un air grave. Je n’aime pas son ton sérieux… Pas du tout ! Je vous écoute Dom, dis-je d’une voix tendue tandis qu’il s’assit en face de moi. Écoute, Mylena, il y a un moment déjà que j’aurais dû t’en parler… Voilà… Kévin ne reviendra pas travailler chez Loading Records, commence-t-il nerveux. Ah… Que s’est-il passé ? Je demande, anxieuse. Mylena, je suis au courant du comportement qu’il a eu avec toi et je l’ai viré, explique-t-il sans passer par quatre chemins. Quoi ? demandé-je, incrédule en ouvrant grand les yeux.

J’ai viré ce petit con. Mais… qui ? C’est Jason… c’est lui qui est venu m’en parler, et les caméras de surveillance ont corroboré ses dires. … Mylena, je suis d… Pourquoi me le dire maintenant ? J’aurais dû t'en parler avant, mais j’avais peur d’aborder un sujet si délicat avec toi. Pourquoi maintenant ? répété-je, abasourdie. Je n’en sais rien, il fallait que tu en sois informée… Je déglutis péniblement, je n’en reviens pas… Est-ce que vous en avez parlé à mon père ? le questionné-je, la boule au ventre. Non, Mylena, je ne me permettrais pas… Seule toi peux décider de l'en informer ou pas. Il ne doit jamais savoir ! Jamais vous

m’entendez ? lancé-je, avec animosité. Ne t’inquiète pas Mylena, je ne suis pas du genre à colporter les ragots. En le virant, j’ai simplement voulu te protéger. De toute façon, il était sur la sellette, cette histoire m’a permis de me débarrasser de lui plus vite que prévu. Magnifique ! De mieux en mieux ! Oh, alors je ne suis qu’un prétexte ? Ravie de vous avoir aidé Dominic ! râlé-je, avec dédain. Je suis hors de moi ! Comment a-t-il pu ? Jason n’est vraiment qu’un… pff, je ne parviens même pas à lui trouver une insulte digne de ce nom. Je suis pitoyable. Ne le prends pas comme ça, Mylena. Il ne voulait pas te trahir, il l’a fait pour ton

bien. Je lui suis reconnaissant de t’avoir protégée comme il l’a fait, le défend-il. Ben voyons... Je prends une grande bouffée d’air pour tenter de retrouver un semblant de calme. C’est tout ce que vous vouliez ? Je… oui… balbutie-t-il, étonné par ma réaction. Bah quoi, je ne vais pas lui offrir un café en plus ! Ce n'est pas tout, mais je dois me préparer pour Seattle, dis-je en lui indiquant où se trouve la porte. C’est bientôt ton tour de te faire virer, Myli ! Pour qui tu te prends ? Bien sûr, excuse-moi. N’hésite pas à me contacter quand tu seras là-bas, si tu as le moindre problème, dit-il en se levant pour sortir. Fais bon voyage, Mylena, rajoute-t-il en partant.

Je me retiens de lui lancer une réplique bien cinglante. Je n’ai vraiment plus aucune envie de me rendre à Seattle. Je n’étais déjà pas très convaincue par l’idée, mais là, c’est carrément pire. Le point positif c’est que Jason est descendu bien bas dans mon estime. *Je t’attends dans le parking sousterrain dans dix minutes ! M.* Je clique sur « envoyer », hors de question qu’il s’en sorte ainsi. Je suis trop en colère pour laisser passer cela. Je me fiche bien de faire un scandale. J’attrape le torchon que j’ai balancé quelques minutes auparavant. Il me servira d’arme, au cas où… *J’arrive. J.* Je descends au parking d’un pas rageur, il est déjà là, dans toute sa splendeur, me tournant le dos. Dans son jean droit, un t-shirt aux manches longues, noir. Bon sang, Myli, n’es-tu qu’un foutu paquet d’hormones sur pattes ? Fuck ! Il se retourne sans que j’aie besoin de lui signifier ma présence.

Salut, dit-il simplement en se grattant la nuque. Son regard se porte sur le magazine que je tiens dans ma main. Je peux t’expliquer, Myli, commencet-il en pointant la revue du doigt. M’expliquer quoi, Jason ? demandéje, en mettant mes mains sur mes hanches. Je serais bien curieuse d’avoir sa version des faits ! Je ne me suis pas remis avec Brianna, je l'ai juste priée de récupérer ses affaires, puisqu’elle est revenue de Dubaï… Je me fiche de ta vie Jason, le coupéje, en colère n’en pensant cela dit pas un mot. « Qu’est-ce qui t’a pris de parler à Dom de Kévin ? » craché-je, avec amertume. Il passe nerveusement la main dans ses cheveux et fait quelques pas vers moi. Je recule. S’il envahit mon périmètre de sécurité, je sais que je deviendrai la pauvre petite Mylena en guimauve qui se

prosterne à ses pieds à la moindre occasion. Un voile de colère obscurcit son beau regard luxuriant. Il ne pouvait pas continuer sa petite vie comme si de rien était, Myli. Pas après t’avoir traitée de la sorte ! J’ai fait ce qui me semblait juste. Si tu m’en veux pour ça, tant pis... je ne regrette absolument rien, j’aurais même dû tuer ce connard ! explique-t-il en haussant le ton avec hargne. Je hoche la tête de droite à gauche, n’en croyant pas mes oreilles. Je ne l’ai jamais vu dans un état pareil… Je lui balance le journal aux pieds et pars sans rien rajouter. Bravo, quelle maturité, Mylena ! Je prends place dans le Jet privé pour Seattle avec un quart d’heure d’avance, histoire de ne pas tomber sur Jason au détour d’un couloir. La situation va être assez perturbante durant les deux heures trente que durera le voyage. Autant dire une éternité. J’attrape mon iPod et mets

les écouteurs dans mes oreilles. C’est sans surprise que la musique des Love Hackers retentit dans mes oreilles. Je ne suis qu’une idiote ! Je balance l’appareil dans mon sac et attrape un bouquin : Maybe Someday de Colleen Hoover. Je commence ma lecture et m’aperçois au bout de dix minutes qu’il est question d’un garçon incroyablement sexy qui joue de la guitare comme un Dieu. Fucking hell ! Je suis maudite ! Comment suis-je censée ne pas penser à Jason, alors que quoique je fasse tout me ramène à lui ? Le ciel m’ayant entendue, l’homme en question fait son apparition dans le jet. Le cauchemar commence… qui va durer un mois. Un long mois… Heureusement, lui et le reste des Love Hackers partent s’asseoir au fond de l’avion tandis que je suis à l'avant. Brice et Rick me font un signe de la main et affichent un large sourire. Je le leur rends, mais ne réserve pas le même accueil à Jason pour qui je me contente de détourner le regard vers le tarmac. Je

décide finalement de reprendre mon iPod et mon livre, pour occuper mon esprit et tenter de me calmer. Nous décollons à l’heure prévue. Tout se passe sans embuche. Je suis plongée dans l’histoire qui a finalement réussi à capter mon attention. C’est même un magnifique roman. Une main tire sur mon écouteur et me sort de mon monde. Qu’est-ce que tu lis ? me demande un Jason séducteur. Il m’énerve… Il lui suffit simplement de sourire comme il le fait maintenant pour que j'oublie tout. Je suis sûre qu’il a conscience du pouvoir qu’il a sur moi. Je tourne le livre pour lui montrer le titre. Tu es toujours fâchée ? Je hausse les épaules, bien décidée à ne pas desserrer les lèvres. Tu as perdu ta langue ? J’opine. C’est bien dommage, dit-il en haussant les sourcils de façon

suggestive. Holy shit ! Ces quelques mots réveillent instantanément les papillons dans mon ventre. Oh My God ! Il reprend un air

sérieux et penche la tête sur le côté, sans cesser de me regarder. Tu as écouté la clé USB ? Je secoue la tête et détourne le regard, gênée. Il se lève alors et disparaît. Crap ! (Merde) Est-il vexé ? Je lorgne d’un coup d’œil vers le fond de l’appareil et l’aperçois qui revient déjà avec son téléphone. Il prend place à mes côtés et me tend une oreillette qu’il vient de brancher sur son smartphone. Je le regarde méfiante, comme s’il était la méchante reine me tendant une pomme empoisonnée. Il finit par fourrer lui même l'écouteur dans mon oreille. Je l’ajuste et laisse la musique s’emparer de moi, ce son si familier et caractéristique de son jeu, reconnaissable entre mille. J’écoute les paroles avec une attention particulière, pendant qu’il ne me lâche pas des yeux. Put your hands off, you don’t have right

(Enlève tes pattes, tu n’as pas l’droit) Pathetic men without faith and law (Homme pathétique sans foi, ni loi) You’re prisonner of your vices (Tu es prisonnier de tes vices) Seeing you alive is a supplice (Te voir vivant est un supplice…) Quand j’entends le refrain, une larme roule sur ma joue. Sa voix sublime alliée au texte a raison de moi et de ma volonté. Comment puis-je lui en vouloir quand j’entends une telle chanson ? I don’t want her suffer (J’ne veux pas qu’elle subisse) Hidden behind the scene (Cachée dans les coulisses) I wanna protect her (Je veux la protéger) Prevent her to fall (L’empêcher de tomber) Ces paroles me vont droit au cœur, il est évident qu’elles sont écrites pour moi, qu’elles racontent mon histoire. Alors, je ferme les yeux de façon à les laisser m’envahir toute entière.

I wish i hold you i my arms (Je voudrais t’avoir dans mes bras) I swear i will take care of you (Je jure je prendrai soin de toi) And now, you don’t risk anything (Et maintenant tu n’risques plus rien) You just have to hold my hand (Tu dois juste me tenir la main) I don’t want her suffer (J’ne veux pas qu’elle subisse) Hidden behind the scene (Cachée dans les coulisses) I wanna protect her (Je veux la protéger) Prevent her to fall (L’empêcher de tomber) Julien Sautivet, Création originale, La colère qui monte, 2016. (Traduit du français) Quand les dernières notes s’essoufflent, je m'effondre pour de bon. Ses mains attrapent mon visage pour me forcer à poser mes yeux sur lui. Ce regard à cet instant précis restera, je le sais, gravé dans ma mémoire à jamais. Il est plus

efficace que tous les mots de toutes les chansons qu’il pourrait bien écrire. Plus rien d’autre n’existe que lui et moi. Il me sourit tendrement et son pouce décrit de petits ronds sur ma joue. Son contact m’avait tellement manqué… Je ne me recule pas quand il s’approche pour déposer un tendre baiser sur mes lèvres. Puis, il relâche son étreinte et s’installe confortablement dans le fauteuil voisin du mien, passant un bras autour de mes épaules, je m’abandonne et me laisse bercer par ses bras. Ma tête repose sur son torse. Il n’est rien de plus délicieux en ce monde que son odeur et la mélodie parfaite des battements de son cœur. Merci, murmuré-je, tout contre lui. Il m’embrasse sur le front et je ne tarde pas à m’endormir. Je suis réveillée par une main rugueuse qui me caresse doucement. Je pousse un petit gémissement de plaisir. Je n’avais plus si bien

dormi depuis des semaines... Du bruit me parvient au loin. Je me redresse subitement quand je comprends où je suis. Damn it ! Ce n’est pas un rêve ! Je jette un coup d’œil inquiet en direction des deux comparses qui fanfaronnent au fond de la cabine. L’appareil nous secoue soudainement, tel le mouvement caractéristique dû à l’atterrissage. Je tente de reprendre mes esprits… Je ne sais pas trop quoi penser. Il me semble malgré tout avoir signé un traité de paix avec Jason… Ma colère s’est effacée à l’instant où la chanson a retenti dans mes oreilles. Je me déteste de succomber à lui aussi facilement. Mais qui pourrait continuer de lui en vouloir après ça ? Il m’a écrit une chanson… à moi… Brice et Rick passent devant nous, je

prends conscience que les moteurs sont coupés et les portes ouvertes. Le bassiste et le batteur me font tous deux un clin d’œil entendu. Shit ! Je suis tellement confuse… je cache mon visage de mes deux mains. Jason attrape mon poignet et m’attire vers lui. Ne t’inquiète pas pour eux… tente-til de me rassurer. Qu’est-ce qu’on est en train de faire ? demandé-je, perdue en plongeant mes yeux dans les siens. Il hausse les épaules et me sourit. Je fonds. Je n’en sais rien… mais j’en ai envie…affirme-t-il. Moi aussi ! Je m’avance un peu plus et l’embrasse, soudainement remplie d’audace. Sa main se pose sur ma joue et notre baiser s’approfondit. Sa langue rencontre la mienne. Je pourrais pleurer tellement c’est bon. Nous sommes

freinés par le manque d’oxygène. Nos fronts se touchent et je souris franchement, tout comme lui. C’est juste parfait. Descendons, propose-t-il en attrapant ma main. Je me lève pour le suivre. Au fait, tu ronfles, se moque-t-il. Je lui donne une tape sur l’épaule et le pousse vers la sortie. Cette ambiance légère libère mon cœur de son carcan. Seattle. Il est midi quand nous sortons de notre deuxième et dernière interview à Seattle. Nous partons en voiture pour Vancouver en fin d’après-midi. La tournée promotionnelle se composera de quinze dates ; quinze villes dans lesquelles nous passerons deux jours à chaque fois. Nous allons traverser tous

les États-Unis de long en large, en passant par New York, Miami et en finissant par Las Vegas. Nous voyagerons principalement avec le Jet privé de Loading Records. L’ambiance est pour l’instant bon enfant. En descendant de l’avion hier soir, nous sommes allés manger dans un restaurant du bord de mer, le Fishermans. Nous avons beaucoup rigolé, puis nous sommes tranquillement retournés dans notre hôtel quatre étoiles ou nous disposions chacun d’une suite. Le seul moment où je me suis retrouvée en tête à tête avec Jason, c’est quand il m’a raccompagnée devant ma chambre. Brice et Rick avaient décidé de boire un dernier verre au bar de l’hôtel. J’étais ravie de l’avoir pour moi toute seule. J’ai toujours autant de mal à intégrer qu’il puisse éprouver quelque chose à

mon égard. Il sera toujours la star que j’adule depuis l’adolescence. Ses baisers, caresses, attentions, la chanson qu’il m’a écrite… tout cela relève de la folie. J’étais un peu nerveuse quand nous sommes montés dans l’ascenseur, je sentais son regard peser sur moi... Mes joues auraient pu prendre feu. Littéralement. Aucun de nous deux n’a prononcé un mot avant d’arriver devant ma porte. Il était face à moi, dans toute sa splendeur. Le vent froid de Seattle avait parfaitement décoiffé ses cheveux, ses joues étaient rosies par l’air frais et le rendaient encore plus magnifique. Mon manteau d’hiver est vite devenu de trop. Comment suis-je censée me comporter avec lui maintenant ? C’est

tellement flou. Notre baiser dans l’avion fait-il de nous une sorte de couple ? D’amis et plus si affinité ? D’amis tout court ? Impossible de mettre un mot làdessus. Je l’entends encore me dire « Je ne sais pas… mais j’en ai envie… » Je voulais tellement qu’il entre dans la chambre avec moi… Mais ce n’est pas arrivé. Il s’est approché, l’espace entre nos corps faisait moins de cinq centimètres rendant toute respiration difficile, m’a caressé la joue et a déposé un tendre baiser sur mes lèvres, pendant plusieurs secondes. Tout mon corps me hurlait de l’attraper sauvagement et de lui sauter dessus, mais j’étais incapable de bouger. « Bonne nuit, Myli chérie » a-t-il murmuré avant de disparaître dans la pièce adjacente à la mienne, me lançant pantoise et haletante sur le pas de la porte. Au moment où j’ai repris mes esprits, j’avais des envies de meurtre. Je suis entrée dans ma suite luxueuse en claquant violemment la porte. Puis des bruits d’eau ruisselante

me sont parvenus depuis la chambre de Jason. J’ai cru mourir. Le savoir là, juste à côté en train de prendre sa douche, entièrement nu… Fucking Hell ! Cette douche a duré une éternité en plus… Qu’est-ce qu’il pouvait bien faire là dedans. Mon imagination me condamnerait à une vie de confession. Un supplice sans fin. Me laver en même temps a été la pire des idées. Je me suis imaginée tout un tas de trucs qui auraient pu se passer si nous étions ensemble sous la même douche… J’ai donc abrégé ce moment qui était supposé me détendre, et je me suis couchée seule, dans un état de nerfs indescriptibles. Je n’ai pour ainsi dire pas dormi de la nuit, trop excitée par cette situation

hallucinante. J’ai pensé mille fois à le rejoindre, me rappelant cette nuit où il a dormi avec moi dans mon appartement. God ! Sois honnête, Myli, tu voudrais faire bien plus que dormir avec ce Dieu vivant. Ce matin, les Love Hackers étaient concentrés sur les interviews qui nous attendaient, révisant quelques réponses « types » fournies par l’équipe chargée de la communication. Le petit déjeuner au restaurant de l’hôtel s’est déroulé dans un calme olympien. On aurait pu entendre une mouche voler. La présence de Jason à mes côtés me rendait si nerveuse que je n’ai quasiment pas parlé ni mangé du repas même si l'ambiance était si cordiale entre nous… Cela a suffi à faire baisser considérablement mon moral et par la même, le feu qui me consumait depuis la veille. Les garçons se sont très bien débrouillés lors de l'entrevue avec les chroniqueurs. Ces rendez-vous étaient faciles, car ce sont des interviews pour des magazines

qui posent souvent le même genre de questions. Demain, à Vancouver, l'exercice sera différent puisque nous serons reçus par une chaîne de télé locale. Les interrogations des journalistes peuvent être plus imprévisibles dans ce genre de situation, pouvant ainsi dévier sur la vie privée des artistes. Par exemple : « le couple Jason/Brianna va-t-il se reformer ? » Je redoute cette question. J’ai confiance en Jason mais la jalousie est une maladie qui s’infiltre vicieusement sous les pores de votre peau et ne vous lâche plus. Il faut juste prendre sur soi et vivre avec. J’ai envie de l'interroger sur cette

entrevue relatée par la presse, mais je ne voudrais pas paraître présomptueuse ou passer pour une folle. Je déteste Brianna. Elle se prend bien trop au sérieux. Elle a fait du mal à Jason, je la hais pour ça ! C’est une vraie garce ! Elle l’a fait souffrir et le pire c’est que ça ne semble pas l’atteindre le moins du monde. Si on l’écoute, c’est presque lui le fautif ! Elle ne pense qu’à elle. Jason ne mérite pas d’être traité ainsi. Où sont Brice et Rick ? interrogé-je Jason en revenant des toilettes, alors que nous rentrons d’une matinée bien chargée. Ils sont allés manger dans un Fast Food à deux rues d’ici, répond-il simplement. Ils sont partis sans nous ? demandéje, étonnée en fronçant les sourcils. Jason s’approche de moi, un sourire mutin au visage. Je sens de légers frissons me parcourir. Il semble moins tendu que ce matin. Je dirais même qu’il est de bonne humeur.

Je leur ai plus ou moins suggéré d’aller voir ailleurs, explique-t-il en s’approchant un peu plus. Jeez ! Moins d’un mètre nous sépare à présent. L’air se raréfie et je déglutis avec peine. Oh… Pour seule réponse, il m’embrasse à pleine bouche en m’attrapant par les hanches. Je lui réponds avec ferveur et empressement, glissant mes mains dans ses cheveux soyeux. Une sensation qui me propulse directement au paradis. Il s’éloigne et me caresse la joue. Je t’emmène déjeuner ? me proposet-il gentiment. Je hausse les épaules. M'alimenter n’est pas vraiment la chose qui me préoccupe le plus, là, maintenant. Son regard railleur me fait dire qu’il connaît très bien le fond de ma pensée. Allez, viens ! m’intime-t-il, moqueur, en attrapant ma main. Nous montons dans un taxi et nous engouffrons dans le trafic dense de

Seattle, je n’ai aucune idée de notre destination et Jason ne semble pas décidé à me le dire. Il se contente de tenir ma main dans la sienne, nos doigts entrelacés, son pouce décrivant de petits ronds sur ma peau. Mes sensations sont décuplées lorsque c’est Jason qui me touche et tous mes sens sont en éveil. Je ne saurai l’expliquer. C’est un peu comme s’il était le seul à posséder l’interrupteur qui m’embrase à chaque fois qu’il pose ne serait-ce qu’un regard sur moi. Nous roulons pendant près de vingt minutes avant de nous arrêter devant la Space Needle : la tour improbable qui fait tout le charme de cette magnifique ville, une architecture spectaculaire et futuriste qui vaut vraiment le coup d’œil. C’est simplement grandiose. Je n’avais jamais eu le loisir de la contempler d’aussi

près. Jason contourne la voiture pour m’ouvrir la porte et me tend la main. Je suis tout simplement émerveillée. Nous prenons l'ascenseur pour nous retrouver au sommet de cette Aiguille de l’espace qui domine la ville. La vue de là-haut est absolument incroyable. Le mont Rainier, la chaîne des cascades, la péninsule Olympique… On a cette impression de dominer le monde, d’être comme un roi qui règne paisiblement sur ses sujets du haut de sa tour. Intouchable. Le temps est suspendu. Savourer cette vue imprenable dans les bras de Jason, ça n’a tout simplement pas de prix. Je sais que je me souviendrai à jamais de ce moment suspendu dans le temps. Nous déjeunons au SkyCity, le restaurant prestigieux qui se trouve au sommet de la Space Needle. J’ai l’impression de ne pas être à ma place car tous les convives sont tirés à quatre épingles. Nos tenues, même si elles sont correctes, ne sont pas vraiment adaptées au standing de ce lieu... Jason me rassure en me disant que

je suis très belle et que le reste importe peu. Il a raison. Je me détends après un bon verre de vin et plus rien d’autre n’existe que lui. Je passe un moment délicieux et nous discutons comme nous l’avons si souvent fait. C’est familier et réconfortant. Cette grande perche de Brianna hante toujours mes pensées mais je refuse d’aborder le sujet. Je ne veux pas tout gâcher en faisant ma rabat-joie. Après le repas, nous nous promenons bras dessus, bras dessous dans les jardins environnants. Cette sortie avec lui est d’un romantisme incroyable, digne d’un conte de fées Disney. Il ne manque plus que le beau cheval blanc. Non pas que je sois le genre de fille à rêver du prince charmant, mais, c’est loin d’être désagréable. J’espère juste que le carrosse ne se transformera pas en citrouille à la fin de la journée. Dans l’ascenseur qui nous ramène vers nos chambres respectives, la tension est palpable. Ses yeux m’inspectent, je me sens nue et vulnérable. J’ai envie de

l’embrasser, mais je n’ose pas. Je ne veux pas passer pour une nymphomane. Je n’ai pas à réfléchir bien longtemps à la façon de me comporter avec lui, car ses lèvres s’écrasent sur les miennes avec ardeur. Sa fougue est en complète contradiction avec les instants romantiques que nous venons de vivre. J’adore ça. Je me retrouve plaquée contre la paroi froide de la machine, sa main caresse mon flanc remontant toujours un peu plus haut vers ma poitrine. Je m’accroche à sa nuque. Son odeur m’envoie dans des contrées féeriques. Son contact ne suscite aucune gêne en moi, bien au contraire, tout semble naturel. Rien à voir avec ce que j’ai vécu avec Matteo. Son autre main relève ma jambe sur sa hanche faisant remonter ma jupe tandis que son baiser s’approfondit. Nos langues se caressent avec urgence, n’en ayant jamais assez.

Soudain, l’ascenseur s’arrête avec un bruit caractéristique, les portes s’ouvrent et les yeux d’un client de l’hôtel s’écarquillent. Jason me lâche et s’éloigne pendant que j’ajuste ma tenue. Il m’attire à lui et nous sortons en pouffant de rire. Nous avançons vers la porte de sa suite en courant presque. Devant celle-ci, il me coince entre elle et son corps sexy et chaud comme l’enfer. Je frissonne. Son front se colle au mien et ses yeux se ferment. Je fixe ses lèvres, mémorisant les courbes charnues et tentatrices, leur couleur délicieuse, leur goût exquis… Myli… Tu… tu me rends dingue… murmure-t-il, essoufflé. Je souris avant de déposer un chaste baiser sur sa joue. Il attrape la carte magnétique dans sa poche arrière et l’introduit dans la fente. La porte s’ouvre en bipant. Il avance sans lâcher

son étreinte autour de ma taille, puis il la referme en donnant un coup de pied. Nous reculons jusqu'à heurter le matelas. Je tremble d’appréhension ; je voudrais qu’il me possède toute entière. Maintenant. Il nous fait basculer sur le lit en mettant sa jambe entre mes cuisses. Seigneur ! Mon cœur bat tellement vite… Nous nous embrassons à perdre haleine pendant plusieurs minutes. La situation devenant un peu plus insoutenable à chaque progression de sa main sous mon haut, atteignant bientôt mon soutien-gorge. Son autre main à côté de mon visage le maintient à une distance insupportable de moi. Je caresse son dos musclé, ses épaules,

essayant de le rapprocher de mon corps en feu. Je ne réponds plus de mes actes. Tout ce que je veux c’est lui. Tout de suite. J’ai l’impression que ma tête va exploser si je n’obtiens pas l’absolution rapidement. Je m’attaque aux boutons de sa chemise que j’ai plutôt envie d’arracher avec mes dents. Damn, Myli quand es-tu devenue aussi démoniaque ?! Nos langues se livrent un combat sans merci puis sa bouche descend dans mon cou qu’il dévore, je sais que je porterais la marque. Sa marque. Cela m’emplit de joie à cette idée de lui appartenir, de l’exciter au point qu’il veuille laisser une trace de son passage sur ma peau, si réactive à ses caresses. Aucun doute sur le désir qui l’étreint, le sentir contre moi me rend encore plus impatiente. Je m’attaque timidement à la boucle de sa ceinture et il s’éloigne presque aussitôt. J’ouvre les yeux, inquiète. Les siens sont toujours fermés, sa respiration saccadée, il semble se livrer un combat intérieur intense.

Jase ? Il ouvre les yeux et son regard fait baisser la température de plusieurs degrés. Je voudrais disparaître. Je ne suis pas sûre de vouloir entendre ce qu’il s’apprête à dire. Son silence est éloquent. Il semble figé au-dessus de moi. Jason ? réitéré-je, en tentant de repousser mes angoisses. Il pousse un long soupir. Je suis désolé, Myli… s’excuse-t-il d’une voix presque inaudible en posant son front sur le mien. J’ai du mal à avaler ma salive tant la boule dans ma gorge ne cesse d’augmenter. Est-ce que… enfin… c’est parce que je suis… tu sais… demandé-je, en balbutiant. Il me regarde avec sérieux. Je sais qu’il est au courant que je suis vierge. Aucun doute là-dessus. Je me sens tellement honteuse. Je commence à cacher mon visage, mais il m’en empêche en

attrapant mes poignets qu’il coince audessus de ma tête. Oh my god ! Myli, ce n’est pas seulement ça. Tu mérites que tout soit parfait, d’être séduite comme il se doit… Je tiens à toi et je veux faire les choses bien. N’aie aucun doute sur l’effet que tu me fais, dit-il en appuyant ses propos en se pressant contre moi. Fucking hell ! Je vais mourir, s’il continue de me dire de telles choses ! « Je tiens à toi ». Moi aussi, nom d’un chien ! Mais… commencé-je à protester. Chut ! m’interrompt-il en posant un doigt sur ma bouche. Pourquoi j’arrive à trouver ce simple geste incroyablement érotique ? Tu es dingue, ma pauvre Mylena ! Il m’embrasse avec tendresse, faisant ainsi taire toute ma raison. Puis il se met debout et me tend la main. Mon regard se pose instantanément

sur son entrejambe. Mes joues s’enflamment et mes yeux s’ouvrent en grand. Ne me regarde pas de cette manière, Mylena, me réprimande-t-il me forçant à me mettre sur mes deux jambes. Tu mets mes nerfs à rude épreuve. À qui le dis-tu ! Je ne suis pas sûre de tenir debout… Je me retrouve dans un tel état ! Toutes mes inhibitions envolées, je me colle à lui en passant mes bras autour de son cou. Il sourit de mon audace et m’embrasse doucement. Myli, murmure-t-il comme une supplication. D'accord, j’ai compris… abdiqué-je, sans cacher ma déception. Il attrape mon visage entre ses mains et me sonde. Ne sois pas déçue, chérie. Je veux

juste faire les choses bien, OK ? Tu mérites qu’on te traite comme une princesse. Je n’ai vraiment pas envie qu'il me traite de poupée fragile. Je veux que ce soit intense et féroce. Je veux que ce soit maintenant. Je ne vis pas dans un conte de fée, Jason, répondé-je, agacée. Je sais… Mais je veux tout connaître de toi. L’attente rendra cet instant meilleur encore. Je te le promets, explique-t-il en m’embrassant sur la joue. Je le regarde, dubitative. Ma frustration me brouille l’esprit. Je suis en colère. Je ferais mieux d’y aller, dis-je à contrecœur. Il opine du chef, tandis que je lisse ma jupe remontée en haut de mes cuisses laissant apparaître mes bas couleur chair qu’il reluque en essayant de prendre sur lui. Je quitte sa chambre sans me retourner sentant son regard gourmand sur moi ce qui rend la tâche tout sauf

facile. Je claque la porte de ma chambre avec force. Bon sang, si je m’écoutais je casserais tout ce qui me tombe sous la main ! Quand j’entends l’eau couler depuis la pièce côté, j’ai envie de m’arracher les cheveux. Je me jette sur le lit les bras écartés et prends une grande inspiration, tentant de me rasséréner. Calme-toi, Myli, tu vas devenir dingue ! Mon corps est hyper tendu à tel point que c’est douloureux. Je m’installe plus confortablement sur le lit après m’être mise en sous-vêtements, bien décidée à faire disparaître toutes ses tensions qui me font perdre la tête. Je ferme les yeux, je me concentre sur les bruits qui me parviennent depuis la chambre de Jason. Lui, sous la douche… Mon imagination est plutôt développée quand il s’agit de mon beau chanteur. Je ne mets pas longtemps avant d’atteindre mon but, étouffant mes gémissements dans l’oreiller. Je m’endors aussitôt presque satisfaite et exténuée, faute de ne pas avoir trouvé de repos la nuit

dernière. Je suis réveillée en sursaut par trois petits coups frappés à ma porte. Je dors depuis plus d’une heure ! Le chauffeur qui nous emmène à Vancouver ne va pas tarder et je n’ai pas encore remballé mes affaires… Je me lève précipitamment et ouvre la porte. Jason. Je prends soudain conscience de ma tenue… Je suis en lingerie fine devant lui et sa bouche est légèrement ouverte. Il ne bouge plus. J’en profite pour disparaître et me couvrir. Je me retourne et fronce les sourcils, il est toujours immobile dans l’encadrement de la porte, tellement sexy avec son blouson en cuir. Il a passé une tenue plus confortable et a retrouvé sa casquette à l’effigie d’une équipe de basket qu’il affectionne. Je rêve de faire valser ce couvre chef et d’enfouir mes doigts dans sa chevelure indisciplinée. Je m’imagine très bien la scène… Je secoue la tête pour me reprendre. Jason ? l'interpellé-je, alors qu’il est toujours paralysé.

Il se racle la gorge et reprend ses esprits. C’est tellement gênant… La voiture arrive dans un quart d’heure… annonce-t-il d’une voix sans teint. OK, je regroupe mes affaires et je descends… Il hoche la tête et sort de mon champ de vision en laissant la porte ouverte. Je la ferme et me laisse tomber sur le sol. Cette situation est insensée ! Et le voilà qui prend une douche… Encore… Shit ! Tout doux, Myli. Il faut que je sorte d’ici… J’attrape ma valise, fourre toutes mes affaires dedans à la va-vite, m’habille décontracté, discipline ma crinière ébouriffée et descends attendre dans le hall. Brice et Rick sont en grande conversation au bar. Ils me regardent bizarrement quand ils me repèrent, mais je les ignore.

Probablement sont-ils choqués de me voir habillée comme un sac avec mon jean troué et mon sweat à capuche de l’université, les cheveux accrochés dans un chignon approximatif… Je dois faire peur à voir. Pour sûr, Myli, tu aurais pu faire un effort ! Je sors mon agenda et passe en revue le programme de cette tournée promotionnelle. Travailler, voilà qui devrait me changer les idées. Tu parles ! La voiture, que dis-je, la limousine arrive et le voiturier charge nos effets à l’intérieur, toujours aucune trace du chanteur de mes rêves… Il arrive avec près de dix minutes de retard, l’air absent, il rejoint ces deux amis et ils échangent quelques mots. Je range mon carnet dans mon sac et me dirige vers eux. Allons-y, les garçons, le chauffeur nous attend, les enjoins-je gentiment.

Brice me fait une bise sur la joue et Rick m’attrape par les épaules. À vos ordres, manager ! lance le batteur en m’entraînant vers la voiture. Je souris. Je ne suis pas votre manager… je suis plus une sorte de baby-sitter… expliqué-je, en m’installant à l’intérieur du véhicule. Je suis sûre que tu le seras bientôt, assure Brice. Tu fais du bon boulot ! m’assure-t-il avec un regard tendre. Je m'installe dans un coin, à l’écart de Jason, malgré tout assis en face de moi. C’est parti pour deux heures à supporter son regard troublant. Je prends mon ordinateur, histoire de rattraper mon retard, trop occupée à passer du bon temps avec le leader des Love Hackers. Je tape un compte rendu détaillé à Dominic et prépare les prochaines

interviews, elles se passeront cette foisci à la télé et à la radio. Nous discutons avec le groupe de l’attitude à adopter, puis au bout d’une heure et demie j’en ai assez fait je décide de ranger le tout et m’accoude à la fenêtre, observant le paysage défiler. Le silence tonitruant me donne mal à la tête. Brice textotte sur son téléphone, Rick écoute de la musique en tapant un rythme du pied et Jason lui, me regarde… me rendant un peu plus nerveuse chaque minute. La tension est à couper au couteau. Je soupire de soulagement quand la limousine s’arrête devant l’hôtel qui nous hébergera pendant deux jours avant de prendre la direction de Buffalo dans le Wyoming. Je descends en passant devant tout le monde, pressée de respirer à nouveau. Le froid me tombe dessus et me fait frissonner, je claque des dents. God ! C’est le pôle Nord ici ! Bienvenue, chez moi ! s’exclame Brice en tendant les bras au ciel, simplement couvert d’un pull.

Comment fait-il ? Il est fou ! Brice est un Canadien pur souche. Sa joie à l’idée de retrouver son pays fait plaisir à voir. Jason descend à son tour et me voyant grelotter, passe un bras autour de moi pour me réchauffer. Mais je me décale, lui lançant un regard désolé. Je ne peux pas le laisser me toucher sans que mon corps s’enflamme. C’est trop dur… Mon désir est trop fort et impossible à refouler. Il semble surpris, puis ses prunelles se teintent d’un voile triste. Jouer à ce jeu ne me fait pas du tout rigoler. J’entre dans l’hôtel pour récupérer les clés de nos chambres. Qu’est-ce que tu lui as fait, mon pote ? demande Rick à son ami alors que je m’éloigne. Cette question m’irrite. Mais je fais semblant de n’avoir rien entendu et continue ma route. La ferme, Rick, lance-t-il

en grognant. Je sens qu’il me suit, j’entends ses pas qui crissent dans la neige, je perçois une certaine colère dans sa démarche. Je me rends au comptoir en continuant de l’ignorer. Bonjour, Loading Records a effectué une réservation pour les Love Hackers et moi-même, dis-je à l’homme qui tient l’accueil de ce lieu prestigieux. Bien sûr, mademoiselle, puis-je voir votre carte ? demande-t-il avec politesse. Je sors ma pièce d’identité et ma carte professionnelle. Il les prend et procède à la vérification. Jason est toujours derrière moi, je le sens dans toutes les cellules de mon corps. Très bien, voici les quatre cartes, vos suites sont au dernier étage, qui vous est totalement réservé. Vous pouvez disposer de nos services de jour comme de nuit. Je vous

souhaite un bon séjour, mademoiselle Helis. Merci beaucoup, répondé-je, en attrapant les Pass. Je me retourne et heurte le torse imposant de Jason qui me rattrape d’une éventuelle chute. Je me détache de lui et me redresse. Je lui tends sa carte et me dirige vers les deux autres membres du groupe pour leur remettre la leur. Puis je me dirige vers l’ascenseur. J’attends et au moment où les portes se referment, il entre in-extremis. Myli… supplie-t-il. Jason, je suis désolée, mais c’est dur ce que tu me demandes. Je ne veux pas jouer à ce jeu dangereux. Ne dis pas ça… dit-il

en s’approchant de moi. Il replace une mèche échappée de ma prétendue coiffure tandis que je ferme les yeux. Tu es en train de passer pour obsédée, Myli… C’est pathétique… Je ne veux pas être ton amie si tu… Ce n’est pas ce que je souhaite, me coupe-t-il sur le même ton en posant son front contre le mien. Je fronce les sourcils sans comprendre ce qu’il veut. Je veux que tu sois plus qu'une amie… explique-t-il dans un murmure. Alors pourquoi ? demandé-je, impatiente. Je veux faire les choses bien… Tu l’as déjà dit ! commencé-je à

m’énerver en posant une main sur son torse pour le faire reculer. Myli… s’il te plaît… Je n’ai plus quinze ans Jason, je suis capable d’assumer les décisions que je prends, ne prétends pas savoir mieux que moi ce dont j’ai besoin ! le grondé-je. C’est ce moment-là que choisit l’ascenseur pour ouvrir les portes sur notre étage, me donnant la possibilité de fuir cette discussion insensée. Je me dirige vers ma chambre d’un pas déterminé. Mylena ! m’appelle-t-il d’une voix qui me serre le cœur. Bonne nuit, Jason, je lance en fermant la porte sans même lui adresser un regard. Comment puis-je ressentir une telle frustration alors que je n’ai même jamais

couché avec un garçon ? Pourquoi je n’éprouve ces sensations qu’avec lui ? Jason sera toujours la star sur le poster du mur de ma chambre que j’adule. Un fantasme d’ado. L’avoir si près de moi, c’est comme toucher mon rêve du bout des doigts sans pour autant y parvenir. Frustrant n’est pas un mot assez fort. Les paroles, les signes qu’il envoie me rendent carrément dingue… Je vais finir par tomber amoureuse de lui et ce sera encore pire… S’il me brise le cœur, je ne crois pas que je m’en relèverai. Un homme tel que lui ne peut pas tomber amoureux d’une fille telle que moi. Il a sans doute envie de moi, c’est un homme après tout, ne l’oublions pas. Le problème c’est que je suis incapable de lui résister. Je lui donnerai tout et plus encore, même si je n’obtiens rien en retour. Il vaut bien ce sacrifice, il vaut bien tous les sacrifices… Je sens que cette tournée va être très longue… De villes en villes.

New York est une ville magnifique. Nous sommes arrivés hier soir. C’est dommage que nous n’ayons que si peu de temps pour en profiter. De plus, les Love Hackers vont être très sollicités aujourd’hui, passant de la télé à l’interview presse puis une émission radio avec deux Live acoustiques dans la foulée. J’ai vraiment hâte de les entendre, cela fait si longtemps que je n’ai pas écouté Jason jouer… même s’il traîne sa guitare partout avec lui, le temps nous manque cruellement. Depuis que nous sommes partis de Vancouver, il y a une bonne dizaine de jours, je tente de garder mes distances avec lui. Aller de ville en ville en si peu de temps est harassant. Les garçons sont fatigués et moi aussi. Passer le week-end à New York devrait nous permettre de souffler un tout petit peu. Ils sont ravis à l’idée de reprendre leurs instruments en main. Ils en ont besoin, c’est leur raison de vivre après tout. Bob Marley a dit : « La musique peut rendre les hommes libres

». On attend tous ce moment avec impatience et je les sens plus enthousiastes pour les entrevues qui nous attendent que les précédentes. Les paparazzis commencent sérieusement à s’intéresser à eux. Il y en a toujours un ou deux dans le coin, à l’affût d’un faux pas, d’un scoop. Ils sont à la recherche de quelque chose de croustillant à se mettre sous la dent, ils finiront bien par trouver. Je crois que mon idée de me tenir à l’écart de Jason n’est pas si mauvaise. Si la presse vient à s’emparer d’une telle histoire, je suis sûre de perdre ma place. Dominic serait fou de rage. Quant à retrouver un travail digne de ce nom après ça, je n’ose même pas l’imaginer… Jason semble se

résoudre à ne pas tenter le diable jusqu'à maintenant. Heureusement, car je n’ai pas envie d’être accablée par la colère qui m’a aveuglée pendant deux jours, me rendant exécrable. Gare à qui voulait bien croiser ma route. J’ai fini par me calmer en écoutant les deux premiers albums du groupe durant toute une soirée. Ces opus ont toujours eu ce pouvoir sur moi. Je n’avais pas envie d’y avoir recours, car je ne voulais rien qui me rappelle Jason. Puis je me suis dit que, de toute façon, je l’avais sous le nez à longueur de temps, alors la situation n'empirerait pas si je cédais à ce besoin. C’était ma meilleure idée de la semaine, car elle m’a permis d’y voir un peu plus clair. Avoir une aventure avec le chanteur du groupe dont je m’occupe serait complètement déplacé. J’ai déjà largement outrepassé mes droits. Depuis, je fais tout pour que mes rapports avec lui soient purement professionnels. Rien d’autre. Jason n’a pas l’air ravi, mais il devra bien s’en

accommoder ! Le programme de la journée est chargé, je me suis levée très tôt pour que tout soit prêt. J’ai contacté notre styliste chez Loading Records afin qu’elle m’oriente sur la tenue que les Love Hackers devront porter à la télé. Jusqu'à maintenant, ils avaient plus ou moins le choix, mais ici à New York, c’est différent. Les enjeux sont colossaux. C’est une grosse ville où les médias ont une forte influence sur le public. Il faut donc être au top et réussir à convaincre l’auditoire si on veut que ce soit dans la poche. Les journalistes que nous avons rencontrés jusqu'à maintenant respectent assez bien la vie privée des garçons, mais je doute que ça soit le cas ici. L’équipe communication m’a fait parvenir quelques parades

pour « répondre sans répondre » à ces questions personnelles qui ne regardent personne. Inutile de donner de la matière pour alimenter les rumeurs. Tout ce qui compte c’est la musique et ce qu’elle véhicule, que leur talent soit reconnu à sa juste valeur. Après avoir tout mis au point, je prends une douche et m’habille. Le choix est cornélien. Je sais que je suis la fille de l’ombre, que personne ne fait attention à moi, mais je dois montrer l’exemple un minimum. On ne sait jamais… Je suis devenue très proche du groupe. Nous sommes un peu comme une petite famille. On se soutient les uns les autres, je m’occupe d’eux pour qu’il ne manque de rien et soient au meilleur de leur forme. Une vraie mère poule. Alors il serait très facile de se retrouver au milieu de la presse à scandale surtout quand on connaît mon passif avec Jason. C’était presque de l’inconscience de se promener main dans la main à Seattle,

complètement dingue de se faire surprendre dans l’ascenseur dans une position très suggestive… Je suis sûre que ces vautours seraient aux anges, s’ils savaient ça ! J’enfile un jean slim noir, un chemisier ample en soie rosebeige, une paire de bottines en daim avec de la fausse fourrure et une veste cintrée. Je laisse mes cheveux courir élégamment sur mes épaules et sors de ma suite pour avertir les garçons qu’il ne nous reste plus beaucoup de temps avant de partir pour l’émission télé. La chaîne NBC nous attend dans moins de deux heures. Je commence à être stressée ! Je frappe à la porte de Brice en premier. Brice, tu es debout ? demandé-je, en tapant plusieurs fois. La porte s’ouvre en grand, je suis obligée de lever la tête pour le regarder ! Tu es prêt ? réitéré-je, en posant les mains sur mes hanches. Oui, maman ! Ma tenue te convient-

elle ? raille-t-il en faisant un tour sur lui même. C'est bien ! Mais coiffe-toi mieux que ça, je t’attends en bas dans vingt minutes pour le petit déjeuner ! Bien Madame ! À vos ordres ! répond-il en faisant un salut militaire. Sa bonne humeur est contagieuse et je souris à mon tour en me dirigeant vers la chambre de Rick. Rick ? l'appellé-je, en frappant à la porte comme précédemment. Elle s’ouvre sur un Rick enjoué et lumineux. Hé ! Milady ! s’écrit-il en me serrant dans ses bras. Est-ce que tu es prêt ? Je ne suis pas sûre que nous avions convenus de cette tenue pour la télé ! remarquéje, d’un ton autoritaire en faisant allusion à son jogging douteux et son vieux T-shirt des Goo Goo Dolls. Relax, Milady, j’allais justement me

changer, dit-il en scandant un rythme sur son torse. Le batteur m’a affublée d’un nouveau surnom. Je ne sais pas s’il est très approprié, mais il ne me dérange pas, je le trouve même assez drôle. OK, dis-je en le regardant taper sur ses pectoraux. Je ris, c’est un personnage ce Rick ! Toujours en train de battre la mesure ! souligne-t-il en continuant. Eh bien tu ferais mieux de te préparer, je t’attends en bas dans un quart d’heure ! J’y serais, Milady, répond-il en faisant une révérence royale. Qu’est-ce qu’ils ont ce matin ? N’y a-t-il que moi qui sois nerveuse au sujet de la journée qui nous attend ? Je secoue la tête en souriant tout en me dirigeant vers la chambre du chanteur. J’appréhende toujours lorsque je suis obligée d’aller le déloger de ses appartements… Il est assez isolé du reste du groupe en dehors de nos repas et sorties nocturnes

communes où il ne reste jamais très longtemps. Il est bizarre, mais en même temps il a toujours été le plus solitaire de la bande... Arrête de croire que le monde tourne autour de toi, Mylena ! Je dois dire que j’ai du mal à le suivre. Je ne comprends pas qu’il puisse me désirer et ne pas vouloir coucher avec moi... Les mecs ne s’embarrassent pourtant pas de ce genre d’état d’âme, normalement. Son excuse de ne pas vouloir précipiter les choses n’est pas valable à mes yeux. Les enjeux ne sont pas importants au point d’en faire tout un fromage. Si ? Je ne sais pas quoi en penser… Je suis terriblement attirée par lui, physiquement. Et son amitié compte beaucoup à mes yeux. Je suis lucide et je sais que je ne peux pas tomber amoureuse de lui comme une groupie délurée. Dans la vraie vie, cela ne fonctionne pas ainsi. Je suis une adulte, les adultes n’ont pas de « béguin » pour les stars qu’ils adulaient étant jeunes. Ce n’est qu’un fantasme. Je dois me

conduire en professionnelle avec le groupe, en particulier avec Jason. Si je veux faire mes preuves chez Loading Records, il faut que j’assure. Dominic me laisse beaucoup de libertés, il a confiance en moi alors je ne dois pas le décevoir. Je frappe trois petits coups discrets à sa porte et attends... Il l’ouvre quelques secondes plus tard et là, mes bonnes résolutions volent en éclat en un claquement de doigts. Jeez ! Salut, Myli. Hé ! dis-je avec peine, absorbée par la vue de son torse nu, parfait. Il est seulement habillé d’un jean beaucoup trop saillant et surtout : ouvert, laissant ainsi apparaître son boxer... Oh my Fucking God ! Il se racle la gorge et je tente de me reprendre. Professionnelle, Myli !

Je… Enfin… Je venais… voir si tu étais… prêt… bredouillé-je, en essayant de respirer normalement. Quelle horreur ! Je m’assènerais bien quelques gifles pour être aussi cruche ! Je le serais dans cinq minutes, affirme-t-il en se dirigeant à l’intérieur un sourire satisfait aux lèvres. Fucking hell ! Je le suis de quelques pas tandis qu’il enfile et boutonne sa chemise. C’était bien mieux sans… Son parfum embaume la pièce sur son passage. L’odeur du paradis. Son sourire narquois ne parvient même pas à m’énerver… Je suis bien trop éblouie par ce que je vois… Bravo, Mylena ! Qu’en penserait Dom, d’après toi ? Je t’attends en bas… expliqué-je, en me dirigeant vers la sortie. Son bras attrape le mien et me retient. Je me retourne, étonnée et perturbée par ce contact, qui m’électrifie de la tête aux pieds. Je fronce les sourcils. Damn it ! Pourquoi suis-je si faible !

Tu es magnifique, murmure-t-il en lissant une mèche de mes cheveux. Sauve-toi, Mylena ! Je souris poliment et quitte la pièce avec empressement, si je reste une minute de plus, je vais succomber. Je crève d’envie de juste le serrer dans mes bras. Et plus encore ! Mais si je le fais, je ne pourrais plus reculer, et lui, ne semble pas décidé à m’offrir plus. Cette vie craint ! Nous sommes dans les locaux d’une des plus grandes radios New Yorkaise. Love Hackers est en ce moment même en train de répondre aux questions de l’animateur. Cette journée était très prometteuse. L’émission TV et l’interview presse se sont déroulées à la perfection, ils ont magnifiquement bien

joué et le public présent était très enthousiaste. Une petite horde de fans les attendait à la sortie, ils ont donc improvisé une séance d’autographes. Nous voilà donc en ce moment même à l’antenne, j’assiste à la scène depuis l’extérieur du studio, derrière la vitre qui isole la pièce de toutes perturbations sonores. Ils semblent vraiment très heureux, c’est appréciable de les voir si détendus alors qu’ils pourraient être autrement plus stressés. Un peu comme moi… Je dois être une sorte d’aimant qui absorbe l’anxiété de chacun afin qu’ils restent sereins. Bien sûr, Myli, tu veux une auréole ? Aucune question personnelle n’est venue perturber le groupe et je prie pour que ça continue ainsi. Après la coupure pub, l’animateur invite le groupe à entamer leur chanson. Ils s’installent dans le petit coin aménagé pour l’occasion. Trois

tabourets sont alignés. Jason prend celui du milieu, attrape sa guitare sèche et ajuste son micro, Brice se place à gauche avec sa basse fétiche et Rick s’assied directement sur son Cajon. C’est un instrument de percussion en forme de caisse en bois rectangulaire d’environ quatre-vingts centimètres de haut, que l’on appelle aussi caisse de résonnance. C’est plus pratique que de se promener avec une batterie sous le bras. J’adore quand Rick joue de cet instrument. C’est un vrai régal et il change de l’ordinaire. Le silence se fait et les premières notes s’élèvent. D’où je suis, ils me font presque parfaitement face. J’ai l’impression d’avoir droit à un concert privé. Bien qu'ils ne soient pas dans la même pièce, je les entends comme si j’y étais. Le regard du chanteur se pose sur moi régulièrement. Je suis perdue dans leur musique, transportée par la voix de Jason, douce et rauque, parfaite, elle n’appartient qu’à lui. C’est une voix qui, quand vous

l’entendez, ne vous trompe pas quant à l’identité de la personne qui la possède. Elle est magique et semble venir de nulle part. Les premiers mots qui viennent quand on l’entend, c’est : Wow ! Comment fait-il ? D’où sort ce son incroyable ? C’est un don du ciel. Ce soir, son émotion est plus forte que lors de sa prestation télévisée de tout à l’heure. Peut-être parce qu’il n’y a pas tout ce brouhaha autour, ou peut-être estce parce que son regard insistant me rend toute chose. We are behond the stars (Nous sommes au-delà des étoiles) Up where the sky is ours, yeah, (Là ou le ciel est nôtre, yeah) We are crashing out of the cage (Nous nous évadons de la cage) As free as couple of runaway. (Aussi libres qu’un couple de fugitifs) Je me souviens de la première fois où il m’a fait écouter cette chanson après plus d’une semaine à venir lui tenir compagnie en cachette tous les soirs.

Les larmes avaient roulé sur mes joues à peine avait-il entamé le refrain. J’ai tout de suite su qu’elle serait un tube. C’est sans surprise que le choix du premier single s’est porté sur ce morceau. Surrender all we know (Renonçant à tout ce que nous connaissons) The futur is ours untold, yeah (Le futur est nôtre, indicible, yeah) We are innocent and brave (Nous sommes innocents et braves) As free as couple runaway. (Aussi libres qu’un couple de fugitifs) Lifehouse, Runaways, Out Of The Wasteland, 2015. Je suis totalement hypnotisée, par lui, par sa voix… Elle agit sur moi comme le chant des sirènes qui vous envoûte pour mieux vous faire sombrer, trop absorbée par la beauté de leur chant. C’est exactement ce que je ressens. Je ne suis qu’un pauvre marin sur la route d’une sirène qui aura raison de moi, et je finirais par m’échouer en mer. Cette

sirène étant Jason vous l’aurez compris. J’espère qu’il ne causera pas ma perte… Rien n’est moins sûr, Myli ! La façon dont il mâche son chewing-gum en chantant fait furieusement grimper la température de mon corps. C’est plus que sexy, c’est érotique, pornographique… Cela devrait être interdit. T’es fichue ma pauvre fille ! Quand la chanson se termine, les larmes fendent mes joues et mon maquillage est sans doute en piteux état. J’attrape un mouchoir et un petit miroir dans mon sac pour limiter les dégâts comme je peux. Jason me fixe toujours, je me sens fondre sous son regard… que je ne peux qualifier. Mon cœur se met à battre la chamade. Quel crétin, quel traître ! Tout le monde dans le studio applaudit la prestation. L’animateur s’adresse au groupe pour

quelques dernières questions et notre connexion est rompue. Je me sens soudain exténuée. Toute cette angoisse, courir d’un rendez-vous à un autre, passer de ville en ville, n’est pas de tout repos. Les garçons donnent quelques précisions sur la tournée à venir et la séance se termine. Ils sortent du studio, surexcités, leur entrain est communicatif et c’est tout à fait justifié, ils ont été parfaits. Alors, Milady, comment tu nous as trouvés ? demande Rick en me serrant dans ses bras. Vous étiez géniaux ! Bravo ! les félicité-je, tandis que Brice m’attrape me faisant décoller du sol. Je pousse un petit cri de surprise. J’adore ressentir l’adrénaline qui les embrase

quand ils sortent d’une prestation. C’est comme une drogue, elle me rend aussi euphorique que si j’avais moi-même été sur scène. C’est quelque chose de très intense. Le bassiste me pose enfin et Jason me serre tout contre lui en passant ses bras autour de ma taille dans un geste lent et sensuel, il plonge sa tête dans mes cheveux. L’air se charge d’électricité. Je reste un peu stoïque les premières secondes, puis je m’abandonne à lui, attachant mes bras autour de ses épaules. C’est ni plus ni moins qu’une délivrance, comme si je rechargeais mes batteries complètement à plat. Mes mains sont à deux doigts de ses cheveux, je pourrais si je le voulais… Arrête, Mylena ! Brice se racle la gorge pour nous rappeler à l’ordre. Je sais que tous les regards sont braqués sur nous… J’en suis sûre, et ce n’est pas bon du tout. Je le repousse

gentiment et mon beau chanteur lance un regard assassin à son ami. S’il avait eu des fusils à la place des yeux, le pauvre verrait sa cervelle étalée sur les murs. Je pousse Rick vers l’extérieur et nous retrouvons le froid de l’hiver qui se charge de me remettre les idées en place. God ! Si quelqu’un était mal attentionné dans cette radio, il pourrait aisément nous créer des problèmes. Ce geste à l’apparence anodine ne l’était pas du tout. Cette simple étreinte transpirait d’un je ne sais quoi qui a jeté le silence autour de nous. Tout cela est mal ! Très mal ! Je ne sais pas comment m’en sortir et je suis désespérée. Le chauffeur nous attend devant le siège de la radio, les fans sont retenus derrière des barrières de sécurité. Nous entrons dans notre limousine attitrée et le chauffeur s’engouffre dans le trafic New Yorkais. Bon, on mange où ce soir ? demande Brice en s’étirant sur la banquette. Jason a le regard perdu dans le vide, je

le sens tendu. Je passe mon tour pour ce soir les gars, je suis épuisée. Je vais rentrer à l’hôtel, expliqué-je, simplement en trifouillant mon sac. Viens avec nous, Milady ! Tu ne vas pas nous laisser tout seuls. Qu’estce qu’on va devenir sans toi ? insiste Rick. Désolée… Je vous promets qu’on ira dîner tous ensemble demain. Le chanteur me dévisage à présent, il ne dit cependant pas un mot. Le silence se fait jusqu'à ce que le téléphone de Jason vibre. Il l’attrape au fond de sa poche arrière et regarde l’écran. Ce qu’il y voit ne semble pas le mettre en joie. Il appuie sur le bouton de verrouillage pour rejeter l’appel et le pose sur ses genoux. Au bout de quelques minutes, l’appareil recommence sa symphonie agaçante. Mes yeux baladeurs se promènent jusqu'à l’écran. J’ai juste le temps de lire le nom de Brianna avant qu’il ne raccroche une fois de plus.

Shit ! Qu’est ce que cette poupée gonflable peut bien vouloir ? La jalousie s’empare avec une force que je ne soupçonnais pas. Je me déteste d'éprouver ce sentiment. La voiture s’arrête devant l’hôtel et je descends après avoir dit au revoir aux garçons. Jason me suit à l’extérieur. Myli ? m’apostrophe-t-il en attrapant mon poignet. Oui ? demandé-je, en lui faisant face. Merci… Il n’y a pas de quoi me remercier, je ne fais que mon tra… La sonnerie de son iPhone retentit encore une fois et me coupe la parole. Il faut que je te laisse, dis-je avec un soupçon de colère. Pour seule réponse, il dépose un baiser sur mon front et retourne dans la limousine. Fuck ! Je suis tellement en

rage ! Je rentre dans l’hôtel en courant presque, pressée de me fondre dans mon lit après une bonne douche bien chaude qui, je l’espère, effacera ma jalousie maladive et inappropriée. Je suis réveillée, pas des bruits provenant du couloir, des voix s’élèvent. La curiosité me pique. Je me lève, enfile un peignoir et me dirige vers la porte que j’ouvre discrètement. Ce que j’y vois est loin de me plaire. La chambre de Jason est ouverte, il est sur le seuil, et Brianna tente de s’accrocher à son cou. La bile me monte à la gorge. Allez, Jase chéri, laisse-moi entrer, j’ai fait une erreur, je n’aurais pas dû te traiter comme ça… dit-elle d’une voix molle. Putain, Brianna, tu es ivre et probablement défoncée… je n’ai pas franchement envie de te voir… Surtout dans cet état lamentable. Qu’est-ce que tu fiches ici ? demande-t-il d’un ton glacial. J’avais un shooting à New York, je

me suis dit que ça serait sympa de se voir. Toi et moi, comme au bon vieux temps… On s’amusait bien tous les deux… dit-elle en passant un doigt sur son torse, lascivement. L’idée de la voir le toucher comme ça me rend dingue. Il stoppe sa main et elle se redresse étonnée. Elle manque de se rétamer sur le sol et Jason la rattrape inextrémis en poussant un grognement de mécontentement. Puis il la fait pénétrer dans sa suite. J’ai envie de hurler de colère. Je claque la porte de ma chambre, me fichant complètement du bruit que je fais. J’arpente la pièce de long en large tentant en vain de me calmer. Je m’allonge, pensant naïvement trouver le sommeil. Il est quatre heures du matin. Je vois les heures longuement défiler jusqu'à l’aube. À neuf heures, fatiguée de me retourner dans tous les sens, je décide de m’habiller et d’aller prendre le petit déjeuner. En sortant, je tombe nez à nez avec la girafe blonde. Elle sort de la chambre de Jason, à pas

feutrés. Quand elle m’aperçoit, elle affiche un sourire moqueur. J’ai envie de la gifler ! Tiens, tiens ! Voilà la nounou ! raillet-elle la voix pâteuse. Pousse-toi, s’il te plaît, j’aimerais passer, dis-je d’une voix agacée. Tu croyais vraiment que Jason pourrait être intéressé par une fille comme toi ? m’attaque-t-elle. « Il m’aime, et me l’a largement prouvé ! Toute la nuit… Laisse tomber, petite ! Tu n’es pas à la hauteur ! » se vante-t-elle avec condescendance. C’est ça… Au revoir, Brianna ! lancé-je, en me dirigeant vers les escaliers. Bitch ! Je suis tellement dégoûtée que je ne ressens plus rien. Je n’en reviens pas que Jason ait fait un truc pareil. Moi qui le croyais diffèrent, il est bien comme tout ces mecs, incapable de résister à une partie de jambes en l’air. Pas avec toi en tout cas ! Je me dirige vers le bar

et commande un alcool fort. Le barman me regarde de travers, mais fait quand même ce que je lui demande. J’avale le verre cul sec et hèle le garçon pour qu’il remette ça. Une main sur mon épaule me fait sursauter. Il n’est pas un peu tôt pour ça Milady ? me demande le batteur en s’asseyant près de moi. Je ne lui réponds pas. Je sens déjà les effets de l’alcool qui commencent à me détendre. Tu veux en parler ? Est-ce que ça a quelque chose à voir avec cette grande perche de Brianna ? que questionne-t-il, inquiet et extralucide. Shit ! C’est écrit sur ma tête ou quoi ? En tout cas, le fait qu’il n’ait pas l’air de l’apprécier plus que ça me remonte un tout petit peu le moral. Un tout petit peu... Oui… Non… c’est compliqué, laisse tomber, s’il te plaît. OK, comme tu veux, mais arrête de

boire ! Ça ne résoudra rien. Viens, on va déjeuner, je t’invite, décrètet-il en me faisant un clin d’œil. Il m’attrape par la main et me conduit à l’extérieur en direction du Starbucks. Je regarde autour de nous, mais je ne vois aucun paparazzi dans les parages. Presse à scandale. Nous partons de Washington ce soir direction : Miami. J’ouvre doucement les yeux. Nous changeons de ville tellement souvent qu’il m’arrive de me demander où nous sommes. Mon téléphone est submergé de notifications ce matin. Je les ai activées pour être au courant de la moindre information concernant les Love Hackers. Ce que je vois alors me met hors de moi. Je bondis de mon lit, furieuse. Il s’agit d’un magazine people réputé pour balancer des détails sur la vie privée des célébrités. C’est Jason qui en fait les frais aujourd’hui. Je crois rêver quand j’aperçois l’article en question. Fuck ! JASON ET BRIANNA REMETTENT LE

COUVERT. Nous avons eu l’information, il y a quelques jours, par une source sûre. C’est ainsi que certaines preuves se sont retrouvées entre nos mains. Nous ne pouvions évidemment pas faire autrement que de vous en parler ! Brianna, la reine des podiums à travers le monde et Jason, le chanteur de rock sexy, se seraient revus lors du passage du groupe à New York, il y a à peine une semaine, pour la tournée de promotion de leur nouvel album. Nous pouvons les voir sur ces photos très proches, très intimes. Je suppose que la rumeur est maintenant confirmée. Ils sont mignons tous les deux. Un couple canon qui fera parler de lui. C’est sûr ! Fucking hell ! Je sens que je vais vomir. « Mignon », « canon » ? Quelle horreur ! Hormis le fait que je sois furax je crains pour la réputation du groupe. Ce genre de pub peut être néfaste. Je me dois de protéger leurs intérêts. Je compose sans plus attendre le numéro de

Dom en priant de ne pas passer un sale quart d’heure. Bonjour, Dominic, c’est Mylena. Je crois qu’on a un petit problème… commencé-je, timidement. Un petit problème ? C’est peu dire ! Je suis désolée, Dom. J’aurais dû être plus vigilante… m'excusé-je, en bafouillant. Il pousse un long soupir de lassitude. Tu n’es pas responsable. Tu ne peux pas être derrière eux à chaque instant. Tout me porte à croire que c’est Brianna elle-même, qui a balancé ces photos. What the hell ?! Je reste bouche bée. Mais… comment ? Tu n’as pas regardé l’article en entier ? Les photos ont été prises dans la chambre, dans leur lit, il est évident que c’est soit elle, soit Jason… Je déglutis avec difficulté. C’est vrai que j’ai fait l’impasse sur les photos, ne voulant pas me rendre un peu plus

malade avec ces clichés qui m’ont tout l’air d’être répugnants. C’est encore pire que je ne l’imaginais… Écoute, Myli, je vais mettre les avocats du label sur le coup en espérant qu’ils puissent faire quelque chose. Brianna n’a pas de bonnes mœurs, cette histoire ne nous fait pas une bonne pub. Il faut dire que ces derniers temps, on l’a souvent vue lors de soirées huppées dans un piteux état… OK… Je vais également renforcer les gardes du corps. La presse va en vouloir plus maintenant. Questionne Jason et essaie de connaître sa version des faits. OK… Dominic raccroche et je m’assieds pour me remettre de toutes ces informations qui me donnent le tournis. Je n’ai aucune

envie de sonder Jason et d’en « savoir plus ». Je sens que c’est au-dessus de mes forces. Mais je n’ai pas le choix n’est-ce pas ? C’est mon boulot… Je m’habille à la hâte, attrape mon manteau et cours acheter ce torchon sur le champ. Il faut que j’en aie le cœur net. Effectivement, les photos semblent être prises depuis l’intérieur de la chambre. On y voit Brianna qui lui embrasse le torse, blottie dans les bras de Jason. Seigneur, je vais vomir ! Elle est forcément à l’origine de ces clignés ignobles. Je ne veux pas croire qu’il s’agisse de Jason… C’est impossible. La colère me submerge. Je retourne à l’hôtel et frappe furieusement à la porte du chanteur. Il m’ouvre en boxer, ensommeillé, mais je suis trop aveuglé par ma fureur pour m’arrêter sur ce détail. Myli ? demande-t-il en fronçant les sourcils. Je lui balance le magazine qu’il rattrape au vol avant de se le prendre en pleine

tête. Il est réactif pour quelqu’un qui se réveille à peine. Il ouvre le journal, tombe sur l’article et le lit avec attention. Je sens son malaise grandissant tout autant que sa colère. Je peux t’expliquer, Mylena. Ce n’est pas ce que tu crois, raconte-t-il, désespéré. Cette situation m’écœure. Tu ne trouves pas cette phrase un peu cliché ? On n’est pas dans un film, Jason, crié-je, en arpentant la pièce. Il m’attrape par le bras pour m’empêcher de faire les cents pas. Son regard se fond au mien, rempli de regrets.

Je te jure qu’il ne s’est rien passé. Elle était complètement bourrée et… Arrête ! râlé-je, en m’éloignant brusquement de lui. Je ne veux rien savoir. Tu fais ce que tu veux ! Mais il est de mon devoir de te dire que ce n’est pas bon pour le groupe ! le réprimandé-je, en pointant un doigt menaçant sur lui. Il semble blessé par mes propos, mais tente de rester impassible. Dominic voudrait avoir ta version des faits, pour pouvoir mettre les avocats de Loading Records sur le coup, reprends-je, plus calmement. Brianna n’est intéressée que par l’argent et la gloire, elle a balancé ces photos à la presse pour se faire mousser, répond-il d’un ton dur. J’appellerais

moi-même Dominic pour lui raconter ce qu’il en est, conclut-il. Je me sens vraiment mal. Je n’ai encore jamais vu Jason si énervé et désemparé. Il est déçu et je me sens responsable. Je m’en veux d’avoir été si virulente avec lui. J’ai vraiment envie de le croire quand il dit qu’il n’y est pour rien. Je ne doute pas un seul instant de la vénalité de Brianna. Bien, je vais te laisser, on se voit pour l’interview, dis-je en baissant le regard. Myli… Jason s’approche de moi et attrape mon menton entre ses doigts. Je relève la tête. N’écoute pas ces crétins qui écrivent tous ces mensonges. Brianna est prête à tout pour être sous les feux de la rampe. Je n’éprouve plus rien pour elle qu’un profond dégoût. Je te jure que ce qui est écrit dans ce torchon n’est pas la vérité. Tu me crois ?

Je fronce les sourcils, et hausse les épaules tandis qu’une larme roule sur ma joue. Son contact me fait atrocement mal. Je maudis mon corps, de réagir ainsi. Je le crois, mais je n’en suis pas moins blessée. Je m’essuie le visage du revers de la manche et me redresse. De toute façon, ça ne te regarde pas, Myli, ce n’est pas comme si tu étais sa petite amie ! Je dois y aller, dis-je en me dégageant. Je me dirige vers la porte sans me retourner et quitte la pièce, abattue. Je ne suis pas vraiment étonnée du comportement de Brianna, mais je ne pensais pas que ça me ferait autant de mal. L’interview radio d’aujourd’hui touche à sa fin. Tout s’est déroulé sans embuche jusqu'à maintenant, je croise les doigts. Mais ce que je redoute est sur le point de se produire. Fuck ! Pour finir, j’aimerais vous poser une dernière

question, Jason, dit l’animateur avec un sourire aux lèvres. J’ai envie de lui jeter mon point à la figure. Je sais très bien où il veut en venir ce crétin ! Les questions sont préparées à l’avance et il n’a jamais été question d’une « dernière question ». Je vous écoute, répond Jason agacé. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre relation avec Brianna ? Est-ce vrai ce que l’on dit ? Vous êtes-vous remis ensemble ? Le silence se fait, on entendrait une mouche voler, tout le monde est suspendu aux lèvres du leader de Love Hackers. Shit ! Dominic a demandé à Jason de ne pas répondre si jamais on abordait le sujet. Mais je crains que cette façon de faire ne fasse qu’empirer les choses… Je n’ai rien à vous répondre, lance-til en contenant sa colère.

Son regard désolé quand il me regarde me rend malade. À cet instant, je voudrais être à mille lieues d’ici, dans le fond de mon lit à Los Angeles, par exemple. Loin de tout ce foutoir qui me rend chèvre. Si seulement je n’éprouvais rien pour Jason… Tout serait plus facile et je pourrais me concentrer uniquement sur mon travail et leur carrière. Mais non, il me hante comme un fantôme qu’on ne parvient pas à exorciser. Les garçons ne s’attardent pas une fois l’interview finie. Nous entrons dans la voiture dans un silence complet et angoissant. Je devrais dire quelque chose, me conduire en professionnelle, mais je n’y parviens pas, tout cela me fatigue. Je n’en peux plus. Quand nous arrivons à l’hôtel, nos bagages sont prêts à être chargés. Nous décollons pour Miami dans moins de deux heures. L’employé de l’hôtel se charge de tout transporter dans la limousine tandis que mon téléphone retentit brisant cet état tendu qui nous étreint tout les quatre.

Allo ? Mylena, c’est Dom. Je viens aux nouvelles. Comment s’est passée l’interview ? me questionne mon patron impatient. Je m’éloigne des Love Hackers et m’isole à l’abri des oreilles mal intentionnées. L’animateur a posé une question personnelle à Jason, et comme vous le souhaitiez, il n’a pas répondu, lui raconté-je, d’un ton égal. Bien… C’est bien… Il n’a pas insisté ? Non… OK. J’ai eu Jason au téléphone en début d’après-midi. Il m’a tout expliqué. J’ai transmis tous les renseignements aux avocats. Je pense qu’il va être assez facile de trouver les preuves que c’est bien Brianna qui a pris les photos. Jason ne veut pas qu’on l’attaque elle personnellement tant qu’on n’en saura pas plus. En attendant, on peut

toujours faire condamner le magazine pour atteinte à la vie privée. Ils devront payer une amende. Oh… D’accord… Si des paparazzi vous approchent, ne leur répondez pas. Je m’occupe d’avertir les radios et la presse que les questions personnelles ne sont plus autorisées. Il se peut qu’ils tentent quand même le coup, mais vous devriez être à peu près tranquilles. D’accord Dom, on suivra les instructions à la lettre. Je te fais confiance, Mylena. Je sais que tu ne me décevras pas. Maintenant, je te laisse, je ne voudrais pas que vous ratiez l’avion. Eh, Mylena ? Oui ? Tu fais du bon boulot avec les gars,

alors, merci. Continue comme ça. Merci… La communication est coupée. Je n’en reviens pas. Je me sens encore plus mal qu’il y a cinq minutes ! S’il savait ce qu’il se passe entre Jason et moi, il serait fou furieux. Compte tenu des moyens qu’il déploie pour protéger le groupe, je ne ferais pas de vieux os s’il venait à apprendre que j’ai fricoté avec Jason. Il n’hésitera pas à me foutre à la porte, peut-être même en s’assurant que je ne retrouve jamais un boulot digne de ce nom après ce comportement. Je suis vraiment dans de sales draps… Je retrouve les garçons dans le hall de l’hôtel en tentant de cacher ma mine déconfite. Hé, Mylena. Tout va bien ? me demande Brice en passant un bras autour de mes épaules. Oui bien sûr, mens-je, en tentant un sourire. Tu peux nous dire, pourquoi il y a tous ces gorilles devant l’entrée ?

demande Rick en pointant du doigt les agents de sécurité à l’extérieur. Dom a décidé de renforcer la sécurité, j’explique simplement. « Mais on en parlera plus tard, dans l’avion. Ce n’est pas vraiment l’endroit, ici. » ajouté-je, tentant de le rassurer. Jason ne pipe mot, il se contente de me dévisager, mais je refuse de le regarder. Cette situation est insupportable. Je me sens nue sous son regard, il lit trop facilement en moi. Allons-y messieurs, Miami nous attend ! m'exclamé-je, faussement enthousiaste. Une heure plus tard, nous sommes tranquillement installés autour d’une petite table, à l’intérieur du jet privé de la compagnie. Notre trajet s’est bien déroulé, aucun élément perturbateur n’est à signaler. Les garçons me regardent tous avec insistance, attendant d’en savoir plus sur les mesures qu’a prises Dominic. Je prends une grande

inspiration et me lance. Je pense que vous savez tous que Jason a fait les frais des journaux people, aujourd’hui. Ce n’est pas un secret... Dominic a donc décidé de renforcer la sécurité quelques temps, pour anticiper l’effet que cette nouvelle pourrait avoir sur le public et surtout sur les paparazzis qui vont vouloir en savoir toujours plus. Vous n’avez pas le droit de parler à la presse en dehors du cadre de la promotion de l’album et vous ne devez en aucun cas répondre aux questions personnelles, expliqué-je, en les regardant tour à tour. Wow, ce n’est pas un peu excessif, Mylena ? demande Brice circonspect.

Je me racle la gorge. Je voudrais qu’il ait raison, mais malheureusement, ils sont une proie privilégiée. Un groupe de trois mecs avec un chanteur sexy, qui commence à gagner en notoriété, l’enthousiasme ne risque pas de se calmer. Malheureusement, je crains que non. Brianna est un mannequin mondialement connu et elle aime se donner en spectacle à priori. Sa réputation n’est pas mirobolante, dis-je en regardant Jason d’un air désolé, ce qui n’arrange rien… Il semble énervé, mais il se contient avec énormément de self-control. J’aimerais avoir l’air aussi calme… Pour l’instant, c’est à Jason qu’ils s’en prennent, mais vous n’êtes pas

à l’abri, j’avertis les deux autres. « Brice, ta petite amie est actrice, n’est-ce pas ? » demandé-je, au bassiste. Ce dernier hoche la tête. Tu pourrais très bien être le prochain sur la liste… tu dois être vigilant. Rick, tu devrais toi aussi avertir ta femme qu’elle se méfie, même si, n’étant pas connue, elle risque moins que la copine de Brice… Les Love Hackers semblent prendre conscience de l’état des choses. Une notoriété grandissante amène forcément à ce genre de problème. C’est la rançon du succès comme on dit. L’un ne va pas sans l’autre. Vous n’avez pas à vous inquiéter. Dominic dispose de très bons avocats et la situation est sous contrôle. Tout ce que vous avez à faire c’est de rester vigilants, tentéje de les rassurer. Ce qui marche plus ou moins. Je n’avais pas imaginé qu’on en

arriverait là… lance Brice, dubitatif. Cette réflexion montre à quel point ils restent humbles. C’est une des raisons pour lesquelles j’adore ce groupe. Ils ne vivent que pour le plaisir que la musique leur procure. Vous avez un talent indéniable, et malheureusement, dans ce monde, il y aura toujours des jaloux et des gens malhonnêtes. Mais vous êtes soudés, c’est ce qui fait votre force. C’est de la folie… Ce n’est que le début… Je ne dis pas ça pour vous décourager. Ces contraintes ne sont rien comparées à l’amour que vous rendra votre public. Il faut juste s’entourer des bonnes personnes pour ne pas emprunter le mauvais chemin. Vous êtes entre de bonnes mains, Dominic est un super manager.

Et toi aussi, Milady ! s’exclame Rick. Le rose me monte aux joues. Je fais ce que je peux… Tu le fais très bien, on ne voudrait personne d’autre que toi ! confirme Brice. Merci… répondé-je, timidement. Allez viens, Rick, on va se reposer par là-bas, dit-il à son ami le batteur, en l’entraînant vers le fond de l’appareil. Je me retrouve seule face à Jason. Pas sûre que la disparition des deux comparses n’y soit pour rien ! Je suis terriblement mal à l’aise et son silence me rend folle. J’ai envie de lui secouer les puces pour qu’il se décide enfin à dire quelque chose, n’importe quoi ! Je soupire et regarde à travers le hublot, la nuit est claire et les étoiles

resplendissent. C’est un spectacle magnifique. Je suis désolé, Myli, toute cette histoire… Ça me dépasse… lance soudain Jason dépité en posant une main sur la mienne me faisant sursauter. Ce n’est rien, je le rassure. Ça va s’arranger. D’ici quelques jours, ils seront passés à autre chose. Il suffit juste que tu te fasses oublier un petit moment, le rassuré-je en reprenant ma main. Tout cela ne me plaît pas du tout… Je comprends Jason, mais tenir compte des mensonges de la presse à scandale fait partie de mon job. Je sais, mais moi je te parle de la distance que tu mets entre nous, rétorque-t-il sérieux. Mon cœur rate un battement. Je suis partagée entre la joie immense que

procurent ces paroles et la tristesse de la situation qui n’ira jamais dans le sens que je désire. Jason… Quoi ? Dis-moi que ces moments passés ensemble ne te manquent pas, Myli… Là n’est pas la question. Je ne peux pas. Dominic me fait confiance, cette place compte pour moi. Quant à toi, tu dois penser à ton rêve, à tes amis qui dépendent de toi. C’est sans intérêt si je ne peux pas vivre ces instants en étant avec toi ! râle-t-il à voix basse. Jason, c’est impossible ! répété-je, en commençant à perdre mon sangfroid. C’est tellement dur, de l’écouter prononcer ces mots que j’ai toujours rêver d’entendre et de devoir y renoncer à contrecœur. Un coup de poignard dans la poitrine me ferait moins mal. Heureusement que nous n’avons pas couché ensemble. Tout aurait été encore

plus compliqué. Il secoue la tête de droite à gauche excédé et je baisse les yeux sur mes mains nouées. Nous sommes enfermés dans un avion, aucune issue n’est possible. C’est l’horreur ! En temps normal, j’aurais pu m’éclipser pour une raison ou pour une autre, mais pas là. Je suis obligée d’affronter sa colère, sa déception, sa tristesse. Je les ressens sous la moindre parcelle de ma peau. Je suis comme connectée à ses émotions, c’est troublant et effrayant, mais je voudrais que cela dure toujours. Je suis tiraillée entre l’amour que j’éprouve pour lui et ma loyauté envers mon travail. J’aimerais avoir le pouvoir de faire taire tout ce que je ressens. Mais je ne suis pas un vampire et nous ne sommes pas dans Vampire Diaries. Jason frotte son front frénétiquement comme pour repousser un mal de tête épouvantable puis me regarde de nouveau dans les yeux, son regard semble me supplier. Je veux retrouver ce que nous

partagions, Myli. C’est trop important pour que j’y renonce, avoue-t-il avec une sincérité bouleversante. Je hausse les épaules. Jouer la carte de l’amitié est douloureux, confié-je, avec des trémolos dans la voix. Je sais… concède-t-il. Mais je veux être avec toi, Mylena, déclare-t-il à demi-mot. Il craint forcément que je le repousse et c’est ce que je devrais faire. Cette histoire ne nous attirera que des ennuis… Moi aussi, Jason. Mais comment ? Que fais-tu des paparazzis, et du monde qui a toujours un œil sur nous ? De Brianna et de mon travail

auquel je tiens ? On ne peut pas… Arrête avec Brianna ! m’ordonne-t-il avec rage si bien que je m’enfonce dans mon siège comme une petite fille apeurée. On pourrait… je ne sais pas… je veux juste passer plus de temps avec toi... murmure-t-il désespéré. Je sens mon cœur se briser en mille morceaux de le voir ainsi. Je suis totalement incapable de lui refuser quoi que ce soit. Comment ? demandé-je, incrédule. Je ne sais pas… répète-t-il en jetant sa tête en arrière sur le fauteuil. Il fixe le plafond. Sa pomme d’Adam bouge lorsqu’il déglutit, ce qui me donne envie de me jeter à son cou pour l’embrasser. Je sens une chaleur familière, qui n’est provoquée que par Jason, se raviver. Je sais que je vais regretter ce que je vais dire à la seconde où les mots sortiront de ma bouche, mais peu importe, j’ai un besoin vital de lui. Il y a un proverbe qui dit : « Pour

vivre heureux, vivons cachés » tenté-je timidement en fixant le sol. Tu n’es qu’une abrutie, Mylena ! Tu n’as pas vraiment osé lui faire cette proposition ? Il se redresse subitement, s’accoude à la table et me fixe avec une attention particulière. Qu’est ce que tu veux dire ? demande-t-il en fronçant les sourcils. Eh bien, peut-être que nous pourrions passer du temps ensemble à l’abri des regards, comme un secret… Mais en tout bien tout honneur… expliqué-je, alors que mes joues deviennent cramoisies. Tu n’as pas honte, Mylena ? « En tout bien tout honneur » ? Tu y crois réellement ? Tu ne tiendras jamais pauvre idiote ! Jason semble y réfléchir sérieusement. God ! Qu’est-ce qui m’a pris de dire une connerie pareille !

Tu veux dire que tu accepterais de passer du temps avec moi ? Sans me fuir ? demande-t-il en me forçant à le regarder. Oui… Mais… « En tout bien tout honneur », j’ai compris, raille-t-il en retrouvant ce sourire qui m’a tant manqué. Même lui, n’y croit pas, Myli ! Ça ne marchera jamais ! Je suis contente de voir une once de bonheur dans ses yeux, mais je sais que rien de bon ne sortira de cette supercherie. Peu importe, pour moi, ce que Jason veut, Jason obtient. Il me tend la main et je la serre, signe que « le marché est conclu ». J’ai l’amère impression d’avoir signé un pacte avec le diable. C’est probablement le cas. Je peux venir m’asseoir à côté de toi ? demande-t-il avec un sourire en coin. Foutue, foutue, FOUTUE ! Oui, viens, approuvé-je, en tapotant la place près de moi. Il prend place sur le siège voisin et

passe un bras autour de mes épaules. Jeez ! C’est si bon ! Mais une très mauvaise idée ! Mes poumons semblent s’emplir d’air de nouveau, comme si j’avais été en apnée pendant un temps infini. Que s’est-il passé avec Brianna ? tenté-je, avec précaution. S’il veut que nous soyons plus proches, il faut que je sache. Cette épée de Damoclès planera toujours au-dessus de ma tête si je ne m’en débarrasse pas. Il pousse un soupir et se met enfin à parler après plusieurs secondes. Elle m’a appelé plusieurs fois ce soir-là, je ne lui ai pas répondu, je l’ai ignorée, mais elle a frappé à ma porte en pleine nuit, je ne sais même pas comment elle a su que nous étions dans cet hôtel… Bref, elle avait bu et avait probablement consommé de la drogue. J’étais en colère de la voir dans un tel état à me faire des avances pitoyables… Je l’ai laissée entrer parce qu’elle

ne tenait plus debout et qu’elle allait réveiller tout l’hôtel. Je l’ai poussée sur le lit. Elle ne bougeait pas, semblait endormie, alors je me suis couché, le plus loin d’elle possible. Ensuite, quand je me suis réveillé, elle avait disparu… Je crois qu’elle a profité du fait que je dorme pour prendre les photos qui sont apparues dans la presse… racontet-il le regard dans le vague. Une expression de dégoût se peint sur son visage tandis qu’il énonce les faits. Il ne me faut rien de plus. Je le crois. Mon cœur sait qu’il ne ment pas. Le comportement de Brianna me donne la nausée. En plus d’être une horrible personne, elle se drogue et après, se paie le culot de me faire des remarques… OK.

OK ? Oui, je te crois, alors OK, répondéje, en lui offrant un sourire sincère. Tu m’as manqué, Myli chérie, chuchote-t-il en me rapprochant tout contre lui. Jason ! le réprimandé-je, en lui donnant une tape sur le torse. Mais ma main reste collée à lui. Ce n’est pas vraiment ce à quoi je pensais quand je disais « en tout bien tout honneur ». Je me suis fait avoir comme une débutante. Oh, mais attends, tu es une débutante ! Ce n’est pas une excuse Mylena ! Toi aussi, tu m’as manqué, avoué-je, en me blottissant contre lui. Il sourit dans mes cheveux et les embrasse, puis nous nous endormons ainsi. FOUTUE ! En tout bien tout honneur. Nous clôturons la

tournée promotionnelle ici, à Las Vegas. Ce mois fut long et éprouvant pour les nerfs compte tenu de ce qu’il s’est passé avec Brianna et tout le reste. Heureusement, l’affaire s’est plus ou moins tassée grâce à l’intervention et l’efficacité des avocats de Dominic. Les animateurs, présentateurs, journalistes ne se sont plus risqués à poser des questions sur la vie privée des garçons. Je stresse à chaque fois, me demandant sans cesse s’ils vont oser sauter le pas, mais je touche du bois, ça ne s’est plus produit. Brianna n’a pas du tout apprécié que l’affaire soit mise de côté. Elle appelle Jason quotidiennement depuis dix jours. Il ne répond pas. Je présume que cette indifférence doit la rendre folle. J’ai su qu’elle avait tenté de venir le voir à notre hôtel lorsque nous étions à Dallas, mais l’équipe chargée de la sécurité du groupe l’a refoulée à l’entrée, si bien que Jason ne s’est aperçu de rien. Il n’a pas désiré lui faire porter le chapeau,

préférant que les rumeurs s’étouffent d’elles-mêmes. Dominic était lui aussi de cet avis. Je crois qu’il est plus judicieux de ne pas jeter de l’huile sur le feu. Ces vautours ont vite fait de déformer la réalité. Je suppose que le démenti qui a été publié ne l’a pas vraiment enchantée. Mais peu importe, je me fiche de cette poupée Barbie peroxydée. Enfin… J’aimerais bien, mais je déteste l’idée d’avoir à tomber sur elle à n’importe quel moment. Qui sait de quoi elle est capable ? Je la suis de loin sur les réseaux sociaux, histoire de savoir ce qu’elle fait. Il semblerait qu’elle soit sur le tournage d’un clip en Espagne depuis deux jours. Grand bien lui fasse ! Qu’elle y reste ! Entre Jason et moi, tout se passe cordialement. Il faut dire que nous avons si peu de temps, entre les interviews et la fatigue... Nous mangeons ensemble avec Brice et Rick, sortons boire un verre pour « découvrir » la ville dans laquelle nous sommes puis nous rentrons

nous coucher ou montons dans le jet vers la prochaine destination, ce qui laisse vraiment peu de possibilités. Les trajets dans les airs sont les seuls instants de répits dont on dispose. Nous prenons place l’un à côté de l’autre comme seuls au monde et écoutons de la musique sur son iPod, car le mien ne contient que des titres des Love Hackers. Les mots n’ont pas leur place. On se comprend sans même se parler. Je ne vis que pour ces instants hors du temps, à des kilomètres de la terre ferme, la tête dans les étoiles au propre autant qu’au figuré. Les limites du « En tout bien tout honneur » sont donc pour l’instant respectées. Oui, mais pour combien de temps, Myli ? Non, je tiendrais bon ! Je peux être amie avec Jason. Avec le temps, j’oublierai mes sentiments pour lui et je tomberai peut-être amoureuse de quelqu’un d’autre… Mais oui Mylena, compte là-

dessus. Ce soir, après l’ultime prestation des Love Hackers, nous allons sortir faire la fête comme il se doit. C’est Las Vegas oui ou non ? Ma collègue et récemment amie Clara, fait le déplacement pour nous retrouver. Cette fille est une pure fêtarde. Je me souviens de notre rencontre le soir du Nouvel An, on avait tellement ri que j’en avais eu mal au ventre. Je n’ai pas pu profiter énormément d’elle, étant sur le départ pour la tournée promotionnelle, mais je lui envoie beaucoup de mails et SMS. De cette manière, je sais un peu ce qu’il se passe chez Loading Records en mon absence. Je sens que cette soirée va être géniale. Les garçons ont l’air de l'attendre avec impatience. L’hôtel est gigantesque : Le Luxor Las Vegas. On se croirait en Égypte, un grand sphinx vous accueille, une pyramide noire, tout en verre, domine le complexe outrageusement luxueux et coloré à souhait. C’est incroyable. J’ai

l’impression d’être dans une autre dimension. Quand on arrive à Las Vegas, l’atmosphère a une odeur de fête. Comme si on entrait dans un espacetemps qui nous pousse à faire les fous jusqu’au bout de la nuit. C’est indescriptible tellement c’est grandiose. Pourtant proche de Los Angeles, je n'y avais cependant jamais mis les pieds. Je suis ravie et j’ai des étoiles de folie plein les yeux. Cette ville sent la débauche et j’adore cette ambiance. Je crois qu’elle pourrait pervertir le meilleur des saints. L’interview qui nous attend est un peu spéciale puisque nous serons en tête à tête avec Jaden Spalin. Le tout sera retransmis en direct sur le net. Elle reçoit le groupe dans sa villa avec piscine, tout le matériel nécessaire étant installé sur sa terrasse. Son émission est réputée pour cette atmosphère intimiste et elle est toujours l’une des premières à avoir les petites exclues, déniche les nouveaux talents et en fait des stars !

Dans le milieu, Jaden est très prisée. C’est donc avec une certaine excitation qu’on se rend chez elle. Tout ce que j’espère, c’est que l’atmosphère « détendue » ne lui donnera pas envie de poser des questions personnelles aux membres du groupe. Me voilà qui stresse de nouveau ! C’est malin ! Détends-toi, Myli Chérie, tout se passera bien ! murmure Jason à mon oreille afin que les autres ne l’entendent pas. « En tout bien tout honneur », c’est ça, Mylena ! Je réprime un frisson et lui donne une petite tape sur la cuisse du revers de la main en lui lançant un regard noir. Jason se moque ouvertement de moi. Bon sang ! Il m’agace ! Mais je l’aime tant… Shit ! N’est-il pas mignon dans son jean noir et son t-shirt blanc dont les

longues manches sont remontées. Jeez ! C’est un calvaire de vivre vingt-quatre heures sur vingtquatre avec cet Apollon sous les yeux ! Une torture ! Un supplice ! Il me donne un petit coup d’épaule et me lance son sourire ravageur. Sois forte Myli ! Je secoue la tête et lève les yeux au ciel, mais je ne peux m’empêcher de sourire comme une idiote ! FOUTUE ! Jason n’a qu’à claquer des doigts pour que je lui mange dans la main. C’est affligeant ! Le chauffeur nous dépose devant la demeure immense de Jaden. Bloody hell ! Quelle maison ! C’est un palace ! Elle nous accueille avec entrain et bonne humeur. Tout est vraiment cosy et les Love Hackers sont très détendus. L’ambiance est cependant particulière, une nostalgie plane. Sans doute parce que c’est la fin de cette aventure promotionnelle.

Les questions ne différencient pas tellement de l’habitude bien que Jaden se permette néanmoins quelques libertés… Je n’aime pas beaucoup son attitude. Cela ressemble plus à une discussion entre amis autour d’un verre qu’à une interview. Elle est prévenue, la moindre incartade et elle risque gros. Il serait bête qu’elle tombe aux oubliettes à cause d’une malheureuse question. Tu deviens mauvaise, Mylena ! Je vois bien dans son regard qu’elle en crève d’envie. Je lui lance un regard d’avertissement dès qu’elle lève les yeux sur moi. Elle semble comprendre et les invite à

commencer leur interprétation. Jason, Brice et Rick s’installent confortablement et s’emparent de leurs instruments. Le silence se fait. L’équipe de tournage est aux premières loges, les filmant sous tous les angles. Rick tape trois fois ses baguettes entre elles et la musique retentit avec une harmonie parfaite, en douceur puis de plus en plus intensément. C’est merveilleux. Quand la chanson se termine, Jaden applaudit les garçons et je l’imite, les larmes aux yeux. Se tenir à moins de trois mètres d’eux alors qu’ils sont en train de jouer c’est sensationnel. Wouhou ! Bravo Love Hackers ! s’écrit Jaden en tendant les bras au chanteur. Mon chanteur ! Ne sois pas jalouse, Mylena ! Ce n’est pas ta chose ! Son regard me fixe un instant, il m’offre un sourire réconfortant et reporte son

attention sur la jeune femme, pendue à son cou. Mais pas assez longtemps pour qu’elle ne remarque pas mon émotion. Ho ! Regardez-moi ça, votre manager a les larmes aux yeux ! s’exclame-telle en faisant la moue. « Vous êtes vraiment géniaux ! Je suis sûre que vous allez faire un carton ! » ajoutet-elle enjouée. Heureusement, la caméra ne se retourne pas sur moi et elle enchaîne en vantant l’album exceptionnel qu’elle « écoute en boucle ». « Manager » ? J’adore cette fille autant que je la déteste d’avoir mis ses mains sur MON Jason ! Non, mais écoute-toi, Myli ! T’es barrée ma pauvre ! En sortant de chez Jaden, les garçons sont survoltés. La porte d’entrée se ferme derrière nous et Jason me prend dans ses bras avec une énergie et une joie communicative. Il enfouit sa tête dans mes cheveux et passe ses bras autour de ma taille avec tendresse. Il est tellement grand que mes pieds ne

touchent plus sol. J’enroule mes bras autour de son cou et apprécie ce moment avec délectation. Quand il me repose sur le sol, il prend mon visage en coupe et nos regards se figent l’un dans l’autre. L’émotion de cet instant m’étreint et me met les larmes aux yeux. Nous sommes seuls au monde. Il dépose un doux baiser sur mes lèvres mouillées de larmes. Nos corps se séparent et je frisonne de ressentir ce vide. Je voudrais tellement plus. C’est devenu un besoin vital. J’ai soif de son contact. Il entrelace nos doigts et nous entrons dans la limousine ou Brice et Rick nous attendent. Je prends place en face du bassiste qui me fait un clin d’œil entendu. Je sens mes joues s’empourprer, et la gêne s’empare de moi. Ils ont assisté à cette scène qui, l’air de rien, était incroyablement intime bien qu’elle n’avait rien de sexuel. Bon sang qu’est-ce qui nous a pris ? C’est gentil à eux d’avoir eu l’idée de s’effacer. Le silence dans l’habitacle est assourdissant alors que ça devrait être

tout le contraire. L’humeur joyeuse de Jason semble avoir chuté de quelques degrés pour une raison que j’ignore. Cela dit, j’éprouve exactement la même chose. Il s’agit pour ma part tout simplement de regrets. Le regret de ne pas pouvoir être avec lui, de l’enlacer à chaque fois que j’en ai envie, de tenir sa main dans la mienne, ou encore de l’embrasser sans retenue. Mais aussi des remords de me laisser dominer par mon désir pour lui, si fort qu’il me dépasse. Qui plus est, c’était totalement inconscient de nous donner en spectacle devant la maison de Jaden où les paparazzis pourraient s’en donner à cœur joie. Je m’en voudrais terriblement si la presse s’emparait de cela pour raconter tout un tas de mensonges. Personne ne desserre les lèvres du trajet.

Arrivés à l’hôtel, nous montons dans nos suites pour nous préparer. Je reçois un SMS de Clara. *Je serai là dans vingt minutes Miss. Bisous. C* J’ai juste le temps de prendre une douche qu’elle frappe déjà à la porte. J’ouvre et tombe nez à nez avec Jason. Shit ! Si Clara arrive… Je ne veux même pas y penser… Je jette un coup d’œil à ma tenue et je resserre les pans de mon peignoir sur mon corps dénudé le plus possible en croisant les bras sur ma poitrine pour éviter tout accident. Fucking Hell ! Il tombe toujours aux pires moments possibles. Jason ? prononcé-je, d’une voix inaudible. Tu as l’air d’une parfaite idiote, Mylena ! Le fait qu’il me dévisage d’un air bizarre et qu’il ne décroche pas un mot me met de plus en plus mal à l’aise. Qu’est-ce que suis-je censée faire ? Il pose sa main sur ma joue et je penche la tête pour aller à son contact puis je

ferme les yeux quelques secondes. Soudain, sans que j’aie le temps de le voir venir, ses lèvres s’écrasent sur les miennes avec force et urgence. Nous reculons et la porte claque derrière lui. Il me fait pivoter et me plaque contre cette dernière. Ma peau se couvre de chair de poule et mon corps réagit instantanément. Je suis ivre de ses baisers, de son toucher, de lui. Sa langue rencontre la mienne avec fougue. C’est grisant, intense, presque orgasmique. Son autre main se glisse sous mon peignoir et rentre en contact avec ma hanche, vierge de tout vêtement, qu’il serre et attire un peu plus contre lui. Puis elle dévie vers mes fesses qu’il empoigne sans vergogne. Jeez ! Je pousse un gémissement de contentement et trois coups retentissent derrière mon dos . Fuck ! Myli, c’est moi ! s’écrie Clara à travers la porte. Je la maudis mille fois. Jason pose sa tête sur mon épaule en tentant de

reprendre son souffle erratique. Tout retombe comme un soufflet. Je suis désolée… chuchoté-je contre sa nuque ou je sens son pouls battre à une vitesse folle. Tout comme le mien, j’en suis sûre. Myli ? retentit la voix de mon amie. Une petite minute, j’arrive, répondéje, d’une voix déçue. Jason soupire, caresse ma joue, m’offre un sourire contrit et m’embrasse sur le front. J’aurais aimé que cette étreinte ne soit pas interrompue. En cet instant, je me fiche complètement des conséquences qu’auraient pu avoir nos actes. Notre désir l’un pour l’autre est trop fort et je me demande pourquoi je lutte autant contre quelque chose qui me dépasse totalement. Je ne suis pas de taille pour mener ce combat. Ça, c’est sûr, tu n’as aucune volonté ! C’est moi qui te dois des excuses, je

n’aurais pas dû… Chut… lui intimé-je, en posant mon doigt sur sa bouche pendant que son regard vert émeraude ne me quitte pas des yeux. Ne dis pas des choses que tu ne penses pas, je rajoute soudainement pleine d’audace. Il fronce les sourcils et se déride enfin. Il m’embrasse tendrement toute contrariété effacée. Je ferais mieux d’y aller, murmure-til simplement. J’opine du chef tandis qu’il s’éloigne. J’ajuste mon peignoir et lui, son pantalon déformé. Je prends une grande inspiration et ouvre la porte. Ah ! J’ai failli attendre ! lance Clara en m'étreignant dans ses bras. Elle s’éloigne et se fige en apercevant Jason derrière moi. Pitié ! Pourvu qu’elle ne se fasse pas des idées. Bien qu’elle n’aurait pas tort d’imaginer qu’il

y ait anguille sous roche. Sans compter que mes lèvres doivent être rouges et gonflées d’avoir succombé à la tentation avec autant d’ardeur. Je dérange, peut-être ? questionne-telle soupçonneuse. Je… Non… Jason était juste venu récupérer son… son… Mon iPod ! finit-il en sortant l’objet de sa poche. Oui voilà, il me l’avait prêté et il est passé le rechercher, corroboré-je Mmm… acquiesce-t-elle, dubitative. Je vous laisse, mesdemoiselles, dit Jason en se dirigeant vers la porte. Clara arpente la pièce et une fois que Jason n’est plus là, elle se retourne et me sonde de la tête aux pieds. Tout va bien ici ? demande-t-elle en plissant les yeux. Bien sûr ! Pourquoi voudrais-tu que ça n’aille pas ? Je suis contente que tu sois là ! Tu ne trouves pas que cette situation avec

Jason était bizarre ? m’interroge-t-elle, inquisitrice. Non. Pourquoi ? répliqué-je, en faisant l’idiote. Je n’ai jamais aussi bien menti de ma vie. Enfin… je ne suis pas vraiment à même de juger, mais vu sa tête elle a l’air de me croire. En tout cas, j’ai l’impression d’être crédible. Je ne sais pas… Peu importe ! Ta suite est superbe ! Tu as vraiment de la chance ! Tu n’es pas encore prête ? constate-t-elle en posant ses mains sur ses hanches. Je me sens rassérénée qu’elle abandonne son interrogatoire. Elle est vraiment sublime dans sa robe argentée moulante, au décolleté plongeant et ses bottes noires qui lui arrivent aux genoux. Je n’ai aucun doute quant au fait qu’elle va mettre tous les hommes de Las Vegas à ses pieds.

Bien, allons t’arranger un peu. Où est ta tenue ? lance-t-elle en commençant à farfouiller partout. Je me suis commandée une petite robe noire sur internet pour l’occasion. Elle est assez simple et près du corps en satin avec un triangle en dentelle dans le dos arrivant presque jusqu’aux fesses. C’est un peu osé, mais on est à Vegas, n’est-ce pas ?! Un peu de folie n’est pas de trop ici. Tu es canon, Mylena ! s’exclame Clara. « Tu vas faire des ravages ! N’exagère pas, c’est plutôt toi qui vas faire tourner des têtes. Compte sur moi ! Je vais en profiter ! Ce qui se passe à Vegas reste à Vegas ! J’espère que toi aussi tu vas te lâcher ! rigole-t-elle en me donnant un coup de fesse avant d’ajuster son rouge à lèvres.

Mon esprit tordu pense tout de suite à ce qui pourrait se passer avec Jason et demeurerait ici pour toujours. Comme si soudain, toutes les barrières sautaient d’un claquement de doigts. Juste pour ce soir. Un peu comme Cendrillon qui avait jusqu'à minuit pour profiter de son prince. Mais dans quel monde vis-tu ma pauvre Mylena ? Si seulement… Mylena ? m’apostrophe ma copine blonde. Je secoue la tête pour reprendre mes esprits. Oui ? Tiens ! dit-elle en me tendant son tube de gloss. Je n’ai pas l’habitude de porter cette couleur… Je ne suis pas sûre… Essaye ! Si tu trouves que c’est trop, tu l’enlèveras, explique-t-elle en me faisant tourner la tête pour appliquer le rouge flamboyant sur mes lèvres. Le résultat n’est pas si mal après tout… J’adopte. Au moins pour ce soir. Nous descendons dans le hall de l’hôtel pour

nous rendre au restaurant dans lequel nous avons prévu de dîner tous ensemble. La femme de Rick et la copine de Brice se sont jointes à la petite sauterie. Plus on est de fous plus on rit, comme on dit. Jane et Haley sont tout à fait délicieuses, et voir les garçons si heureux de retrouver leur moitié ça n’a pas de prix. Ils sont tout euphoriques, apprêtés pour plaire à leur femme. C’est aussi drôle que mignon. Haley, la récente petite amie de Brice est une jeune actrice qui débute sa carrière à Hollywood. Elle a tourné dans quelques séries et il semblerait qu’elle soit en passe de décrocher un premier rôle dans une nouvelle production d’après les dires du bassiste qui parle d’elle avec des cœurs dans les yeux. Quant à Jane, l’épouse de Rick elle tient un restaurant et une pâtisserie à

Los Angeles. Elle est incroyablement douée. J’ai eu plusieurs fois l’occasion de déguster ses petites douceurs absolument succulentes. Cette femme est d’une rare beauté et elle cuisine comme une déesse. Je pense que c’est cette passion commune qui les a réunis avec Rick, car ils adorent préparer de bons petits plats ensemble dès qu’ils le peuvent. Le batteur regarde sa femme avec les yeux de l’amour même après dix ans de vie commune. C’est tellement beau. Je crois qu’on rêve tous un jour de connaître ce bonheur, de fonder un couple solide avec l’homme de ses rêves, de vivre une passion dévorante et de s’aimer toujours autant après plusieurs années, sinon plus. Mais la vie n’est pas un conte de fées et nous ne sommes pas tous voués à cette fin heureuse. Je ne crois pas que je fasse partie de cette portion de population chanceuse. J'aimerais que l'homme de ma vie soit Jason. Je n’imagine pas de meilleur candidat que lui. Cependant,

c’est de l’ordre de l’impossible, de l’inenvisageable. Même si j’étais à deux doigts de céder à la tentation tout à l’heure, je suis reconnaissante à Clara d’avoir interrompu ce moment. Le destin, justement, nous a envoyé un signe clair. Toutes les fois où nous nous sommes emportés, nous avons toujours été interrompus. C’est bien la preuve que nous n’avons rien à faire ensemble. Si nous forçons notre destinée, qui sait ce qui nous attend… Rien de bien, je présume. Je me sens soudain perdue. C’est fatiguant de passer d’une émotion à l’autre en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. C’est la fête ce soir, il faut que j’arrête de mettre mon cerveau en surchauffe. Ce n’est pas bon pour ma santé mentale ! Je me sens bien plus détendue qu’avant le dîner. Il faut dire que, les quelques verres de vin et le cocktail que j’ai actuellement dans la main y sont pour quelque chose. Nous avons très bien mangé dans le restaurant de l’hôtel et

nous sommes maintenant dans la boîte de nuit de ce complexe hôtelier complet et immense, installés dans le carré VIP, surveillés par une armée de gorilles qui sont, malgré tout, très discrets. Brice et sa copine dansent collés serrés sur la piste. Clara s’adonne à la parade nuptiale avec un grand black plutôt canon et Rick, Jane, Jason et moi discutons tranquillement de choses et d’autres. J’ai été aux côtés du chanteur toute la soirée, les regards qu’il me lance sont brûlants. J’ai l’impression que mes joues sont en feu. J’accuse l’alcool, mais en vérité c’est en partie lui qui me met dans cet état. Je ne suis plus si sûre que cette robe soit une bonne idée. Plus la soirée avance, plus j’ai l’impression qu’elle se raccourcit. Je tire dessus une énième fois, mais ce geste ne fait qu’attirer l’attention de Jason sur mes cuisses, mes jambes, puis ma poitrine. Je ne compte plus le nombre de fois où son regard empli de désir s’est posé sur moi. C’est

insoutenable. On va rentrer, mon pote. Jane est fatiguée, s’excuse Rick en se levant et en attrapant sa femme par la taille. OK les amoureux. Passez une bonne soirée. Ça m’a fait plaisir de te revoir Jane, répond Jason en l'embrassant sur la joue Il est évident qu’ils se connaissent depuis toujours, elle est comme un quatrième membre du groupe. Leur complicité, leur amitié sont vraiment belles à voir. J’éprouve un petit pincement à l’idée de ne pas avoir vraiment connu ce sentiment et d’avoir perdu ce que j’avais avec Cycy… Jeez ! L’alcool me fait déprimer ce soir ! C’est affreux ! Rick tape dans la main de son ami et le couple disparaît. Mon téléphone vibre dans mon sac. *Je rentre avec le grand jeune homme à la peau chocolat ;) Ne m’attends pas. Bisous ;). C.* Et bien, en voilà une qui s’amuse. Clara

est une épicurienne et je l’envie de se lâcher de la sorte. Je me maudis de ne pas savoir en faire autant. J’avale une nouvelle coupe de champagne et m’aperçois qu’il ne reste que Jason et moi dans le salon. Shit ! Tout va bien, Myli chérie ? demande le chanteur d’une voix chaleureuse en posant la main sur mon épaule. Je hoche la tête et me serre une autre coupe que j’avale aussi sec. Je ne peux pas rester seule avec lui. La situation est trop gênante et surtout je ne suis pas en état de réfléchir à cette situation alambiquée. Je vais danser, lancé-je soudain, en me levant d’un bond. Il fronce les sourcils, puis je m’éloigne pour qu’il n’ait pas le temps de rétorquer. Je me faufile à travers la foule et me déhanche en fermant les yeux, me laissant porter par la musique. Je ne sais pas ce qui m’a pris de descendre sur la piste toute seule, je dois avoir l’air ridicule. Peu importe, mon esprit est

trop embrumé par le champagne. Me défouler ainsi en rythme me fait un bien fou. Des mains se posent sur mes hanches, je ne les repousse pas, je continue simplement de danser. Puis quelqu’un me saisit par les épaules avec une tendresse familière. Ce ne sont pas les mains qui se sont posées sur moi il y a quelques minutes. Ce sont celles de Jason. J’ouvre les yeux et c’est sans surprise que je le trouve en face de moi son regard plongé dans le mien avec une intensité troublante. Il semble irrité, mais il reste malgré tout très calme. Il est temps que je te raccompagne Myli Chérie, affirme-t-il d’une voix ferme et douce à la fois. Je le regarde étonnée de son comportement que je ne comprends pas. Mais son sourire en coin éclipse tout et

mon cerveau reprend son état brumeux. Il est presque trois heures du matin, j’opine donc du chef et prend la main qu’il me tend. Je le suis sans rien dire jusqu'à sa suite. Sa suite… Nous entrons et il ouvre la porte du balcon. Cette chambre est vraiment somptueuse. Un mélange de modernité et de meubles anciens le tout dans un luxe hallucinant. Il m’attire à l’extérieur et le froid me rafraîchit les idées. Jason place un verre d’eau entre mes mains me faisant prendre conscience que je meurs de soif. Je l’avale d’un trait et le pose sur une petite table à côté de moi. La vue de Vegas est sublime, toutes ces lumières en plein milieu du désert du Nevada c’est fascinant. Je sens mon doux chanteur passer derrière moi pour m’enlacer, il met les bras autour de ma taille et pose sa tête sur mon épaule. Son odeur est magique. Je prends une

grande inspiration pour tenter de calmer le feu qu’il ravive en moi. Je suis si sensible à son toucher. Ma peau frissonne, mais je ne saurai dire si c’est à cause de la petite brise ou si c’est Jason. C’est beau, n’est-ce pas ? demande-til aux creux de mon oreille. Oui. Il se redresse et pose ses mains sur mes bras nus. Viens, entrons, tu vas avoir froid ! décide-t-il en m’entraînant à l’intérieur. Il attrape un petit plaid sur un canapé d’époque et le positionne autour de mes épaules. Ces quelques minutes dehors m’ont fait dessouler et je me sens un peu mieux. Merci, mais il ne fait pas si froid… Tu as la chair de poule, constate-t-il. Il est si proche que je peux sentir la

chaleur de son souffle sur moi. C’est enivrant. Addictif. Il caresse ma joue avec son doigt descend, vers ma mâchoire, mes lèvres sur lesquelles il passe son pouce. Son contact m’électrise. Jason, tenté-je de le réprimander. Je ne veux pas du tout qu’il s’arrête, je le veux, lui tout entier et tout de suite. Je meurs d’attendre qu’il me délivre de toutes ces tensions qui me rendent folle depuis des siècles. Non, Myli, je suis fatigué de repousser ce que je ressens pour toi, lance-t-il avec sérieux. Oh my God ! Je le regarde, interloquée. Est-ce un rêve ? Suis-je au paradis ? Ou suis-je tellement bourrée que je délire ? Je ne comprends pas… C’est tout ce que tu as en réserve, Myli ? Tu ne pouvais pas paraître plus

idiote ! Jason caresse mes cheveux, sonde mon visage comme s’il voulait en retenir chaque détail. Je ne veux pas être simplement ton ami. C’est trop dur. Je te veux rien qu’à moi. Ce mec, tout à l’heure qui a posé les mains sur toi… il se tait et baisse les yeux avant de reprendre « Je n’ai jamais ressenti un truc pareil, je n’ai jamais été jaloux à ce point », explique-t-il presque timidement. J’écarquille les yeux, n’en croyant pas mes oreilles. Il était donc jaloux. C’est pour cette raison qu’il est venu me chercher sur la piste de danse ? Incroyable ! Il avait pourtant de la matière quand il était avec Brianna. Wow, je… Je ne sais pas quoi dire… C’est… Wow…baragouiné-je, confuse. Est-ce que tu le sens toi aussi ? Ce truc entre nous ? demande-t-il, plein d’espoir.

Oui. Il sourit avec sincérité et soulagement. Il est tellement beau. Je glisse ma main sur la peau rugueuse de sa joue et la caresse. Si la perfection existe, aucun doute qu’elle se trouve en ce moment même en face de moi. Il ferme les yeux. Soudainement prise de courage, je m’approche de lui afin que l’espace entre nos corps disparaisse et j’effleure ses lèvres des miennes. Il réagit immédiatement, enroulant son bras autour de mes hanches pour approfondir ce baiser. Le désir qui nous anime est fiévreux. Le plaid tombe sur le sol et mes jambes s’enroulent autour de sa taille lorsqu’il me soulève pour nous diriger vers le lit. Nos langues se livrent un combat sans merci. Nous basculons sur le matelas et il se positionne audessus de moi, une jambe entre les miennes. Mes mains se promènent sur son torse puis sur son ventre, passent sous son T-shirt... Je réprime un frisson quand je sens sa peau brûlante sous ma

paume. Il est si doux. Des idées pas très catholiques m’assaillent. Je tire sur les bords de son t-shirt pour le faire passer au-dessus de sa tête. Il porte des chaînes autour de son cou, un médiator en argent et un petit médaillon avec une clé. Je trouve ça incroyablement sexy. Son torse nu est telle une sculpture, non, mieux encore. Il passe une main dans mon dos et parvient à faire descendre la glissière de la fermeture éclair de ma robe puis la fait descendre au niveau de ma taille, dévoilant mon soutien-gorge en satin bleu nuit orné de dentelle noire. Ces yeux brillent lorsque son regard se pose sur ma peau nue. Je ne peux m’empêcher de sourire. Il dépose des baisers du renflement de ma poitrine à mon épaule, puis mon cou et de nouveau ma bouche, avec ferveur. Je parviens difficilement à étouffer mes gémissements. C’est tellement fort. Je pourrais très bien ne

pas survivre à cette tempête d’émotions. Calme-toi, Mylena ! Oh my God ! Estce que c’est le moment tant redouté ? Je suis submergée par un vent de panique. Détends-toi, chérie, susurre-t-il. « On ne va pas le faire ce soir. » Je me redresse légèrement pour croiser son regard. Pourquoi ? demandé-je déçue, sans réfléchir, toute angoisse effacée. Bravo, tu passes pour une vraie nympho maintenant ! Le bougre sourit, amusé de mon impatience, puis reprend un air sérieux. Tu as trop bu, Myli. Je ne veux pas que notre première fois, TA première fois, se passe comme ça. Je veux que tu t’en rappelles toute ta vie, parce que tu mérites ce qu’il y a de mieux, explique-t-il en caressant mes lèvres de son pouce. Les sentiments se bousculent en moi. La reconnaissance, la frustration, la colère, mais surtout celle qui prédomine, c’est la honte. La honte d’être encore une

pauvre petite vierge à mon âge, l’obligeant à prendre des pincettes avec moi alors que je désire tout le contraire. Et, qu’est-ce qui m’a pris de boire autant ? Ne rumine pas, Mylena, m’intime-t-il. Quoi ? T’en vouloir, avoir des regrets, te mettre en colère. Ce n’est pas grave, si tu as bu quelques verres de trop. Je ne suis pas un animal. Et j’ai envie de prendre mon temps avec toi. Parce que tu veux faire les choses bien ! J’ai compris ! rétorqué-je, agacée. Je ne suis pas en sucre Jase, et j’en ai envie ! Alors, pourquoi pas ? Il se redresse et s’assied sur le lit à côté de moi. Son air énervé me fait

culpabiliser. Il frotte son visage de ses deux mains. Bravo, Myli, tu as réussi à le braquer ! Parce que ! Tu n’es pas n’importe quelle fille, lâche-t-il avec un brin de colère. Tu ne comprends pas Mylena ? Tu comptes plus que toutes les femmes que j’ai connues. Je reste bouche bée. Si je m’attendais à une telle déclaration ! Je suis désolée, Jason, je... je ne pensais pas que tu pourrais avoir des sentiments pour une fille comme moi… Tu as une bien trop haute estime de moi. Je ne suis pas parfait, j’ai des défauts comme tout un chacun. J’ai un passé, un passé qui m’a presque brisé. Alors je suis très loin de la perfection. Bien sûr, j’ai de la chance de vivre de ma passion, mais cela ne fait pas tout. Ce que j’ai perdu, ce que Brianna m’a enlevé sans me demander mon avis, c’est comme si elle m’avait amputé

d’une partie de moi-même. J’aurais voulu de cet enfant. Quand Brianna me l’a annoncé, elle avait déjà pris sa décision. En réalité, elle m’avertissait juste qu’elle allait se faire avorter. Je n’ai pas eu mon mot à dire. Elle est partie le faire dans un autre pays parce que le délai légal pour pouvoir subir une interruption de grossesse était largement dépassé. Il était temps qu’elle « agisse » parce que son corps commençait à être « déformé », pour la citer. Pour moi, c’est comme si elle l’avait tué. L’imbécile que je suis est resté avec elle. Je lui ai pardonné… Autant dire que j’ai cautionné. Vivre avec cette pensée, c’est douloureux, j’aurais dû faire quelque chose, l’en empêcher quitte à ce qu’elle me déteste jusqu'à la fin de sa vie. Je

sais qu’il y a plus grave, que certaines personnes vivent cent fois pire, mais elle m’a blessé, et j’ai eu beaucoup de mal à m’en remettre. Les gens pensent que puisque je n’ai rien vu cela ne devrait pas m’atteindre. Mais c’est faux, ce n’est pas de cette manière que je fonctionne. Sa colère et sa tristesse me bouleversent. Il semble tellement s’en vouloir alors qu’il n’y est pour rien. C’est sa faute à elle, elle l’a rendu complice de ses horreurs. Je ne peux empêcher les larmes de rouler sur mes joues. Le voir ainsi me brise le cœur. Jason n’est pas homme à se dévoiler et qu’il le fasse de cette façon avec moi, c’est touchant. Je me sens honorée. Je m’approche de lui et passe mes bras

autour de sa taille, appuyant ma tête sur son dos toujours nu. Oh Jason… Je suis tellement désolée… Tu n’as pas à t’en vouloir. Tu es une victime plus qu’un coupable. Elle n’a pensé qu’à elle et à ses intérêts. Il pose sa main sur la mienne et ferme les yeux. Je sais que la discussion est plus ou moins close. Il m’en a déjà dit pas mal. Je ne me permettrais pas de lui poser d'autres questions ou de relancer le débat. C’est déjà bien assez douloureux. Je veux juste être là pour lui, le réconforter. Jason se retourne pour me faire face. Tu comptes beaucoup pour moi, Myli. Je ne veux pas perdre ce qui nous lie. C’est trop important. Je hoche la tête. Bien sûr que je suis d’accord. Je prendrai tout ce qu’il

voudra bien me donner. Je le laisserai me traîner dans la boue si ça lui faisait plaisir. Je lui donnerai tout. Tout. Parce que je l’aime. Je lui adresse un sourire sincère et admiratif en lui caressant les cheveux délicatement. La plus douce des soies de ce monde. Je pourrais passer des jours à fourrager mes mains dans son cuir chevelu. J’approche mon visage du sien. J’ai besoin de lui. Je l’embrasse à pleine bouche comme si ma vie en dépendait. Jason… le supplié-je. Il affiche un air taquin et ravi. Ce mec est un mufle, il sait très bien se jouer de moi. Ne sois pas si impatiente, Myli chérie, dit-il entre deux baisers furtifs. Je grogne de mécontentement tandis qu’il se moque franchement. Je suis prête bon sang ! Je ne suis pas une princesse, je n’ai rien à faire des fleurs et du chocolat ! Je lui lance un regard noir puis me lève.

Hé ! Où vas-tu ? demande-t-il en se redressant à son tour son sourire narquois indécrottable. Je crois que je ferais mieux de regagner ma chambre. Il tente de reprendre son sérieux et pousse un soupir. Reste… S’il te plaît… demande-t-il avec sa tête de chien battu. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée, contesté-je fermement. Je peux me tenir, tu sais, raille-t-il en levant les mains. Pas moi ! avoué-je, énervée. Son visage espiègle me donne autant envie de le gifler que de l’embrasser. Tu es tellement faible, ma pauvre Mylena ! On pourrait dormir ensemble ? « En tout bien tout honneur », proposet-il, blagueur. Fucking Hell ! Je vais le tuer ! Tu te fous de moi ? lancé-je avec exaspération. Viens là, m’intime-t-il en me prenant dans ses bras.

Ma tête repose sur son torse. Les battements de son cœur me calment comme une douce mélodie, envoûtante. Reste, insiste-t-il. Comment lui dire non ? J’ai déjà prouvé à plusieurs reprises que j’en étais bien incapable. Pourquoi lutter ? Demain, il fera jour… OK, mais laisse-moi aller prendre une douche d’abord. Marché conclu, mais si tu n’es pas là dans vingt minutes, je viens te chercher, menace-t-il, espiègle avant de m’embrasser fugacement. Vingt minutes ? Dix-neuf. Je m’écarte de lui, attrape ma pochette et fonce rejoindre ma chambre. Je l’entends crier « Dix-huit » à travers le

mur qui sépare nos deux pièces. Je rigole de la tournure légère qui s’est installée. Jason n’est peut-être pas parfait, personne ne l’est, mais à mes yeux il est tout ce que je recherche, tout ce que j’aime. Au fond de lui se terre un homme doux et sensible, il est bien caché en-dessous de son armure. Je ne sais pas où tout cela va nous mener, mais pourquoi pas tenter le coup ? J’ai du mal à m’imaginer que tout cela est bien réel. J’ai l’impression de vivre un rêve éveillé. Le retour. J’ouvre les yeux avec l’impression qu’un semi-remorque m’a roulé dessus à plusieurs reprises. Jeez ! Qu’est-ce qui m’a pris ? Je suis lovée contre un corps chaud à l’odeur délectable, celui de Jason. Ma main repose sur son torse nu et ma jambe est passée par-dessus les siennes. Son souffle est calme et régulier, signe qu’il dort encore. Nous avons dû nous endormir aux alentours de cinq heures du matin… Après ma

douche de vingt minutes et pas une de plus, j’ai obéi à mon chanteur préféré et je l’ai rejoint. Il avait baissé l’éclairage et m’attendait, allongé sur son lit, les mains sous la tête avec un sourire victorieux. Une image des plus délicieuses. J’ai bien failli lui sauter dessus pour le violer. Je le déteste de me provoquer de la sorte. C’est mesquin. Même si, d’après ce que j’ai pu voir, il ne semble pas en meilleure posture, une telle évidence est indéniable, il est animé par le même désir. C’est du gâchis… qui en devient presque douloureux. Lui comme moi avons eu du mal à nous endormir. Tous les événements de la veille sont

clairs dans ma mémoire, mais c’est un tel bazar… Je suis plus perdue que jamais. Les aveux et les confessions de Jason m’ont troublée. Je ne sais pas du tout comment je suis censée réagir. Comment les choses vont-elles évoluer ? C’est un vrai casse-tête chinois. Je ne sais pas si je suis prête pour une relation si intense. Et de quoi vais-je avoir l’air quand sera venu le moment où nous coucherons enfin ensemble ? Je suis totalement inexpérimentée et cela me fout la trouille. Je veux être à la hauteur pour lui. J’ai tellement honte, je vais passer pour une idiote, le décevoir et il ne voudra plus entendre parler de moi. Tout cela semble être une très mauvaise idée. Et puis nous repartons pour Los Angeles ce soir… C’est la fin de cette parenthèse. Nous allons reprendre nos places dans la vraie vie et je ne vois vraiment pas comment conjuguer une éventuelle relation avec mon travail. Il reste tellement de choses à régler pour la tournée à venir. Nous y arriverons très

vite. Ils devront partir pendant des mois et qu’adviendra-t-il de moi ? C’est sans issue. Jason dépose un baiser sur ma tempe et me sort de ma torpeur. Salut, jolie Myli, susurre-t-il d’une voix rauque et sensuelle. God ! Est-il possible d’être aussi sexy ? Hé ! le salué-je, gênée. Je me redresse sur un coude et m’éloigne légèrement, rompant le contact entre nos deux corps, pour mieux le voir et lui adresse un sourire timide. Sentir son excitation tout contre ma cuisse est insoutenable. J’ai soudain envie de fuir le plus loin possible. Un coup d’œil au réveil me fait prendre conscience qu’il ne reste que quelques heures avant notre départ, ce qui commence à me stresser. Il se redresse lui aussi sur ses coudes tandis que je m’assieds pour garder un périmètre de

sécurité. Ses cheveux sont en bataille, son regard encore ensommeillé… il est si parfait. Mon cœur se met à battre un peu plus vite. Quelque chose ne va pas ? Tu ne te sens pas bien ? Il est vrai que ma tête est sur le point d’exploser et qu’une légère nausée ne semble pas vouloir me quitter. Pourvu que je ne me remette pas à vomir devant lui. Mes joues rosissent de honte face à ce souvenir désagréable et terrifiant. Tout va bien… mens-je, en baissant les yeux sur mes cuisses recouvertes de la couette. Myli ! me réprimande-t-il. Je devrais y aller, nous repartons dans trois heures et ma valise n’est pas prête. J’entreprends de me relever, mais son bras me retient. Parle-moi, insiste-t-il. Il n’y a rien à dire… répondé-je, en me dégageant pour le relever. Un vertige me fait me rassoir et Jason se

retrouve en face de moi accroupi et inquiet. Je fronce les sourcils, mécontente, mais ce simple geste me vrille la tête. Sois forte, Myli. Tu as juste à retourner dans ta chambre et à avaler un foutu cachet. C’est simple… Je prends une grande bouffée d’air et me mets sur mes pieds. Jason m’imite et pose sa main sur ma joue. Je dois y aller, répété-je, en tirant sur le large t-shirt qui me couvre à peine. Un t-shirt que Jason m’a prêté la veille et qui porte sa merveilleuse odeur. Je me dirige vers le fauteuil où repose mon jean et l’enfile à la hâte. Mylena ne fuis pas… me prie-t-il, réprobateur. On se retrouve en bas pour le taxi, lancé-je, en saisissant la poignée de la porte dans ma main.

Mylena ! crie-t-il alors que je claque la porte derrière moi. Shit ! Je suis dans une situation inextricable. Je me laisse choir sur le sol de ma chambre, adossée au mur, la tête cachée dans mes bras. Je me sens tellement mal. Je ne toucherais plus à un verre d’alcool de ma vie. C’était idiot et puéril de me conduire ainsi. Trois coups frappés à ma porte retentissent. La voix suppliante de Jason me somme d’ouvrir. Cela me brise le cœur, mais je n’en fais rien. Je suis trop confuse et bien incapable de réfléchir maintenant. L’avoir sous les yeux, sexy en diable, ne m’aide pas le moins du monde. Ma raison disparaît totalement lorsqu’il est si près de moi. C’est insoutenable. J’adresse des au revoir rapides à Hayley et monte rapidement dans le jet qui nous ramène à Los Angeles. Elle ne vient pas avec nous, car elle doit se rendre sur un

tournage à New York. Ses adieux avec Brice sont émouvants et me mettent presque les larmes aux yeux. Jason, Rick et sa femme Jane disparaissent pour leur laisser un peu d’intimité et entrent dans l’appareil. Clara est avec nous elle aussi, des lunettes de soleil vissée sur le nez, l’air absent, on pourrait jurer qu’elle dort debout ! Le regard du leader des Love Hackers se pose directement sur moi. Je sais qu’il va prendre place à mes côtés. Le batteur et sa moitié se dirigent vers le fond de l’appareil avec un sourire radieux et coquin, plus précisément vers la chambre qui se trouve tout au bout. Oh my God ! Faites qu’ils soient discrets… Je ne suis pas vraiment d’humeur à entendre des gens s’envoyer en l’air. Heureusement, le voyage ne dure qu’une heure. Je fouille dans le fond de mon sac et attrape mes écouteurs, mais Jason me les prend des mains avant même que je puisse le raccorder à mon téléphone. Tu ne vas tout de même pas écouter

de la musique sans moi ? me taquine-t-il. Je lui adresse un regard noir, et m’accoude à la fenêtre choisissant de l’ignorer. Le siège à côté du mien s’affaisse légèrement, signe qu’il se tient à une distance plus ou moins dangereuse de moi, puisque nos jambes se frôlent. Seigneur ! Il gigote et me fait sursauter en plaçant un écouteur dans mon oreille. Je fronce les sourcils pour lui faire comprendre que je ne suis pas ravie de son intrusion. Ce qui est complètement faux ! En réalité, je voudrais être collée à lui en permanence. Il me donne un coup d’épaule en rigolant et cherche un titre dans sa playlist. Je reporte mon attention sur la scène d’amour tragique qui se joue dehors entre le bassiste et sa petite amie qui pleure, blottie contre le torse de son chéri. Elle paraît si petite à côté de lui. Les premières notes d’une ancienne chanson des Love Hackers retentissent dans mes oreilles. Son tempo est lent et doux, les paroles me

percutent et m’étreignent, réveillant en moi un flot d’émotions. Est-ce qu’il veut me faire passer un message ? Je suis sûre qu’il n’a pas choisi cette chanson au hasard. Sa voix me transporte au paradis, je ferme les yeux et me laisse aller à cet instant délicat, sa voix rauque et envoûtante fait chavirer mon cœur un peu plus à chaque fois. Cause I am hanging on every word you're saying (Parce que je m’accroche à tous les mots que tu dis) Even if you don't want to speak tonight (Même si tu n’as pas envie de parler ce soir) That's alright, alright with me (C’est bon, ça me va) Cause I want nothing more than (Parce que je ne veux rien de plus) To sit outside heavens door (Que de rester assis devant les portes du paradis) And listen to you breathing (Et t’écouter respirer)

Lifehouse, Breathing, No Name Face, 2000. L’intérêt que me porte Jason est au-delà de mes espérances. Cette connexion entre nous… c’est de la folie, tellement effrayant, si fort... Quand la chanson se termine, je regarde Jason avec un air désolé. Désolée de me comporter comme une fille paumée et un peu tarée sur les bords. Il me regarde tendrement et se serre contre moi. Je suis si bien que j’ai l’impression que cette place n’est faite que pour moi, même si c’est un peu prétentieux de penser de cette façon là. Le taxi nous dépose devant Loading Records vers vingt et une heures. Clara a une tête de déterrée même après avoir dormi durant tout le trajet. Elle nous fait un signe de la main et disparaît rapidement. Elle a vraiment bien profité mais elle le paie cher ! Brice n’a pas desserré les lèvres du voyage, il semble faire la tête, mais qui ne la ferait pas à sa place ? Il s’éclipse rapidement après nous avoir salués sans conviction. Le

pauvre, il me fait mal au cœur. Rick et Jane partent à leur tour nous laissant seuls sur le trottoir dans un silence affreusement gênant. J’ai l’impression de ne pas être revenue ici depuis des mois alors que ça ne fait que quelques semaines. Je te raccompagne, lance Jason en me regardant avec un air déterminé. Non, ce n’est pas nécessaire, ma voiture est dans le parking, expliqué-je, en fixant le sol. Ce n’était pas une question, affirme-til. Je… enfin, ma voiture… Elle peut rester ici, le parking est sécurisé, elle y a passé un mois, ce n’est pas quelques heures de plus qui vont y changer quelque chose, me coupe-t-il sans appel. Pas faux… Mais, j’ai le sentiment que

tout cela pourrait facilement dégénérer. Tu ne me laisses pas le choix de toute façon… abdiqué-je, résignée. Non ! dit-il un sourire aux lèvres en m’attrapant par la main. Son S.U.V est garé non loin de mon véhicule, minuscule à côté du sien. Il m’ouvre la porte et je prends place. Nous nous engouffrons dans le trafic. La radio nous informe de tout un tas de banalités sans intérêt. Ça me fait bizarre d’être de nouveau ici après cette longue absence. J’ai passé de très bons moments avec le groupe et je suis nostalgique de cette atmosphère bon enfant qui régnait entre nous. Même si Jason et moi avons soufflé le chaud et le froid, cette expérience reste l’une des meilleures de ma vie. Il se gare devant mon immeuble et fonce pour m’ouvrir tel un chevalier servant. Me voilà encore perdue, que dois-je faire ? Je ne suis pas sûre d’assumer sa présence dans mon appartement. Il m’attrape par la taille pour me coller à lui, prend mon visage

entre ses mains chaudes et rugueuses, puis il m’embrasse délicatement dans un premier temps. Son baiser devient plus urgent et même si nos langues ne se rencontrent pas il n’en reste pas moins intense. Bonne nuit, Myli chérie, murmure-t-il au creux de mon oreille, me faisant frissonner. B… Bonne… Bonne nuit Jase, répondé-je, troublée. Je me retourne et me dépêche de rejoindre mes appartements. Introduire la clé dans la serrure a quelque chose de rassurant, comme si j’allais enfin pouvoir me protéger dans ma tour d’ivoire, m’empêcher de tomber un peu plus amoureuse du chanteur que j’admire depuis tellement longtemps. Rien n’a bougé dans mon petit cocon, tout est bien resté à sa place. J’allume la lumière, lance mon sac et ma valise sur le sol et me dirige dans la cuisine. Le frigo est archi vide à l’exception d’une bière et un pot de glace aux Oreo. Je l’attrape et

me vautre sur le canapé. J’en suis à trois cuillères (à soupe) lorsque ma sonnette retentit. Je me lève avec nonchalance et ouvre sans me poser de question, mon pot toujours à la main. J… Jason ? Tu as oublié quelque chose ? demandé-je, intriguée. Oui… répond-il avant de m’attraper par la nuque pour m’embrasser fougueusement. La glace rencontre le sol dans un bruit sourd, ma surprise s’éclipse et je réponds avec la même ferveur, sinon plus. Il fait claquer la porte avec son pied et me plaque contre elle. Damn ! C’est tellement bon que je pourrais jouir sur le champ. Il m’attrape par les fesses et mes jambes s’enroulent autour de sa taille. La position est indécente et n’arrange rien à mon excitation... et à la sienne. Fucking hell ! Je me retrouve allongée sous lui, sur mon canapé sans comprendre comment nous en sommes arrivés là. Sa langue est impatiente. Nos dents s’entrechoquent et je gémis de

plaisir en remuant contre lui. Sa bouche s’éloigne soudain et nos regards se soudent l’un à l’autre. Tu me rends fou, Myli, chuchote-t-il en appuyant ses hanches contre les miennes. Mon cœur bat si vite qu’il va sortir de ma poitrine. Il s’attaque à ma mâchoire en déposant une myriade de baisers fiévreux. Je suis submergée par un flot de sensations incroyables. Toi aussi, murmuré-je, entre deux respirations saccadées. Je le sens sourire tout contre ma peau. Ce mec est diabolique. Je passe les mains sous son t-shirt et tire dessus. Il ne se fait pas prier pour l’enlever ce qui me met en joie. Je caresse son dos, ses muscles sont contractés de soutenir son poids au-dessus de moi. Sa peau douce et hâlée me fait perdre toute raison. Tout ce que je veux c’est lui et rien que lui. Tout de suite. C’est une question de vie ou de mort. S’il me refait le coup du « je veux faire les choses bien, tu mérites le

meilleur, Myli… bla-bla-bla… », je jure devant Dieu que je le tue sans cérémonie. Le frottement de nos vêtements à cet endroit est insoutenable. Il m’enlève mon haut qui rejoint le sien sur le sol. Son regard brûlant s’attarde sur ma lingerie en vichy noir et blanche avec une bordure en dentelle. Pas ce qu’il y a de plus sexy, mais il n’a pas l’air déçu. Il pousse un grognement et me regarde avec un désir qui me paralyse. Il m’embrasse dans le cou et descend plus bas vers ma poitrine qu’il ignore puis vers mon nombril, jusqu'à la ceinture de mon jean. L’air se raréfie et je réprime un petit cri de surprise lorsqu’il détache le bouton tout en remontant vers le haut. Sa bouche m’embrasse à travers le tissu de mon soutien-gorge, allant droit au but. Je renverse ma tête en arrière et m’arque sous ses caresses. Lorsque ses lèvres se reposent sur les miennes, je tente moi aussi de détacher son pantalon largement déformé, mais sa main m’en empêche. Tu es bien impatiente, Myli chérie, se

moque-t-il en souriant. Jason, le grondé-je. « Ne joue pas avec moi… s’il te plaît… » articulé-je, avec difficulté. Soudain, il se redresse et me fixe avec gravité. Je ne jouerai jamais avec toi, Myli, affirme-t-il avec véhémence avant de m’embrasser tendrement. « J’en ai tellement envie… susurre-t-il d’une voix lascive tandis que sa main s’empare de ma poitrine. Alors, fais-le ! Je suis trop déconcentrée pour lui sortir ces mots qui me brûlent les lèvres, car sa main continue son ascension plus bas, vers ma culotte, sous laquelle il s’infiltre pour me caresser pendant que sa bouche malmène le tissu de mon soutien-gorge… Je crois m’entendre crier son prénom plusieurs fois, me cambrant sous ses caresses, qui ne tardent pas à m’offrir la délivrance dont j’avais besoin. Son sourire satisfait contre ma peau me fait rigoler. Bon sang, il est vraiment… tellement doué… Son

visage revient à ma hauteur, l’air triomphant. Tu es magnifique, chérie. Je ne me lasserai jamais de t’entendre crier mon nom, dit-il en haussant les sourcils. Cette réflexion me fait rougir violemment et je me sens tout à coup comme une idiote. Par habitude, je j'enfouis mon visage dans le creux de mon bras. Ne te cache pas, Myli, tu n’as pas à avoir honte d’éprouver du plaisir, explique-t-il avec douceur. « Et… j’adore te voir ainsi, je dois dire que c’est très excitant… » avoue-til en frottant son nez contre ma joue. Malgré ses paroles rassurantes, mon cerveau turbine à toute vitesse. La sensation de plénitude est en partie éclipsée par mes angoisses. Je me sens

coupable d’être la seule à avoir éprouvé du plaisir, je voudrais que nos corps soient en communion, ou au moins lui rendre la pareille, mais je n’ai aucune idée de comment m’y prendre… Ma pauvre Mylena… C’est la honte ! Il s’allonge à côté de moi, m’obligeant à me blottir contre son torse où je peux sentir son cœur battre rapidement. Je n’attends rien en retour Myli. Ce n’est pas forcément un prêté pour un rendu. Ne t’imagine pas que ce moment de bonheur ne m’a pas plu autant qu’à toi. On peut éprouver autant de plaisir à donner qu’à recevoir, m’assure-t-il en me caressant les cheveux. Je me redresse légèrement pour lui faire face. Mais… Chut ! me coupe-t-il en plaçant un doigt sur ma bouche.

Son regard m’intime de ne pas insister et je l’écoute. Je ne veux pas gâcher cet instant, bien que mon cerveau s’en charge largement. Je reprends ma position initiale et m’endors ainsi, plus détendue qu’à l’accoutumé. Je me réveille merveilleusement reposée, mes membres emmêlés à ceux de Jason. Nous sommes recouverts de mon plaid en pilou tout doux. Je me redresse en me rappelant que nous sommes lundi, il me faut aller travailler. Oh my God ! Je dois être au label dans une heure ! Jason, lève-toi ! râlé-je, en repoussant la couverture. Le bougre s’étire gentiment tandis que la panique s’apprête à me faire sombrer.

Que se passe-t-il, Myli chérie ? Tu as perdu tes vêtements ? demande-t-il, espiègle en me reluquant. Jeez ! Je couvre ma poitrine et me lève à la hâte en passant au-dessus de lui. Myli ! m’appelle-t-il en rigolant. « Ne te fâche pas, je plaisantais ! » rajoute-t-il en essayant de me suivre. Je claque la porte de la salle de bain et ferme à clé. Je dois prendre une douche, m’habiller, me maquiller… Damn ! Je vais être en retard. Myli ! Qu’est-ce qui se passe ? me demande Jason, un brun inquiet depuis l’extérieur. Il faut que j’aille bosser ! Laisse-moi me préparer. Oh, d’accord ! Tu veux que je t’aide ? Bon sang, quand est-il devenu si railleur ? C’est un nouveau Jason qui pointe le bout de son nez ce matin. Si je n’étais pas autant à la bourre, je pourrais bien profiter de cette facette qui ne me

déplaît pas le moins du monde. Je mets moins de vingt minutes pour être entièrement parée. Un record ! Je sors de la salle de bain à la hâte. Ma tenue n’est pas des plus correcte, mais je n’ai pas le temps de pinailler. Jason m’attend, adossé au bar d’une façon si aguichante que mes joues prennent feu. Les flashs de la veille n’arrangent en rien mon cas. Tu veux du café, chérie ? me demande-t-il avec un sourire éblouissant. Fuck ! Suis-je ridicule de trouver cela terriblement sexy ? Ne me regarde pas de cette façon sinon, tu ne sortiras jamais de cet appartement, dit-il d’un air gourmand.

Ma mâchoire doit sans doute s’abaisser au niveau du sol à présent, un peu comme Roger Rabbit devant sa pin-up, les yeux exorbités en moins. Un peu de tenue ! Mylena ? m’apostrophe-t-il pour me sortir de ma torpeur. Je secoue la tête pour reprendre mes esprits et m’affole à nouveau. Je vais être en retard ! Il faut que j’y aille ! Je t’y conduis, dit-il en attrapant son t-shirt. Non ! je crie « Je ne peux pas arriver avec toi sur mon lieu de travail. Je vais prendre un taxi. C’est trop risqué ! » expliqué-je, paniquée. Myli… supplie-t-il en se rapprochant de moi. Jason, s’il te plaît. C’est mon travail, tu comprends ? Bien sûr que je comprends, chérie, acquiesce-t-il en me caressant la joue. Je ne voulais pas que tu partes sans me dire au revoir, rajoute-t-il avec concupiscence.

S’en suit ce que je qualifierais comme la pelle de ma vie. Comment trouver le goût de travailler maintenant ? Je voudrais t’emmener dîner ce soir, demande-t-il en collant son front au mien me coinçant entre la porte d’entrée et son corps parfait Jason, je vais être en retard. Accorde-moi ce rendez-vous et je te laisse partir. Avec plaisir, abandonné-je, ravie. Il sourit, satisfait. Je passe te prendre après le boulot. Non, viens me chercher ici, vers vingt heures, s’il te plaît, je voudrais récupérer ma voiture et me changer. Comme tu voudras, chérie. Jason, le réprimandé-je, en le repoussant gentiment tandis qu’il m’embrasse dans le cou. Quoi ? Arrête, je vais vraiment être en retard, tu ne joues pas à armes égales, c’est injuste.

C’est là que tu te trompes, Myli chérie. Je pousse un soupir exaspéré. Ce garçon n’a vraiment aucune idée de l’effet qu’il peut avoir sur une fille… Sur moi plus précisément. Ou alors il le fait exprès… Tu n’auras qu’à me rendre discrètement ma clé avant la réunion, cet après-midi. La réunion ? Oui, chez Loading Records avec Dominic pour débriefer sur la promo. Ah oui… J’y serai, affirme-t-il en m’embrassant une dernière fois. C’est à quatorze heures, ne sois pas en retard ! l'avertis-je. À vos ordres ! Je lève les yeux au ciel, attrape mon sac et sors en courant, faisant au mieux pour attraper un taxi. Heureusement, un

chauffeur s’arrête du premier coup. Avec un peu de chance, j’arriverai pile à l’heure ! Le diner. Je n’ai pas vu la semaine passer, allant même jusqu'à travailler tout le samedi. Chose qui ne m’était jamais arrivée. Jason peste, car le rencart que je lui avais accordé n’a toujours pas eu lieu. Il faut dire que j’ai une tonne de boulot à rattraper. La terre ne s’est pas arrêtée de tourner pendant que nous sommes partis. Je reste donc très tard au label, et je me fais traîner par Clara dans les bars de temps à autre. Je ne peux pas lui dire non, et prétexter que j’ai quelque chose de prévu ailleurs. Elle va vouloir des explications et je ne peux pas lui en donner. Ce qu’il se passe entre Jason et moi ne doit pas être ébruité. Les paparazzis s’en donneraient à cœur joie. Ils ne sont pas gênés pour publier les photos des adieux déchirants entre Brice et Hayley, dimanche dernier sur le tarmac de l’aéroport. Dominic a

immédiatement pris les dispositions nécessaires pour que le magazine soit condamné. L’article n’était pas tellement méchant, mais mon patron met un point d’honneur à ce que la vie de ses « stars » comme il les appelle, soit respectée au maximum. Alors, Jason et moi dans un restaurant à la vue de tous… C’est risqué et c’est un peu pour cette raison que je trouve toujours de bonnes excuses pour me défiler. Seulement, ce soir je n’y écoperai pas. On est dimanche et je n’ai aucun motif sous la main. Bon, il n’y a pas que le fait que nous prenions des risques qui me dérange. Je dois dire que depuis que nous avons… enfin depuis qu’il a… bref, je suis paniquée à l’idée d’aller plus loin. Je sais ce que vous allez me dire… Que je ne sais pas ce que je veux parce que j’étais tellement « prête » il y a une semaine. Le truc c’est que dans le feu de l’action, le désir est plus fort que tout et mon cerveau n’est pas en état d’être rationnel. Seulement, maintenant

après une semaine et de retour dans la vraie vie tout me paraît différent. J’en ai toujours terriblement envie, mais j’ai la trouille que tout se casse entre nous, peur de le décevoir, de foutre en l’air ma carrière. Même si Jason en vaut la chandelle, je ne suis pas prête à y renoncer maintenant. Si nous couchons ensemble tout sera plus compliqué, parce que nous ne pouvons pas vivre cette expérience au grand jour. Et puis il y a la tournée, il va partir d’ici deux mois et demi. Toutes les dates sont trouvées, les salles sont réservées. Le planning des répétitions est sur le point d’être bouclé. Je dois le présenter demain à Dominic. Qu’adviendra-t-il de nous quand il sera absent ? Il va rencontrer des filles canon dans chacune des villes des États-Unis, la tentation va être à son maximum… Et il aurait tort de ne pas en profiter, même si cela me tue de le penser… Je serais contrainte de retourner à ma petite vie triste et sans saveur qui me paraîtra encore plus terne

qu’avant que je ne fasse sa connaissance. La chute sera brutale et je vais le payer cher de ma personne, parce que je suis indubitablement amoureuse de lui. Chaque parcelle de mon corps l’est ! Je suis FOUTUE. Je sais, j’ai déjà fait ce constat quelques semaines auparavant et pourtant, rien ne m’a empêché de foncer tête baissée vers les problèmes. Mon téléphone m’annonce l’arrivée d’un message. *Ce soir, je t’emmène, de gré ou de force ! ;) Je passerai à 18h. J.* C’est bien ce que je craignais… L’idée qu’aujourd’hui soit le jour de la Saint Valentin multiplie mon malaise par cent. Il doit me maudire, car je ne me bats pas pour passer du temps avec lui ces derniers jours. Je me suis rendue une ou deux fois dans le salon où nous avions

l’habitude de nous retrouver tous les soirs, pour l’écouter jouer. C’était une pause tout à fait bienvenue. Nous ne nous sommes que très peu touchés, j’ai tellement peur de me faire surprendre que j’en deviens parano. C’est épuisant. De plus, être à côté de lui, le frôler sans pouvoir lui sauter dessus pour l’embrasser à pleine bouche est insupportable. *D’accord ! ☺ Je t’attendrais. M.* Il faut que j’arrête de me torturer l’esprit avec tout ce qu’il pourrait ou ne pourrait pas se passer ce soir. Je voudrais me faire belle pour lui, mais je ne peux même pas partager mon ressenti avec mon amie Clara qui me poserait bien

trop de questions. Je m’habille à la hâte et décide de me rendre malgré tout dans les boutiques qui sont exceptionnellement ouvertes un dimanche, pour la Saint Valentin. Jason mérite bien que je casse un peu mon porte-monnaie pour son bon plaisir. Je veux qu’il soit fier d’être avec moi. Et puis si nous sommes pris en photo par des journalistes trop curieux, autant paraître à son avantage… Arrête la psychose, Mylena. Tu te fais du mal. Je rentre aux alentours de quatorze heures avec deux robes, une paire de chaussures et trois ensembles de sousvêtements sexy. Je sais, j’ai été optimiste pour la lingerie, mais il s’est bien trop souvent retrouvé nez à nez avec des soutiens gorges démodés… Alors voilà…

Je ne suis pas encore décidée sur la robe, l’une est noire, assez classique et l’autre verte foncée avec des broderies en dentelle noire, cintrée. Je crois que mon choix se portera sur cette dernière. Sa couleur me rappelle celle des yeux de Jason. C’est pour cette raison que je l’ai achetée. Pour ne pas trop perdre la tête en attendant mon rencart, je me penche sur le planning des répétitions. Il est important que tout soit au point pour le grand jour, les essais, les montages, démontages, réglages tout doit être chronométré et calculé. Il y a énormément de paramètres à prendre en compte. Je mets environ deux heures pour tout boucler. J’espère que Dominic approuvera le tout. J’ai bien intégré les contraintes qu’il m’a imposées, alors il

ne devrait pas y avoir de problème. Je ne suis pas en avance pour me préparer. Je suis de plus en plus nerveuse, la douche ne parvient pas à me détendre et je tremble presque en appliquant mon mascara. J’enfile la robe verte et les escarpins à bouts ronds en daim noir, assortis à mes dessous en dentelle et satin. Je laisse mes cheveux libres et attrape une pochette dans mon placard. Je crois que je suis prête. Damn… Pourquoi ai-je l’impression de me rendre à l’échafaud ? Je devrais être contente à l’idée de le retrouver, de passer du temps avec lui. Mais je suis nerveuse comme si je le voyais pour la première fois. Il faut dire que c’est notre premier vrai rencart. Et si les paparazzis nous suivaient ce soir ? Que dirait Dom ? La sonnette retentit tandis que j’effectue un rangement compulsif de mes produits de beauté pour me calmer les nerfs. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine . God ! Je ne vais pas survivre à cette soirée… Je me dirige

vers la porte et ouvre. Il est splendide, il porte un jean noir, une chemise assortie col Mao légèrement ouverte d’où on voit apparaître les deux chaînes qui sont autour de son cou. Je suis au bord de l’arrêt cardiaque, mais je tente quand même de lui offrir un sourire. Il fronce les sourcils et m’examine de la tête aux pieds. Quand nos yeux se rencontrent, il a retrouvé ses jolies fossettes qui me rendent folle. Tu es magnifique. Nerveuse ? demande-t-il connaissant déjà la réponse. Je… Oui… Désolée… Inutile de prétendre le contraire… Viens par là, lance-t-il en m’attrapant dans ses bras. Son étreinte me rassure, son odeur m’apaise. Mon stress semble diminuer de moitié. Je m’abandonne à lui et profite de ces instants qui m’ont horriblement manqués. Il caresse mon visage avec sa paume et son regard me transporte dans des contrées magiques

desquelles je ne voudrais jamais partir. Je prends les devants en posant mes lèvres délicatement contre les siennes non sans une certaine timidité. Il approfondit notre baiser et lui ajoute de la fougue, augmentant considérablement la température de la pièce et de mon corps. Il vaudrait mieux que nous y allions, sinon nous ne bougerons plus d’ici et tu te seras fatiguée à t’habiller pour rien, lance-t-il d’un air taquin et sensuel Fucking hell ! D’accord, répondé-je, simplement, haletante. Jason se conduit comme un parfait gentleman. Moi qui ne suis pas fan de ce comportement, je dois avouer que j’apprécie. Il se donne du mal pour me faire plaisir et toutes ces petites attentions le rendent toujours plus beau à mes yeux. Nous roulons pendant près d’une heure, je reconnais la route qui nous conduit à Agoura Hills. Je me

souviens quand nous sommes venus ici, dans la ville où il vit depuis tant d’années. Il s’est passé tellement de choses depuis cette soirée. À l’époque il venait tout juste de rompre avec cette Brianna de malheur. J’avais assisté à cette scène malgré moi, et elle m’avait profondément bouleversée. Aujourd’hui, la situation s’est considérablement compliquée. Je suis assise dans sa Dodge et nous nous apprêtons à vivre notre premier vrai rencart, un jour de Saint Valentin. La soirée ne fait que commencer. Dieu sait ce qu’il va se passer… Il pose sa main sur ma cuisse recouverte d’un bas de soie translucide et je me retourne, surprise. Je ne m’étais pas aperçue que nous étions stationnés. Je regarde autour de moi. C'est un parking, entouré d’un ensemble de petites maisons aux couleurs chaleureuses, puis plus loin un restaurant

et/ou s’illumine le nom « Cafe 14 ». L’entrée est discrète, il ne paye pas de mine vue d’ici. Je trouve même l’endroit peu fréquenté pour le jour de la fête des amoureux... Nous voici arrivés, Myli chérie, ditil d’une voix douce. Je lui souris et il fait le tour de la voiture pour m’ouvrir. Il attrape ma main et entremêle nos doigts. Je regarde tout autour de moi, à l’affût d’éventuels intrus, mais rien… Je suis tellement stressée… Nous entrons dans le restaurant qui n’est pas rempli. En réalité, une bonne moitié de la salle est vide et c’est dans cette partie que nous nous dirigeons. La déco est d’un romantisme à couper le souffle, une ambiance tamisée, des guirlandes de lumières joliment disposées ici et là, des plantes grimpantes qui s’enroulent autour des poutres de bois brut, du mobilier moderne et sobre s’accordant au tout avec harmonie, des roses beiges rosées disposées sur chaque table. C’est

éblouissant. Nous nous installons dans un coin à l’écart, aucune des tables autour de nous n’est occupée bien qu’elles soient dressées comme si c’était le cas. Je peux voir sur chacune d’elle un petit carton « Réservé ». C’est étrange… Est-ce que cela te plaît ? demande Jason en attrapant ma main pardessus la table. C’est magnifique, Jason… Tant mieux. Maintenant, je veux que tu te détendes, décrète-t-il en claquant des doigts vers le serveur. Mais… je suis… Non, Mylena, tu es tellement tendue que c’est écrit sur ton visage, affirme-t-il avec un sourire rassurant. Tu n’as pas à t’inquiéter, j’ai fait ce qu’il fallait pour que nous soyons tranquilles, personne ne viendra nous chercher ici, ajoute-t-

il convaincu. Les journalistes savent que tu vis à Agoura Hills… Les journalistes ne viendront pas jusqu’ici ce soir. Tu n’en sais rien, le contredis-je, au bord de la crise de panique. Mylena, me réprimande-t-il. Fais-moi confiance, tu veux bien ? Je… OK… Je vais essayer… abdiqué-je, en poussant un soupir. Essayer c’est échouer, lance-t-il taquin. Jase ! Je plaisante. Détends-toi, s’il te plaît, me prie-t-il en me tendant une coupe de champagne. Je lève les yeux au ciel et attrape la flûte. Nous trinquons en silence et j’avale le contenu en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Attention à ce que je ne consomme pas trop d’alcool ! Ou peut-être que je devrais ? Bon sang, ma tête semble être sur le point d’exploser, je suis si nerveuse. À peine

mon verre terminé que mon chanteur m’en fait servir un second. Tu veux me souler ? lui demandé-je, en plissant les yeux. Non ! Loin de moi, cette idée. Je veux juste t’aider à te détendre, sache que tu es arrivée à la moitié de ta consommation accordée ce soir ! Je veux que tu gardes les idées claires, explique-t-il le regard rempli de promesse. Oh my God ! Je sens que je vais faire un malaise. Ça ne me rassure absolument pas. Zen, Myli, ça va aller. Un, deux, trois… OK… Les effets de l’alcool se propagent rapidement dans mes veines et je me sens moins sur les nerfs, je commence même à rire aux pitreries que Jason multiplie pour me dérider. Le pauvre… Je ne suis pas sortable… Je réalise vers le milieu du repas que les places autour de nous ne seront jamais occupées. Est-ce que tu as réservé la moitié du

restaurant ? l'interrogé-je, intriguée. Qui sait ! Peut-être bien… Je secoue la tête en souriant. C’est touchant qu’il se soit donné du mal pour notre première sortie officielle, afin qu’elle reste secrète et je n’ose pas imaginer ce qu’a dû lui couter de réserver une vingtaine de tables. C’est un manque à gagner considérable pour un restaurant surtout le soir de la Saint Valentin. Tu es fou… Pourquoi ? Parce que je t’invite au restaurant ? Je ne vois pas vraiment en quoi c’est délirant. Tu es tellement prévenant, merci Jase… vraiment, dis-je, reconnaissante. Le dessert nous est apporté. Une part de gâteau au chocolat pour deux. Il faut dire que nous avons mangé comme des rois. La nourriture est divine. Jason s’empare d’une cuillère et approche sa chaise de

la mienne, un regard de prédateur sur le visage. God ! Il est tellement canon ! Ouvre la bouche, Mylena, m’ordonne-t-il gentiment en pointant la cuillère remplie, juste sous mon nez. Shit ! Ses paroles ravivent le volcan qui sommeille en moi. Il commence à faire chaud ici. Je m’exécute, ne voulant pas le contrarier en lui disant que je n’ai absolument plus faim… Je ferme mes lèvres autour du couvert et avale le succulent dessert. Jason ne perd pas une miette de cette scène qui devrait être hautement censurée tellement elle est érotique. Mes joues sont en feu. Il se racle la gorge et se dandine sur sa chaise, l’air mal à l’aise, en souriant cependant. Bon sang, si je n’étais pas dans un lieu public je lui sauterais dessus pour réaliser ses fantasmes inavoués, et les miens… Jason attrape

son verre et en prend une longue gorgée avant de lancer : On devrait y aller, propose-t-il d’une voix rauque. Oh my God ! Je crois que je vais mourir… Heureusement, j’ai bu suffisamment d’alcool pour ne pas me poser mille questions à la fois, bien que je ne sois pas vraiment rassurée. J’opine du chef. Il pose plusieurs billets cents dollars sur la table et se lève rapidement m’entraînant à sa suite sans me regarder. Personne ne fait attention à nous ou ne se retourne sur notre passage. Il m’ouvre la portière et court s’installer au volant. J’ai du mal à aligner deux pensées correctes, pas parce que j’ai trop bu, mais parce que je suis comme en état de choc. Ma tête livre une bataille avec mon cœur. J’oscille entre mon désir de tout donner à Jason et le fait que ce soit une mauvaise idée pour tout un tas de

raisons. Nous roulons une dizaine de minutes avant de nous arrêter devant une immense maison beige rosée aux grandes fenêtres arrondies et blanches au bout d'une allée pavée de briques rouges et deux grandes portes de garage. Elle n’est pas extravagante, elle est juste comme il faut et très classe. Il coupe le moteur et me regarde, plus calme que jamais. Comment fait-il ? Je te fais visiter ? demande-t-il avec ce sourire en coin qui le caractérise. Pourquoi pas, répondé-je, en tentant de rester cool. Tu ne bernes que toi, pauvre Myli ! L’intérieur est grand et aérien, moderne, dans des tons blancs et gris. Dans le fond, une cuisine équipée dans le même camaïeu brille de technologie. Jason règle l’intensité d’une lumière près de son énorme canapé en cuir

et l’atmosphère se fait tamisée et douce. Romantique. Ce divan doit bien faire la taille de mon salon ! Alors, c’est ici que vit le grand Jason Maden ? formulé-je, taquine. On dirait bien, répond-il en se frottant la nuque. Serait-il nerveux ? Je ne vois pas pour quelle raison… Il est juste parfait, et dégage une telle assurance... Il balance sa veste dans un coin et se dirige vers le frigo. Il se déplace avec une aisance déconcertante ; c'est comme regarder de près la vie des lions dans leur habitat naturel ! Fascinant. Tu veux quelque chose ? me demande-t-il la tête à l’intérieur du réfrigérateur. Non, je te remercie. Tu peux entrer, tu sais, raille-t-il en faisant référence au fait que je sois toujours prostrée dans l’entrée. Il pose sa bière sur le comptoir et se dirige vers moi, détendu, félin et

souriant tandis que je réfléchis à un moyen de me sauver d’ici avant de me couvrir de ridicule. Jason s’arrête à quelques centimètres de moi et déboutonne mon manteau pour le faire descendre le long de mes épaules. Ma peau se couvre de chair de poule quand ses mains effleurent mes bras nus et mes yeux se ferment, savourant ce contact qui m’électrise. J’ai toujours plus soif de lui. Je sens sa paume qui se pose sur ma joue et j’incline la tête pour aller à sa rencontre. Nos bouches se rencontrent enfin. J’ai l’impression que cela fait des siècles que nous ne nous sommes pas embrassés. Mais ce n’est pas assez. Je plonge mes doigts dans ses cheveux et l’attire à moi avec empressement et force le barrage de ses lèvres pour introduire ma langue dans sa bouche, pour le caresser avec une urgence non

feinte. Il réprime un petit grognement et je ne peux que me réjouir de l’effet que je provoque sur lui. Myli, tu m’as tellement manqué, murmure-t-il en reprenant son souffle. Toi aussi, Jase, répondé-je, en cachant mon visage dans le creux de son épaule. Si je ne me retenais pas, mes larmes inonderaient sa chemise tellement ce que je ressens est fort et me bouleverse. Sa bouche effleure la cambrure de mon cou qu’il lèche et mordille, me faisant oublier comment je m’appelle. Une chaleur familière reprend possession de mon corps qui réagit toujours violemment à son contact, comme s’il n’était fait que pour être gouverné par lui. Nous nous embrassons en avançant vers ce que je suppose être sa chambre,

sans jamais rompre le contact. À l’embrasure de la porte, Jason "perd" sa chemise qui tombe sur le sol. Sa peau est douce et brûlante, je voudrais en dessiner chaque courbe pour retenir tous les détails, ne pas en perdre une miette. L’arrière de mes genoux heurte le matelas et son regard sonde le mien avec une intensité qui me fait frissonner. Je hoche imperceptiblement la tête pour répondre à sa question silencieuse et m’approche un peu plus de lui pour que nos corps soient collés l’un à l’autre. Sa main passe dans mon dos et il fait glisser la fermeture de ma robe jusqu’en bas. Elle rejoint le sol sans se faire prier, je passe une jambe puis l’autre et la pousse sur le côté. Je ne me sens même pas gênée d’être à moitié nue devant lui. Ma main se pose sur son torse, que je caresse jusqu'à la ceinture de son jean. Je me dirige timidement et sans doute un peu maladroitement vers le bouton, mais il m’arrête en claquant la langue.

Laisse-moi faire, Myli chérie, susurre-t-il au creux de mon oreille sensuellement. Il nous fait basculer en arrière et je me retrouve allongée sous lui. Mais il est bien trop éloigné de moi. Je pose un bras sur ma poitrine pour me cacher de son regard inquisiteur. Sa bouche se pose sur ma joue, puis ma mâchoire, mes lèvres… Détends-toi bébé, laisse-moi prendre soin de toi, d’accord ? demande-t-il entre chaque baiser. J’opine et ferme les yeux. Je ne sais pas comment agir, quoi dire ? Ouvre les yeux, Myli ! ordonne-t-il gentiment. J’exécute, néanmoins perdue. Je ne suis pas là pour te juger, et si tu veux on arrête, on n’est pas obligé de faire quoi que ce soit, me rassure-t-il avec un ton confiant et

doux. J’en ai envie… bredouillé-je, d’une voix inaudible. Ne sois pas nerveuse, tu es magnifique dans ce petit ensemble, ça me rend dingue, affirme-t-il en déposant un chemin de baisers vers ma poitrine. Mon souffle devient erratique, et mon corps s’impatiente, brûlant d’un désir toujours plus intense. Tous mes sens sont en éveil. Il passe sa main dans mon dos et dégrafe mon soutien-gorge d’un geste franc et assuré. Même moi je ne le fais pas si bien, alors que j’en porte depuis des années ! En faisant glisser le tissu, ses doigts effleurent la pointe de mes seins et la sensation me fait gémir de plaisir. Il en profite donc pour approfondir son geste, sa peau rugueuse me fait tressaillir, et quand sa bouche se pose à la place de sa main, je suis comme déconnectée du monde réel. Il continue à m'embrasser jusqu'à la couture de ma petite culotte de satin

qu’il caresse de son nez en ne me lâchant pas des yeux comme s’il ne voulait pas en perdre un morceau. Il passe ses pouces sur les côtés et tire sur mon sous-vêtement si bien que je me retrouve absolument nue sous lui, qui porte toujours injustement son pantalon. Il passe un genou entre mes jambes et reprend possession de ma bouche avec passion pendant quelques minutes durant lesquelles je m’accroche à ses bras puissants. Puis il recommence à m’embrasser partout ailleurs, me rendant ivre de plaisir jusqu'à atteindre cet endroit qui ne réclame que lui. Bloody hell ! C’est tellement bon, chaud et humide. Il n’existe rien de mieux sur terre que la langue de Jason à cet endroit de mon intimité. Je plonge ma main dans ses cheveux et les serre entre mes doigts, me moquant un peu de lui faire mal, ce qui n’a pas l’air de le déranger puisqu’il sourit contre

ma peau incendiaire. Les sensations montent crescendo jusqu'à la délivrance. Oh my God ! Je crie son nom en m’arcboutant sous ses lèvres expertes. Je reprends lentement mon souffle et quand j’ouvre les yeux, il est de nouveau face à moi, un sourire victorieux au visage. Je profite du fait qu’il m’embrasse langoureusement pour m’aventurer dans des contrées inconnues, je caresse le long de son dos, ose saisir ses fesses musclées entre mes mains. Ses grognements appréciateurs, m’encouragent à continuer. Je tâtonne pour ouvrir son jean. Allez, Myli, ce n’est pas si dur, tu boutonnes et déboutonnes le tien tous les jours ! Je parviens à mes fins et le fais glisser sur

ses cuisses, s'ensuit son boxer noir, incroyablement sexy. Je suis intimidée devant la puissance de sa masculinité. Je le prends entre mes mains, hésitante comme jamais, je suis sur le point de partir en courant quand il pose une main encourageante sur la mienne pour me montrer le chemin à suivre. Son regard gourmand me fait oublier mes angoisses de débutante. Il tend la main vers le tiroir de sa commode pour attraper un préservatif. Attends, l'interrompé-je sans le lâcher. Tu veux qu’on arrête, demande-t-il, sérieux et inquiet. Non, mais… je… enfin, je prends un contraceptif… et tu es le premier… alors… peut-être que tu n’en as pas besoin ? demandé-je gauchement. Il sourit et semble rassuré. J’ai fait les tests, tu veux les voir ? propose-t-il, rieur. Je te crois sur parole… articulé-je, en resserrant légèrement ma main

autour de lui reproduisant les gestes qu’il m’a appris quelques secondes plutôt. Pour seule réponse, il m’embrasse à pleine bouche et remue tout contre moi. Son cœur bat plus vite et j’adore le voir ainsi, aussi excité. Me dire que c’est moi qui suis l’objet de son désir, que j’en suis capable, j’adore. Je me sens toute puissante. Il détache soudain son visage du mien sans pour autant cesser de me regarder, il reprend ma main dans la sienne pour la diriger vers son but, tout en scrutant la moindre de mes réactions. Même si c’est un peu douloureux, la sensation est incroyablement agréable et me sentir communier avec son corps de cette façon me rend folle. Il ferme les yeux un moment avant se mettre à bouger de nouveau et quand il le fait enfin… God ! Il n’y a pas de mots pour décrire ce pur

moment. Il faudrait en inventer un. Je sens de nouveau ses petits picotements familiers, cette douleur enivrante, s’emparer de moi. C’est si intense, jamais je n’aurais imaginé que cette expérience serait si époustouflante, surtout pas la première fois. Mais Jason est un amant tendre et tout ce qu’il faut de sauvage. Il me rend dingue, dingue de lui un peu plus à chaque minute. Ces mouvements se font plus forts et le sentir jouir en moi me propulse à mon tour au septième ciel. Jason pose son front sur mon épaule en tente de reprendre son souffle, puis se redresse pour m’observer avec un air attentif. Tu vas bien ? demande-t-il, soucieux en écartant une mèche de cheveux

qui me barrait le visage. Je hoche la tête de haut en bas en souriant, trop essoufflée pour sortir le moindre mot. Tu es sûre ? insiste-t-il. Je… Oui, Jase, c’était parfait… Il dépose un baiser sur mes lèvres puis sur mon front et m’informe : Ne bouge pas, j’arrive. La sensation de vide quand il s’éloigne de moi me fait grimacer. Il se lève, entièrement nu, et se dirige vers la salle de bain, pièce attenante à la chambre. Ses fesses sont magnifiques, mais je déteste l’idée de le voir partir même une minute, après ce que nous venons de vivre. Il éteint la lumière et revient avec un gant de toilette humide, se positionne au-dessus de moi et me nettoie avec application. Le rouge me monte aux joues. C’est terriblement intime et tellement attentionné que je suis plus gênée que jamais. Une fois terminé, il lance le gant par terre, s’allonge près de moi et me prend dans ses bras, me

serrant tout contre lui en déposant un baiser dans mes cheveux. Merci, Myli… Je me redresse pour lui faire face, ne comprenant pas pourquoi il me remercie. Je ne comprends pas… Il prend une grande inspiration. Il semble chercher ses mots. Ce soir tu m’as offert ta virginité, et je ne prends pas ce cadeau à la légère. Tu m’as accordé toute ta confiance et cela signifie beaucoup. Alors merci, explique-t-il solennellement. Il n’existe pas meilleur homme au monde à qui j’aurais voulu confier cette tâche… Je dois dire que tu t’en es très bien sorti, bien que je n’aie

aucun point de comparaison… Et tu m’en vois ravi ! répond-il victorieux. Je l’embrasse et reprends ma place, blottie contre son torse. Est-ce que tu as déjà… enfin… je suppose que ce n’est pas la première fois que tu… Que je vole la vertu d’une jeune fille en fleur ? finit-il, moqueur. « C’est la deuxième fois, la première fois impliquant ma propre vertu ! » Oh… d’accord… Tu avais quel âge ? le questionné-je, curieuse. Quinze ans, je crois. C’est jeune ! m'exclamé-je, amusée. Pas tellement… C’était bien ? Une absolue catastrophe ! rigole-t-il. « Autant pour elle que pour moi ! » Est-ce que je dois m’estimer

chanceuse ? demandé-je timidement. Il cherche mon regard en se redressant légèrement un sourire arrogant aux lèvres. Tu n’as pas trouvé cette étreinte catastrophique, chaton ? demande-til doucereusement. Chaton ? Tu n’aimes pas ? Si … Bien. Mais tu n’as pas répondu à ma question. Chaton, insiste-t-il espiègle. Je ne vois pas de quoi tu parles… déclamé-je, d’un air détaché. Le matelas remue et en deux temps trois mouvements, Jason se retrouve audessus de moi, et me chatouille au niveau des côtes. Je me débats tout en rigolant à pleins poumons. Cette légèreté, cette simplicité, emplit mon cœur de joie. Je crois que c’est à ça que ressemble le bonheur, le vrai. La

situation prend un revirement dès que nos bouches entrent en contact et que son corps manifeste son désir, réveillant le mien au passage. Nous reprenons notre sérieux et Jason réitère : Réponds à la question, Myli, m’intime-t-il d’un air faussement menaçant. C’était aux antipodes de

la catastrophe. Juste parfait, Jase. Je te remercie, avoué-je, en le regardant dans les yeux avec sincérité. Il m’embrasse avec une tendresse à couper le souffle, n’ajoutant rien de plus. Je pourrais passer des heures à le bécoter de la sorte, une addiction dont je ne pourrais me passer. Je remue de façon suggestive sous lui, en voulant toujours plus. Ne sois pas si gourmande, chaton. Tu vas avoir mal, il faut que tu patientes avant qu’on puisse recommencer, explique-t-il narquois. Je grogne de mécontentement comme une gamine capricieuse. Mais je peux continuer de te donner des baisers si tu veux, propose-t-il en posant instantanément ses lèvres

sur les miennes ne me laissant pas le temps de répondre. Comme si j’allais dire non ! Promotion. Mon réveil ce matin est des plus délicieux, à l’exception près que Jason n’est pas là. Cela dit, la bonne odeur de café qui me parvient d’ici m’indique qu’il n’est pas très loin. Il est six heures du matin et je dois me rendre au travail dans moins de trois heures. Je n’ai pas de vêtements de rechange, il va falloir que je repasse chez moi avant de m’y rendre et il y a presque une heure de route. Shit ! Je commence à paniquer. Je me lève d’un bond et me dirige vers la salle de bain grandiose. Je sais que je ne suis pas chez moi et que cela ne se fait pas, mais je ne peux pas me rendre au boulot sans avoir fait un brin de toilette. J’entre dans la douche et entreprends de me laver. Les images sulfureuses de la nuit dernière me reviennent et mon corps réagit de façon intense. Comme toujours quand il s’agit de Jason. Je n’en reviens

pas d’avoir sauté le pas, d’être devenue une vraie femme dans la chaleur de ses bras. Je n’aurais pas pu rêver mieux que lui. Il a été parfait, doux et attentionné. Si on m’avait dit que Jason Maden serait mon premier homme, je ne l’aurais jamais cru. Mais la culpabilité n’est jamais bien loin, le sentiment que c’est une très mauvaise idée me hante comme une douleur lancinante à laquelle on se serait habitué, bien qu’elle soit toujours là quelque part. Je sais que les mois à venir vont être durs. Ils vont partir en tournée et je ne vais plus le voir pendant un bon moment. Cela risque d’être pénible à supporter d’autant plus maintenant que nous avons couché ensemble. Je m’en veux, mais je ne regrette pas. Je recommencerais les yeux fermés. Je suis déchirée entre la raison et le désir. Je sors de la douche et attrape une serviette pour m’envelopper. Elle porte son odeur. C’est un pur bonheur. Je sursaute lorsque je l’aperçois, torse nu,

magnifique, appuyé au chambranle un sourire rayonnant sur le visage. Fuck ! Depuis quand est-il là ? Le rouge me monte aux joues. Je… j’ai utilisé ta douche, j’espère que ça ne te dérange pas… balbutiéje maladroitement en fixant le sol. Tu es là… depuis longtemps ? » demandé-je, plus contrite que jamais. Je resserre mes bras autour de la serviette, pour me cacher. C’est ridicule, vu ce qui s’est passé cette nuit ! Il s’approche et de son pouce m’oblige à le regarder. Je ne lis aucune moquerie dans son regard, juste un appétit dévorant que je connais très bien pour le ressentir aussi. Seulement quelques minutes, mais si j’avais su, je serais venu avant, avoue-t-il, enjôleur. Tu n’as pas à te

sentir gênée, chaton. Tu es sublime, je ne me lasse pas de t’admirer, ajoute-t-il avec sérieux. Il s’approche un peu plus, m’attrape par les hanches et se colle à moi. God ! Le feu du désir se répand dans mes veines à une vitesse fulgurante. Je passe mes bras autour de son cou et niche ma tête au creux de son épaule, en tentant de garder mon calme, ce qui est très difficile étant donné les circonstances. Soudain, il nous fait reculer jusqu'à l’évier derrière moi et me hisse de sorte que je me retrouve assise dessus. Je grimace de cette petite douleur inconfortable au creux de mes cuisses. Il se place entre mes jambes et prend mon visage entre ses mains. Comment te sens-tu ? me demande-til attentionné en fronçant les sourcils. Très bien, lâché-je, presque

haletante. Même mieux que bien… Super ! Il dépose un tendre baiser sur mes lèvres. Poussée par mon désir, j’enroule mes bras autour de sa taille, et approfondis ce baiser qui devient fougueux, langoureux. Je le veux tellement. Mais il s’éloigne, le souffle court en posant son front contre le mien. Doucement chérie, je ne crois pas que tu sois encore en état de recommencer, même si j’en ai envie tout autant que toi… Je pousse un soupir de frustration. Ce qui le fait rire. Tu as raison. Il faut j’aille au travail, je ne peux pas être en retard. Je dois repasser chez moi, dis-je en commençant à paniquer de nouveau. Ne t’inquiète pas, tu seras à l’heure, Myli chérie. Habille-toi, je t’ai fait du café, dit-il en s’éloignant de moi. Il se dirige vers la douche et fait glisser son jogging et son boxer pour y entrer.

Oh my God ! Je ne peux pas détacher mon regard concupiscent de ce corps de rêve. Ne me regarde pas avec ces yeux là, chaton, sinon tu ne quitteras pas cette maison de la semaine, affirmet-il en ouvrant le robinet. L’eau qui ruissèle sur sa peau hâlée... Damn ! Je secoue la tête pour reprendre mes esprits et baisse les yeux. Bien sûr, excuse-moi. Ferme la bouche, Myli, tu vas baver ! Je sors de la pièce à la hâte. Des idées pas très catholiques me trottent dans la tête. Ce mec est la tentation incarnée. J’enfile mes vêtements de la veille et me dirige dans la cuisine pour me servir un café brûlant. En voyant les viennoiseries sur le plan de travail, je me rends compte que je meurs de faim. J’attrape un croissant et l’avale en moins de temps qu’il ne n’en faut pour le dire. Je finis de me lécher les doigts quand Jason refait son apparition. Bon sang, Myli, tu veux me rendre fou ? demande-t-il en fixant mes

lèvres avec gourmandise. Je pose mes mains autour de ma tasse et me concentre sur le liquide fumant à l’intérieur. Pardon… Comment est le café ? demande-t-il en me prenant dans ses bras. Parfait, merci. Il m’embrasse avec une tendresse à couper le souffle. Nous avons d’ailleurs passé une bonne partie de la nuit à nous bécoter si bien que mes lèvres et les muscles de ma mâchoire sont légèrement endoloris. C’était un vrai bonheur. On devrait y aller, suggéré-je,en m’éloignant de lui à regret. Ouais, allons-y, acquiesce-t-il en capturant mes lèvres de plus belle, pas du tout décidé à quitter les lieux. Jason… le réprimandé-je, sans grande conviction.

En réalité, ma « plainte » ressemble plus à un gémissement qu’à un rappel à l’ordre. Puis il se redresse et reprend son sérieux. L’espace entre nous me fait frémir de déception. Allons-y, chaton, m’intime-t-il de son regard de braise. Il attrape ses clés sur la console dans l’entrée et enfile un manteau. Je l’imite et sors en direction de sa voiture. Le silence qui plane pendant le trajet est mêlé de tristesse et d’électricité. Je suis tellement déçue de devoir le quitter, même pour quelques heures. Est-ce la dernière fois que nous nous voyons en tant « qu’amants » ? Êtes-ce une parenthèse qui ne se reproduira pas ? Il vaudrait mieux que ce soit le cas. Je ne peux pas me permettre de m’investir plus. Cela serait une grossière erreur. Je me sens tout à coup dépitée, mais je tente de ne pas le montrer, pour éviter tout questionnement. Je ne veux pas gâcher cet instant magique que nous avons vécu. C’était incroyable et j’en

garderais un souvenir impérissable. Jason arrête la voiture juste devant mon appartement et se tourne vers moi. Je tente de prendre sur moi, car les larmes me brûlent les yeux. J’inspire un grand coup et je lui offre un sourire peu convaincant. Comment te sens-tu ? me demande-til en penchant la tête sur le côté. Ce revirement d’humeur me rend malade. Il n’est pas dupe, mais plutôt crever que de me montrer faible maintenant. Je hoche la tête. Sa main s’insinue derrière ma nuque et il me rapproche de ses lèvres pour un baiser tendre. Le dernier ? Il faut que je me dépêche, je vais être en retard… expliqué-je, en retirant sa main de mon cou, rompant tout contact. Je pourrais presque sentir mon cœur s’effriter. On se voit ce soir ? Tu me rejoins ? demande-t-il, plein d’espoir. Je ne sais pas, j’ai beaucoup de travail, je te tiens au courant ?

Le fait qu’il ne cache pas sa déception me fait culpabiliser. OK. Au revoir Jason, dis-je simplement avant de claquer la portière derrière moi. Je ne me retourne pas, je n’en ai pas la force. Je ne veux pas qu’il me voie pleurer une fois de plus. Je monte les escaliers et file me changer sans attendre, je dois être au label dans une demi-heure. Je prends une tenue au hasard, rassemble mes dossiers, le planning des répétitions et me rends sur mon lieu de travail. La fourmilière grouille de gens stressés, de musiciens affolés, d’ingénieurs au garde à vous. Aujourd’hui, a lieu l’enregistrement de cette chanteuse prometteuse qu’a dénichée Dom il y a quelques semaines et qui était gérée par Kévin. Je ne m’occupe pas de cette artiste personnellement, je prête juste main forte de temps à autre. Elle est un peu excentrique, mais très talentueuse.

Les délais fixés pour l’album sont serrés et l’enregistrement a pris du retard, si bien qu’il ne reste que deux jours pour le finir. Brice me surprend en me tapant sur l’épaule. Hé ! Voici ma manager préférée ! Comment tu vas, Mylena ? me questionne-t-il, enthousiaste. J’éprouve beaucoup de plaisir de le voir retrouver sa bonne humeur. J’imagine que vivre éloigné de la personne qu’on aime n’est pas évident tous les jours. Tu vas bientôt comprendre ta douleur, « Myli chérie » ! Heureusement, Brice me démontre que certains jours sont meilleurs que d’autres. Très bien, merci ! mens-je ouvertement. Et toi ? Tout roule, j’ai passé une bonne partie de la nuit à écrire, cela m’a fait un bien fou. Ce n’est pas vraiment l’idée que je me fais d’une

Saint Valentin réussie, mais c’est ainsi ! Je me rattraperai ! Je ne savais pas que tu écrivais ! m'étonné-je, agréablement surprise. Ouais ça m’arrive, mais je ne sais pas… je n’ai pas l’expérience de Jason, il est bien plus doué avec les mots que moi ! J’aimerais beaucoup lire tes compositions, je suis sûre que tu te débrouilles comme un chef. Eh bien, peut-être que je te les montrerai un jour, si tu es gentille, me taquine-t-il d’un coup dans l’épaule. Je souris. Brice est vraiment un gentil garçon. Le charme canadien ! Tu es sûre que tout va bien ? Tu as l’air… différente. Super ! C’est écrit sur mon visage ? Je suis un peu stressée, je dois aller voir Dom pour le planning des

répétitions. Ah oui ! Je crois qu’il t’attend d’ailleurs ! Quoi ? Il a dit quelque chose ? paniqué-je. Non, ne te fais pas de soucis, il m’a juste dit que si je te voyais, je devais te prévenir d’aller le voir. Bien sûr, j’y vais. Merci Brice. Je me rends donc précipitamment dans le bureau de Dom. Je prends une grande bouffée d’air et frappe à la porte. Pourvu qu’il ne se mette pas en colère. Et s’il était au courant pour moi et Jason ? J’en mourrais. Je serre les poings pour m’empêcher de trembler. Entrez ! lance-t-il d’un ton bourru qui le caractérise. Je tourne craintivement la poignée et lance d’une fine voix :

Bonjour, vous vouliez me voir ? Ah ! Mylena ! s’exclame-t-il d’un air ravi. Assieds-toi, je t’en prie ! Dois-je en déduire que je ne vais pas passer un sale quart d’heure ? Je pose le planning sur son bureau et coince les mains entre mes cuisses, crispée. C’est le planning des répétitions ? Oui. Il l’attrape et le détaille pendant ce qui me semble être une éternité. Mon pied bat un rythme frénétique. C’est parfait, Mylena, affirme-t-il en relevant la tête vers moi. Je n’aurais pas fait mieux, c’est du bon boulot ! me complimente-t-il. Je respire de nouveau, rassurée. Merci, répondé-je timidement. Tu ne dois pas douter de tes capacités. Je suis satisfait de toi. Depuis que Kévin est parti, tu as abattu le travail de deux personnes. C’est aussi pour cette raison que je voulais te voir. J’ai quelque chose à te proposer.

Je fronce les sourcils, étonnée. Je suis flattée de tous ces éloges qui me vont droit au cœur. Je vous écoute. Je pense qu’il est temps pour toi d’évoluer. Je voudrais t’offrir un poste d’assistant-manager, avec un vrai contrat. Je crois que tu ferais vraiment un bon élément. Tu te débrouilles très bien avec les Love Hackers et j’ai beaucoup apprécié que tu me fasses écouter cette démo de ce Matteo. D’ailleurs en parlant de lui, j’ai appris ce matin même qu’il avait été approché par un label italien. Wow ! C’est génial ! Il doit être ravi ! Je suis contente pour lui, m'exclamé-je, fière de mon ami, qui a un talent indéniable et le mérite amplement.

Oui et tu peux te vanter d’y être pour quelque chose, affirme-t-il. Je ne sais pas, ce n’est pas moi qui chante et joue d’un instrument, je l’ai juste aidé. Sans toi, il n’aurait jamais pu envoyer sa maquette aux maisons de disques, mais la question n’est pas là. Avant de t’embaucher définitivement je voudrais que tu fasses une dernière fois tes preuves. Bien sûr, qu’attendez-vous de moi ? Je veux que tu partes en tournée avec les Love Hackers, que tu gères tout ce qu’il y a faire sur place et pourquoi pas, que tu prennes quelques initiatives, lance-t-il sérieux, les bras croisés sur son bureau. My God ! Partir en tournée ? Avec

Jason ? Dans un espace réduit tel qu’un bus ? Jeez ! C’est tentant professionnellement parlant. Personnellement aussi, Myli, ne te voile pas la face ! Et aussi parce que les voir en concert soir après soir serait absolument dément. Mais maintenant, il y a ce truc entre Jason et moi. Comment faire une croix dessus en l’ayant dans mon champ de vison vingt-quatre heures sur vingt-quatre ? Mylena ? m’appelle Dom, attendant une réponse de ma part. C’est une opportunité en or, et si je refuse que se passera-t-il ? Je vais rester une pauvre stagiaire toute ma vie ? C’est impensable ! Bien sûr ! C’est… c’est d’accord. Merci

de m’octroyer votre confiance ! Tu le mérites, jeune fille ! Je suis sûr que tu ne me décevras pas. Merci, mille fois, Dom. De rien ! Maintenant, va travailler ! Les répétitions commencent dans peu de temps, alors tu as du pain sur la planche. Tiens-moi au courant de l’évolution. C’est de la folie ! Je sors de son bureau avec un sourire béat. Je n’en reviens pas ! C’est tout simplement incroyable. Maintenant, il ne me reste plus qu’à faire mes preuves et à ne pas le décevoir. Je me plonge à corps perdu dans le travail. Les répétitions commenceront dans trois semaines, puis les garçons partiront sur place quinze jours avant, histoire de se mettre dans le bain et de prendre possession de la scène avant le grand show. Je vais vivre des moments de folie ! Il me reste tellement de choses à

faire : organiser la vente des tickets, établir l’équipe d’ingénieurs qui nous suivra, briefer les Love Hackers sur le déroulement et ce qu’on attend d’eux, avertir les médias des dates et faire promouvoir l’événement sur les différentes radios qui nous ont reçues et les réseaux sociaux … Rien que d’y penser la tête me tourne. Ça n’en reste pas moins follement excitant. Le soleil s’est couché sur Los Angeles depuis un bon moment et j’ai toujours la tête collée à l’écran de mon ordinateur. Je n’ai pas arrêté, même pour manger, j’avoue que je crève de faim, mais il me reste encore des choses à faire… La sonnerie m’avertissant de l’arrivée d’un message me fait sursauter. *Je suis en haut, tu me rejoins ? Il n’y a plus personne ici, tu travailles trop ! * Que lui répondre ? Si je le vois, je

voudrais l’embrasser, et plus encore. Ce n’est pas une bonne idée. Il faut que je l’évite au maximum. Nous allons déjà vivre ensemble pendant plus de deux mois ! *Je n’ai pas beaucoup de temps, je suis désolée… Je suis crevée, je ne vais pas tarder à rentrer. * J’ai l’impression d’être la pire des garces, la fille qui a obtenu ce qu’elle voulait et qui lâche le mec comme une vieille chaussette. Pauvre Jason ! Comme s’il n’en avait pas eu assez avec cette maudite Brianna. Je ne vaux pas bien mieux qu’elle finalement… Mes yeux me font mal à cause de l’écran… mais aussi à cause de mon envie de pleurer. Je me suis mise dans une situation complexe, qui me dépasse désormais… Mais l’ai-je vraiment maîtrisée un jour ? Certainement pas Mylena, tu n’as aucune volonté ! Je ne suis bonne qu’à suivre mes impulsions sans réfléchir aux conséquences. J’ai toujours su que ressentir ce que

j’éprouve pour Jason était mal et dangereux, mais j’ai foncée tête baissée Le truc, c’est que je ne regrette rien. Je serais même prête à recommencer jusqu'à la fin de ma vie. Myli chérie ? m’appelle cette voix douce et rauque qui fait chavirer mon cœur. Shit ! Il ne m’aide pas du tout là ! Son ton me signifie qu’il semble inquiet. Allez, Mylena ! Un… deux… trois… Je tourne la tête. Il est toujours aussi beau, si ce n’est plus…à quelques mètres de moi, les mains enfoncées dans les poches de son jean, le faisant dangereusement descendre sur ses hanches de façon indécente, dévoilant une bande de peau douce et hâlée. Bloody hell ! Je me force à le regarder dans les yeux.

Quelque chose ne va pas ? me demande-t-il concerné. Il s’avance et s’accroupit en faisant tourner mon fauteuil pour que je sois face à lui. Son regard s’attarde sur mon épaule dénudée à cause d’un pull trop grand enfilé à la hâte ce matin. Je croyais que tu serais contente d’apprendre que tu nous accompagnes sur la tournée. J’écarquille les yeux… Bien sûr, c’est normal qu’il soit au courant, mais… je ne sais pas. Il n’aurait pas osé faire cette demande à Dom, n’est-ce pas ? Je lui en ai déjà voulu à l’époque quand il lui a raconté ce qu’il s’était passé avec Kévin. Savoir que Dom m’a mise sur la tournée parce que Jason le lui a demandé, me mettrait en colère. Je n’y suis pour rien, se justifie-t-il en levant les deux mains devant lui. Je n’ai encore rien dit …

Mais tu l’as pensé ! C’est vrai… abdiqué-je, écœurée qu’il lise en moi comme dans un livre ouvert. Que se passe-t-il ? Tu n’es pas ravie ? insiste-t-il. Je… si, bien sûr, c’est une super expérience et une grande opportunité. J’ai beaucoup de chance que Dom me fasse confiance. C’est vrai, et je vais tout gâcher autant avec Jason que pour ma carrière car je ne peux pas être avec lui et gérer mon job comme je le devrais. Qui prendrait au sérieux une fille qui couche avec son client ? Je suis trop impliquée émotionnellement avec lui.

Myli, tu réfléchis trop. Pourquoi te tortures-tu de la sorte ? Pourquoi ? je demande incrédule. Tu crois que c’est si facile Jase ? Je t’ai déjà dit que je tenais à ce travail. Je ne peux pas continuer de faire comme si de rien était… expliqué-je, au bord des larmes. Alors c’est tout ? On tire un trait sur ce qui s’est passé hier ? Comme tu le dis si bien, ce n’est pas si facile. Autant pour toi que pour moi. Tu crois sans doute que je me moque de ce que représente ton boulot et que je ne pense qu’à moi ? Tu interprète mal ce que j’ai dit ! Je ne sais pas ce que je veux… L’idée de choisir me rend malade. Tu comptes beaucoup trop pour moi pour que je fasse une croix sur toi, mais… Ta carrière est tout aussi importante, je le comprends. C’est sans issue… Je ne peux pas vivre au jour le jour en attendant

que le ciel me tombe sur la tête. J’attendrai… affirme-t-il sérieusement. Il a perdu la tête, c’est officiel. Je n’en suis pas loin moi non plus, cela dit ! Non, Jase, ne dis pas des trucs pareils, c’est absurde. Je ne trouve pas. Je tiens à toi Myli, plus que de raison, alors si je dois attendre la fin du contrat avec Loading Records pour t’avoir, alors je le ferai. Jason, n’exagère pas. Je n’exagère pas. Et je quitterai même le label sur le champ si tu me le demandais. Hors de question ! Tu n’es pas tout seul, que fais-tu de Brice et Rick ? Tu ne penses pas à eux ? Ce sont tes amis ! Jason pousse un soupir de lassitude. Alors je patienterai… C’est de la folie, je ne peux pas te laisser faire une telle chose. Tu as

le droit d’avoir ta vie, et d’en profiter. C’est avec toi que je veux être, là maintenant, peu importe si je dois patienter pour vivre cette histoire. Je… Je devrais rentrer… il se fait tard… Cette discussion devient trop intense pour moi et mon cœur fragile. Je te raccompagne ? propose-t-il gentiment avec un voile de tristesse dans le regard. Non, j’ai ma voiture, merci. Bonne nuit Jason, dis-je d’une voix lasse en me levant pour quitter la pièce. Qu’est-ce qui m’a pris de coucher avec lui ? Je savais que notre relation compliquerait tout. Si encore Jason était un goujat, je pourrais plus facilement passer à autre chose, le repousser… Mais il est l’exact opposé. Répétitions. Le stress ne me quitte plus depuis une semaine. Aujourd’hui commencent les répétitions des Love Hackers avant la

tournée qui débute dans à peine quinze jours. J’ai décidé, comme Dom me l’a suggéré de prendre des initiatives, je lui présenterai mon projet plus tard dans la journée. J’ai donc préparé le terrain pour une éventuelle tournée en Europe, à la suite de celle qui s’organise aux États-Unis et qui ne comporte pas moins de trente-neuf dates, le tout pour une durée d’un mois et demi. Le rythme est effréné, mais les garçons s’en sentent capables. Il y aura bien entendu une période de « vacances » entre les deux. La popularité des Love Hackers outreAtlantique n’est pas sans reste. Les gens sur les réseaux sociaux sont très demandeurs de leur venue. C’est donc avec un certain culot que j’ai déjà réservé les dates et les salles. J’ai passé énormément de temps sur internet pour tâter le terrain, estimer quelle taille de salle privilégier, établir des budgets… Je me noie sous le travail pour penser à Jason le moins possible, bien qu’il soit toujours là dans un coin de ma tête, ses

caresses, sa tendresse, son odeur se rappellent à moi chaque nuit, dans mes rêves, me laissant souvent pantelante au petit matin, forcée de prendre une douche froide pour calmer mes ardeurs. Son regard lorsque nous nous croisons au détour d’un couloir me fait l’effet d’un coup de poignard en plein cœur. Son air triste me fend l’âme et ses textos me font souffrir autant qu’ils m’apaisent. Il me dit inlassablement que je lui manque, qu’il voudrait goûter de nouveau à la tendresse de mes lèvres, me serrer contre lui, revivre encore et encore cette nuit fabuleuse... Moi aussi… Sa prose me chamboule à chaque fois. Jason est un génie des mots. Cette chanson qu’il m’a envoyée hier… ces paroles sont gravées en moi comme dans la roche, elles retranscrivent mes émotions à la perfection. We're both looking for something (Nous sommes tous les deux à la recherche de quelque chose) We've been afraid to find

(Que nous sommes effrayés de trouver) It's easier to be broken (C’est plus facile d’être brisé) It's easier to hide (C’est plus facile de se cacher) Lookin' at you (Te regarder) Holdin' my breath (Retenir ma respiration) For once in my life (Pour une fois dans ma vie) I'm scared to death (J’ai peur à mort) I'm takin' a chance (Je saisis la chance) Letting you inside (De te laisser entrer) Lifehouse, First Time, Who We Are, 2007. J’aimerais tellement l’entendre la fredonner en grattant les cordes de sa guitare avec tout le talent qui le caractérise. Il me manque terriblement.

Mais c’est impossible, on en revient toujours au même. Je dois me montrer professionnelle. Durant ces dernières semaines, j’ai repris contact avec Matteo, pour le féliciter de ce contrat qu’il a récemment signé. Je suis tellement contente pour lui. Il est aux anges. Son père n’accepte pas vraiment cette nouvelle, mais disons qu’il n’est plus aussi réticent. Il faut dire que Matteo a finalement accepté de travailler dans l’entreprise familiale à raison de quelques heures par semaine, histoire de désamorcer le conflit. Son patriarche ne lui mène pas la vie facile. Il a du courage de l’affronter et il a raison. Sa passion n’est pas une vaine entreprise. Il a du talent, preuve en est, il est sur le point d’enregistrer une maquette pour un futur album qui je l’espère sera un grand succès. J’ai vraiment hâte d’avoir ce produit fini entre les mains, de le voir sur scène devant une foule en délire. Je sais qu’il est fait pour la musique et qu’il réussira,

j’ai foi en sa voix et en son talent. Ce matin, c’est dans une salle non loin du label que je me rends, plutôt que dans mon bureau. Les techniciens doivent s’affairer depuis déjà plusieurs heures. Hier soir, quand j’y suis passée, il restait encore beaucoup de matériel à installer. Cette salle de spectacle appartient à Loading Records et sert souvent pour les répétitions de gros concerts. En entrant, je suis tout de suite mise dans l’ambiance, les instruments sont à leur place, n’attendant que leur propriétaire, tandis que les ingénieurs procèdent aux branchements et aux essais. Une certaine excitation m’étreint. Dire que j’ai orchestré cette organisation me rend fière. Mais la perfectionniste au fond de moi est à la recherche du petit truc qui ne va pas. Rien jusqu’ici… Je pense qu’il me

faudra attendre la prestation des garçons pour les ultimes réglages. Et puis nous avons une semaine pour tout boucler, je pense que nous aurons assez de temps pour que tout soit parfait. Nous partirons mercredi prochain pour Seattle, s'ensuivront plusieurs de villes, enchaînées les unes après les autres. Les Love Hackers auront une moyenne de quatre à cinq concerts par semaine, suivi de deux jours off, pour souffler un peu. Tiens ! voilà ma petite fée organisatrice ! s’exclame Dom en me faisant une bise sur les deux

joues. Il est tout survolté ce matin ! Cela faisait bien longtemps que je ne l’avais pas vu aussi joyeux. Bonjour Dom ! Alors comment le planning avance til ? Je trouve une fois de plus que tu t’es surpassée ! Je te félicite. Merci… Tout me semble bien, quelques détails à régler ici et là, mais rien de méchant. Bien ! Très bien ! répond-il tout sourire. Je voudrais vous voir cet après-midi, j’ai quelques suggestions à vous faire, proposé-je timidement. Ah ! Je me demandais quand tu allais me parler de tes projets ! J’ai bien remarqué que tu étais plus occupée que tu ne le devrais, ces derniers temps ! J’ai hâte d’entendre ce que tu vas me proposer, Mylena ! Viens pour seize heures, m’intime-t-il en posant une main encourageante sur mon épaule.

J’y serais. OK ! Allez, j’ai du boulot qui m’attend. Prends bien soin des gars et n’hésite pas à leur botter les fesses, s’ils ne t’écoutent pas, plaisante-t-il en faisant référence au groupe. Je souris, sa bonne humeur est communicative. Toute cette énergie, ces gens qui s’affairent, c’est excitant. L’arrivée des garçons est remarquée, les fans les suivent de plus en plus et je peux les entendre d’ici. Ils se prêtent facilement au jeu des autographes, gardant cette proximité avec leur public. Le regard de Jason se pose sur moi, accompagné d’un faible sourire que je lui rends. C’est douloureux de le voir. Toute cette histoire me dépasse, me semble de plus en plus insensée et me met en colère. Les Love Hackers se mettent tout de suite au travail en s’emparant de leurs instruments. On voit clairement que cela leur manque de jouer tous ensemble sur scène. Les

répétitions commencent, les sons s’ajustent, à chaque nouveau morceau, les ingénieurs sont concentrés et le groupe se laisse porter par leur musique. Ils sont excellents et on voit qu’ils prennent beaucoup de plaisir. Mon corps vibre au rythme des basses, me propulsant dans un monde parfait, avec ces notes, cette voix qui me chamboule, qui me submerge d’émotions avec une force hallucinante. C’est tellement bon. Entendre Jason m’a toujours beaucoup remuée, dans tous les sens du terme, mais maintenant que j’ai goûté au fruit défendu, je me sens encore plus émue. Ce garçon pourrait me faire grimper au septième ciel rien qu’en chantant et en jouant un peu de guitare. C’est effarant ! Je me rends dans le bureau de Dom un peu avant seize heures, il est en grande discussion au téléphone, j’attends donc qu’il ait terminé. Je suis très contente de

cette journée qui s’est déroulée à la perfection. Les répétions avancent bien mieux que prévu. Nous aurons peut-être même fini avant la fin de la semaine. Les garçons, qui sont des habitués de la scène, savent très bien quoi faire, et quand. Ce concert sera vraiment parfait. N’entendant plus de bruit dans la pièce, je frappe à la porte de mon supérieur. Il m’invite à entrer. Salut, Dom, nous devions nous voir… Myli, oui, bien sûr, assieds-toi, dit-il en montrant la chaise libre devant son imposant bureau. Je sais que je ne joue pas ma vie, mais je me sens néanmoins nerveuse… Voilà, j’ai pensé qu’il serait judicieux de faire une tournée en Europe, pour les Love Hackers. Ils ont des fans outre-Atlantique qui

désespèrent de les voir un jour. J’ai déjà établi un planning de tournées et sélectionné les lieux les plus propices, expliqué-je, en lui tendant un dossier. Ce n’est pas une mauvaise idée, ditil simplement en feuilletant mes documents. Un silence de plomb règne ce qui augmente mon stress. Après plusieurs minutes qui ont pris des allures d’heures, il me regarde d’une expression indéchiffrable. Je ne vois rien à ajouter. Tu as fait plus que « sélectionner » si j’en crois ces papiers, expose-t-il avec un sérieux intimidant. Je… Oui… Je les ai en quelque sorte réservées… avoué-je, avec une furieuse envie de disparaître sous terre. C’est parfait dans ce cas. Je te donne mon accord, approuve-t-il avec un calme déconcertant. J’ai du mal à y croire ! Il vient vraiment

d’accepter ? C’est vrai ? Oui. Et, il va de soi que tu les accompagnes. Je te veux sur place pour tout gérer. Oui… Bien sûr, il va sans dire. Je… Merci Dom… Ne me remercie pas. Je te félicite ! J’attendais de toi que tu prennes les devants et tu ne m’as pas déçu. Considère que c’est ta chance de devenir mon bras droit. Votre… quoi ? demandé-je, abasourdie. Tu fais du très bon travail, Myli, je te l’ai déjà dit. Je ne vois pas pourquoi je tournerais autour du pot. Si cette tournée est un succès et que tout se passe bien, la place est à toi. Je… Wow… C’est de la folie ! Tu ne te sens pas de taille ? Si, si, bien sûr… c’est ce que j’ai

toujours voulu… Alors, prouve-moi que j’ai raison, sourit-il Merci beaucoup ! Merci Dom ! Je ne vous décevrai pas. J’y compte bien ! Sur ces belles paroles, je le salue et sors du label pour retourner à la salle de répétitions le cœur léger, ravie par cette nouvelle. Je suis heureuse que Dom croit en moi. J’ai beaucoup de chance et je me sens pousser des ailes. On part en Europe ! Il faut que je l’annonce aux garçons. J’espère que l’idée va les séduire ! Quand j’arrive dans la grande pièce baignée dans l’ombre, je les aperçois, en train de plaisanter sur la scène avec un régisseur. Je m’approche d’eux presque en courant, pressée, excitée. Hé Milady ! Où cours-tu ainsi ? m’apostrophe Rick. Je souris largement et tente de reprendre mon souffle. Faites que cela leur plaise ! J’ai une grande nouvelle ! annoncé-je

fièrement. Vas-y, on t’écoute ! s’impatiente Brice. On part en Europe ! Après la tournée, vous aurez quelques semaines de répit et puis on enchaîne plusieurs dates là-bas ! Wow ! C’est… Est-ce qu’on peut le faire ? demande bêtement le bassiste, abasourdi. Bien sûr ! Je me suis renseignée et vous avez beaucoup de fans qui veulent vous voir ! C’est une petite tournée, quinze dates pour une durée de deux semaines à compter de la mi-mai, je déblatère à toute vitesse surexcitée. Est-ce que vous êtes d’accord ? les interrogé-je, inquiète. Je tente de faire abstraction du regard de Jason qui ne me quitte pas, et son expression dénuée de sentiments me fiche la chair de poule. Qu’est-ce qui lui prend ? Rick et Brice se tournent vers lui, attendant son approbation. C’est lui

le leader. Jason est la voix du groupe, les Love Hackers n’ont plus lieu d’être sans sa présence. On est d’accord ! lance-t-il enfin en souriant et tapant dans la main de ses amis de toujours. Je me sens tellement soulagée ! Ça va être super ! Les Love Hackers vont faire un carton ! J’en suis persuadée ! Rick m’attrape par les épaules pour me serrer contre lui, puis vient le tour de Brice et déjà un malaise s’installe. Si Jason fait pareil, je suis foutue. Brice relâche son étreinte et je tente de faire comme si de rien était, il est à mon côté, la moindre parcelle de mon corps est en alerte, mon souffle peine à être régulier. Jeez ! Je sens sa main autour de mes épaules, il m’embrasse le front et s’écarte. Le contact est rompu. Ce fut bref. Trop bref. Insupportable. Je rassemble tout mon courage pour ne pas lui sauter au cou. Et bientôt, c’est la colère qui s’empare de moi. Je m’en veux d’être si faible, d’être tombée amoureuse de lui comme une

parfaite idiote. C’est toujours aussi compliqué d’aimer ? Parce que si c’est le cas, j’y renonce ! Je m’éloigne laissant le groupe discuter tandis qu’un monteur me pose des questions quant à l’éclairage. Comme si j’en avais quelque chose à faire ! Je lui réponds que nous verrons ce problème demain et je renvoie tout le monde à la maison. Ils travaillent tous d’arrache-pied depuis tôt ce matin, ils méritent bien de souffler un peu. Et vu l’efficacité des garçons, les réglages devraient être rapidement mis au point. Je quitte les lieux pour retrouver ma voiture dans le parking sous terrain de Loading Records. Je farfouille dans mon sac, à la recherche de mes clés. Il règne toujours un désordre innommable là dedans. Les femmes et leur sac à main… Je sursaute lorsque je sens une main se poser sur mon épaule. La terreur s’empare de moi, cet endroit est loin d’être rassurant et je ne suis qu’une pauvre fille, faible et sans défense. Je

me retourne doucement en tentant de ne pas avoir l’air effrayé. Allez, Myli, il ne va rien t’arriver, tu n’auras qu’à lui mettre un coup de pied bien placé ! God ! Faites que ce ne soit pas un serial killer… Un… deux… trois… Je pousse un soupir de soulagement en voyant qu’il s’agit de Jason avant que la panique me reprenne aussitôt pour une tout autre raison. Je ne suis pas sûre d’avoir la force de le repousser. Jason ? Il ne répond pas, il me dévisage, l’air grave. Ses yeux d’émeraude me paralysent, mais je voudrais que cette émotion ne cesse jamais. Il pose une main sur ma joue provoquant un frisson de désir brûlant. Damn ! Je suis foutue ! Je penche la tête et ferme les yeux pour profiter pleinement de ce contact qui m’avait tant manqué. Avant que je ne

puisse revenir à la triste réalité, ses lèvres se posent délicatement sur les miennes, je ne le repousse pas, mais pose une main sur son torse où je peux percevoir les battements frénétiques de son cœur. Je ne remarque pas le flash qui crépite au loin. Il s’éloigne, posant son front contre le mien. Il sourit faiblement, s’éloigne et replace une mèche de mes cheveux, échappée de mon chignon. Je ferais mieux d’y aller, chuchoté-je, d’une voix tremblante. J’ai envie de pleurer tellement ce vide qui s’insinue entre nous est douloureux. Je prends une grande inspiration. Il hoche la tête, et dit doucereusement : Bonne nuit, Myli chérie. Il disparaît me laissant seule, dans ce parking où l’air est devenu froid et étouffant. Je rentre dans mon véhicule, allume le contact et prends le chemin vers mon appartement, laissant mes larmes couler librement. Je suis tranquillement allongée sur mon

canapé dans une tenue douteuse, un paquet de chips barbecue à la main, devant un film romantique qui ne me remonte absolument pas le moral quand la sonnette de la porte retentie. Shit ! Je me lève nonchalamment, m’enveloppant dans mon plaid en pilou, imitant la fourrure d’un lapin tout doux. J’ouvre, tombant sur ce visage parfait qui hante mes jours et mes nuits. Ses yeux se posent sur mes jambes nues, puis il me fixe en fronçant les sourcils avant d’effacer les traces de mascara qui marbrent mes joues, ne laissant aucun doute sur mon état. Il s’approche en fermant la porte derrière lui. L’atmosphère se charge d’érotisme tout à coup. Il prend mon visage en coupe et nos bouches se rencontrent avec une certaine urgence. La couverture tombe au sol et nous reculons vers mon canapé.

Les mots n’ont pas leur place, nos corps se comprennent, se reconnaissent. Je me retrouve allongée sous lui, nos gestes sont sauvages, presque violents, nos langues se livrant un combat sans merci. C’est tellement excitant, enivrant. Mon corps ondule d’impatience contre le sien. Nous nous fixons avec avidité pendant quelques secondes et nos vêtements ne sont plus qu’un lointain souvenir. Je sais que je le regretterai demain matin, mais je m’en fiche, j’en ai besoin plus que de respirer. Son odeur, sa peau dangereusement chaude à cet endroit, ses caresses qui me font perdre la tête. Nos corps fusionnent. Jason se montre délicat dans un premier temps, ne me quittant pas du regard, inquiet de me faire mal mais je ne ressens aucune douleur, c’est juste parfait et beaucoup trop bon. Je passe mes mains dans son dos pour le rapprocher encore plus. Il commence à bouger, doucement puis de plus en plus fort, c’est sauvage et grandiose. Je ne tarde pas atteindre le

paradis, une fois, puis une deuxième où enfin, la délivrance nous emporte tous les deux. Il s’effondre sur moi, essoufflé. Je n’avais jamais imaginé que faire l’amour puisse être aussi intense. Il se glisse sur le côté me prend dans ses bras, tire un deuxième plaid, posé sur le dossier et nous recouvre. Je m’endors ainsi, apaisée et heureuse. Du moins pour quelques heures… Le lendemain, je suis seule, sur mon canapé, bien emmitouflée. Mon cœur gelé se brise. Il n’est plus là… Au fond, c’est mieux ainsi. Lui demander de partir, voir son regard abattu encore une fois aurait été pire. Ce fut juste une parenthèse merveilleuse, parfaite au milieu de l’enfer. Déchirement. La tournée des Love Hackers, touche presque à sa fin, il ne reste maintenant que cinq dates. Toutes ces semaines sont passées tellement vite ! Le succès est au rendez-vous au-delà de mes espérances et les garçons sont heureux. Les voir

jouer tous les soirs est un spectacle dont je ne me lasse pas. Cette énergie, cette adrénaline sont grisantes. En ce qui concerne Jason et moi, la situation est en stand-by. Nous n’avons jamais reparlé de cette nuit fabuleuse, peu de temps avant notre départ. J’en garde un souvenir impérissable, qui me laisse nostalgique. Nous faisons en sorte de ne jamais nous retrouver seuls et nous passons tous ensemble de très bons moments, remplis de fous rires et d’amitié. Brenda, la chanteuse, qu’a dénichée Dominic, nous accompagne en tant que première partie. Cette décision s’est prise à la dernière minute, mais elle nous a paru très judicieuse. Elle gagne à se faire connaître et c’est une bonne façon de la tester. Cette chanteuse débute et bien que parfois excentrique et prétentieuse, elle a un talent certain. Les retours la concernant sont plutôt positifs. Brenda a son propre bus et exige parfois de pouvoir dormir dans une chambre d’hôtel « digne de ce nom ». Je trouve

qu’elle abuse, mais pour une raison que j’ignore, Dom lui cède tous ses caprices… Elle est née avec une cuillère en argent dans la bouche, mais ce n’est pas une raison. Loading Records a, bien sûr, les moyens d’offrir tous ces privilèges à ses artistes, ce n’est pas le problème… Je trouve ce caprice puéril. La vie dans le car est une expérience hors du commun. Le confort n’est pas toujours au rendez-vous, mais c’est super ! Brice, Rick et Jason sont des compagnons de voyage très agréables et me font beaucoup rigoler. J’adore quand ils improvisent un petit concert dans cet endroit restreint. Le soir, quand le show se termine, que les monteurs remballent tout le matériel, nous montons dans le bus et reprenons la route, profitant de ces instants pour dormir. Ces gentlemans m’ont gentiment

laissé la «chambre» aménagée à l’arrière et ils occupent, quant à eux, les couchettes. Vivre avec des mecs vingtquatre heures sur vingt-quatre n’est pas si terrible, après tout. Ils se montrent prévenants avec moi et c’est très appréciable. J’ai décidé de tenir un petit carnet de bord dans lequel je raconte quelques anecdotes rigolotes, mes ressentis sur leur musique, les fans et leurs acclamations, l’énergie qui se dégage d’un concert. Ce soir, en pénétrant dans le car, une petite enveloppe m’est remise par notre second conducteur, Brad. Lui et Paul se relayent à tour de rôle. J’ai trouvé ceci pour toi, Mylena. Elle était coincée sur la porte, explique le chauffeur. Je le regarde, intriguée, méfiante. Tu sais qui l’a déposée ? lui demandé-je, en fronçant les

sourcils. Non, je l’ai juste découverte là… répond-il en haussant les épaules. Je me dirige seule, vers le fond du véhicule, trouvant refuge dans ma petite chambre. Les garçons sont encore dehors à discuter et à rire « entre mecs » pendant que l’équipe technique finit de charger le matériel. Le concert fut épique ce soir et je suis encore sur un petit nuage. Nuage duquel je suis en train de chuter de façon vertigineuse. Cette enveloppe ne me dit rien qui vaille. Je l’ouvre avec précaution et en sors le contenu. La bile me monte à la gorge quand j’aperçois ce qui s’y trouve. Une photo de Jason et moi, nous embrassant dans le parking de Loading Records, mais pas seulement ! Il y a quelques autres clichés de nous dans le restaurant où nous nous sommes rendus le soir de la Saint Valentin. On nous y voit sortant main dans la main, nous embrassant dans la voiture. Oh My God ! Je suis au bord de l’évanouissement. Un voile de sueur

perle sur mon front, une feuille volante tombe sur la couette, tandis que je regarde ces clichés. Il y est inscrit : « Je me demande que dirait ton patron, s’il voyait malencontreusement ces photos ! » Je laisse tomber le papier comme s’il m’avait brûlé les doigts et j’étouffe un petit cri en couvrant ma bouche de ma main. Les larmes menacent. Ça ne peut pas être vrai… Qui peut bien être à l’origine de cette horreur ? Un seul nom me vient en tête : Kévin. Qui d’autre ? Je me sens soudain en danger. Et s’il rôdait dans le coin en nous épiant ? Ce pourrait aussi être un paparazzi, mais dans ce cas, il demanderait sans doute quelque chose en échange de son silence. Cet acte est de la méchanceté pure, motivée par un besoin de vengeance, c’est évident. Mon pire cauchemar est éparpillé sur le sol. Je ramasse rageusement les clichés et les balance sur le lit tout en faisant les cents pas dans cet endroit exigu, pour tenter de me

calmer. Et si Dom avait déjà en sa possession le même courrier ? J’en mourrais ! Je décide de prendre une douche pour me détendre, mais rien n’y fait. Quand j’en sors, j’entends les garçons rigoler. Nous avons sans doute repris la route. Il y a un concert à Las Vegas dans deux jours, le trajet va prendre un certain temps depuis Vancouver. J’enfile une tenue confortable quand trois petits coups sont tapés à la porte. Deux petites minutes ! dis-je en enfilant un sweat. J’ouvre et tombe sur Jason. Ces derniers temps, j’ai appris à vivre avec cette chaleur constante dans mon bas ventre qui n’est provoquée que par sa présence. Je sens bien que lui aussi lutte contre cette indéniable attraction. Son regard qui s’égare parfois sur moi m’incendie littéralement la peau. C’est dur de

résister, mais je tiens bon. Et je ne le vis pas trop mal, je dirais. Mais bien sûr Mylena, des paroles, toujours des paroles… Je suppose que c’est l’idée de l’avoir sous les yeux en permanence qui me permet de ne pas m’effondrer. Même si c’est très mauvais... l’espoir est toujours là, quelque part, au fond de moi. Ce qui est ridicule. D’autant plus maintenant que j’ai reçu cette infamie. Je risque ma place à cause de ma faiblesse. Faut-il que je montre ça à Jason ? Tout va bien ? On ne t’a pas vue depuis que tu es montée ? demande-t-il, contrarié. Nous avons pris l’habitude de partager nos impressions autour d’une bière tous les soirs, et aujourd’hui j’ai tout simplement oublié. Il faut dire que j’ai de quoi être perturbée. C’est quoi ce truc ? m'interroge-t-il en pointant du doigt les photos étalées sur le lit. Shit ! Pourquoi je ne les ai-je pas jetées ? Il ne me reste plus qu’à lui en

parler à présent… Entre, lui intimé-je, en m’effaçant. Je referme derrière lui et m’assieds à côté de l’objet de mes tourments. Alors ? s’impatiente-t-il. Brad m’a remis une enveloppe tout à l’heure, il l’a trouvée coincée dans la porte du bus. Elle m’était adressée… expliqué-je, en fixant le sol. Il attrape les clichés, les regarde, puis lit le mot qui les accompagne et je vois l’irritation qui s’allume dans son regard. Est-ce qu’il a aperçu quelqu’un ? Non… Je ne sais pas comment je vais faire… Si Dom les voit… Il n’est toujours question que de Dom et de ton job, n’est-ce pas ? m’interroge-t-il, coléreux. Qu’est-ce que tu veux dire ? Ta carrière ! Il n’y a que ton boulot qui t’importe… Comment veux-tu que je réagisse Jason ? Tu penses que je dois m’en réjouir ? Je suis sur le point de

devenir le bras droit de Dom, s’il voit ces photos, il me mettra à la porte ! commencé-je à m’énerver en haussant le ton. Jason arpente la petite pièce de long en large en tirant sur sa chevelure parfaite, me déconcentrant de mon courroux. Tu as donc totalement tourné la page ? Je ne te suis pas… répondé-je, confuse et perturbée par son torse qui se soulève à un rythme soutenu, mettant en valeur ses pectoraux. Nous deux… tu ne l’envisages absolument pas… Notre relation ne veut rien dire pour toi ? lâche-t-il en haussant le ton, en me fixant d’un air triste. Son regard me tord les boyaux et je me sens comme la pire des garces. Il n’y a que ton travail qui compte… Cette connexion entre nous ne signifie rien à tes yeux… m’accuset-il de nouveau, profondément blessé.

Le fantôme de son histoire avec Brianna plane au-dessus de nous avec une force écrasante. Il n’a pas besoin de prononcer ces mots qui vont indéniablement me faire mal. J’ai, à quelques différences près, entendu cette même phrase dans sa bouche il y a plusieurs mois, quand il rompait avec elle. Tu me compares à elle, n’est-ce pas ? Je ne vaux pas mieux ? C’est ce que tu penses ? lui demandé-je, furieuse. Furieuse, car au fond, il a raison je ne suis pas mieux qu’elle sur ce coup-là. J’éprouve soudain un véritable dégoût de moi. Mylena… supplie-t-il avec une pointe de culpabilité. C’est bon ! J’ai compris, Jason ! Inutile d’en dire plus, je ne te

retiens pas ! crié-je, en lui montrant le chemin de la sortie. L’ignoble personne que je suis s’en veut malgré tout de le congédier de la sorte, mais l’air est irrespirable ici et il n’y a pas d’échappatoire à moins de sauter du bus en marche. C’est peut-être une solution… What a mess ! (Quel bordel !) Qui plus est, je suis persuadée que cette petite conversation n’est pas passée inaperçue au reste des voyageurs… Awsome… J’ai passé une nuit affreuse, plus un bruit n’a retenti dans le car après notre dispute houleuse. Ce matin plane une ambiance à couper au couteau. Mes yeux me font mal et sont rougis par mes pleurs de la veille. Je voudrais rester cloîtrée dans la chambre, mais je ne le peux pas… Il nous reste encore plusieurs heures de route avant d’arriver à Las

Vegas, une ville qui me rappellera des souvenirs torrides que je voudrais d’oublier. Fuck ! L’odeur de café m’attire comme un papillon par le soleil. J’enfile une tenue décontractée et sors de ma cachette. Les garçons sont assis, tous ensemble, une mine fatiguée vissée au visage. Les messes basses s’arrêtent quand j’arrive à leur hauteur. Je prends place à côté de Rick et en face de Jason qui porte un grand intérêt à sa tasse. Pour la première fois depuis le début de la tournée, je ne me sens absolument pas à ma place. Salut, Milady, me salue le batteur en déposant un baiser réconfortant sur ma joue. Jason lui lance un regard noir et se lève sans plus de cérémonie, se dirigeant vers la salle de bain d’un pas rageur. Ne fais pas attention à lui, il peut être vraiment soupe au lait quand il veut, plaisante Brice en me tendant une tasse et un muffin à la myrtille. La vérité c’est qu’il a toutes les raisons

d’être en colère. Je le serais tout autant à sa place. Je le suis d’ailleurs, contre moi… J’ai été horrible et cruelle avec lui. Je bafoue ses sentiments au profit de mon travail alors qu’au fond, il est plus important que tout le reste et que je serais capable de tout quitter pour lui… Nous arrivons à Las Vegas, tard dans la soirée. Je me suis tenue à l’écart du groupe toute la journée, l’air était irrespirable de tensions. Personne n’ose parler. Je suis soulagée d’en descendre enfin ! Comme je le redoutais, l’atmosphère de Vegas ravive des instants merveilleux gravés en moi et que j’aurais voulu laisser de côté, mais voilà, c’était sans compter sur mon esprit sadomaso. C’est ici même que Jason m’a dit qu’il avait des sentiments pour moi et qu’il en avait marre de les refouler. J’étais prête à m’offrir à lui corps et âme ce soir-là, mais il n’a pas voulu. Il souhaitait prendre son temps, m’offrant ainsi plusieurs jours plus tard une nuit fabuleuse. Je ne cesse depuis de

le repousser, de l’ignorer, de faire comme si nous étions de simples amis. C’est absurde ! Nous souffrons tous les deux de cette situation, à cause de moi et de ma peur de m’engager dans une relation qui me dépasse tellement elle est intense. Je crois que lutter contre mes sentiments est une erreur monumentale. Mais plutôt crever que de céder. Je suis terrifiée. Je décide donc de prendre une chambre d’hôtel pour m’éloigner un peu. J’étouffe dans cet endroit. Mes pensées tournent en rond et ne me mènent nulle part. Je suis perdue, déçue et malheureuse. Voir Jason dans le même état me donne envie de vomir. Ne plus nous voir pendant une journée nous fera du bien à tous les deux. J’envoie lâchement un message à Brice pour lui expliquer et m’enferme pour plusieurs

heures d’auto apitoiement. Je suis lâche et abattue. Aujourd’hui, sonne le glas de la fin de la tournée. Le dernier concert a lieu à Los Angeles. Les Love Hackers ont déjà donné une représentation ici, hier soir. Je suis contente d’être rentrée chez moi. Les derniers jours dans le bus ressemblaient à un calvaire, l’ambiance était des plus ternes à cause de notre conflit qui ne se désamorce pas et de la fatigue qui commence à se faire sentir. J’admire Jason qui continue à donner le change sur scène comme si tout allait bien. Mais le soir venu, il gratte des mélodies d’une tristesse bouleversante tandis que tout le monde dort à poings fermés. Tout le monde, excepté moi. Retrouver mon appartement m’a fait du bien. J’avais besoin d’être dans un endroit rassurant, mon cocon, qui est néanmoins pollué par les images sulfureuses d’il y a presque deux mois. Cet après-midi, Dom m’a donné rendezvous pour faire le point. Je suis en stress

à l’idée qu’il me claque ces foutues photos sous le nez. Je sors de ma douche et m’habille en essayant de faire un effort pour paraître « normale ». Pas si simple. Espérons que cette petite jupe en jean donne illusion. Le trajet jusqu’au label se fait sans que j’en aie même conscience comme un automatisme, une mécanique bien huilée et rassurante. En arrivant devant le bureau, je suis surprise de voir Jason en sortir. Il me sourit faiblement et passe sa route, se rendant sûrement sur le lieu du concert pour procéder aux réglages de balance. Je frappe à la porte du manager et entre quand il m’y invite. Mylena ! Comment vas-tu ? demande-t-il, enchanté. Je feins une bonne humeur. Très bien merci ! Mensonges…

Alors cette tournée ? C’était grandiose, ces garçons ont vraiment beaucoup de talent et ils assurent vraiment ! Tu m’en vois ravi ! Assieds-toi ! montre-t-il la chaise de la main en plaçant un tas de papiers devant moi. Qu’est-ce que c’est ? l'interrogé-je, intriguée. Lis, m’ordonne-t-il souriant. Je parcours le document avec attention. Il s’agit d’un contrat, celui que j’attendais. Dom m’offre là, une place en or sur un plateau d’argent. Je souris, mais cette victoire a un goût amer. Alors ? s’impatiente-t-il en frappant des doigts sur son bureau. Je… Tu n’es pas obligée de signer tout de suite, dit-il un poil déçu. Je n’ai pas envie de signer ce contrat. Je me sens coupable et mon comportement avec Jason fait que je n’en suis pas digne. Et puis est-ce que c’est vraiment

ce que je veux finalement ? Je n’en sais plus rien… Puis-je prendre le temps d’y réfléchir ? Dom écarquille les yeux, surpris par ma réaction. Je croyais que c’était ce que tu voulais, Mylena. Est-ce que tu as été contactée par d’autres labels ? me questionne-t-il, inquiet et soupçonneux. Non ! Bien sûr que non ! Je rêve de ce contrat depuis des mois, mais je ne sais pas, j’ai le sentiment que je dois prendre un peu de temps pour y réfléchir… expliqué-je vaguement. Je… OK,

acquiesce-t-il déconcerté. Prends ton temps, je ne changerais pas d’avis en ce qui me concerne. Je suis désolée, Dom, je sais que c’est dur à comprendre, mais j’ai juste besoin de recul. OK, alors dans ce cas je voudrais que tu prennes quelques jours de vacances après le concert de ce soir. Je sais que tu vas me dire non, alors c’est un ordre. Ce genre de tournée met sur les rotules et tu l’as bien mérité ! Je… D’accord… si je n’ai pas le choix… Tu vas voir, cela va te procurer un bien fou ! Pas si sûr… Je pourrais peut-être en profiter pour rendre visite à papa, cela dit. Je me lève, salue Dom et me rends sur le lieu du concert qui débutera dans quelques heures. J’arrive juste à temps pour entendre la fin des ajustements de

la balance. Jason est sublime, comme toujours. Il resplendit, sa voix emplit la pièce avec force et harmonie me mettant les larmes aux yeux. Quand la salle est vide, le son est décuplé, brut et intense. J’adore cet instant-là. Je me sens privilégiée. Je lui renvoie le sourire qu’il m’adresse entre deux paroles. Mon cœur s’emballe et me donne le vertige. Il est si parfait… Brenda, descend de scène pour ce qui était de sa dernière première partie. Le public scande le nom des Love Hackers, leurs cris résonnent et font trembler les murs. Jason passe à côté de moi et s’arrête à ma hauteur. Hé… m’apostrophe-t-il. Hé ! Pas trop stressé pour la dernière ? demandé-je, en souriant. Non, c’est bon. Je voulais te féliciter, dit-il en ajustant sa guitare

électrique. Je fronce les sourcils ne voyant pas où il veut en venir. Dom, le contrat, explique-t-il. J’imagine que tu dois être ravie. Je secoue la tête surprise qu’il soit déjà au courant, puis me souviens l’avoir vu sortir du bureau juste avant que je n’arrive. Dom a dû l’informer de ses intentions… Son ton est sincère et sans arrière-pensée ou rancœur, ce qui est d’autant plus admirable quand on connaît mon comportement lamentable envers lui. Le public s’impatiente de plus en plus, et Brice et Rick lancent des regards interrogateurs dans notre direction. Je n’ai pas encore accepté, avoué-je, en baissant la tête.

Je ne comprends pas, je croyais que c’était ce que tu voulais ? demandet-il Je sais, c’est ce que je croyais aussi… Il fronce les sourcils, et je lui souris en me hissant sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur sa joue. Son regard, son attitude changent en un claquement de doigt, il semble de nouveau de bonne humeur, habité par une petite lueur d’espoir. C’est comme voir enfin la lumière au bout du tunnel. Pour lui comme pour moi. Mais est-ce une bonne idée ? Ne vais-je pas une fois de plus m’en vouloir et lui faire du mal ? Je voulais… Je te dois des excuses, Myli. Je ne pensais pas ce que je t’ai dit… explique-t-il nerveux. J’apprécie ses paroles, elles me vont droit au cœur, mais je crois que le moment n’est pas vraiment opportun. Je ne sais plus où j’en suis et il est évident que nous devons avoir une discussion. Je lui caresse la joue, retrouvant cette

sensation rugueuse de sa barbe de trois jours qui le rend si sexy. Tellement sexy ! Je pose une main sur sa bouche pour le faire taire et le contact de mes doigts sur ses lèvres délicieuses me fait frissonner. Il faut que tu y ailles, dis-je en faisant un signe de la tête vers le public. À tout à l’heure, me répond-il en déposant un chaste baiser sur mes lèvres, me propulsant dans des contrées dignes d’un conte de fées. Je me sens plus confuse que jamais… Discussion. Cela fait maintenant quinze jours que je suis en vacances imposées. Je commence à m’ennuyer. La première semaine, je suis sortie tous les soirs avec Clara, puis nous nous sommes accordées une journée de shopping entre filles le weekend avant que je puisse passer quelques jours dans la maison de

mon père à Long Beach. Je ne le vois pas beaucoup, car il est très pris par ses affaires ces derniers temps. Alors je profite des premiers rayons du soleil du printemps, de l’odeur apaisante de la mer sinon, je m’enferme dans un bon bouquin. J’ai un peu laissé Jason en plan après leur dernier concert, à Los Angeles, qui était terriblement émouvant de nostalgie. J’avais le sentiment que si je passais du temps avec lui cela n’arrangerait en rien ma vie chaotique. J’ai donc décidé de prendre un peu de recul. Ce contrat, que m’a proposé Dom, ne m’enchante plus autant qu’avant. La seule chose qui me hante encore et toujours c’est Jason et le moyen d’être avec lui sans briser ma carrière qui finalement ne m’importe plus tellement. Je m’en veux de la façon dont je l’ai traité, je me sens comme un monstre. J’ai informé Dom que je lui donnerais ma réponse à notre retour d’Europe. La tournée commence dans une semaine à Dublin. Elle comporte toujours quinze

dates et se termine à Paris. Même si je suis en congés, j’ai dégoté un petit groupe de rock d’origine irlandaise qui sera parfait pour la première partie : The Rockets. Ils sont excentriques, originaux et envoient bien lorsqu’ils sont sur scène. Ils devraient chauffer le public à la perfection avant la prestation des Love Hackers. Il était exclu que Brenda nous accompagne. Sa carrière n’est pas encore orientée à l’international. J’ai hâte de repartir pour cette nouvelle aventure. Le dépaysement sera pour le coup des plus total. C’est l’inconnu complet et c’est excitant. La ville qui m’attire le plus, c’est Paris ! Pour moi, c'est la ville de la mode, de la gastronomie... et de l’amour. Y être avec Jason va être… je ne sais pas à vrai dire. Je ne devrais pas y penser… En même temps, pourquoi ne pas rêver un

peu ? Tu te fais du mal, Mylena ! Jason et moi nous envoyons des SMS de temps à autre pour prendre des nouvelles l’un de l’autre. Il s’est rendu lui aussi dans sa famille quelques jours. Il règne une certaine légèreté dans nos échanges. C’est agréable. Nous nous sommes quittés avec l’espoir que quelque chose était peut-être possible. N’est-ce qu’une utopie ? Je sens que mon destin est d’être à ses côtés. C’est ce que tu voudrais bien, Mylena ! Oui ! C’est ce que je veux. J’aime à penser que c’est là qu’est ma place, dans ses bras. Aucun homme ne pourra m’offrir ce que Jason m'apporte, personne ne lui arrive à la cheville. Il est parfait à mes yeux, celui que j’ai rêvé toute mon adolescence. Tu radotes, ma vieille ! Je ne peux imaginer mieux. Je suis persuadée qu’il n’existe pas deux exemplaires de ce modèle dans le monde. Il est comme un diamant brut, rare et précieux. Unique. C’est lui que je veux plus que tout, à quoi bon lutter ? Peut-être qu’après notre périple, je

mettrais fin à cette mascarade en refusant le contrat… j’espère juste ne pas le regretter. Mais avant il me faudra m’excuser. Pour l’heure, je suis confortablement allongée sur une chaise longue, au bord de la piscine de mon père, profitant de la douce chaleur du soleil de ce début d’après-midi, en lisant un livre de Kylie Scott : Rock ( Lick : titre anglais). L’histoire d’une fille venue fêter son vingt et unième anniversaire à Las Vegas. Elle se réveille, mariée au guitariste du célèbre groupe Stage Dive sans en avoir aucun souvenir et sans savoir qui il est. Il faut toujours que je lise des histoires qui me rappellent Jason… Las Vegas, le beau guitariste sexy, le groupe de Rock qui assure… Cette lecture s’avère passionnante et chaude. Très chaude ! J’en suis à plus de la moitié quand la sonnette retentit. Je me lève, déçue de devoir quitter cette lecture qui réveille mes sens, enfile mon t-shirt blanc légèrement transparent par-

dessus mon haut de maillot bain rouge à pois blancs et mon mini short en jean puis je cours ouvrir. J’ajuste ma queue de cheval douteuse pour paraître un brin présentable et pose ma main sur la poignée de la porte. Jason ? m'exclamé-je surprise, en écarquillant les yeux. Si je m’attendais à ça ! Comment sait-il où vit mon père ? Salut, je te dérange, peut-être ? dit-il, penaud. Non, j’étais… en train de… ne rien faire… enfin, je bouquinais… expliqué-je, soudain nerveuse en tripotant mes cheveux. Son regard se pose sur moi, un brin polisson. Il me passe en revue, commençant par mes jambes puis mon haut qui dévoile clairement ce que je porte en dessous ensuite mon cou qu’il reluque comme un affamé. Une chaleur familière refait surface. Comme si ce livre ne m’avait pas assez émoustillée… Shit ! Quant à lui, il est toujours égal à

lui-même, sexy en diable, bien qu’il ait mis sa casquette de baseball... Tu veux entrer ? proposé-je, en ouvrant la porte un peu plus. Il secoue la tête et me regarde dans les yeux. Son regard est brûlant du même désir que le mien. C’est une situation dangereuse, capable de dégénérer d’une seconde à l’autre. J’ai une folle envie de lui sauter au cou de l’embrasser, de ne faire plus qu’un avec lui. Sur le champ ! Il regarde tout autour de lui cette demeure qui est celle de mon enfance. Je te sers quelque chose ? demandéje, en me dirigeant vers la cuisine. Tu as une bière ? Je te l’apporte tout de suite. Cet échange cordial est bizarre et me met un peu mal à l’aise. Je ne sais pas trop où nous en sommes depuis la dernière fois… Je le laisse entrer dans le salon qui s’ouvre devant lui pour aller chercher des rafraîchissements. Quand je le retrouve, il regarde des photos de famille, posées sur la cheminée. Des

clichés de moi enfant, pour la plupart et une de ma défunte mère qui trône au centre comme un trophée. C’est ta maman ? m’interroge-t-il en touchant le cadre du doigt. Oui, murmuré-je, d’une voix sans teint. Je suis toujours triste quand je pense à elle, je ne l’ai pas connue, puisqu’elle est décédée quand je n’étais qu’un petit bébé. Mais Jason sait déjà cette histoire, je lui en ai parlé lorsque nous passions toutes nos soirées ensemble lorsque je l’écoutais jouer des heures durant. Je me suis prêtée plusieurs fois à quelques confessions. Il voulait toujours savoir ce que telle ou telle mélodie ou paroles m’évoquait. Ce soir-là, il avait joué un morceau de la chanson « From where you are », qui parle de cet être perdu et qui nous manque tant… Il s’est passé tellement de chose depuis, que ça me paraît à des années-lumière. Tu lui ressembles beaucoup… dit-il sans cesser de regarder la photo.

Je prends une grande inspiration pour refouler mes larmes et me dirige vers lui pour lui tendre sa bière. Comment as-tu trouvé l’adresse de mon père ? lui demandé-je, intriguée en changeant de sujet. La magie d’internet ! répond-il en me faisant un clin d’œil. Note pour moi-même : penser à dire à papa de se mettre sur liste rouge. Comme si tu n’étais pas contente qu’il t’ait trouvée, Mylena ! Je ne te dérange pas, tu es sûre ? Non, non, pas de problème. Ce n’est pas comme si j’étais débordée ! plaisanté-je. Où puis-je trouver la salle de bain ? me demande-t-il soudain. Je fronce les sourcils, surprise de ce revirement et lui indique qu'elle se trouve à l’étage. Il monte sans dire un

mot. C’est vraiment étrange cette atmosphère entre nous… Je ne sais pas vraiment comment me comporter… Qu’est-ce qu’il peut bien se passer dans sa tête ? Au bout d’une bonne dizaine de minutes, je commence à m’inquiéter de ne pas le voir redescendre. Je me dirige là haut, en l’appelant. Pas de réponse... Je le retrouve debout, au milieu de ma chambre d’adolescente. Fucking hell ! Tout, mais pas ça ! Mes murs sont recouverts de posters des Love Hackers à leurs débuts. La plupart ne sont que de Jason. Sur une commode tous leurs albums existants sont fièrement disposés tel un autel à leur effigie. Cette pièce est un sanctuaire rendant hommage à mon groupe favori. J’ai tellement honte que je voudrais me cacher dans un trou de souris. Je me racle la gorge pour lui signifier ma présence. Je suppose que nous sommes dans ta chambre ? m’interroge-t-il

un sourire narquois aux lèvres. Fuck ! Je ne pouvais pas être fan d’un autre groupe ? Pourquoi n'ai-je pas décroché toutes ces photos ? C’est tellement humiliant ! Tu ne me croiras pas si je te dis que non ? grimacé-je. Non ! rigole-t-il. « C’est… fascinant… » rajoute-t-il en regardant tout autour de lui, observant mon honteux secret. God ! Je pourrais toujours courir pour me jeter par la fenêtre, non ? C’est humiliant, rétorqué-je, en colère contre moi.

Pas du tout, affirme-t-il en se dirigeant vers moi d’un pas félin. Oh My God ! Je vais rendre l’âme s’il continue de me dévisager ainsi. Je trouve cette situation très intéressante ! Tu te moques de moi ? demandé-je incrédule en plissant les yeux. Pas du tout, savoir que tu m’as adulé durant toutes ces années c’est très… excitant, explique-t-il en passant un bras autour de ma taille pour me rapprocher de lui. Jeez ! Comment fait-il pour me faire fondre comme neige au soleil ? Il fait tellement chaud tout à coup dans cette pièce. Tu imagines, si je te faisais tout un tas de trucs pas catholiques dans cette pièce ? Tu pourrais m’admirer pendant ce temps… suggère-t-il,

enjôleur en posant ses douces lèvres à la base de mon cou me faisant frissonner. Seigneur ! Je... je crois… que tu as… totalement perdu la tête. Jase… haleté-je J’adore t’entendre prononcer mon nom de cette façon, chuchote-t-il avec une certaine insolence sans arrêter de m’embrasser. Ma respiration se fait plus erratique et mon cœur s’emballe si fort que je suis au bord de la crise cardiaque. Je sens son désir ardent tout contre ma cuisse. Oh My God ! Jase… Qu’est-ce que... tu fais ? Je rattrape le temps perdu, déclare-til en me portant de sorte que mes jambes s’enroulent autour de sa taille intensifiant ce contact indécent entre nos corps. Il nous dirige vers mon lit et nous y allonge. Son regard vert profond, rempli de promesses, me fait vibrer. Céder à la tentation serait si simple. J’en rêve

toutes les nuits et parfois même quand je suis éveillée ! Ja… Jason… le réprimandé-je, avec difficulté et sans conviction tandis que sa main se promène sous mon tshirt. Il se redresse, inquiet, me sondant avec intensité. Je ne sais pas où je trouve la force de le repousser… Il faut qu’on parle… expliqué-je, dépitée de devoir mettre fin à ce moment que j’attends depuis des semaines. Il s’assied à côté de moi en m’entraînant avec lui. Nous sommes côte à côte, nos cuisses se touchent, ne rompant pas totalement le contact. Tu as raison… approuve-t-il en passant une main dans ses cheveux nerveusement. Et tu devrais me laisser commencer, propose-t-il. Je t’écoute… Il se tourne vers moi en repliant sa jambe entre nous, et me caresse la joue en souriant tendrement.

Myli, je te dois des excuses. Cette dispute… Je ne te comparerais jamais à Brianna. Vous n’avez rien à voir et tu n’es pas comme elle. Je sais que tu as peur de ce qu’il a entre nous et moi aussi, mais je veux être avec toi. L’émotion m’étreint en entendant ces paroles. Une larme roule sur mon visage. Je l’aime tellement que j’en ai mal, chaque parcelle de mon corps a envie de le lui crier. Non Jason ! C’est moi qui regrette mon comportement. Je me suis cachée derrière mon obsession pour le travail, je t’ai fait souffrir et je m’en veux. Tu ne mérites pas un tel traitement, dis-je en ne retenant plus mes pleurs. Chuut… Il m’étreint tout contre lui et je m’apaise au bout de plusieurs minutes dans le cocon familier et rassurant de ses bras. Je m’éloigne pour lui faire face de nouveau,

son regard est brillant d’émotion et me serre le cœur. Qu’est-ce que tu vas faire ? me demande-t-il avec une lueur d’espoir dans la voix. Très bonne question ! Je voudrais tout envoyer balader pour partir vivre avec lui aussi loin que possible, me moquer de tout le reste. Mais je doute que ce soit réalisable. J’ai dit à Dom que je lui donnerai ma décision après la tournée en Europe… avoué-je timidement. Et en attendant ? Je ne sais pas… répondé-je, en haussant les épaules en fixant les mains entortillées aux siennes. Son expression de surprise laisse place à un sourire en coin que je trouve

beaucoup trop sexy ! Ce que je te propose n’est sans doute pas terrible et très romantique, mais on pourrait… essayer ? Laisser faire le destin ? propose-t-il en grimaçant. Je n’ai rien de mieux en réserve. Une chose est sûre, continuer de lutter me semble absurde. Il prend mon visage entre ses mains et rajoute : Juste toi et moi ? Le silence se fait. C’est plus que tentant et je le veux plus que tout. À vrai dire que je n’ai jamais rien désiré de plus fort. Juste toi et moi, j’approuve en souriant faiblement. Ce n’est peut-être pas l’idéal, mais à l’heure actuelle, c’est qui me semble se rapprocher le plus d’une bonne idée. Non ? J’en ai ras-le-bol de me poser des questions, de me battre pour quelque chose qui semble contre nature. J’aime Jason et je veux être avec lui, là maintenant. Je n’en ai rien à faire des

conséquences et de ce qui arrivera, ou pas... Son sourire sincère confirme ce que je pense. Jason passe les heures suivantes à honorer ses promesses. Le soir s’est couché. Jase et moi sommes sur mon lit, enchevêtrés l’un à l’autre. La panique m’envahit quand j’entends soudain mon père rentrer de sa journée de travail. Je suis terrifiée à l’idée qu’il débarque pour voir si tout va bien. Je me redresse en attrapant mon haut de maillot de bain sur le sol. Myli ? crie-t-il depuis le rez-dechaussée. J’arrive, papa ! crié-je, en espérant qu’il ne monte pas… Habille-toi ! j’ordonne silencieusement à mon amant, qui n’a pas bougé d’un pouce. Shit ! Je dois être maudite ! J’enfile mon short et un sweat à capuche avant de l’apercevoir, en train de me regarder d’un air amusé. Jason ! Ce n’est pas drôle ! Lève-toi !

le réprimandé-je, faussement énervée. En vérité, il est adorable et si mon père n’était pas dans les parages je lui sauterais dessus. Encore. J’attrape ses affaires et lui lance en réprimant un sourire. Tu n’as jamais ramené de petit ami chez toi, Myli chérie ? me taquine-til. Ce n’est vraiment pas le moment, mais non ! Je te rappelle que c’est toi qui m’as… pris ma vertu ! Il se met enfin debout et enfile son jean tout en se dirigeant vers moi d’un pas lascif. Si c’était moi qui tentais de faire de même d’une démarche aussi sexy que la sienne, j’aurais l’air ridicule ! Ta vertu, hein ? demande-t-il le regard incandescent. Oui… J’adore cette idée ! affirme-t-il d’une voix rauque ravivant le brasier en

moi. God ! Dépêche-toi ! Bien, Madame ! Il enfile son t-shirt et nous sortons. Quand nous pénétrons dans la cuisine, mon père boit une bière en feuilletant le courrier. Salut papa, dis-je en lui faisant un bisou sur la joue, le sortant de sa torpeur. Hé… Il se tait en apercevant Jason, surpris de sa présence et sans doute un peu sous le choc de voir une célébrité dans sa maison. Du moins je l’espère ! Pourvu qu’il ne s’imagine pas des choses... quoique... il n'aurait pas totalement faux ! Papa connaît Jason par cœur, je lui ai tellement rabâché les oreilles avec lui, écoutant ses albums en boucle… Vous êtes… Papa, je te présente Jason Maden. Jason, voici mon père Dan Helis. Enchanté, Monsieur dit Jason en lui

tendant la main. Enchanté, mais appelez-moi Dan. Myli vous a tellement écouté que j’ai l’impression de vous connaître ! Vous voir ici c’est… Papa ! le grondé-je. What a shame ! (Quelle honte !) Tu ne devrais pas couper la parole à ton père, Myli. Ce qu’il s’apprêtait à dire me semblait très intéressant ! se moque-t-il, un sourire désinvolte aux lèvres. Je le hais ! Non, je les hais tous les deux ! Je t’ai déjà dit que j’étais en charge du groupe de Jason, il me semble papa… lui rappelé-je. Oui bien sûr, suis-je bête. Vous êtes ici pour des raisons professionnelles si je comprends bien ? Tu n’es pas censée être en vacances, Myli ?

Nous avions quelques petits détails à régler, avant notre départ pour l’Europe. Des petits détails, Myli ? Vraiment ? C’est la pire excuse de tous les temps ! Dan n’en croit visiblement pas un mot, mais je lui suis reconnaissante de « jouer le jeu ». Je vois, affirme mon père. Et bien, puisque vous êtes là, Jason, restez donc manger avec nous. Je vais commander des pizzas ! propose-til, ravi. Shit ! cela ne me dit rien qui vaille ! Je crois même que c’est une terrible idée ! Je lance un regard réprobateur à Jason pour lui faire comprendre qu’il devrait décliner. Mais le bougre me fait un clin d’œil avant de répondre : Avec plaisir, Dan ! Quel traître ! Il me le paiera ! Heureusement, tout se passe pour le mieux et mon père ne me met pas trop la honte ! Lui et Jason s’entendent plutôt bien étant tous deux fans inconditionnels

de basketball et de baseball. Les jours qui suivent ressemblent à un rêve... Nous passons de longs moments au lit ou sous la douche, ou simplement à regarder la télé sans jamais sortir de mon appartement. Demain, nous partons pour Dublin. Je sens que cette tournée s’annonce bien. Devant le fait accompli. Nous sommes sur le tarmac de Paris Charles de Gaulle. La tournée européenne est officiellement finie ! La fatigue nous accable tous. Le décalage horaire, le stress, les concerts enchaînés, la route… C’était vraiment intense ! Mais tellement bon ! J’y ai vécu d'excellents moments. Jason et moi avons pu vivre notre idylle au grand jour, là-bas. C’était le paradis sur terre. La notoriété des Love Hackers étant moins importante de l’autre côté de

l’Atlantique, nous avions plus de liberté. Et quel bonheur ! Jason est le petit ami parfait. Attentionné, prévenant, gentil, fougueux. C’est toujours un feu d’artifice avec lui. Je n’imaginais pas aimer autant le fait qu’il soit si… sauvage au lit, mais j’ai adoré chaque moment. Mon cœur s’emballe et mon corps réagit au quart de tour sous ses caresses expertes. Il me fait perdre la tête. Je ne lui ai toujours pas avoué mes sentiments. Je n’en ai pas la force, c’est trop tôt. Il faut dire que nous ne prenons pas vraiment le temps de parler… trop occupés à dormir ou à nous prouver notre amour entre deux concerts survoltés. Cette énergie débordante qui les étreint tous les trois lorsqu’ils descendent de scène, cette adrénaline communicative m’excitent tout autant qu’eux. C’est une sensation qui ne me quitte pas avant plusieurs heures. En les suivant ainsi, je réalise un

de mes plus grands rêves. Je ne sais pas si j’arriverai un jour à trouver cette situation banale. La nuit, j’adore ces moments où Jason croit que je suis endormie. Il attrape sa guitare et gratte quelques notes, griffonnant sur son carnet, chuchotant des paroles magnifiques… La vie avec lui est merveilleuse. C’est pourquoi je redoute tellement notre retour à Los Angeles. Ici, nous sommes dans notre bulle, à l’abri de tous. Je voudrais que ce temps ne cesse jamais. Les instants les plus romantiques que j'ai vécus se rattachent, et de loin, à Paris, d’où nous partons dans quelques minutes non sans une certaine nostalgie. C’était magique, la tour Eiffel, les champs Élysée où nous avons fait un tour de grande roue en mangeant une pomme d’amour, le Louvre… Bien sûr, le temps manquant, il était impossible de tout visiter… Il

faudra revenir ! Pour ce qui est des fans, même s’ils étaient moins nombreux, ils n’en demeurent pas moins exceptionnels. C’était du pur délire, je n’ai jamais vu un public aussi participatif et aussi réceptif. Ce « road trip » à travers l’Europe était excellent en tous points, la meilleure expérience de ma vie. Les garçons n’en revenaient pas, de recevoir un accueil aussi chaleureux ! C’était vraiment beau à voir. Recevoir autant d’amour et de reconnaissance du public est un cadeau magnifique. Les Love Hackers y reviendront avec grand plaisir. C’est main dans la main que Jason et moi montons dans le jet qui nous ramène aux États Unis, précédés par Brice et Rick. Le soleil n’est pas encore levé ici et quand nous arriverons à Los Angeles une bonne partie de la matinée sera écoulée du fait du décalage horaire. C’est un peu comme si on vivait deux journées en une puisque nous allons rester enfermés là haut pendant une

dizaine d’heures. Je crois que tout le monde va dormir, nous en avons grand besoin. Les deux autres membres du groupe nous laissent le fond de l’avion pour plus d’intimité. Je culpabilise, car ils font tout leur possible afin que soyons le plus souvent ensemble. Ce sont de vrais amours, même s’ils ne se gênent pas pour nous taquiner de temps à autre me laissant toujours le feu aux joues. Même Jason se moque de ma pudeur. En Europe, tout est différent. Devons-nous fermer cette parenthèse et reprendre nos vies là où nous les avions laissées avant de partir ? Nous n’en parlons pas, échappant ainsi à une discussion fâcheuse. Mais là, nous n’allons pas pouvoir faire comme si de rien était et nous voiler la face plus longtemps. Ces dix heures de vol risquent de ne pas être franchement agréables si la discussion tourne au vinaigre... Je prends place dans un fauteuil à l’arrière de l’appareil et Jason m’imite, attachant nos ceintures à tous

deux avant le décollage. Il sort son iPod de sa poche ainsi que ses écouteurs et entreprend de m’en placer un au creux de l’oreille. C’est devenu notre rituel, mais cette fois j’arrête son geste. Je ne vais pas pouvoir patienter plus longtemps, je veux savoir où nous en sommes. Jason, il faut qu’on parle… commencé-je, en posant une main sur la sienne. Il fronce les sourcils. Il sait très bien où je veux en venir et je peux lire un éclat de chagrin dans son regard. Ce qui me serre le cœur. Il est évident qu’il a peur que je le rejette, une fois de plus. Je ne sais pas exactement ce que je souhaite,

mais il est sûr que Jason fait partie de

l’équation de ma vie. Seulement, il est peut-être un peu trop tôt pour dévoiler notre histoire à la face du monde ? Je ne sais pas… Les paparazzis vont s’emparer de la nouvelle avec plaisir, amplifiant et déformant la réalité, comme ils savent si bien le faire. J’en suis terrifiée. Je ne vais pas te rejeter Jase, ce n’est pas mon intention. Je sais que je t’ai fait souffrir, mais ce n’est pas ce que je veux. Je désire être avec toi, le rassuré-je en souriant. Il pousse un petit soupir de soulagement et serre un peu plus ma main dans la sienne. J’ai vraiment été une garce avec lui… Mais ? Il y a un « mais », n’est-ce pas ? demande-t-il, inquiet. Je… je n’en sais rien. Nous n’allons pas pouvoir vivre ensemble de la

même façon qu’en Europe… constaté-je avec tristesse. Tu as pris une décision concernant le contrat ? demande-t-il soudain. Le contrat… Je l’avais presque oublié. Non… Je ne sais pas quoi faire… Dom ne va pas apprécier notre liaison, c’est évident. Il va sûrement retirer sa proposition, même s’il a dit qu’il ne le ferait pas et que la place m’attendrait à mon retour. Notre liaison ? s’indigne-t-il. Ce n’est pas ce que je suis en train de dire Jase, tu le sais bien. Mais comment devrais-je nous définir alors que nous n’en parlons pas… Je… je t… j… Je veux être avec toi, tu me crois ? balbutié-je, en le regardant droit dans les yeux. Damn Myli, tu ne vas pas lui dire « je t’aime » maintenant ? Ce n’est pas le bon moment ! Ça l’est ? Bref, si c’est le

cas, j’ai laissé passer ma chance… Oui… je te crois, mais je déteste que tu qualifies ce qu’il y a entre nous de liaison. Il y a bien plus que ça Myli. Je le crois aussi. Bien, parce que tu es ma petite amie que cela te plaise ou non, décrète-til avec un sourire en coin. J’approuve tout à fait, dis-je en l’embrassant comme pour sceller un accord. Un baiser qui devient langoureux et d’une tendresse inouïe me donnant la chair de poule. Je frissonne. Il le remarque et me serre contre lui. Je suis la petite amie de Jason Maden ! Oh My God ! Je suis mentalement en train d’effectuer une danse de la victoire ! Tu as froid, chaton ? s’inquiète-t-il. Non… Je suis bien. C’est la vérité, il n’existe pas meilleure place au monde. Son odeur qui me tuera si je m’en sépare. Après quelques minutes de silence, je reprends :

Qu’est-ce qu’on fait alors ? l'interrogé-je, perdue. Il pousse un long soupir. On improvise ? Tu n’as rien de mieux en réserve ? demandé-je en grimaçant avant de me blottir dans ses bras. Non… Moi non plus, dis-je en caressant son torse parfait. J’ai reçu un message vocal de Dom, hier. avoué-je timidement. Jason se redresse et me force à le regarder dans les yeux. Pourquoi ne m’as tu rien dit ? Qu’estce qu’il voulait ? questionne-t-il, impatient. Il était tard, et je ne voulais pas t’embêter avec cet appel. Il veut me voir en début d’après-midi lundi, il ne dit rien de plus. Il est sans doute

impatient de connaître ma décision… expliqué-je calmement. Mouais… sûrement… Jason, qu’est-ce qu’il y a ? Je vois bien que quelque chose le chiffonne et qu’il ne le dit pas. C’est juste que… Je n’aurais pas la force de me cacher, Myli, je ne veux pas faire attention, je veux être avec toi pleinement, je ne suis pas sûr de pouvoir jouer le jeu, si c’est ce que tu veux. Je comprends, je n’en ai pas envie moi non plus… Mais, je ne m'imagine pas faire la une de la presse à scandale, je refuse que ces vautours gâchent tout. Je sais… mais ils nous auront un jour ou l’autre, nous ne pourrons pas les berner indéfiniment. Je crois que je ne suis pas prête, cette vie de flashs crépitant et ce qui va

avec… Il pousse un soupir de lassitude. Cette situation est compliquée et douloureuse. On fera comme tu le sens, chaton, ditil en caressant mon épaule nue de son pouce et en déposant un baiser sur ma tête. Tu es trop bon avec moi… Je ne te mérite pas… Cesse de dire des bêtises ! me réprimande-t-il en me pinçant légèrement. Hé ! m'exclamé-je, en me retournant pour lui faire face, lui lançant un regard noir. Tu ne me fais pas peur, chaton ! Tu peux ranger tes griffes ! raille-t-il avec un clin d’œil. Toi non plus, je te signale ! J’adore ces moments de légèreté que nous partageons. Jason m’attrape par la main et m’entraîne à sa suite dans la petite chambre au fond du jet privé. Maintenant que nous avons décollé, nous pouvons enfin nous détacher et nous

lever. Je rigole comme une adolescente et les deux autres nous regardent amusés en nous lançant quelques vacheries. Jason referme la porte et me fait basculer sur le lit si bien que je me retrouve assise face à lui. Son regard est ardent et m’enflamme tout entière. Je rêve depuis quelque temps de lui faire des choses inavouables, mais quand je pense à mon manque d’expérience en la matière, je me ravise, préférant le caresser de mes mains, gagnant un peu plus d’assurance chaque fois. Cela dit, je sens une pointe d’audace qui me pousse à agir aujourd’hui. Je le regarde avec avidité, ne lui laissant aucun doute sur ce que je souhaite lui faire. Un regard vers le sud me permet de constater qu’il en a envie lui aussi. J’aime le fait que Jason et moi n’avons pas besoin de mots pour

nous comprendre. Je prends une grande inspiration et pose mes mains sur la ceinture de son pantalon, concentrée, un peu tremblante. Je détache les boutons qui me séparent de l’objet de mon désir, je le baisse en même temps que son boxer au niveau de ses genoux. Je ne cesserai jamais d’être impressionnée par sa taille. God ! Ne fais pas l’idiote, Mylena ! Ne te défile pas ! Respire ! Je repense honteusement à la vidéo que j’ai visionnée seule dans un coin, il y a quelques jours pour m’informer de la méthode à suivre. Je dois dire qu’elle m’avait un peu… rebutée… Je ne veux pas croiser le regard de Jason, pour ne pas me laisser déconcentrée, de peur que s’il ne lit l’hésitation dans mes yeux, il me détourne de mon but. Allez, Mylena, ça ne doit pas être aussi terrible ! Non, je suis sûre que ça ne l’est pas et je crève d’envie de passer à l'acte. J’humecte mes lèvres et me lance enfin, le caressant dans un premier

temps avec ma langue. Il pousse un gémissement approbateur en enfouissant ses doigts dans mes cheveux, ce qui m’encourage à continuer. Une sensation de toute puissance m’envahit c’est grisant, délicieux, sa peau est d’une douceur incomparable. Je me sens tout à coup faite pour ça. Je le prends entièrement dans ma bouche et entame un va-et-vient lent dans un premier temps. Bon sang, Myli… halète-t-il. La respiration de Jason s’intensifie, et ses grognements de plaisir sont comme une récompense. Au bout de plusieurs minutes, il me détourne de lui et me force à le regarder. Jeez ! Son simple regard, brûlant, pourrait me faire jouir. Il me repousse sur lit et me sépare de tous mes vêtements en un temps record. Il s’applique à me rendre la pareille, me délivrant de cette tension lancinante provoquée par l’excitation de ce que je viens de lui faire. Lorsqu’il entre en moi, je vole en éclats une fois de plus. Chaque cellule de mon corps l’aime à en

crever ! Assise devant le bureau de Dom, les yeux posés sur l’objet du délit, je suis couverte de sueur froide. La personne qui m’a envoyé des menaces il y a quelques semaines m'a dénoncée. Une dizaine de clichés de Jason et moi sont disposés sous mes yeux. Je frissonne en constatant qu’il y a en a également de notre périple en Europe, ne laissant aucun doute sur ce qu’il y a entre nous. Dom tape du pied, les bras croisés, et attend une explication. Le fait que Jason ait insisté pour m’accompagner n’arrange en rien mon mal-être. Le savoir à quelques mètres, derrière la porte de cette pièce ne fait qu’augmenter la sensation de danger. J’ai reçu cette enveloppe, il y a quelques jours, Mylena. Je ne t’ai rien dit avant, car je voulais que vous terminiez la tournée dans de

bonnes conditions, mais j’estime que tu me dois maintenant quelques explications, commence-t-il sur un ton dur et réprobateur. La déception que je lis dans son regard me blesse. Mais pas autant que je le croyais. Une partie de moi est soulagée qu’il sache enfin la vérité. Comme je ne réponds pas, il enchaîne : Depuis combien de temps cela duret-il ? Je… depuis quelques semaines… C’est compliqué de répondre car je n’ai cessé de repousser Jason pendant un long moment. J’avais confiance en toi, Mylena ! crie-t-il en tapant du poing sur la table et en se levant brusquement, me faisant sursauter. Je suis dés… Soudain, la porte du bureau s’ouvre avec fracas, me coupant dans mes excuses pitoyables. J’écarquille les yeux en apercevant Jason. Oh My God ! What a mess !

Il y a un problème dans ce bureau ? demande le chanteur avec un regard rempli de colère. Qu’est-ce qui lui prend ? Je ne sais plus où me mettre tant la situation est absurde et humiliante ! Tiens donc ! Voici le chanteur épris ! raille Dominic avec méchanceté. Mylena, c’est le moment de t’expliquer ! ordonne-t-il. Je… il n’y a pas grand-chose à dire… répondé-je, décontenancée en fixant le sol. Jason est toujours dans l’embrasure de la porte et ça me met très mal à l’aise de devoir affronter Dom en sa présence. Tu comprendras, Mylena, que mon offre de contrat n’est désormais plus d’actualité. Ton comportement n’est pas professionnel, tu me déçois beaucoup, je ne m’attendais pas à ça de ta part. Arrêtez Dominic ! l’interrompt Jason, en s’approchant du bureau. Vous ne pouvez pas blâmer, Myli, elle a fait

son travail comme vous le demandiez ! me défend Jason. Elle l’a même un peu trop bien fait ! On ne couche pas avec les clients ! C’est un principe sur lequel je suis intransigeant ! rétorque-t-il sévèrement. Mes joues s’empourprent et, je prie le ciel de me faire disparaître, n’importe où plutôt que de rester ici. J’ai la sensation d’être une vulgaire prostituée. Il est hors de question que je vous laisse la virer et lui parler sur ce ton ! Si vous persistez dans votre décision, je quitte cette maison de disques sur-le-champ ! menace Jason sur un ton de défi. Oh God ! Tout cela va très mal finir ! Jason ! le réprimandé-je, mécontente

de ses propos. Mais ils ne m’écoutent ni l’un ni l’autre. C’est une catastrophe ! Tu ne peux pas faire ça, tu as signé un contrat, toi et ton groupe ! Je me fiche de ce contrat, vous ne pouvez pas me forcer ! Moi aussi j’ai de très bons avocats ! Ils trouveront forcément quelque chose, alors ne jouez pas à ce petit jeu ! l’avertit-il en pointant son doigt sur lui. Ça ne se passera… Il s’interrompt quand son portable se met à sonner sur son bureau, il l’attrape sans nous accorder la moindre importance. Allo, Lana ? … Bien sûr ma chérie, ne panique pas, tu as appelé une ambulance ? … C’est bien, maman est au courant ? … D’accord,

j’arrive tout de suite, tout va bien se passer, chérie. Papa arrive, conclutil ému avant de raccrocher et de fourrer le téléphone dans sa poche. Il prend sa tête entre ses mains et pousse un long soupir. Oh bon sang… dit-il pour lui même en attrapant sa veste. Il faut que j’y aille, ma fille va… enfin, je dois y aller… Mais nous n’en avons pas fini ! nous avertit-il en nous regardant tous les deux avant de quitter la pièce en courant. Je me rassois sur la chaise, épuisée par tout ce remue-ménage. Ce que je craignais le plus s’est produit, et le pire c’est que je n’éprouve absolument rien… En fait, je suis soulagée ! Je prends soudain conscience que son coup de téléphone l’avertissait de l’accouchement imminent de sa fille Lana. C’est vrai qu’en y repensant, les

dates concordent. Mylie ? m’appelle Jason, inquiet. Je me retourne pour le regarder, il n’a pas l’air rassuré… Qu’est-ce qui vient de se passer ? me demande-t-il en fronçant les sourcils. C’est sa fille… Dom a une fille de seize ans et elle est sur le point d’accoucher, expliqué-je, d’une voix sans teint. Oh… Je suis comme sous le choc et je ne sais pas quoi dire. Sans que je ne m’en rende vraiment compte Jason est agenouillé devant moi, les mains posées sur mes cuisses. Je le regarde, il est toujours tellement beau… Parle-moi, chaton,

m’intime-t-il d’une voix douce. Je… il n’y a rien à dire… je crois… Comment te sens-tu ? Je te promets qu’il ne s’en sortira pas de cette manière ! Je n’admettrais pas qu’il te mette à la porte ! Je ne veux personne d’autre que toi pour s’occuper de mon groupe ! déblatère-t-il en recommençant à s’énerver. Il a raison Jase, ce n’est pas très déontologique… Je ne devrais pas m’occuper de vous… Au diable la déontologie ! C’est toi ou personne d’autre ! Je ne peux pas être avec toi et continuer de m’occuper des Love Hackers… Tu veux… tu… Que vas tu faire ? demande-t-il soudain, un nœud dans

la gorge. Je vais quitter Loading Records, répondé-je simplement. C’est ton travail et tu y tiens, je croyais que… Je m’en fiche, je le coupe en caressant sa joue. C’est toi qui comptes, Jason. J'imaginais, à tort, que cela me ferait quelque chose que Dom soit au courant... mais en réalité, je suis délestée d'un énorme poids, expliqué-je, avec un sourire sincère. Les yeux de Jason brillent d’émotion, il m’attrape dans ses bras et m’embrasse à pleine bouche. Ce moment est parfait. Je t’aime, Myli chérie, chuchote-t-il en posant son front contre le mien. Les larmes roulent sur mes joues et mon sourire s’élargit. Je… Je t’aime moi aussi, Jase. De tout mon cœur… Des applaudissements nous parviennent depuis l’extérieur du bureau resté ouvert. Oh My Fucking God ! Il est

évident que notre dispute avec Dom a dû rameuter le quartier, mais plus rien ne compte que la douceur de sa langue contre la mienne, de la chaleur de ses mains sur mes cuisses. Mon corps ne répond qu’à lui, je ne vis que pour lui. Il est ma destinée. Mise au point. Depuis quelques jours maintenant, je suis plus ou moins au chômage. Dom n’a pas pris de mes nouvelles depuis l’altercation qui a eu lieu dans son bureau entre Jason et lui lundi dernier. Il nous a pourtant promis qu’il n’en avait pas fini avec cette histoire. Brice et Rick étant partis en vacances chacun de leur côté, ils ne savent pas ce qui se trame ici. Mon petit ami et moi passons notre temps collés l’un à l’autre tantôt chez lui, tantôt, chez moi, attendant notre sentence. Je suppose que le bébé de sa fille Lana prend tout son temps à Dom… Je suis tranquillement devant la machine à café à attendre ce breuvage des dieux qui me réveillera de cette nuit trop

courte. La vie à Agoura Hills est paisible et la maison de mon chanteur adoré est cosy et confortable à souhait. Je rêve parfois d’une vie tranquille, juste lui et moi. Le paradis. Je sursaute quand des bras forts et virils m’enserrent la taille. Je ne porte qu’un shorty et un t-shirt trop grand de Jason sur lequel est imprégnée son odeur. J’adore avoir ses vêtements sur moi, de cette façon, j’ai l’impression qu’il n’est jamais bien loin. Sa bouche se pose dans mon cou et j’incline la tête pour lui en donner libre accès, en voulant toujours plus. Ses baisers sont chauds et fiévreux, sa langue me caresse doucement avec un érotisme qui me fait trembler de plaisir. Bonjour, chaton… susurre-t-il au creux de mon oreille avant de mordiller mon lobe.

Il est si proche de moi que je peux deviner qu’il ne porte que son boxer. Oh My God ! Cet homme aura ma peau un jour ou l’autre ! Salut… répondé-je, à demi haletante, luttant pour ne pas m’emballer. Tu m’as manqué, chuchote-t-il en faisant glisser sa main plus au sud. Ses doigts s’engouffrent sous ma culotte et ils me caressent doucement de bas en haut en décrivant de petits cercles. Jeez ! Il est si doué ! Je frissonne et ne peux retenir le gémissement qui sort de ma bouche. C’est trop bon… Jason… le réprimandé-je, alors que mon corps le réclame. Je bascule la tête en arrière contre son épaule. Geste qui va en totale contradiction avec mon envie de le repousser. Tu n’aimes pas ? demande-t-il en souriant, connaissant déjà la

réponse. Si… murmuré-je, pantelante. Ses caresses s’accélèrent et s’intensifient, faisant grimper la température ambiante de plusieurs degrés. Je suis si près… Abandonne-toi à moi, Myli chérie, me prie-t-il d’une voix sensuelle. Ces simples paroles me propulsent au septième ciel. Jason a une telle assurance, il connaît les femmes. J’aime qu’il soit fougueux et sauvage. Imprévisible. Il retire sa main de mon intimité et me fait me retourner de sorte que je sois face à lui. Son regard

m’embrase, il est avide et brûlant. Ses lèvres s’écrasent sur les miennes presque violemment, nos langues se livrant un combat que je connais par cœur. Je passe mes bras autour de lui et le rapproche. Je le sens, si fort, qu’une fois de plus mon corps le réclame. Tout de suite. Il me soulève de sorte que je sois assise sur le plan de travail de la cuisine et continue de m’embrasser comme un affamé. Je pose ma main sur cet endroit que je convoite, là où sa peau est aussi douce que de la soie et tellement chaude, puis entreprends à mon tour de le caresser. Je ne suis plus hésitante désormais. J’ai moi aussi appris à le connaître, à savoir ce qui lui procure le plus de plaisir. Il me mordille légèrement l’épaule, me faisant gémir, lorsque je commence à bouger ma main sur lui tandis que la sienne s’insinue sous mon t-shirt. J’adore cette sensation de pouvoir que j’éprouve lorsque je m’occupe de lui de cette façon. C’est grisant, très excitant… Nos bouches se

retrouvent avec toujours autant d’exaltation tandis que je continue. Je pourrais l’embrasser pendant des heures. Myli, tu me rends fou… articule-t-il avec difficulté. Je t’aime, prononcé-je au creux de son oreille. Il me soulève juste assez pour faire glisser mon sous-vêtement sur le sol et me rapprocher du bord. God ! Mon cœur bat à toute vitesse, comme toujours. Soudain, mon téléphone posé non loin de là se met à sonner, rompant la magie dévorante de cet instant. Jason jette un coup d’œil et fronce les sourcils. Laisse sonner, dis-je en posant ma main sur sa joue. Il pousse un long soupir avant de dire :

Tu devrais répondre, chaton… C’est Dominic. Shit ! Il ne pouvait pas plus mal tomber. La frustration que je ressens est physiquement douloureuse. La sonnerie cesse puis retentit presque aussitôt. Son insistance ne me dit rien qui vaille. Je prends mon courage à deux mains et décide de décrocher. Allo ? Bonjour, Mylena, répond-il sèchement. Je voudrais te voir, avec Jason, cet après-midi, ordonne-t-il sur un ton bourru et sans appel. Je… oui, c’est possible... Je présume qu’il est à côté de toi et que je n’ai pas besoin de l’appeler personnellement, suppose-t-il avec condescendance. Mes joues s’enflamment, heureusement qu’il ne peut pas voir l’air coupable sur mon visage. Je lui dirais... répondé-je gênée,

tandis que Jason me sonde d’un air interrogateur. À seize heures, ne soyez pas en retard, lance-t-il avant de raccrocher sans me laisser le temps de placer un mot. Je repose mon mobile, abattue. L’ambiance s’est considérablement refroidie. Myli, que voulait-il ? s’impatiente Jason en posant ses mains sur mes cuisses. Il veut nous voir cet après-midi… tous les deux…

expliqué-je, dépitée. OK… Je secoue la tête de gauche à droite, dépassée par cette situation. Qu’est-ce que Dominic va bien pouvoir nous dire ? Il va sans doute me forcer à démissionner… C’est pourtant la décision que j’ai prise, la lettre est là dans mon sac, prête… Je sais que Jason ne me cautionne pas sur ce coup-là, mais c’est ce que je veux. Seul lui importe désormais. Parle-moi, Myli chérie, qu’est-ce qui te chiffonne ? demande-t-il, soucieux en prenant mon visage entre ses mains pour me forcer à le regarder. Je ne sais pas, il savait très bien

qu’on était ensemble. Cette entrevue va être tellement gênante… Il fronce les sourcils d’un air mécontent. Je ne veux pas dire… Ce que je veux dire… Je ne ressens aucune gêne à être avec toi, Jason. C’est juste que… j’ai l’impression d’être une gamine qu’on met devant le fait accompli… je tente d’expliquer maladroitement. On se fiche de ce qu’il pense, s’il ne veut pas te reprendre il va s’en mordre les doigts. J’ai l’intention de démissionner Jason, lui rappelé-je. Tu ne vas pas faire ça, insiste-t-il. C’est ce que je veux… Ce n'est pas un choix possible, Myli ! Tu peux très bien continuer à t’occuper du groupe. Tu fais du bon boulot, il aurait tort de se séparer de toi, s’il ne le comprend pas, c’est qu’il est idiot ! s’énerve Jason. Jase… C’est trop compliqué… Je ne veux pas être jugée, tout le monde

va s’emparer de l’histoire et parler sur notre dos… Je n’en ai pas envie ! On se fiche de ce que pensent les autres ! s’indigne-t-il en s’éloignant de moi. Il commence à faire les cents pas dans la cuisine et je tire mon t-shirt sur mes cuisses, soudain frigorifiée par l’ambiance. Je déteste voir Jason en colère, d’autant plus que c’est à cause de moi. Le pire c’est qu’il a raison… Mais je ne veux plus de ce poste si c’est pour avoir un patron réprobateur sur le dos. Dom n’est pas d’accord avec notre relation et il ne changera pas d’avis. Je comprends son intention dans le fond. Il a des principes et s’il me garde je ne montre pas le bon exemple. Jason… le supplié-je,

en me dirigeant vers lui, posant une main sur son bras. Il respire calmement plusieurs fois avant de se retourner vers moi, il est toujours énervé, mais moins. Je suis désolée… m'excusé-je, en déposant un tendre baiser sur son épaule dénudée. Il me prend dans ses bras et me serre tout contre lui. Je suis si bien, je me sens en sécurité, il n’est pas meilleur endroit au monde. Ne t’excuse pas Myli chérie, c’est juste que j'aspire tellement à être avec toi, je veux que tout le monde le sache, mais j’aimerai aussi que tu continues à t’occuper du groupe. Je n’envisage pas que quelqu’un d’autre arrive et prenne ta place, c’est juste impensable !

Je sais, mais Dom risque de ne pas être de ton avis, et je refuse que tu le menaces de quitter le label comme la dernière fois. Ce n’est pas une solution Jase… Mmm… On verra, répond-il dubitatif avant de s’emparer de ma bouche subitement. La discussion est close, je crois. Je ne suis pas persuadée qu’il lâche l’affaire. J’aurais peut-être dû insister un peu plus, mais là… Avec sa langue contre la mienne, j’ai du mal à réfléchir… J’en suis incapable. Il a ce pouvoir sur moi, je lui appartiens corps et âme, même si ma raison voulait s’y opposer, elle ne pourrait pas. Je crois que nous n’avons pas terminé ce que nous avons entamé tout à l’heure, lance-t-il d’une voix suave. « Je te suggère qu’on aille finir la discussion dans mon lit », proposet-il en me soulevant pour me porter. D’accord, abdiqué-je de bon cœur en rigolant.

Il se met à courir dans les escaliers si bien que je me tiens à lui de toutes mes forces pour ne pas tomber. Quand il arrive devant son lit, il me jette dessus et son corps recouvre rapidement le mien. Sa colère semble l’avoir quitté pour laisser place au Jason impétueux et assuré que j’adore ; cette partie de lui qu’il ne montre pas au reste du monde, je la savoure. Je me souviens, le premier jour que je l’ai vu. Magnifique et mystérieux, artiste dans toute sa splendeur, solitaire et inatteignable. Je l’aime tout entier. Nous arrivons dans le parking souterrain du label un peu avant seize heures. Nous n’avons pas parlé tout le long du trajet, je suis tellement stressée que mes mains tremblent. Jason coupe le contact et se tourne vers moi, inquiet. Regarde-moi, chaton, m’intime-t-il en

attrapant mon menton dans un geste tendre. Tout va bien se passer, d’accord ? Je hausse les épaules, peu convaincue. Je ne sais pas pourquoi je me mets dans un état pareil, de toute façon ma décision est prise. Ma lettre de démission est dans mon sac. C’est simple, je la lui donne et je pourrais vivre mon amour avec Jason au grand jour. C’est sans doute ce qui me fait plus peur en fin de compte. Je l’aime et j’adore partager du temps avec lui, être sa petite amie. Mais, il ne faut pas oublier que Jason est une rock star et que les paparazzis adorent les histoires croustillantes sur les chanteurs sexy. Me retrouver sous le feu des projeteurs ne m’enchante guère, mais si c’est le prix à payer pour être avec lui, peu importe. Jason a raison, je dois apprendre à me foutre de ce que pensent les gens. C’est plus facile à dire qu’à faire, n’est-ce pas Myli ? Allons-y, décrété-je en commençant à sortir de la voiture.

Nous nous rendons dans le bureau de Dom comme on va à l’échafaud. La porte est ouverte et il nous fait signe de rentrer directement. Je referme derrière moi et nous nous asseyons après qu’il nous y ait invités. Bien, je crois qu’il est temps de parler de ce qui se passe entre vous, j’ai été très occupé ces derniers jours, mais il va de soi que cette histoire ne peut pas traîner indéfiniment, commence-t-il sans plus de cérémonie. « Myli, tu comprends que je ne peux pas cautionner ton comportement, c’est contre mes principes et cela constitue une faute grave. » Jason remue nerveusement à mes côtés, je peux percevoir sa colère irradier dans toute la pièce. Il se contient. Pourvu qu’il ne s’emporte pas. Je ferme les yeux

et prends une grande inspiration. J’attrape la lettre dans mon sac. J’entends bien, Dom, admets-je en lui tendant l’enveloppe. C’est pour cela que je vous présente ma démission. Dom écarquille les yeux, surpris. Le silence se fait dans la pièce l’espace d’une seconde. Sans doute ne s’attendait-il pas à ce que je prenne une décision aussi radicale. Peut-être croyait-il que mon histoire avec Jason n’était qu’une simple aventure sans lendemain… Pourtant il avait déduit à raison que nous étions ensemble ce matin... C’est hors de question que tu démissionnes, Myli ! s’écrie Jason en attrapant le courrier des mains de

Dom. Jason ! le réprimandé-je, en lui lançant un regard noir. Cette décision m’appartient. Non ! Je ne vais pas te laisser foutre en l’air ta carrière ! conteste-t-il avant de pointer son doigt sur Dom. Si vous la virez ou si vous acceptez sa démission, vous pouvez dire au revoir à mon groupe ! menace-t-il son manager. Jason dans un geste de colère arrache ma lettre et la jette au sol. Jeez ! Ce n’est pas possible ! Dom se lève et toise mon chanteur de toute sa hauteur d’un air de défi. J’ai l’impression que je suis sur le point d’assister à un combat de coqs ! Monsieur Maden, vous comprenez bien que je ne peux pas laisser mon personnel aller à l’encontre des règles que j’ai établies !

Vous faites une grosse erreur en vous vous séparant de Mylena ! Vous le savez très bien ! Je n’ai jamais dit que je voulais me séparer d’elle ! Je fronce les sourcils, médusée. Que veut-il faire de moi dans ce cas ? Je ne comprends pas, dis-je, abasourdie. Mylena, tu fais du bon boulot, même si tu as dépassé les bornes. J’ai juste décidé de te retirer la gérance des Love Hackers, et de repousser ton contrat de plusieurs mois, explique-t-il calmement. Quoi, c’est tout ? C’est hors de question ! intervient Jason. Votre avis ne m’intéresse pas, répond Dom avec dédain. J’ai soudain envie de le gifler, d’oser

parler à mon petit ami sur ce ton. C’est hors de question que quelqu’un d’autre que Myli, s’occupe de mon groupe ! Je refuse ! J’ai mon mot à dire sur ce point, il me semble ! C’est clairement stipulé dans le contrat ! Il est allé jusqu'à éplucher le contrat ! Je n’en reviens pas ! C’est vrai qu’il a un droit de regard quant à la personne qui s’occupe du groupe et que si les deux parties ne sont pas d’accord, il peut décider de quitter le label sous certaines conditions. Sur ce coup-là, Dom n’a pas assuré, je dois dire. Ce dernier s’énerve. Mylena a commis une faute ! Et elle n’est pour l’instant que stagiaire ! Vous n’avez pas votre mot à dire sur les mesures disciplinaires que j’impose à mes employés ! Pas faux… Bref, tout ceci a assez duré ! J’ai pris ma décision ! lancé-je, en haussant le ton. Tous les deux se retournent vers moi comme s’ils semblaient seulement se

rendre compte de ma présence. Tu ne démissionneras pas ! m’ordonne Jason. Ne t’énerve pas Jase, je veux être avec toi, peu importe le reste… Il s’approche de moi et prend mon visage entre ses mains, figeant son regard au mien, comme si nous étions seuls au monde. Tu n’as pas à démissionner, Myli chérie. Tu peux parfaitement t’occuper du groupe sans que notre relation ne perturbe ton travail, explique-t-il en caressant ma joue avec son pouce. Dom reste stoïque devant cette scène. Mon amoureux s’éloigne de moi et reprend :

Je n’accepterais pas que vous vous sépariez de Myli. Elle aime son job et elle le fait mieux que quiconque. Je ne veux personne d’autre pour gérer mon groupe ! Tenez-le-vous pour dit ! Je… Alors c’est du sérieux, vous deux ? demande-t-il, interdit. Bien sûr ! Qu’est-ce que vous vous imaginez ?! demande Jason, excédé. C’est de la folie. En laissant Mylena sur le coup, je ne donne pas le bon exemple, je ne suis pas un patron laxiste. Au diable vos états d’âme ! La presse va s’emparer de ce scoop, ce n’est pas envisageable, expliquet-il en se frottant le front, dépassé. Je me moque de la presse, et puis vous avez largement su prouver que vous aviez des relations quand Brianna m’a posé des problèmes. Vous n’avez qu’à en faire autant ! Le souvenir de cette période me fait frissonner de dégoût. Penser à cette

femme me donne envie de vomir. Vous avez vraiment réponse à tout ! Je sais ce que je veux et je me bats pour l’obtenir. C’est tout à votre honneur… Je… Vous allez faire profil bas tous les deux pendant les semaines à venir, le temps que je prenne des dispositions. What ? Il abdique ? Si facilement ? C’est complètement dingue ! Je n’en crois pas mes oreilles. Bien, mais ne traînez pas trop. Vous savez qui vous a envoyé ces clichés ? l’interroge-t-il. Je n’en suis pas certain, mais c’est sans doute Kévin… Il a été vu dans le coin une fois ou deux. Je m’en doutais, ce mec est vraiment un rat. S’il s’approche de Myli, je vous jure… Comptez-vous me menacer encore longtemps, Monsieur Maden ? reproche-t-il à Jason. Je veux juste protéger Myli de ce

malade ! Ne vous inquiétez pas, je sais ce que j’ai à faire. Bien ! Myli, je vous attends demain à neuf heures, vous avez du boulot à rattraper ! Et je ne veux pas vous voir vous bécoter ici, sinon je prendrais les mesures nécessaires ! Vous devez vous conduire comme des professionnels, je ne tolèrerai pas, ne serait-ce qu’un regard de travers ! nous avertit-il en pointant son doigt sur nous menaçant. Je… j… bien sûr Dom… Nous ferons attention… Mer… merci… bégayé-je, abasourdie. C’est absolument fou ! Je n’arrive pas à y croire ! Je garde mon boulot et mon amoureux ! Je n’aurais jamais cru ça possible ! Récompense. Six mois plus tard… Le stress monte au fur et à mesure que les minutes s’égrainent. Je me suis

achetée une des plus belles robes que je n’ai jamais possédées, pour cette occasion. Elle est beige rosée de style Empire avec une bretelle brodée de fleurs délicates. Mes mains sont moites. Ce soir, c’est une consécration. La récompense de mois de dur labeur. C’est ma première cérémonie d’ Awards, et c’est aussi notre première apparition publique officielle en tant que couple. Nous sommes ensemble depuis plus de six mois et même si tous les magazines en ont parlé, nous n’avons jamais fait d’apparition de ce genre. Ce qui ne m’a absolument pas manqué. Il suffit de me voir pour le comprendre. Les paparazzis nous ont suivis quelque temps après avoir découvert notre relation, puis ils se sont vite lassés de notre bonheur sans fioriture. Pas de scandale, pas de cri, pas de trahison, rien qui ne fasse augmenter les ventes de leurs torchons. Cet été nous l’avons passé à faire les différents festivals estivaux du pays. C’était vraiment très cool et cela m’a

fait plaisir de retrouver notre complicité comme quand nous étions tous en tournée. Puis l’automne est arrivé et à la clé, de nouveaux projets, des tournages de clips et des enregistrements et bien entendu cette nomination aux RMA ( Rock Music Award) où nous sommes conviés ce soir. Les Love Hackers sont nominés dans la catégorie « Groupe de l’année ». Ils interprèteront un tout nouveau titre sur scène, un morceau qui sera dévoilé pour la première fois. Il ne fait aucun doute que le public va l’adorer. Il est tout simplement sublime. Un bijou. Les larmes ont jailli dès les premières notes, lorsque Jason me l’a fait écouter. J’ai vraiment hâte de les voir la jouer devant le public. Je suis sûre qu’elle va faire un carton. Ce n’est pas possible autrement. Dom a fini par accepter notre relation. Au début, il nous avait à l’œil et surveillait tous mes faits et gestes, puis voyant que nous ne nous comportions pas comme des animaux au travail, il est

simplement retourné vaquer à ses occupations. Il commence même à nous considérer comme un couple. Ce revirement est bienvenu. D’autant plus que Jason et moi avons emménagé ensemble il y a deux mois. Enfin… C’est moi qui suis partie vivre chez lui à Agoura Hills. Je suis tellement bien avec lui. La vie a le goût du paradis. Nous avons fait les présentations officielles à nos parents respectifs et tout s’est passé à merveille. Il faut dire que monsieur et madame Maden sont des gens qui inspirent la gentillesse. Sa mère m’a accueillie à bras ouverts et son père m’adore d’après ce que j’ai cru comprendre. Papa quant à lui est ravi, ayant trouvé un compagnon de choix pour l’accompagner aux matchs de baseball dont lui et Jason raffolent. Autant dire qu’il est adopté. Tout est au beau fixe. Je reconnais que j’ai beaucoup de chance. J’aime cette vie simple et légère. Dominic a fini par mettre la main sur la

personne qui lui avait envoyé les clichés de Jason et moi. Il s’agissait bel et bien de Kévin, mais il n’était pas seul… Sa complice n’était autre que Cycy ! J’ai été furieuse de l’apprendre. Qu’est ce que j’avais bien pu lui faire pour qu’elle se rebiffe envers moi de la sorte ? C’était une évidence pour ce qui était de Kévin puisqu’il s’est fait exclure du label suite à sa mauvaise conduite après m’avoir maltraitée. Mais Cycy ? Je me rappelle de la colère que j’ai ressentie quand je les avais surpris ensemble à mon appartement en tenue légère. Mon ex-meilleure amie me proposant quasiment un plan à trois… Notre dispute… Cela semble très loin aujourd’hui et heureusement. Je ne veux

plus penser à eux. L’essentiel étant qu’ils ne nous importunent plus. Je crois que Dominic a fait le nécessaire pour que cela n’arrive pas. Il est en quelque sorte notre ange gardien. Même s’il bougonne, il veille sur nous. Il ne l’avouera jamais... Je suis dans la salle de bain, ajustant une dernière fois mon mascara quand Jason arrive et me fait sursauter. Je me retourne et le regarde comme s’il sortait d’une pub pour une marque de luxe. Il porte un costume taillé à la perfection, cintré, noir qui lui va comme un gant. Il est magnifique, sexy comme jamais. Arrête Mylena, tu vas baver ! Jeez ! Tu es… très classe ! le gratifié-je, en souriant sincèrement. La vérité c’est que j’ai envie de lui arracher cette chemise hors de prix et de… Et toi tu es splendide, chaton, dit-il en me regardant de la tête aux pieds, me faisant rougir sous son regard gourmand. « Il me tarde de t’enlever

cette robe ! » chuchote-t-il avant de m’embrasser sous l’oreille. Je frissonne sous ses baisers. Jason n’en finira jamais de me rendre folle. Jase… nous allons être en retard… le réprimandé-je, en le repoussant lamentablement. Je m’en moque, affirme-t-il en me faisant reculer jusqu'à ce que je sois dos au mur. Il se colle contre moi et je sens la force de son désir tout contre moi. God ! Je suis dans le même état que lui, si ce n’est plus… J’ai tellement soif de lui et de ses caresses… Quant à lui, il est carrément insatiable et j’adore ça. La limousine nous attend… Je me fiche de la limousine… Jason, s’il te plaît… Comment fais-tu pour être aussi détendu ? lui demandé-je, tandis qu’il dépose une myriade de baisers dans mon cou, me laissant haletante. Il me suffit de te regarder et tout va mieux. Je t’aime…

Jason… C’est plus une supplication qu’autre chose. J’ai tellement envie de lui que ça pourrait me tuer. Allez viens, chaton, nous allons être en retard ! lance-t-il soudainement en attrapant ma main pour nous faire sortir de la pièce. Je pousse un grognement de mécontentement. Je hais quand il prend un malin plaisir à me chauffer pour me laisser en plan ensuite. Cela l’amuse beaucoup, il n’y a qu’à voir l’air triomphant sur son visage en ce moment même. Heureusement, il sait se rattraper comme il se doit. Attends ! crié-je alors qu’il

m’entraîne à sa suite. Je récupère ma main et attrape mes stillettos noirs à paillettes au pied du lit. Ils sont immenses et me font gagner plusieurs centimètres, si bien que je me retrouve presque à la même taille que Jason. Tu vas nous mettre en retard, Myli chérie, la limousine ne va pas nous attendre indéfiniment, se moque-t-il en me prêtant son bras. Je lui donne une tape sur l’épaule en lui offrant mon regard le plus sombre, puis il dépose un baiser furtif sur mes lèvres. Dans la voiture, je ne prononce pas un mot, angoissée à l’idée d’être assaillie par tous les flashs des photographes lorsque nous descendrons. Nous faisons un détour pour récupérer Brice avec sa copine puis Rick et sa femme. Le chauffeur s’arrête après plusieurs minutes devant un immense tapis rouge

et nous attendons le feu vert pour descendre. Des stars se pressent déjà sous le feu des projecteurs. Je ne vais pas y arriver. Ce n’est pas moi… Je vais me ridiculiser, tomber ou je ne sais quoi, qui me fera mourir de honte. Aujourd’hui, nous allons dévoiler notre amour à la face du monde. Je ne devrais pas être terrifiée car les personnes auxquelles je tiens le plus sont au courant et approuvent, c’est ce qui compte. Alors pourquoi suis-je dans un tel état ? Myli, tout va bien se passer, me promet Jason en serrant ma main plus fort dans la sienne me sortant de ma torpeur. Je suis là, OK ? m’assure-t-il en m’obligeant à le regarder. Je hoche la tête bien que je ne sois pas

tellement convaincue. Je ne peux plus reculer de toute façon. Ashley et Jane me rassurent elles aussi en me disant que ce n’est pas aussi impressionnant que ça en à l’air… Un homme carré, tout de noir vêtu ouvre la portière. La foule apparaît, oppressante. Les fans en délire, les journalistes… C’est de la folie. Je voudrais disparaître. C’est Rick et sa femme, plus sublime que jamais, qui descendent les premiers, suivis de Brice et de sa petite amie actrice. Je l’envie, elle a l’habitude de ce genre de situation, elle ne vit que pour cette reconnaissance alors que moi, je n’ai rien demandé à personne… Allez, Mylena, ne fais pas ta mauviette ! Ce n’est pas si terrible ! Il faut qu’on y aille, chérie, m’intime gentiment mon petit ami parfait.

Je sais… Je suis tétanisée… Jeez ! Comment vaisje faire ? Je suis sûre que je vais m’étaler sur le sol avec des chaussures pareilles ! Qu’est-ce qui m’a pris ? Mylena, tout va bien se passer, tu ne vas pas tomber, rien ne va t’arriver, je suis là, chaton. Je prends une grande inspiration et opine du chef. Jason sort de la voiture et me tend la main. J’ai soudain envie de le pousser, de fermer la porte et de donner un gros tas de fric au chauffeur pour qu’il mette les voiles le plus loin possible. Mais non, je me dois d’être courageuse. Pour Jason. Courage Myli ! Je mets un pied dehors, puis le deuxième. Je perçois à peine la voiture qui s’éloigne, nous sommes assaillis de flashs en tous sens. Je cligne des yeux, aveuglée, puis tente de me conduire normalement. Je marche aux côtés de mon petit ami chanteur de rock. Arrivés à mi-parcours, le présentateur nous accueille et les garçons se dirigent vers

leurs fans, histoire de signer quelques autographes. Jason ne me lâche cependant pas des yeux. Je reste avec les compagnes des deux autres membres. Je me sens moins seule et leur discussion parvient à me distraire un peu de cet instant fort en émotion. Heureusement, à l’intérieur du bâtiment, je me sens plus à l’aise, nous sommes conviés à un buffet où se trouvent tout un tas de stars, de managers, journalistes, présentateurs et j’en passe. Tout le gratin de Los Angeles est présent ce soir. Nous buvons une coupe ou deux de champagne tout en discutant. L’alcool me détend légèrement. Puis nous sommes priés de rejoindre notre place dans la salle. Le show ne va pas tarder à commencer. Il est évidemment retranscrit en direct sur une grande chaîne de télévision. La tenue que les garçons porteront pour leur

prestation est prête et tout se déroule pour le mieux jusqu'à maintenant. C’est le groupe qui a gagné le prix de la meilleure chanson de l’année dernière qui ouvre le bal. Ils sont vraiment bons et la salle est très enjouée. Ils mettent une super ambiance et donnent le ton. Les groupes, chanteurs et prix s’enchaînent. C’est une soirée géniale, mais ce que j’attends avec impatience, ce sont les Love Hackers. Le présentateur qui n’est autre qu’un célèbre humoriste américain appelle Ashley pour remettre le prochain Award. Il se trouve que la copine de Brice a été sollicitée pour remettre un prix. La

chanceuse, a l’honneur de représenter la catégorie de son petit ami. Elle a tellement d’assurance et elle est sublime dans sa longue robe verte à paillettes qui met parfaitement sa taille de guêpe en valeur. Elle présente les groupes en lice, un à un, que l’on voit défiler sur l’écran. La foule crie plus fort quand la musique des Love Hackers retentit. Je suis emplie de fierté. L’ Award du meilleur groupe de l’année est remis… commence Ashley et décachetant l’enveloppe lentement, faisant monter la pression. Jeez ! Si elle ne se dépêche pas, je jure que je monte le faire moi-même ! L’humoriste fait des blagues sur sa façon d’ouvrir un courrier et fait rire tout le monde… sauf moi ! C’est insoutenable. Je veux savoir ! Elle sort le papier et ses yeux pétillent quand elle lit ce qu’il y est

inscrit. Est-ce que c’est bon signe ? Oh My God ! Mon cœur bat si fort ! Je serre tellement la main de Jason que je suis à peu près sûre qu’elle est bleue ! Aux Love Hackers ! crie-t-elle en sautillant sur ses Louboutins. Quant à moi, je pleure et ris à la fois ! Jason m’attrape par le visage et m’embrasse à pleine bouche. Je sais que cet instant est retranscrit en direct devant toute l’Amérique, mais je m’en moque éperdument. Les garçons se lèvent et serrent la main de Dom et de quelques collaborateurs avant de rejoindre la scène. Brice lui, court carrément vers sa petite amie pour la prendre dans ses bras et la faire virevolter dans les airs. Rick s’empare du prix et le brandit fièrement dans les airs. Le présentateur donne le micro à Jason pour qu’il prenne la parole comme il est d’usage. Il le saisit et attend que le calme se fasse à peu près. Ses yeux ne lâchent pas les miens. L’émotion qui m’étreint est d’une force volcanique. Quand il me regarde

ainsi, plus rien n’existe au monde. Rick et Brice lui tapent dans le dos et la connexion se rompt. Il leur claque la main et prend la parole. Wow ! C’est… Merci à vous tous, d’avoir voté pour nous. C’est de la folie ! Cette aventure est de loin l’une des plus incroyables de notre vie et pour ça je remercie Loading Records et Dominic de nous avoir accordé sa confiance. Mais plus que tout, je remercie Mylena. Elle nous a soutenus, s’est occupée de nous durant tout ces mois, se battant comme une lionne. Elle est remarquable. J’ai beaucoup de chance de l’avoir dans ma vie ! Alors merci, Mylena, tout ce succès, c’est aussi grâce à toi ! déclare-t-il en tendant la main pour me désigner. Vive Mylena ! lancent Rick et Brice

en brandissant leur trophée tandis que je reste abasourdie. Oh My Fucking God ! Tous les yeux sont braqués sur moi… Je ne m’attendais pas à ce que les feux des projecteurs soient braqués sur moi. Je dois dire que… God ! C’est dingue ! Je suis émue et gênée à la fois par tant d’attention. L’annonce que fait soudain Rick me sort de ma transe. Vous savez quoi, les gars ? Je vais avoir un bébé ! hurle-t-il en écartant les bras, fier comme un pape. Je vais être papa ! rajoute-t-il en rigolant. Je jette un coup d’œil à Jane qui se cache dans ses mains en souriant pendant que Brice et Jason félicitent le futur père. Je m’approche d’elle pour la prendre dans mes bras et la féliciter.

Elle m’avoue discrètement que c’est pour juillet. Cette soirée ne pouvait pas être plus parfaite. Ashley nous rejoints pour se réjouir de la nouvelle avec nous tandis que les garçons disparaissent dans les coulisses pour se changer afin d’être prêts pour leur prestation. Plusieurs minutes plus tard et quelques autres prix distribués, les Love Hackers entrent en scène. La musique douce et romantique retentit et les larmes me menacent une fois de plus. Cette chanson est une des plus belles que Jason n’ait jamais écrite. Le public est sous le charme, seule la voix de Jason résonne dans cette salle ou l’acoustique est parfaite. Find me here, and speak to me (Trouve moi ici, et parle-moi) I want to feel you, I need to hear you (Je veux te sentir, j'ai besoin de t'entendre) You are the light, That's leading me (Tu es la lumière, qui me guide) To the place, Where I find peace

(A l'endroit, où je trouve la paix) (…) Cause you're all I want, (Parce que tu es tout ce que je veux) You're all I need (Tu es tout ce dont j'ai besoin) You're everything, everything (Tu es tout, tout) Lifehouse, Everything, No Name Face, 2000. La mise en scène est parfaite et la danseuse qui les accompagne est sublime et très talentueuse. Le rendu est exceptionnel. Il n’existe pas plus belle chanson au monde que celle là. Je sens Jane qui saisit ma main, elle aussi émue par leur prestation. Quand les dernières notes s’évaporent, l’éclairage change et je vois Jason poser sa guitare. Je ne sais pas pourquoi, mais une drôle de sensation m’étreint. Il dit un mot à Brice et attrape son micro pour se diriger vers le public. Oh my God ! Je n’aime pas ça. Pas du tout. Il s’avance vers moi en me dévisageant ? Les caméras sont braquées sur lui et sur moi par le fait. Les écrans

géants sur la scène n’en perdent pas une miette. Je suis à la limite de l’apoplexie. Il se tient devant moi dans toute sa splendeur. Je suis terrifiée. Il se baisse pour me faire face, donne le micro à Jane qui le tient de manière à ce que tout le monde entende. Shit ! J’ai l’impression d’être prise au piège, la seule qui ne soit pas au courant d’un grand secret, d’être la victime d’un complot. Je prends une grande inspiration et ferme les yeux. Je ne suis pas sûre de pouvoir supporter cette tension… Je ne suis pas prête. Quand j’ouvre les yeux, il tient une petite boîte en velours noir dans sa main. Le silence

qui règne dans cette salle bondée est assourdissant. Tout d’abord, il faut que tu saches que cette chanson, que l’on vient d’interpréter, chaque mot, n’est inspiré que par toi et pour toi. Je l’ai écrite en pensant à ce moment des milliers de fois, commence-t-il la voix tremblotante tandis que les larmes roulent déjà sur mes joues. Myli, tu es la plus belle chose qui me soit arrivée dans la vie. Je n’oublierais jamais ces instants passés ensemble où tu m’écoutais religieusement comme si j’étais une sorte de Dieu vivant… Je n’en suis pas un, je ne suis pas parfait et je ne le serais jamais, mais je t’aime. Je suis éperdument amoureux de toi. La première fois que je t’ai vue, j’ai tout de suite su que tu étais spéciale. Tu es celle que mon cœur attendait. Je te veux auprès de moi tous les jours de ma vie. Alors, Mylena Helis, veux-tu

bien devenir ma femme et retirer tous ces posters de ta chambre pour m’y mettre moi à la place ? propose-t-il d’un sourire sincère et ému. OH MY GOD !!!!! Le flot de larmes ne semble plus s’arrêter, je… Je n’en reviens tout simplement pas ! C’est un truc de fou. Est-ce qu’il vient de dire à toute l’Amérique que j’avais des posters de lui dans ma chambre comme une groupie hytérique ? Il me le paiera ! Mon cœur bat à tout rompre et le public est suspendu à mes lèvres. Ils attendent une réponse… Jeez ! Si l’on m’avait dit ça quelques mois auparavant, je n’y aurais jamais cru et j’aurais appelé la

clinique psychiatrique la plus proche ! Oui, bien sûr que oui ! Je t’aime tellement, répondé-je en lui sautant

au cou. Je ne me serais jamais attendue à cela. Il a bien préparé son coup. Je suis officiellement la fille la plus chanceuse de la planète, et la plus heureuse aussi.

À Los Angeles, cité des anges, Mylena vient de décrocher un stage à la Loading Records, une célèbre maison de disques. La musique est un élément central dans sa vie depuis sa plus tendre enfance. Elle s’apprête à vivre des épisodes chargés d’émotions en fréquentant le groupe de rock qu’elle adore depuis son plus jeune âge : les Love Hackers. Jason, leader et chanteur, fait chavirer son cœur. Sa voix unique est un enchantement, sa façon de jouer de la guitare, divine. Elle apprend à connaître ce garçon sensible et énigmatique qui la fascine depuis toujours. Cependant, Dominic l’employeur de

Mylena, manager des Love Hackers a une règle d’or : « Pas d’affect au boulot ». Le contrat qui lie le groupe à la maison de disques ne fait pas exception à cette mesure. Le fantasme de Mylena devra donc rester secret, l’obligeant ainsi à refouler cette attirance interdite. L’amour et le destin seront-ils plus forts que tout ? Playlist Love Hackers The fray : Hold my Hand. The Weeknd : Can’t feel my face. Major Lazer feat Ellie Goulding : Powerful. Rudimental feat Ed Sheeran : Lay it all on me. Lifehouse : Take me away. Maroon 5 : Sugar. Lifehouse : Exhale. Major Lazer : Lean On. Lifehouse : Flight. Nirvana : Lithium. Ed Sheeran : I’m a mess. Lifehouse : Runaways.

Lifehouse : First Time. Lifehouse : Everything.

Tout d’abord, je commencerais par expliquer le mot « muse » dans un sens général. Une définition telle qu’on la trouverait dans un dictionnaire. Ensuite, j’exposerais mon point de vue sur la question. Qu’est-ce qu’une muse ? Ce terme est couramment utilisé pour définir une source d’inspiration pour les poètes et plus largement les artistes. Dans la mythologie, les muses sont les filles de Zeus et Mnémosyne. Elles servent

d’intermédiaires entre les artistes et les Dieux. Mon point de vue : Selon moi et ma façon de ressentir les choses, une muse est, bien entendu, et comme expliqué ci-dessus, une personne qui suscite l’inspiration chez un artiste : un écrivain, un chanteur, un compositeur, un peintre, un poète… etc. Les questions qui se posent sont alors : Où la trouver ? Pourquoi elle plutôt qu’une autre ? Comment fait-elle pour insuffler l’inspiration ? Quelle relation doit-il en découler ? Chaque artiste a sa propre façon de voir les choses. Cette théorie m’est propre. Une muse ne se choisit pas, elle s’impose à vous. Pour ma part c’est ainsi que ce principe fonctionne. J’aime à croire que le destin fait son œuvre et les met sur votre chemin au bon moment. Je dois dire que c’est un phénomène qui me dépasse. C’est mystique. Certaines

personnes nous touchent plus que d’autres et c’est ainsi pour tout un chacun dans la vie de tous les jours, quand on trouve en quelqu’un un ami, un amour, un amant, un confident... Le rapport entre la muse et l’artiste est spirituel. C’est une question de sensibilité, de perception de l’aura qui se dégage d’elle et qui nous touche plus ou moins. J’estime que celui ou celle qui devient pour l’artiste une vraie muse, a un pouvoir très fort sur ce dernier, pouvant lui donner beaucoup de joie, de tristesse, de colère, de souffrance… Tout cela reste néanmoins très subjectif et n’appartient qu’à moi. Si je parle de mon vécu, je peux affirmer que les personnes qui m’inspirent me font donc ressentir des sentiments très intenses. Être artiste, écrivain en l’occurrence, c’est pouvoir se mettre

dans la peau de quelqu’un d’autre pleinement avec tous les bons et les mauvais côtés. C’est là que la muse intervient. Elle doit dégager un certain charisme, une force de caractère. Elle a souvent une vie riche et/ou tumultueuse, loin du commun des mortels, loin du train-train quotidien et de la routine « parfaite » et rassurante. Ce sont des êtres qui fluctuent sur l’ascenseur émotionnel, des gens qui ont été blessés et qui n’en sont pas sortis indemnes, touchés par des expériences qui ont changé leur vision de la vie « traditionnelle » et ancrés dans les mœurs. Des épreuves qui ont fait d’eux des personnes à part entière. Si on est assez ouvert, quand on est sensible aux ressentis des êtres humains, on perçoit presque naturellement ces failles. Il

suffit juste comme je le disais, d’ouvrir son esprit et son cœur avec une grande tolérance en mettant ses propres valeurs et principes de côté. Les gens qui ont des idées bien arrêtées sur la vie, qui vivent dans leur petit confort routinier et confortable, qui ne prennent pas de risques, ne sont pas forcément capables de déceler la rareté et la beauté intérieure de ces êtres qui parfois s’ignorent eux-mêmes. L’échange entre un artiste et sa muse reste quelque chose d’unique et d’ardent. Ce n’est pas anodin et cela peut-être effrayant, aussi bien pour la muse que pour l’artiste qui peut se laisser ensevelir par la forte perception des états d’âme de son inspirant. Ce sont des sentiments qui

s’apparentent dangereusement à l’attirance et pourquoi pas au désir. La beauté qui se dégage de quelqu’un, qu’elle soit intérieure et/ou extérieure provoque forcément de l’attirance. Une fois de plus, on ne choisit pas sa muse, elle s’impose à nous (je le répète car ça me semble important de le souligner) avec une force qui nous dépasse. C’est là que le bât blesse car cette personne peut ne pas comprendre l’intérêt soudain et intrusif qu’on lui porte. Elle peut se sentir oppressée par cette fascination qui pourrait, à certains égards, paraître malsaine. C’est parfaitement compréhensible. L’artiste voudra forcément vouloir en savoir plus sur sa muse, qui l’intrigue malgré lui.

L’artiste n’a pas forcément envie d’avoir telle ou telle personne pour inspirant parce qu’il a peur de trouver ce qui se cache sous la surface, parce qu’il sait qu’il sera profondément touché par son vécu, par son ressenti et par ce qu’elle a enduré. Mais c’est plus fort que lui, il ne peut s’empêcher de creuser, cherchant toujours plus d’inspiration. Cette drogue lui est vitale pour accomplir son art. Même si cela signifie qu’il va souffrir, même s’il sait que cela réveillera ses propres démons alors qu’il n’est pas prêt à les affronter. Cela représente un dépassement de soi, une remise en question fastidieuse, dangereuse et douloureuse mais dont on sort grandi. Parfois, de cette fascination peut naître une belle histoire d’amitié, de confiance et de dévotion. C’est une consécration pour l’artiste qui rendra toujours au centuple ce qu’on lui offre. Il n’est pas donné à tout le monde de pouvoir exprimer son art, y parvenir aide à guérir, à s’accomplir.

La muse n’a pas besoin de faire quoi que ce soit pour inspirer son artiste. Au contraire, il est essentiel qu’elle reste elle-même. Elle n’a rien fait pour attirer son attention en premier lieu. C’est son charisme, sa façon d’être, l’énergie qu’elle dégage qui a séduit. L’échange, s’il y a, n’est qu’un bonus. On pourrait très bien, imaginer que l’artiste ne dévoile jamais à sa muse l’inspiration qu’il lui insuffle. C’est d’ailleurs une solution de facilité lorsqu’il n’a pas envie de souffrir, ou de s’impliquer trop, lorsque l’artiste est trop sensible et qu’il décide de se préserver. Certaines muses ne sont que de passage. Certaines autres sont là pour longtemps. Une muse fait toujours souffrir son artiste, toujours à ses dépens, ou au contraire peut lui procurer beaucoup de joie et de bonheur. La vie est ainsi faite. Si vous êtes à l’aise avec le fait de devenir la muse d’un artiste, un lourd poids repose sur vos épaules car vous

avez l’ascendant sur lui. Chaque parole a une incidence directe sur son humeur. Ce n’est pas à prendre à la légère et en même temps c’est quelque chose que vous ne pouvez pas maîtriser. L’artiste a sa propre vie, ses propres humeurs, ses propres problèmes. Vous avez néanmoins le pouvoir de l’enfoncer ou au contraire de le tirer vers le haut, pourquoi pas de lui remonter le moral. Cependant rien ne vous oblige à le faire. Et bien... Si vous ne vous sentez pas d’assumer ce rôle trop lourd, il ne vous reste plus qu’à reprendre votre vie et à faire comme si de rien n’était. Après tout, c’est une notion floue et si elle vous dépasse inutile de vous prendre la tête, et de peser vos mots de peur de froisser l’artiste versatile. Être vous même est bien suffisant. L’essentiel étant de rester le

plus naturel possible dans l’authenticité. La muse n’a souvent pas conscience de ce qu’elle apporte à l’artiste. En réalité, cela représente un cadeau inestimable. Ce concept peut paraître difficile à comprendre car il est propre au ressenti de ce dernier, l’énergie qu’il puise dans sa muse va pour lui : embellir son art, le rendre meilleur, l’affirmer mais aussi lui donner une dimension plus profonde à laquelle il n’aurait pas forcément pensé en temps normal. L’accomplissement de l’art est quelque chose de très fluctuant et prend une multitude de paramètres en compte de façon très variable. C’est complexe et quasiment inexplicable. Ne vous sentez pas apeuré, violé dans votre intimité de devenir la muse d’un artiste. C’est un honneur. Quelqu’un a perçu que vous étiez spécial que vous aviez beaucoup à offrir sans vous en

rendre compte. Cet échange qui ne vous demande finalement pas grand chose peut être intéressant et enrichissant. Ne voyez pas cela comme une atteinte à votre vie privée, ne le voyez pas comme un voyeurisme dérangeant. Ouvrez votre esprit à un monde nouveau, vous ne pourrez qu’en retirer de la satisfaction, pourquoi pas même, en apprendre un peu plus sur vous. Ne restez pas campé sur vos positions. La vie n’est qu’une éternelle remise en question, la vie est un échange constant entre êtres humains, ayant pour but d’enrichir leurs connaissances. On peut accomplir de grandes choses sans s’en apercevoir, on peut aider les autres sans le savoir. Il me paraît important, voire vital d’observer le monde qui nous entoure. La soif de connaissance, la curiosité sont des qualités

qui n’ont pas de prix lorsqu’elles sont utilisées à bon escient. La vie est une découverte de tous les instants, il faut juste savoir casser certaines barrières pour voir au delà du mur, le vaste champ qui s’offre à vous. Ce n’est pas chose aisée, mais ça en vaut toujours le détour. Même si la peine est parfois au rendez-vous, on peut toujours trouver en soi la force de se relever et de ressortir grandi de cette expérience aussi insignifiante soit-elle. Mes muses à moi. Mes muses me rendent heureuse, euphorique, me font souffrir, m’agacent, me rendent dingue, me torturent, me poussent dans mes retranchements, me frustrent. Certaines me font perdre la tête, me faisant faire et dire n’importe quoi, d’autres me guident dans le droit chemin ou me font me remettre en

question, pas forcément pour les bonnes raisons… J’ai besoin de ressentir ces émotions, même si elles me submergent toutes dans une seule journée et me font devenir folle. C’est ce qui me permet d’écrire avec plus de liberté, de fluidité et d’empathie, de m’ouvrir à de nouvelles perspectives. Tout est une question d’énergie et de ressentis. Un besoin vital et viscéral, une drogue dont je peux et ne veux pas me passer parce qu’elle est excitante. Écrire sous une inspiration frénétique est quelque chose d’orgasmique. C’est ce qui fait de moi ce que je suis. J’ajouterais pour ma part que la musique est une dominante très forte de ma recherche d’inspiration parce qu’elle me transporte dans un autre monde, une bulle de créativité où tout devient possible, elle m’apaise et m’apporte les émotions que je recherche. Écrire sans musique est pour moi inconcevable. Les muses sont partout, elles ne sont pas forcément des personnes réelles, elles

peuvent être fictives, inventées de toutes pièces par d’autres artistes, je pense aux acteurs qui endossent des rôles dans le but de nous divertir, ou encore à des personnages de livres, certains autres trouveront ce qu’il cherche dans une croyance religieuse. Les possibilités sont infinies… (Je parlerais de quelques unes d’entre elles au féminin car c’est de « la muse » dont il s’agit, je souhaite ainsi garder un minimum de transparence et d’anonymat, je ne veux pas marquer le genre de la personne) Muse J.W : C’est la muse bourrée d’un talent comme on en fait plus. L’intouchable. Un artiste pur et dur : mystérieux et énigmatique, il dégage une émotion bouleversante dans l’exercice de son art, comme habité de toutes parts. C’est pour moi quelque chose d’intense

de l’observer, parfois les larmes me viennent tant ce qu’il véhicule est fort. Je pourrais passer des heures à le regarder et à l’écouter sans jamais me lasser. Il transpire d’une beauté pure et supérieure. C’est un être rare et enchanteur. Une sorte de Dieu vivant que je mets sur un piédestal. Muse J.C : C’est une muse vive. Elle excelle dans son art avec une facilité déconcertante et sans s’en apercevoir. Elle est celle qui me remet dans le droit chemin quand rien ne va plus en faisant preuve d’une grande tolérance et d’une ouverture d’esprit. Nos échanges sont riches et exaltants, ils me redonnent souvent le sourire. Elle est la personne qui peut me dire les choses sans me

vexer. Aujourd’hui je n’envisage pas qu’elle ne fasse pas partie de ma vie, elle est devenue une constante. Je pourrais parler d’elle pendant des heures, notre passion nous rassemble et nous échangeons de long mails épistolaires et inspirants de façon régulière. C’est toujours une joie de correspondre avec elle. Muse N.D : Une muse qui me donne du fil à retordre parce qu’elle n’est pas « apprivoisable ». Je suis sûre qu’elle sourit de savoir qu’elle me hérisse le poil, et sans doute qu’elle s’en moque aussi. Elle met mes nerfs à rude épreuve, me faisant passer de l’euphorie à la

dépression en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Au contraire de la muse J.C, ce qu’elle me dit à une fâcheuse tendance à me vexer ou me frustrer. Alors, pourquoi continuer de la côtoyer, me direz-vous ? Je ne peux pas m’en empêcher, c’est plus fort que moi. Son pouvoir d’attraction est fort. C’est d’ailleurs assez dingue d’observer l’effet qu’elle a sur les autres. Elle n’a pas conscience de cet excès de charisme qui fait d’elle quelqu’un d’attrayant. Bien sûr elle sait qu’elle plaît, mais elle ne se rend pas compte à quel point cela peut être fort. Je suis prisonnière de cette énergie qui se dégage d’elle et qui m’attire irrémédiablement. Elle cache sous sa carapace invincible une âme blessée qui m’a particulièrement émue. Quelque chose que j’avais, je crois, perçu dès que je l’ai vu pour la première fois et qui fait que je me sens attachée à elle pour des raisons qui me dépassent. Le fait qu’elle ne comprenne pas ma démarche me rend la tâche encore plus

difficile et me fait parfois souffrir réellement. Je la déteste ! Elle est d’ailleurs une des raisons (une parmi d’autres) pour lesquelles j’ai rédigé cette théorie ! Alors si tu tombes là dessus N.D, sens-toi honorée de réveiller le génie qui sommeille en moi ! Par contre si tu pouvais avoir un peu plus de considération pour ma si sensible personne, ça serait gentil… ^^ Mais reste toi-même surtout ! Muse A.D : Quand j’ai rencontré cette muse j’ai tout de suite su qu’elle compterait dans ma vie. Elle est touchante, drôle et épicurienne, sa jeunesse est rafraîchissante et au-delà de cette image se cache une âme blessée par la vie de bien des manières. Son parcours et le mien se ressemblent et c’est aussi la raison pour laquelle elle m’attire. Je me sens toujours rassurée quand elle est dans le coin et la voir est toujours

synonyme de joie. Je ressens une sorte de connexion entre nous, quelque chose qui ne s’explique pas. Je suis une éponge à émotions avec elle. Si elle va mal, je vais mal, si elle est heureuse, je suis heureuse. Elle a une place de choix dans mon cœur et fait partie de la famille comme j’aime dire. C’est mon chouchou à moi. Si seulement toutes les relations muse/artiste pouvaient être comme celles-là, mon monde s’en porterait mieux ! Muse A.M : Encore un artiste au talent fou. Sa passion est pile ce que j’adore. C’est un plaisir de voir cette muse exercer son art avec une telle passion. Pouvoir parler avec elle est presque magique. C’est comme discuter avec une grande star, même si elle n’en est pas vraiment une… pas encore. Mes discussions avec elle ne sont que plaisanteries et jeux. Elle me fait rire et me fait voyager vers une

autre vie. C’est une muse dangereuse. Oui, elle porte le mot danger sur son front en lettres rouge capitales. Elle réveille le démon qui sommeille en moi, elle fait ressortir cette Marine qui est mauvaise et qui dit de vilaines choses. Elle est un peu ma mauvaise conscience, le petit diable sur mon épaule et j’adore ça. (L’ange serait sans conteste incarné par la muse J.C). Comme avec la muse N.D, j’ai cette fascination pour elle dont j’ai du mal à me défaire. Son aura est encore plus puissance que celle de N.D d’une façon complètement différente, elle est presque terrifiante. Le mystère qu’elle entretient autour de sa personne me donne encore plus envie d’explorer ce

qui se cache sous son armure. Muse M.A : Quand je pense à cette muse, les mots qui me viennent sont : bonté, gentillesse, douceur, apaisement, émotion. C’est aussi un artiste, un artiste qui partage ma passion pour Lifehouse. J’adore l’écouter me chanter, rien que pour moi, mes morceaux préférés. Son exotisme est attrayant et excitant. Communiquer avec elle est toujours un moment agréable. Un peu comme recharger ses batteries à plat. Il m’a beaucoup inspiré pour mon dernier roman Love Hackers, tombant dans ma vie à point nommé pour dynamiser mon inspiration (Tout comme A.M d’ailleurs). Bien sûr, toutes les muses ne sont pas répertoriées ici, ce serait un travail bien

plus long et bien plus fastidieux que cette version condensée. Je sais que d’autres croiseront ma route tôt ou tard, je leur fait d’ailleurs un petit clin d’œil. Les muses étant des sources d’inspiration inépuisables, je pourrais écrire un roman sur chacune d’elle ! Ce qui est drôle, c’est de constater, qu’elles ont des rôles opposés, un peu comme pour essayer d’équilibrer la balance, ce rapport du bien contre le mal qui se retrouve et qui est parfaitement à l’image de la bataille incessante qui a lieu dans ma tête. Remerciements. Ma première pensée va toujours à mon ex-mari et à ma fille qui sont tout pour moi. Une chanson de Lifehouse me revient en tête : Everything : You’re Everything… Une phrase gravée sur peau et qui exprime très bien ce qu’ils

représentent malgré les circonstances récentes qui ont bouleversées notre vie. Ils sont d’une grande patience avec moi et mes sautes d’humeurs. Je peux vous dire que ce n’est pas rien ! À leur place, j’aurais sans doute tout envoyer balader ! Écrire est une passion dévorante qui ne vous quitte jamais. Elle est toujours là, dans un coin de votre tête à bouillonner, attendant la délivrance de pouvoir coucher mes idées sur le papier. Ils sont les premières victimes de cette addiction qui est présente comme un quatrième membre de la famille. Je les remercie de me soutenir dans les bons comme dans les mauvais moments. Je vous aime. Merci Julien, d’avoir écrit cette chanson que je t’ai « commandée ». Tu as parfaitement su retranscrire ce que je voulais. Ne doute pas de ton talent.

Je me dois aussi de remercier Yvette. Ma correctrice, mon amie, ma confidente à qui je fais la vie dure. Sa patience est immense et admirable. Elle est toujours là pour me remonter le moral quand les doutes m’assaillent (ce qui arrive souvent). Elle fait de moi quelqu’un de meilleur, elle m’aide à me dépasser, à repousser mes limites. C’est un mentor. La rencontrer au salon du livre, il y a quelques mois, a été pour moi un grand moment, rempli d’émotion. Yvette est une femme pleine de vie, charismatique. Elle est presque intimidante mais sa bonté d’âme et son grand cœur sont des cadeaux inestimables. Elle tient une place de choix dans mon cœur et dans ma vie.

Des comme elle, on n’en fait plus ! Parfois elle me donne envie de me tirer les cheveux, de hurler, de tuer le premier qui se trouvera sur ma route, mais toujours pour mon bien et c’est aussi pour ça que je l’aime. Elle qui mène un combat contre mes répétitions à outrance et surtout qui est partie en guerre contre les « ça » ! Quel courage ! C’est la meilleure, je ne voudrais personne d’autre qu’elle pour s’occuper de mes bébés si précieux. J’ai une pensée pour mes amis David et Johan. Deux rencontres qui furent émouvantes et magnifiques. Des personnes merveilleuses que je suis ravie de pouvoir compter parmi mes amis. Mes amis écrivains ! Merci à David pour sa petite contribution, je l’adore ! Je ne peux pas rédiger ces remerciements sans parler de ma petite Julie. Mon roc. Cette fille est bourrée de talent et vous pourrez le constater vous

même quand elle sortira son premier livre, très bientôt je l’espère ! Un bijou que j’ai eu la chance de lire et qui m’a transportée comme rarement un livre le fait. C’est une future grande de ce monde. Ma relation avec Julie est indispensable à ma vie. Une amie rare qui m’écoute sans jamais me juger même si ce que je lui raconte est parfois condamnable à bien des niveaux. Elle m’aide à garder les pieds sur terre quand je pars en vrille, quand c’est le bordel dans ma tête, que je m’autoflagelle. Je peux tout lui dire sans avoir à peser mes mots, des pensées brutes qui sortent de ma tête tordue. J’adore nos échanges de mails épistolaires qui m’inspirent tant et plus. J’aime à penser que nous nous soutenons l’une l’autre, que nous nous encourageons dans notre passion d’écrivain. Un jour ma Julie, tu le sais, nous ferons de grandes choses ensemble, nous allons conquérir le monde, à notre échelle bien entendu. Je t’adore et je serai toujours là pour toi.

Un grand merci à Thibault Benett, un designer de talent qui a réalisé la couverture de ce livre de A à Z avec goût et envie. Il a su parfaitement retranscrire ce que j’avais en tête. Je suis fière du travail qu’il a accompli. Il a supporté mes exigences et mes états d’âmes avec gentillesse et compréhension. Il m’a retiré une sacrée épine du pied quand toutes mes idées tombait à l’eau les unes après les autres me faisant parfois perdre tout espoirs. Ce qui explique pourquoi ce livre a mit tant de temps à voir le jour. Je renouvellerais l’expérience les yeux fermés. Je finirais ces remerciement en parlant de mes muses. Je ne les citerais pas car certaines d’entre elles ne savent pas qu’elles en font partie. J’ai rédigé un long texte qui parle de ma « théorie », de ce que représentent les muses pour moi

pas plus tard qu’hier, en pleine nuit et que vous retrouvez ci-dessus. Même si c’est une vision personnelle et intime, j’ai décidé de la partager avec vous. J’avais juste besoin de mettre mes idées au clair avec ce phénomène qui régit mes écrits, mes humeurs, mes histoires. Des personnes qui croisent ma route tout à fait par hasard et qui m’insufflent de la bonne énergie d’une façon qui me dépasse. Pour ce livre, il y a principalement deux personnes qui m’ont inspirée et qui sont sorties de nulle part, un jour pas fait comme un autre. Le destin ? J’aime croire que oui. Je les remercie, ce sont des personnes bourrées de talent et qui m’ont fait rêver, elles sont dotées d’une sensibilité et d’un charisme fascinant. Leur côté artiste m’a touchée particulièrement, moi qui suis si sensible à la musique. Quand j’ai commencé à écrire Love Hackers, je ne me doutais pas que ces rencontres allaient servir mon texte, allaient m’enrichir tout court. Il faut d’ailleurs

savoir qu’un personnage de l’histoire est directement inspiré de l’une d’elle. Elles n’ont aucune idée d’à quel point elles m’ont aidée. Certaine fois, il vaut mieux garder ces choses pour soi, comme un jardin secret que j’ai bonheur à cultiver. Ce sont des échanges enrichissants et qui poussent à s’ouvrir au monde, à repousser ses propres limites. C’est un phénomène qui ne s’explique pas. Et bien sûr il y a le groupe Lifehouse sans qui ce livre ne serait pas. Avoir assister à leurs deux concerts en Septembre dernier, m’a fourni assez d’énergie pour rédiger la totalité de ce roman. Je suis amoureuse de ce groupe depuis des années et j’ai un peu retranscrit les pensées de la groupie adolescente qui sommeille en moi dans le personnage qu’est Mylena. Comme je vous l’ai dit la musique est importante, voire vitale à mes yeux. Enfin, je vous remercie, vous : cher lecteurs. Vous qui croyez en moi et qui me comblez de bonheur. Quand je lis un

commentaire positif, ce que je ressens est indescriptible. J’ai parfois du mal à croire que c’est de moi dont il s’agit. Merci de me faire confiance, merci pour votre amour, merci de me donner le courage et l’envie de continuer de m’accomplir en tant qu’écrivain. Du même auteur : La Nouvelle Sarah – Tome 1 – Nouveau départ. Disponible sur Amazon. La Nouvelle Sarah – Tome 2 – Flashback. Disponible sur Amazon. Rédemption. Disponible sur Amazon. Dans mon genre. (Nouvelle parue chez Mix Édition au format numérique.) Disponible sur la boutique Mix Edition : http://boutique.mix-editions.fr/ Disponible sur Amazon.

Numéro ISBN : 979-1094732-07-6 Marine Sautivet, © Tous droits réservés. Couverture : Thibault Benett Toute reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur. « Dépôt légal : Juillet 2016 »

Document Outline Cher lecteurs, Le grand jour. Le contrat. La rencontre. Le Rendez-vous. Les retrouvailles. Instants inoubliables. Confusion. Submergée. Sur un petit nuage. Solitude. Explications. Effrayée. Frustration. Perdue. La chanson. Seattle. De villes en villes. Presse à scandale. En tout bien tout honneur. Le retour. Le diner. Promotion. Répétitions. Déchirement. Discussion. Devant le fait accompli. Mise au point. Récompense. Remerciements. Du même auteur :

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